jeudi 24 juin 2021

Charles Gide un Uzétien célébre

 

Un Uzétien célèbre : Charles Gide

Notre lycée porte son nom. Mais  son implication dans l’essor et la défense des coopératives, ses analyses économiques de la fin du 19ème-début 20ème siècle sont oubliées.

Paul Henri Charles Gide est né le 28 juin 1847 à Uzès dans le département du Gard. Sa naissance est déclarée par un ancien fabricant de bas et un géomètre d’Uzès.

Il quitte ce monde à Paris 16ème arrondissement, le 12 mars 1932 à 84 ans. Il est inhumé au cimetière protestant de Nîmes. Son épouse Adeline Anna Adèle Im-Thurn (1855 à Nîmes-1931à Paris) est décédée l’année précédente. Ils étaient mariés depuis août 1878. Trois enfants, deux garçons et une fille. Un de ses fils Paul Louis est étudiant en Droit à Paris et engagé volontaire en 1903, caporal, sergent et sous-lieutenant à titre temporaire en 1914 ; tué le 6/7/1915 à Targette pendant la Grande Guerre. Toutes les familles du pays ont payé le prix fort de cette guerre….

Son épouse née à Nîmes est d’une famille d’origine suisse orientale, un arrière-grand-père Johan négociant décédé à Nîmes en 1801, un grand-père John Conrad né à Nîmes en 1795 et aubergiste à Naples, un père Emile né à Naples, élève du peintre Tobias Hurter et propriétaire viticole à Alès, un oncle pianiste….. Une famille typique de ce 19ème siècle dans ses déplacements. Les Européens bougeaient, changeaient d'horizon. Emile son père est membre de la commission des Beaux-Arts de Nîmes en 1855, membre résident de l’Académie du Gard en 1868-84, et non-résident en 1855 avec domicile à Bellegarde.

Un frère Jean Paul Guillaume Gide est né à Uzès en mai 1832 et décédé en octobre 1880. Professeur agrégé de droit romain à la faculté de Paris surnommé un « homme honnête » par ses collègues. Les témoins de naissance sont un ancien boulanger et un ancien marchand d’Uzès. Chevalier de la légion d’Honneur en 1876. C’est le père d’André Gide, l’écrivain célèbre.

Le père de Charles, Paul Tancrède Gide (1800-1867) est notaire, juge de paix du canton d’Uzès, président du Tribunal d’Uzès, ville où ses fils passeront leur enfance.

Charles fait ses études de droit à Paris. Il passe sa thèse en 1872 qui porte sur « le droit d’association en matière religieuse ». Il y réunit les trois règles de toute vie : liberté, association, religion, questions qui l’interrogeront toute son existence.

Une vie pour Charles bien remplie : professeur d’Economie Politique aux facultés de Bordeaux puis à la faculté de Montpellier. La faculté de Droit de Paris en 1898 et le Collège de France en 1921 l’accueillent. Il enseignera aussi à l’Ecole des Ponts et Chaussées et à l’Ecole Supérieure de Guerre. Il est Président du Mouvement du Christianisme Social et co-fondateur de L’Ecole d Nîmes.

En 1887, il créa la Revue d’économie politique, dont il fut le rédacteur en chef jusqu’en 1932. Il participa aux premiers pas de la Ligue des Droits de l’Homme et de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) et il s’impliqua dans le mouvement des universités populaires. Il fut le théoricien de l’économie sociale, et l’un des fondateurs du christianisme social. Il est un militant du coopératisme, système élaboré au 19ème siècle qui favorise une plus juste répartition des profits et des responsabilités dans les entreprises.

On lui doit un manuel « les Principes d’Economie Politique » étudié par des générations d’étudiants français et étrangers. Cette publication engrangera 26 éditions en France de 1884 à 1931, 19 traductions, une en braille, et même en 1968 en persan, en anglais et en 1970 aux Etats-Unis.

En 1918, son neveu André Gide admiratif à la lecture de ses propositions, écrivait à son oncle : « quel profit j’ai déjà retiré de ce qui précède, et que j’aime l’honnêteté de tes expositions… ! »

La solidarité est essentielle à la vie du groupe. Il écrit : « La solidarité est un fait d’une importance capitale dans les sciences naturelles, puisqu’elle caractérise la vie. Si l’on cherche, en effet, à définir l’être vivant, l’individu, on ne saurait le faire que par la solidarité des fonctions qui lient les parties distinctes, et la mort n’est pas autre chose que la rupture de ce lien entre les divers éléments qui constituent l’individu, et qui désormais désassociés, vont entrer dans des combinaisons nouvelles, dans des êtres nouveaux... »

Charles derrière une certaine austérité toute protestante, cache une sensibilité a rtistique. Il dessine surtout des paysages de l'Uzège.

(maison de Charles Gide à Uzès)

Les Gide sont arrivés dans notre province au 16ème siècle, Gido ou Guido. Ils arrivent d’Italie ou de la Drôme provençale. Ils s’installent à Lussan. Des archives mentionnent Jehan Gido  propriétaire à Lussan époux de Françoise Maurine, des enfants (6 ?) mariés dès 1603 avec des languedociens donc une intégration très rapide. Une certaine aisance si l’on en croit les reconnaissances de dettes qu’on lui doit dès 1587, aisance due probablement à un travail acharné. En 1588 Jehan s’acquitte d’un droit de « lodz » au seigneur de Lussan pour deux maisons dont une avec jardin. En 1598 le compoix indique la possession dans le fort d’une maison de 10 canes de couvert soit environ 38m2 et quatre pièces de terre dont une vigne, une canebière. Il possède le matériel et les animaux de labour. Un fils Gabriel Gido reçoit en 1603 la moitié des biens de sa mère Françoise Maurine. Et en 1606 le fils et sa mère donne quittance de 160 livres sur les 200 de la constitution dotale de l’épouse Jacquette de Gabriel. Un mariage dans une famille aisée.

Les suivants seront toujours à Lussan, propriétaires et tisserand à serge, cardeur de laine, peigneur de laine, …. Puis avec Jean (1723-1803) à Uzès facturier, négociant, géomètre, épouse en 1749 la fille d’un lieutenant de juge Anne Guiraud. Il pousse son aîné à faire de études de droit en en 1774 lui paie une charge de notaire : Joseph Etienne Théophile (1750-1815) est le premier d’une lignée de notaires et magistrats installés en Uzège…. Joseph Etienne Théophile participera pendant la Révolution à la rédaction des cahiers de doléances de Lussan, secrétaire de Rabaut Saint Etienne. Ses sympathies vont aux Girondins ce qui lui vaut de graves menaces sous la Terreur. En 1793 aidé de son frère et des paysans  il se cache jusqu’en septembre 1794 dans une grotte des Concluses. A la chute de Robespierre il devient président départemental du Directoire.

Jean Pierre (1754-1826) toujours propriétaire à Lussan et greffier du juge de Lussan. Et Paul Tancrède le père de Charles.

Quelques membres de la famille se sont expatriés en Suisse (Genève) et en Belgique au 18ème siècle, en Lorraine…..

  • Un autre ancêtre Xavier Gide. (Né en 1737 à Lussan -Décédé le 14 septembre 1814 - Bernis, Gard, à l'âge de 77 ans—père Etienne Gide,1686-1772 -Peigneur de laine à Lussan (Gard). Facturier en laine)(Marié le 9 septembre 1763, église de la Barrière de Tournai, Hainaut , Belgique, avec Pernette Louise Gervais †1814) --

Xavier est horloger à Paris puis Inspecteur de Subsistances à l'Armée des Alpes (1794).

Il est associé de 1787 à 1791 à Abraham Louis Breguet, célèbre horloger et inventeur des montres à mouvement perpétuel. Celui-ci a besoin de capitaux pour faire face à son expansion. Xavier Gide apporte 100 830 livres dans l’entreprise, cash et stock de montres. Mais Breguet est un piètre homme d’affaire. La politique les sépare : Gide est républicain jacobin, Breguet fréquentait la royauté et les aristocrates. La période n’est pas bonne pour les affaires !! En 1794, au mariage de son fils, Pierre-Xavier, Xavier Gide est Inspecteur de subsistances à l'Armée des Alpes. En avril, mai 1796, il s'associe avec 9 "négociants tous habitant de Nismes" pour soumissionner aux ventes des biens nationaux ou d'émigrés. Le 25 germinal an 6 (14 avril 1798), ils se répartiront les biens ainsi acquis, acte devant M° Darlhac notaire à Nîmes. A cette date Xavier Gide habite Paris section de l'unité rue de Thionville.

Le 8 juin 1810, Xavier et son épouse, pour le remboursement d'un prêt de 6000 Frs, font une rente de 600 Frs par an à Demoiselle Marie Gide leur nièce majeure habitant Genève, probablement fille de Théophile, frère de Xavier.

Son fils Pierre-Xavier né le 23 octobre 1771 à Paris, est avocat et Juge suppléant au tribunal de première instance de Sarrebourg (Moselle). Les Gide de Lorraine.

Une intégration plus que réussie en deux siècles !!

Sources et pour en savoir plus : Lavondès, Charles Gide. Un précurseur de l'Europe unie et de l'ONU. Un apôtre de la coopération entre les hommes, Uzès, Éditions La Capitelle, 1953.----Frédéric Rognon, Solidarité : les intuitions de Charles Gide seraient-elles d’actualité ? --PENIN Marc, Charles Gide (1847-1932) : l’esprit critique, L'Harmattan, Paris, 1997--- généanet –filae--- Revue des études coopératives Gallica Revue des études coopératives (1950) - 1951/01 (Année 23, N°83)-1951/03 Bernard Lavergne (Octobre 1921)--- droiticpa.eklablog.com/xxxiv-les-professeurs-paul-charles-gide-et-le-jeune-andre-a153341018-- e-gide.blogspot.com/2015/08/lussan-bercea.html

---

 

 

 

lundi 14 juin 2021

Sécurit& Sociale sous Napoléon ?


En fouillant les Archives de 1804 :

Sécurité Sociale sous Napoléon ?

Le Journal de Paris du 20 avril 1805 nous informe de la création d’un « Etablissement Hypocratique et dotal ». Des prospectus sont affichés à tous les coins de rues de Paris.

Douze médecins, douze chirurgiens, douze apothicaires se sont réunis pour former cet établissement. Ils s’engagent à guérir les hommes et à marier les filles !!

Pour participer à ces avantages, chaque père de famille sera tenu de donner à cet établissement 1,50 frs par semaine. Au moyen de cette faible contribution, les praticiens s’engagent à le guérir, lui, sa femme, ses enfants, de toute espèce de maladie. Pendant la maladie éventuelle du père, les médicaments seront fournis gratuitement. (pas pour les enfants et leur mère). La famille recevra 3 frs par jour pendant la maladie du père.

Lorsque le nombre d’abonnés sera de 10 000, les pères et mères donneront le prénom de leurs filles nubiles et tous les ans, on en mariera 24, soit deux par municipalité.

Lorsque le nombre d’abonnés sera de 20 000, on mariera 48 filles et chacune aura 500 frs de dot.

Le journaliste conclut : « voilà certes des promesses bien séduisantes et bien capables de faire naitre des doutes dans l’esprit des gens raisonnables qui ont la manie d’examiner avant de juger….Il n’y a pas de petites spéculations dans les grandes villes et il n’y a pas de spéculations bonnes ou mauvaises, sages ou extravagantes qu’à Paris. Le lecteur jugera… »

Fondé en 1777, le "Journal de Paris" est le premier quotidien d'information publié en France. S'inspirant du "London Evening Post", dirigé par une équipe proche des encyclopédistes, il publie des textes favorables à Voltaire et Rousseau. En 1790 il est tiré à 12 000 exemplaires. Le journal couvre l'actualité littéraire, signale les spectacles du soir, relate quelques faits divers parisiens et des anecdotes sur des personnages en vue. Il donne également des informations pratiques telles que les prévisions météorologiques, la hauteur de la Seine et les résultats de la loterie. Très en vogue sous Charles X, le journal périclite ensuite pour disparaître en 1840.

 

La Natation dans les lycées et les écoles en 1804

Le Journal des Débats du 25 thermidor an 12 (13 août 1804) fait état d’un arrêté du ministre de l’intérieur : »l’art de la natation fera partie de l’éducation de la jeunesse dans les lycées et les écoles secondaires. »

Les leçons de natation seront données aux élèves (garçons) par des maîtres-nageurs connus, sous les yeux des maîtres d’étude et des garçons de salle. Dans les rivières ou les pièces d’eau, il sera choisi chaque année un emplacement reconnu et hors des limites duquel les élèves ne pourront s’écarter sous aucun prétexte. Les élèves seront vêtus d’un caleçon de bain.

En 1804 on construit le premier bassin de natation à fond de bois à l’Ecole Impériale de Natation de Paris. Les fonctions allouées à la natation de l’époque sont diverses mais toutes utilitaires : militaire, hygiénique et thérapeutique, éducative aussi, mais du point de vue du corps. Il s’agit à cette époque de former un physique de soldat.

Le Journal des Débats : créé peu après les premières réunions des États généraux de 1789 par Gaultier de Biauzat, il relatait les procès-verbaux officiels des débats de l'Assemblée nationale sous le titre de Journal des débats et des décrets.

Le 29 août 1789, le titre est acheté par François-Jean Baudouin, imprimeur officiel de l'Assemblée nationale, qui le cède aux frères Bertin en 1799. Sous la forme d'un hebdomadaire, puis d'un quotidien, il est dirigé pendant près de quarante années par Bertin l'Aîné et appartient longtemps à la famille Bertin.






 

Plus drôle : Des Bœufs dans un magasin de porcelaine :

La Gazette de France du 9 septembre 1804 (23 fructidor an 12) relate une aventure arrivée dans le quartier du Marais à Paris. Depuis huit ou dix mois, aucune nouvelle de ce quartier. Mais ce jour-là les communications entre ce quartier et les autres parties de Paris sont rétablies grâce à cette anecdote.

Un troupeau de bœufs passait rue du Temple à l’entrée de la nuit. On les conduisait probablement à l’abattoir. Mais alléché par des odeurs d’un tas d’ordures, le troupeau refusa tout à coup de bouger. Les coups de bâton distribués à ces pauvres bêtes, les cris qu’on aura poussés autour d’eux…et les animaux effarouchés, ne sachant plus où donner de la tête se précipitèrent en masse dans un magasin de porcelaine. Une pyramide de faïence et de porcelaine, plusieurs rayons chargés, se retrouvèrent par terre en mille morceaux… « Les dégâts sont évalués à 12 ou 15000livres » !!

 

Les ordures étaient la plupart du temps jetées dans les rues par les fenêtres. Une ordonnance du lieutenant de police de Paris de 1780 déjà essayait de gérer les ordures des rues de la ville : »Il est nécessaire de défendre de porter les ordures dans la rue à quelque heure que ce soit ; d’ordonner de les garder dans des paniers jusqu’à l’heure du passage du tombereau et de mettre à l’amende toute la maison au bas ou en face de laquelle il se trouvera un tas d’ordures. On dit toute la maison car dans ce cas tous les locataires doivent être solidaires l’un pour l’autre. Alors le tombereau passera avec une sonnette assez forte pour se faire entendre aux étages supérieurs…. » (archives nationales –encyclopédie méthodique article de jurisprudence 1791)

L’Homme a toujours fait des déchets et a toujours eu du mal à s’en débarrasser. En 1185 le roi Philippe Auguste devant l’ampleur du problème et ses odeurs dans Paris ordonne de paver les rues principales et de creuser des canaux et fossés centraux pour nettoyer certains quartiers. Chaque souverain va s’atteler à la tâche. (qui est aussi une tache !!). Nos ordures et leur gestion font partie de notre Histoire.

En 1870, Louis Pasteur met en évidence le lien entre l'hygiène et la santé. Il faudra attendre 1884, et Eugène Poubelle, Préfet de Paris, qui ordonne le dépôt, devant les portes, des ordures ménagères dans des récipients spéciaux munis d'un couvercle. Elles ne sont alors plus éparpillées dans la rue avant d'être ramassées par les services municipaux. La poubelle est née !







Sources : En fouillant les Archives- Historia Hors Série 49 M1857--/www.herodote.net/Tous_a_l_eau_-synthese-2050.php

--BNF Gallica----Le Vicomte de Courtivron, Traité complet de natation, application a l’art de la guerre, 1824.

vendredi 4 juin 2021

Napoléon Chaix et les trains de plaisir


Napoléon Chaix et les trains de plaisir
Naissance du "Tourisme" ?


Dès juin, les touristes vont réinvestir notre Languedoc. Ils viennent chercher chez nous, détente, sport, distractions, un peu de culture. Nous sommes maintenant loin des Grands Tours de nos jeunes aristocrates ou bourgeois du 17ème-18ème siècle qui parcouraient l’Europe en quête de connaissances, de découvertes. Parfois nos touristes oublient que s’ils font la fête jusqu’à la fin de la nuit, nous autres, nous devons nous lever tôt le matin pour travailler. Mais nous les aimons bien malgré tout.

Le mot « tourisme » apparaît dans notre pays en 1813. Il nous revient d’Angleterre d'où il était parti pour nommer « promenade circulaire ». Ce mot va rapidement remplacer le mot « voyage », en signifiant plutôt voyage d’agrément, pour le plaisir. Stendhal l’emploie ainsi en 1837 dans ses « Mémoires d’un touriste ».
Il va de paire avec la naissance du chemin de fer.


Le 21 août 1837 la reine Marie-Amélie inaugure la première ligne de Paris au Pecq, le rail n’allait pas encore jusqu’au château de Saint-Germain. La plupart des hommes d’affaires, des banquiers croient en l’avenir du chemin de fer, pour le transport des marchandises mais aussi des voyageurs. Tous ne partagent pas cette opinion comme Adolphe Tiers qui dit : « il faut donner le chemin de fer aux Parisiens comme un jouet, mais jamais on ne transportera un voyageur ou un bagage… ». D’autres s’interrogent, Théophile Gautier, Musset… Le déraillement du 8 mai 1842, ses 55 morts et ses plus de 100 blessés, les brûlés vifs dans des wagons fermés de l’extérieur, le spectacle atroce, tout cela inquiète. Lamartine, notre grand poète, affiche un certain fatalisme : « …la civilisation est un champ de bataille où beaucoup succombent pour la conquête et l’avancement de tous. Plaignons-les, plaignons-nous et marchons !! ». Tous sentent bien que nous sommes à un tournant de la civilisation avec le développement du chemin de fer.
En 1839, une ligne Paris-Versailles, puis jusqu’à Chartres. Notre pays se couvre rapidement de voies ferrées, d’abord pour le transport de marchandises, puis de voyageurs. Paris-Chartres en 45 mn au lieu  de deux heures auparavant. Au château de Versailles les Grandes Eaux fonctionnent à nouveau, un musée des Gloires de la France s’installe au château-même. Les foules parisiennes se précipitent vers la cité royale à laquelle le roi Louis-Philippe veut redonner un certain lustre et surtout rappeler qu’il est légitime. Le fameux 8 mai 1842, 750 personnes sur le train de retour !!
 Daumier-wikipedia.org- Les trains de Plaisir--
Nos hommes d’affaires ont l’idée des « trains de plaisir » qui étaient un convoi spécial à tarif réduit à destination de stations balnéaires, de centres touristiques ou pour des événements particuliers, courses, fêtes, expositions…. Des tarifs très promotionnels, de 40 à 70 % du prix normal. Ces trains étaient surtout destinés à une clientèle aisée car ouverts seulement en première et seconde classe. Il faudra attendre 1880 pour la création d’une troisième classe. A partir de 1860 on peut même s’arrêter dans les principales gares d’un itinéraire prévu : ce sont les billets circulaires. Des affiches de paysages, de monuments, des stations balnéaires ornent les gares ; c’est tout un art qui se développe. La pub attractive est née qui va s'intéresser à tout ce qui se vend, gâteaux, pâtes, cirage.... 
Plus tard le rail rejoint les bords de mer, Dieppe, Rouen. Le 19ème siècle prépare les "congés payés" et le tourisme du 20ème.




Déjà en Angleterre ces trains spéciaux circulaient depuis 1844. La ligne Paris-Le Havre sera mis en service le 13 juin 1847, départ le samedi soir et retour le lundi matin et deux nuits en train pour 10 Frs aller-retour. Le voyage durait 6 heures.
Ils vont circuler jusqu’en 1930 environ. Paris-Boulogne, Dunkerque, Caen, Bayeux… et inversement pour les provinciaux qui visitent Paris. La popularité des trains de plaisir a inspiré de nombreux artistes, Rossini, Strauss, Bollini, des films, des romans, et surtout des affiches, des estampes qui sont arrivées jusqu’à nous.

La compagnie des chemins de fer de l’Ouest s’associe avec des entrepreneurs de voyages et propose pendant la belle saison des trains de plaisir pour Rambouillet. Le parc de cette cité largement ouvert aux promeneurs se dote d’attractions, de boutiques foraines. Un restaurant s’installe dans le château. La forêt apporte grand air, sport…. Le Second Empire reprend le château, et les Parisiens durent se contenter de la forêt. Aspiration au voyage qui devait être pour le corps médical une distraction… le train n’a pas inventé le voyage touristique mais lui a donné un nouvel élan.

Il ne suffit pas de transporter les gens, il faut aussi les renseigner sur les contrées qu’ils traversent. Le guide touristique est devenu une nécessité avec le développement du chemin de fer et du voyage touristique. Les éditeurs privés s’emparent du marché ; à chaque ouverture de ligne, des guides parfois volumineux prolifèrent, dus à des notables, des érudits locaux ou des journalistes désireux de célébrer leur province. On redécouvre un intérêt historique à des monuments, à des villes.

Un des premiers est imaginé par Napoléon Chaix, imprimeur-éditeur parisien. Il est né en 1807 à  Châteauroux dans l’Indre. Son père est prote chez l’imprimerie Bayvet de cette ville, c’est à dire chef d’atelier d’imprimerie, le représentant du patron. Napoléon Chaix y fait son apprentissage. Un temps ouvrier imprimeur à Bourges, puis il revient chez Bayvet reprendre la place de son père qui vient de mourir. Enfin il part à Paris travailler chez Paul Dupont. Une grosse imprimerie, 2000 ouvriers, 5 presses à vapeur et 20 presses à bras. On y imprime surtout des feuilles de comptabilité. Chaix y est particulièrement apprécié, consacrant « une partie de ses veilles » au travail. « Les hommes d’un pareil dévouement sont rares » dit de lui son employeur. Mais Napoléon Chaix a d’autres ambitions.



Après un premier refus du préfet en 1836, il redemande un brevet d’imprimeur en lettres en 1845 pour Paris. Il est recommandé par son patron et par le directeur des chemins de fer d’Orléans qui soutient financièrement son projet : imprimerie des documents, publications (comptabilité, exploitation) des chemins de fer. Pour se retrouver dans les horaires et l’imbrication des différentes compagnies, il crée d’abord « l’Indicateur des chemins de fer, seul journal officiel paraissant tous les dimanches, contenant les heures de départ et d’arrivée des trains, le prix des places, le tarif des bagages….de tous les chemins de de fer ainsi que leurs correspondances par diligence et bateau vapeur, publié par Napoléon Chaix avec le concours et sous le contrôle direct des administrations de chemins de fer… ». C’était un coup de maître !! Avec l’aide directe des dirigeants des chemins de fer, sa publication hebdomadaire prenait un caractère officiel. Le Livret Chaix, "guide officiel des voyageurs sur tous les chemins de fer français et les principaux chemins de fer étrangers", pour lequel il obtient en 1847 l'autorisation d'une vente dans les gares. L’indicateur se présente sous la forme d’un petit livret vert de format in-4°. Il est très vite apprécié par une abondante clientèle.

Vont suivre L'Indicateur (1849), Le Recueil général des tarifs (1858), les cartes des réseaux de toute l'Europe, des guides-itinéraires et publications diverses (Livret des environs de Paris, Livret des rues de Paris, Manuel de l'expéditeur...) L'Indicateur (1849), Le Recueil général des tarifs (1858), les cartes des réseaux de toute l'Europe, des guides-itinéraires et publications diverses (Livret des environs de Paris, Livret des rues de Paris, Manuel de l'expéditeur...). 
Les affiches évoluent, indiquent toujours les horaires mais sont moins administratives, plus décorées, en couleurs, « communicantes » comme on dit aujourd’hui. Il imprime des grands auteurs publicistes.

 Plan de Paris(1907)
 Sur cette lancée, Chaix décide de publier « une  Bibliothèque du voyageur » pour les principales destinations touristiques, c’est-à-dire des guides destinés « à instruire et distraire… avec le véritable caractère d’un guide, d’un ami du lecteur, digne de ses sympathie… ». Napoléon Chaix signe tous ces guides touristiques, mais probablement se fait-il aider par des écrivains qui n’ont pas laissé leurs noms. Chaque livret déborde d’enthousiasme, de poésie pour le paysage, l’histoire des villages traversés et leurs monuments. Le voyageur est prêt pour la Grande Aventure. « Vous verrez fonctionner sous vos yeux et dans quelle harmonie toutes les parties de ce grand mécanisme intellectuel qu’est l’administration générale d’un chemin de fer…  Mais le signal du départ est donné. Prenons place et laissons la population parisienne s’agiter dans sa métropole comme un essaim d’abeilles dans une ruche immense.. ». On attire l’attention du voyageur sur les « coquettes villas les jardins fleuris, les riches 
prairies plus agréable à contempler que les quais poudreux et bruyants de la capitale.. ». A Orléans, il devient lyrique pour parler de Jeanne d’Arc et de la délivrance de la ville. Lyrisme qui fait oublier sa description excellente des édifices de la ville. Et de conseiller la visite de la ville pendant les 20mn d’arrêt, la cathédrale, les églises, les édifices civils, le grand pont sur la Loire….
Les guides renseignent aussi sur les ressources hôtelières, les commerces etc. Ils deviennent plus pratiques, moins volumineux, dispensent des conseils. Ils activent un tourisme hôtelier, balnéaire, thermal.
 Si on oublie le style déclamatoire des guides Chaix, ils sont des petits bijoux pour les historiens auxquels ils fournissent des notations, des détails précieux sur les villes et villages du milieu du 19ème siècle qui vont se transformer pour beaucoup sous le Second Empire et le 20ème siècle. Des détails qui vont disparaître au fil du temps.

Pour le prolongement de la ligne de Paris jusqu’à Saint-Nazaire, Chaix écrit : « ainsi la locomotive ira saluer de ses sifflements aigus l’immense Océan et ces deux puissances désormais réunies porteront au bout du monde avec les trésors de notre industrie les bienfaits de notre civilisation !! ».



 gallica.bnf.fr Chemins de fer de l'Ouest. Normandie. Bretagne : [affiche] / Paul Berthon -- 1900

La concurrence est rude, comme avec Louis Hachette, une querelle qui va durer dix ans.
Napoléon Chaix tout en continuant d’être éditeur, est avant tout un imprimeur typographique. En 1865 à sa mort, il est à la tête d’une entreprise qui compte 400 ouvriers, l’une des plus grosses en France, qui s’est développée dans différents secteurs. Elle imprime des livres et périodiques, les déclarations d’intention et bulletins de vote des années 1848-50. En lithographie des plans, des cartes pour illustrer ses guides, des affiches…..

(Alice Russelle Glenny -wikipedia.org)
L’imprimerie Chaix édite "Les Maîtres de l’Affiche" une publication mensuelle de reproduction des plus belles affiches illustrées de grands artistes français ou étrangers, J Chéret, Toulouse-Lautrec, Lucien Lefèvre, Choubrac, Georges Meunier….
Napoléon Chaix est condamné à plusieurs reprises pour non déclaration ou non dépôt d’impression, mais son importance commerciale et surtout sa modération politique en ces périodes compliquées, l’aident à passer au travers d’une quelconque censure.  Il a de bonnes relations avec l’administration de la Librairie qui lui permettent d’obtenir l’autorisation de s’agrandir en juillet 1858 malgré l’avis contraire du préfet de police, pour imprimer le Cours Général de la Bourse. Il obtient le brevet d’imprimeur en taille-douce en février 1860.



Son fils Alban prendra les rênes de l’entreprise à sa mort. En 1881 l’imprimerie centrale des Chemins de Fer prendra le nom d’imprimerie Chaix, au 126 rue des Rosiers à Saint-Ouen avec seulement 100 ouvriers.

 






  















Sources : . Alain Frerejean, La grande aventure des chemins de fer, Flammarion, 2008, 502 p. (ISBN 978 2 0812 0436 2), p. 220 à 222 – Jacques Levron  Napoléon Chaix le Père des Guides de Tourisme  Historia mars 1982n°424--- François Caron Histoire des Chemins de Fer en France édit Fayard 1997 ISBN2-213-0253-8---