dimanche 24 janvier 2021

Saint Louis et Aigues Mortes

 


Aigues Mortes et Saint Louis

Une légende tenace veut qu’autrefois la mer vienne lécher les remparts d’Aigues-Mortes.

Porte de la Reine ou de Peccais-

remparts d’Aigues-Mortes-gravure 19ème–anonyme BNF)

Et pourtant comme son nom l’indique, Aigues-Mortes ou Eaux-Mortes se situe au fond d’une lagune, d’un étang. Au 13me siècle, le lido ou cordon littoral se trouve pratiquement au même endroit que maintenant. Peut-être un canal reliait le village à la mer et un port se trouvait sur la rive droite du Grau-du-Roi, approximativement dans ou vers le quartier du Boucanet.

Nous sommes injustes en ne voyant en Louis IX ou Saint-Louis qu’un monarque très religieux, même un tantinet fondamentaliste. Il faut reconnaitre que son entourage féminin ne l’a pas aidé à afficher une vision plus sereine de sa foi.                                           (Tour de Constance ou Tour du Roi)

Comme son père et son grand-père il avait compris que l’unité du pays, l’ouverture du royaume sur la Méditerranée étaient essentiels à la gestion du pays. La Provence et ses ports faisaient partie de l’Empire Romain Germanique. Le Languedoc, lieu de passage entre l’Espagne et l’Italie pour d’éventuelle soldatesque et pour les pèlerins, était devenu français depuis peu, après la croisade contre les Albigeois et le mariage de la dernière descendante des comtes de Toulouse avec Alphonse de Poitiers, frère du roi. L’Aragon lorgnait toujours sur cette province. L’Angleterre y viendra lors de la guerre de Cent Ans. Et des petits roitelets languedociens qui avaient donné du fil à retord aux troupes royales lors de la croisade Albigeoise, devaient être mis au pas. D’autant plus que la plupart détenait des salins, et Louis IX, «  roi du sel » avait aussi compris que le sel devenu royal permettrait d’engranger des impôts juteux.

Bref Louis IX à la suite de son père avait déjà un pied à Beaucaire où il installe un sénéchal, donc son administration ou super-préfet et en achetant Aigues-Mortes il ouvre le royaume sur la Méditerranée et sur son commerce, en particulier avec les commerçants italiens.

Aigues-Mortes devient donc le premier port français en Méditerranée. Narbonne n’est pas encore très sûre politiquement, trop attachée pendant longtemps aux comtes de Toulouse, Montpellier et son port de Maguelonne sont possessions aragonaises.

Le roi achète en 1240 un bout de terre aux moines de l’abbaye de Psalmodie. On sait que lors de la croisade de 1239, le roi de Navarre et le comte de Champagne embarquent à cet endroit. Mais à cette époque c’était les marines italiennes qui avaient la main mise sur le transport des troupes pour les croisade.


(St Louis départ dernière croisade-Enluminure des Grandes Chroniques de France 14ème siècle BNF Manuscrits Français 2813foio298verso 1370-73)

Dès 1244, les maçons d’Alès sont requis pour travailler « sous peine de leurs personnes et de leurs biens ». En 1248 le roi achète encore une partie des terres de Peccais à l’abbé de Psalmodie. Le pape Innocent IV autorise la transaction avec l’évêque d’Uzès (archives nationale J295n°12 Layette III p45 n°3706 et archives départementales du Gard H 109 n°12) Le roi accorde aux habitants du secteur, le droit de prélever librement dans les salines le sel nécessaire à leur consommation. (voir sur ce blog Le Fort de Peccaïs 13/7/2018)

Le 25 août 1248, première croisade du monarque, Louis IX s’embarque d’Aigues-Mortes pour la Palestine. Au bord de sa « grande nave », la Roccaforte, une nef de 38 mètres de long. L’accompagnent une trentaine d’autres navires et une centaine de bateaux plus petits. 25000 hommes, 8000 chevaux, une flotte impressionnante, parfois en bois des montagnes d’Alès.

Lors de la deuxième et dernière croisade de Louis IX en 1270, la ville n’a pas encore ses vingt tours et ses 1640 mètres de remparts. Les travaux vont débuter en 1272, avec Philippe le Hardi pour s’achever avec Philippe le Bel 30 ans plus tard.

Seuls la Tour de Constance ou Tour du Roi et le château disparu aujourd’hui sont construits en 1270. La tour devait être un phare-symbole de son règne, tour de défense affirmant la royauté. Ce sera le premier monument capétien du pays sur la Méditerranée.

L’activité maritime continuera après la mort d Louis IX. Les tours serviront régulièrement de prison dès Philippe le Bel pour incarcérer les Templiers. Mais c’est une longue histoire……..

Aigues-Mortes devient enfin port fluvial en 1806 grâce au canal du Rhône à Sète.





Fort de Peccaïs



Les salins d’Aigues-Mortes

Sources et pour en savoir plus : Jacques Le Goff  Saint Louis Folio, coll. « Folio Histoire », 1999, 1280 p. (ISBN 978-2070418305) --- Georges Duby, Histoire de la France des origines à nos jours, Paris, Larousse, coll. « In Extenso », 2003 (ISBN 2-03-575200-0).--- Jacques Le Goff, « Mon ami le saint roi : Joinville et Saint Louis (réponse) », Annales. Histoire, Sciences Sociales, no 2, 56e année,‎ mars-avril 2001, p. 469-477 (lire en ligne [archive]).---Hervé Pinoteau, Saint Louis : son entourage et la symbolique chrétienne, Éditions du Gui, 2005, 240 p. (ISBN 2-9517417-4-X).-- Michel-Édouard Bellet et Patrick Florençon, La cité d'Aigues-Mortes, Éditions du patrimoine, coll. « Itinéraires », 2001--Frédéric Simien, Aigues-Mortes, tome II,III éditions Alan Sutton, 2007 (ISBN 978-2-84910-561-0).--Michel-Édouard Bellet et Patrick Florençon, La cité d'Aigues-Mortes, Éditions du patrimoine, coll. « Itinéraires », 1999, 56 p. (ISBN 978-2-85822-232-2)-- André Chamson, La Tour de Constance, Plon, 1970—wikipedia.org— photos collection privée sauf indications contraire.

 

 

 

jeudi 14 janvier 2021

Les Années qui passent



(neige2021Vallabrixphotoperso)

 Les Années qui passent.....

A peine la journée commencée et.. il est déjà six heures du soir.

A peine arrivé le lundi et c’est déjà vendredi…

Et le mois est déjà fini…

Et l’année est presque écoulée

Et déjà 40, 50, ou 60 ans de nos vies sont passés,

Et on se rend compte qu’on a perdu nos parents, des amis,

Et on se rend compte qu’il est trop tard pour revenir en arrière….Alors…

Essayons malgré tout de profiter à fond du temps qui nous reste.

N’arrêtons pas de chercher à avoir des activités qui nous plaisent…

 Mettons de la couleur dans notre grisaille…

Sourions aux petites choses de la vie qui mettent du baume dans nos cœurs.

Et malgré tout, il nous faut continuer de

Profiter avec sérénité de ce temps qui nous reste.

Essayons d’éliminer les « après »…

Je le fais après…Je dirai après…J’y penserai après

On laisse tout pour plus tard comme si « après »

Etait à nous.

Car ce qu’on ne comprend pas, c’est que :

Après le café se refroidit…

Après les priorités changent…

Après le charme est rompu…

Après la santé passe…

Après, les enfants grandissent…

Après, les parents vieillissent…

Après les promesses sont oubliées..

Après le jour devient la nuit…

Après la vie se termine…

Et après c’est souvent trop tard…Alors…

Ne laissons rien pour plus tard !!

Car en attendant toujours à plus tard,

nous pouvons perdre les meilleurs moments,

les meilleures expériences, les meilleures amis,

la meilleure famille…le jour est aujourd’hui… 

l’instant est maintenant….Nous ne sommes plus à l’âge

 où nous pouvons nous permettre de reporter à demain 

Ce qui doit être fait tout de suite.

Alors voyons si vous aurez le temps de lire ce message

 et ensuite de le partager.

 

Ou, alors, vous le laisserez peut-être pour… »plus tard »…

Et vous ne le partagerez « jamais » !!

 

Jacques Prévert

(merci à Michel Desplans pour sa participation)

mercredi 6 janvier 2021

Les Compagnons passants tailleurs de pierre

 

Roue à multiple rais, chef-d’œuvre de compagnon charron

Photo R. Nourry

 

Compagnons Passants à Uzès– Compagnons du Devoir

L'homme pense parce qu'il a une main. Anaxagore (500-428 av. J.-C.)


Nous avons déjà côtoyé les Compagnons dans des articles précédents (Restauration de l’Hôpital d’Uzès blog du 14/11/2020 et La grève des ouvriers typographes lyonnais en 1539 blog du 21/5/2020).

(Vauvert emblème compas :compagnonnage ?)  Notre région nous montre une présence maçonnique et compagnonnique importante. A Vauvert, rue de la République un emblème apparait sur un immeuble en pierres de taille des années 1830-1850, sur le linteau d’une fausse baie centrale au premier étage et sur le linteau d’une autre baie aveugle du second étage. (Christian Schirvel découvreur) Les symboles et rituels de la franc-maçonnerie et du compagnonnage sont très différents, bien qu'ils aient quelques éléments communs. Les légendes maçonniques et compagnonniques font référence à trois fondateurs Salomon, Maître Jacques et le père Soubise, ajoutant à la confusion historique. Ici nous parlerons essentiellement du compagnonnage.

Le compagnonnage est avant tout un voyage à travers la France et même l’Europe. L’apprenti doit s’être frotté aux diverses techniques et avoir vu les chefs d’œuvre symboliques construits par les anciens. La vis de Saint Gilles dans le Gard, les escaliers des châteaux de Blois, de Chambord, Rome par exemple et bien d’autres.

Le terme de « compagnonnage » évoque un groupement de personnes dont le but est l’entraide, l’éducation, la transmission de connaissances entre ses membres. Le mot apparait dans notre langue vers 1719, suite des corporations et des confréries du Moyen-Age. Il désigne alors le temps d’un stage professionnel du compagnon chez un maître, d’atelier en atelier, de villes en villes, de région en région. Tous les métiers ne sont pas concernés par ce système d’apprentissage. Mais il a fait rêver plus d’un par son Tour de France et les rituels secrets qui l’accompagnaient. Société secrète, folklore ? Dans chaque ville étape, une maison des Compagnons avec un prévôt et une « mère », une hôtesse qui logeait, entourait, écoutait les aspirants, substitut familial. On est frère, on fait partie d’une communauté, on utilise des mots spécifiques, on s’habillait d’une certaine façon selon son métier, avec ses couleurs, ses cannes….

 


Jean Bernard /amelier.2011blog4ever.com/compagnons-du-devoir-du-tour-de-france

Transmission des connaissances et formation à un métier, mais aussi solidarité, pratiques éducatives encadrées par la communauté de compagnons. L’aspirant, l’apprenti, de maître en maître, d’atelier en atelier, apprend son métier mais aussi à se comporter. L’itinérance éducative et les rituels d’initiation font partie de l’éducation auxquels l’aspirant doit adhérer. On apprend de ses pairs. A la fin de son périple, l’aspirant sera accepté ou non comme compagnon par ses pairs et pourra lui aussi enseigner à d’autres apprentis. Chaque aspirant-compagnon  doit confectionner un « chef-d’œuvre » qui prouve qu’il connait son métier.  Le travail sera jugé, critiqué par les autres compagnons. Les cérémonies d’adoption et de réception pourront alors avoir lieu. Il s’agit de confectionner un objet unique, remarquable, abouti. Par le passé, on voyait aussi des chefs-d’œuvre  compétition et de défi : deux associations de même métier essayaient d’évincer l’autre pour s’assurer le monopole de l’embauche dans une ville. Parfois les chefs-d’œuvre étaient présentés dans des expositions professionnelles ou promenés dans les rues lors de fêtes patronales….

L’histoire du compagnonnage est difficile à retracer, tant les archives d’avant le 18ème siècle manquent. Il semble que les artisans de tous les pays du monde se soient transmis leurs connaissances de génération en génération, plus ou moins secrètement. Et cela depuis la plus Haute Antiquité. La compétition économique demanda la préservation des secrets de fabrication, des tours de main qui ne seront communiqués qu’à des collègues sûrs, cooptés.

Nos cathédrales, nos monuments, notre ameublement, notre art de vivre ont largement bénéficié des connaissances des compagnons dont on retrouve les signatures dans tous les pays d’Europe.

Dans notre pays sous l’Ancien Régime, les métiers sont organisés en corporations avec trois états : apprenti, compagnon et maître. Le système des corporations permet aux maîtres de lutter contre la concurrence mais aussi contre les revendications ouvrières. Incitant donc les ouvriers à se regrouper, montrant leur aptitude à l’ouvrage bien fait grâce à des pratiques transmises discrètement, de main à main.

Le passage d’un statut à l’autre était très difficile à moins d’être fils ou gendre de maître. Depuis Le Livre des Métiers d’Etienne Boileau de 1268, il était interdit au compagnon de quitter son maître sans son accord. Les premières sociétés de compagnons indépendantes des corporations seraient nées de ces mesures. Elles vont prendre le nom de « Devoirs ».

Des ordonnances royales indiquent çà et là l’existence de ces pratiques compagnonniques. Celle de Charles VI de 1420 pour les cordonniers de la ville de Troyes :  « Plusieurs compaignons et ouvriers du dit mestier, de plusieurs langues et nations, alloient et venoient de ville en ville ouvrer pour apprendre, congnoistre, veoir et savoir les uns des autres. »

Plus souvent des condamnations royales à leur encontre. François Ier dans son ordonnance de Villers-Cotterets de 1539 par exemple :

 « Suivant nos anciennes ordonnances et arrêts de nos cours souverains, seront abattues, interdites et défendues toutes confréries de gens de métier et artisans par tout le royaume. [...] défense à tous compagnons et ouvriers de s'assembler en corps sous prétexte de confréries ou autrement, de cabaler entre eux pour se placer les uns les autres chez les maistres ou pour en sortir, ni d'empêcher de quelque manière que ce soit lesdits maistres de choisir eux-mêmes leurs ouvriers soit français soit étrangers. »

En 1540 une condamnation pour un compagnon cordonnier de Tours qui reconnait avoir mangé chez « la mère » (femme qui nourrit, loge, surveille les aspirants) à Dijon et avoir voyagé pendant quatre ans d’atelier en atelier.

 

Chef-d’œuvre de compagnon boulanger, 1995

L’Eglise s’inquiété des pratiques rituelles non contrôlées par elle dans les Devoirs. En 1655 les docteurs de la faculté de Paris votent une résolution en ce sens. En même temps l’Eglise essaie de mettre en place un Devoir de son cru : les Frères Cordonniers, ordre semi-religieux. Ce sera un échec.

La Révocation de l’Edit de Nantes en 1685 bouleverse aussi l’organisation ouvrière. Les protestants se regroupent dans un autre Devoir qui deviendra plus tard le Devoir de Liberté au moment de la Révolution.

Au début du 18ème siècle, la puissance du compagnonnage en tant qu’organisation ouvrière est considérable. Grèves parfois longues, contrôle des embauches, « interdictions de boutiques » contre des maîtres indociles, même interdit sur des villes entières qui se voient privées d’une économie essentielle.

Mais aussi des rivalités, des rixes entre compagnons de Devoirs rivaux.     


En avril 1791 la Révolution met fin au système des corporations : c’est le décret d’Allarde. La loi Le Chapelier en juin interdit les associations ouvrières. En 1804 les compagnons qui ne se reconnaissaient pas dans le Saint Devoir de Dieu, fondent le Devoir de Liberté. Le code pénal de l’époque punit l’organisation d’une grève de deux à cinq ans de prison. Mais le compagnonnage continue à se renforcer : protection, revendications, malgré les luttes fratricides entre ses deux tendances. Ainsi, en 1816, les tailleurs de pierre Enfants de Salomon s'affrontèrent ainsi à Lunel contre les tailleurs de Maître Jacques ; en 1833, les femmes essayèrent de chasser de Lyon les compagnons cordonniers.  Pas moins de 200 000 compagnons en France dans ce début de 19ème siècle. Un nom sort du nombre Agricol Perdiguier, dit « Avignonnais la Vertu » qui popularise ce système et tente de l’unifier.

Au lendemain de la Révolution dans une société qui se cherche, la dimension religieuse est présente jusqu’en 1869 par l’obligation de faire dire des messes. Certains métiers ont du mal à se faire accepter, les cordonniers par les tanneurs, les boulangers par les doreurs et serruriers….

La deuxième moitié du 19ème siècle voit un déclin du compagnonnage s’amorcer. La révolution industrielle met en place des procédés de fabrication qui ne demandent plus autant de tours de main et de secrets de métiers. L’apprentissage est réformé, l’unification des compagnonnages est un échec. La pratique séculaire du Tour de France, de son itinérance à pied est bouleversée par l’arrivée du chemin de fer. Et puis à partir de 1884 avec la loi Waldeck-Rousseau, les syndicats sont autorisés. Ces derniers montent rapidement en puissance, plus modernes. Les pratiques ancestrales du compagnonnage sont tournées en dérision. Le nombre de compagnons tombe rapidement, malgré des essais de rassemblements. Nous pouvons citer Lucien Blanc, dit « Provençal le Résolu » qui crée en 1889 l’Union compagnonnique de Devoirs Unis, en vain.

Mais à bas-bruit, le compagnonnage survit. Dans l’entre deux-guerres, il attire par ses pratiques et ses valeurs l’attention des traditionalistes. Le bel objet créé par l’artisan fait envie. Jean Bernard crée pendant la guerre de 1939 l’ »Association Ouvrière des Compagnons du Devoir ». A la Libération, l’Union Compagnonnique reprend du service et les « Indiens » et les « Soubise », rites de charpentiers fusionnent : c’est la naissance de la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment.

Actuellement le compagnonnage attire de nombreux jeunes en conciliant traditions et modernité mais toujours en recherchant l’excellence. Nos compagnons sont recherchés dans toute l’Europe. En 2006 une femme est admise chez les tailleurs de pierre ouvrant la voie à d’autres femmes dans d’autres métiers.

En novembre 2010, le Compagnonnage a été inscrit sur la liste représentative du Patrimoine Culturel Immatériel de l’UNESCO en tant que « réseau de transmission des savoirs et des identités par le métier ». Les musées du Compagnonnage Arras, Limoges, Bordeaux, Tours, Paris, Toulouse et bien d’autres…..

 

Ci-joint une lettre et sa transcription adressée le 17 février 1823 au maire d’Uzès dans le Gard par deux compagnons menuisiers du Devoir en poste à Anduze. Les compagnons avaient la charge de veiller jalousement sur la réputation d’honnêteté de leurs sociétés et de celle de chacun de ses membres. Cette lettre a été transmise au commissaire de police ; quelle suite ?, nous n’en savons rien.

A Monsieur Bouchon Maire de la Ville d’Uzès Dt du Gard

Monsieur,

Excuzé de la liberté que nous prenons de vous écrire.

C'est au sujet d'un ouvrier menuisier qui travaille dans votre commune à Uzese. Il se nomme Dominique Marine dit Corsoir, natif d'Ajaccio. Cet homme est un espèce de vacaton [?] rusé dont il parait que dans tous les endroits ou il passe il fait des dupes. Il a travaillé à Anduze et il redoit chez une mère de famille qui l'a nourrit la somme de 27 f 85 centimes. À Allais [Alès] il doit 40 f 25 centimes. Il a ses papiers à Alais que l'on lui a retenu pour les dettes et sans doute qu'il se dispose d'en faire autant dans votre commune. Cet homme reçoit de l'argent de chez lui et c'est mauvaise foi s'il ne paye pas. Nous vous prions s'il lui venait de l'argent à la poste de lui faire retenir et de ne pas lui donner des nouveaux papiers vu que cela le faciliterait à faire de nouveaux exploits à sa manière.

Votre très humble serviteur Frédéric le Normand et Auguste le Normand Compagnons menuisiers

Anduze le 17 février 1823

Si vous pouviez lui faire donner les 27 f 85 qui doit vous les enverriez à Madame Brune aubergiste à Anduze. En le faisant vous obligerez une malheureuse femme qui se recommande à vous. »

© Photographies Jean-Michel Mathonière 2015, D.R.

Madame Brune est la « Mère » des compagnons menuisiers du Devoir d’Anduze et non de la société du Devoir de Liberté : les premiers font suivre leur prénom de leur province, les second de leur province et d’une qualité par exemple « la Vertu », « Cœur Vaillant »…

 

Sources et pour en savoir plus : 'Agricol Perdiguier extraite du Livre du Compagnonnage (2e édition, 1841-- Chefs-d'Oeuvre de Compagnons de:Laurent Bastard-- .museecompagnonnage.fr/le-compagnonnage main/le-chef-doeuvre

--wikipedia.org-- Jean Bernard /amelier.blog4ever.com/compagnons-du-devoir-du-tour-de-france

-- compagnonsdutourdefrance.org/pages/qu-est-ce-que-le-compagnonnage

-- Jean Briquet: Agricol Perdiguier, compagnon du tour de France et représentant du peuple: 1805-1875, Librairie M. Rivière, 1955, 468 pages