lundi 26 septembre 2022

Corrida, la fête sanglante

 

Goya, Le Cid combattant un toro-- Francisco de Goya, La tauromaquia, 1816 http://www.britannica.com/bps/media-view?1

Corrida la fête sanglante ,

Avec la Camargue et l’Espagne tout proches, Nîmes est une terre de tradition tauromachique. Mais que veut dire « tradition » ? L’Histoire nous démontre chaque jour que nous sommes condamnés à évoluer, et nous adapter au temps qui passe et qui nous impose ses déguisements. Demain ne sera plus comme aujourd’hui et encore moins comme hier….

Actuellement un député soutenu par son groupe à l’Assemblée Nationale souhaite légiférer en la matière. En cette période d’inflation, de guerre, de crise sanitaire, le sujet parait un peu décalé, discordant. Pas essentiel… Et puis nous sommes encore nombreux à manger de la viande qui sort de nos abattoirs où les animaux sont abattus d’une manière bien peu sympathique !!

Corrida, course à la cocarde, les anti et les pro, chaque année s’affrontent. On mélange allègrement course de vachette, jeux gardians, corrida…. Même les historiens s’en mêlent, chacun affutant ses arguments avec passion.

Ces  distractions avec des vaches (ou de « bœufs » ou jeux taurins avec ou non mise à mort) sont très anciennes. Culte de Mithra avec ses jeux sportifs, survivance des jeux romains plus sanglants ? Les historiens sont très partagés. La rencontre de l’homme et du taureau remonte à la préhistoire, lors de la domestication des bovins, domestication qui n’a pas dû être sans danger. Peut-être trainons nous un passé, une rencontre compliqués avec le taureau ?

Il y a tout un imaginaire développé autour du toro de combat et la corrida. Mon père et ses copains s’amusaient de la « tradition » de manger du toro tué dans l’arène : à Beaucaire, une boucherie pendant longtemps proposait une trentaine de testicules alors que seulement trois toros avaient été tués et des rôtis en veux-tu en voilà !! Les gens faisaient la queue devant la boutique pour acheter ce qui devait leur apporter santé et vigueur. Il est plus que probable que ces toros de combat n’étaient pas tous morts dans l’arène…

Les corridas vont se développer chez nous au 19ème siècle. La corrida à l’espagnole telle que nous la connaissons aujourd’hui, ne sera introduite pour un premier essai à Nîmes qu’en 1853, puis avec plus de succès en 1863. L’Impératrice Eugénie, femme de Napoléon III, d’origine espagnole, avait favorisé ce divertissement. Une arène à Paris lors de l’exposition universelle de 1889 sera même construite. Les règles de la corrida actuelle ne seront codifiées qu’en 1836 par Francisco Montes.

Mais en Espagne, Francisco Romero avait déjà depuis 1726, fortement influencé les jeux taurins avec mise à mort de l’animal. Son petit-fils écrira un premier traité sur la tauromachie en 1796. La plus ancienne trace de « corrida » remonte en Espagne à l’an 815 lors de fêtes royales données par le roi des Asturies Alphonse II. Bayonne organisera une espèce de corrida en 1701 en l’honneur du roi d’Espagne Philippe V.

Il était de « tradition » lorsque le taureau (de Camargue ou autre) allait à l’abattoir de le poursuivre en le maltraitant : c’était la course à la bourgine ou à la longe.

.nemausensis.com/MidiLibre/article29jan2006.ht

Les courses à la cocarde, les ferrades, les abrivados et autres jeux gardians sont appréciés depuis longtemps dans des bouveau, petites arènes privées, ou simplement champ entouré de char, de ballots de paille, de fagots. En 1793 le conventionnel Philippe Charles Goupilleau du village de Montaigu et député de Vendée sillonne les villages afin de réquisitionner des chevaux pour l’armée révolutionnaire. En novembre il est dans notre région et il s’émerveille de tout ce qu’il voit : arènes, Pont du Gard, Uzès, Nîmes…Partout il est reçu à bras ouverts, probablement pour qu’il ne regarde pas de trop près dans les écuries. A Arles on l’emmène assister à une corrida.

« Après dîner, on me mena voir des bœufs qu’on agitait et qu’on faisait combattre pour le peuple avant de les tuer. Je regardai cet usage comme un reste de la férocité des Romains ».

(on ne connait pas son opinion sur la guillotine qui démontrait aussi une certaine férocité !)

On a quelques traces chez nous de jeux taurins avec mise à mort fin 17ème siècle : où cela se passait-il ? Des tableaux, des gravures nous montrent des hommes à pied ou à cheval tuant un taureau avec une lance. Ils ne semblent pas être tous des aristocrates, comme c’était le cas en Espagne. Un de ces jeux consistait pour les participants à poser des banderilles, à sauter à la perche au-dessus du taureau. L’animal était mis à mort quand il était trop affaibli pour continuer le jeu. Notre conventionnel a-t-il assisté à une corrida ou à un de ces jeux taurins ?

Depuis semble-t-il, la nuit des temps, le taureau a cimenté l’identité collective de la population de la région-sud. Il faisait partie des distractions, des transactions, de la sociabilité populaire. Au 18ème siècle. « La grande affaire sur la place, c’est de parler de la course de taureaux de demain »…En 1740 on compte, rien qu’à Aigues-Mortes un peu plus de 1100 bêtes à cornes, 319 chevaux et près de 10 000 moutons.

Dans notre pays, les autorités vont essayer tout au long du 18ème siècle,  en vain, de règlementer les jeux taurins, craignant ces rassemblements populaires et l’excitation qui en découle, qui pouvait entrainer une contestation de l’ordre établi. Déjà en 1647 Louis XIV s’était prononcé contre ces jeux dans le but de protéger l’ordre public.

En 1762 il est fait « défense d’introduire des vaches dans la ville qu’on fera courir pour l’amusement du public… ». Des peines d’amende sont prévues contre quiconque maltraitera ces animaux. Une ferrade parfois remplace une course de vaches. De même en 1778 le conseil de ville de Nîmes s’inquiète de « ces courses qui occasionnent toujours des malheurs, qui portent atteinte au bon ordre et à la tranquillité publique et qui sont très nuisibles au commerce et aux manufactures ayant toujours été proscrites par les officiers municipaux… ». Un arrêté de l’administration centrale du Gard du 20 fructidor an IV (6/9/1796) prohiba expressément les courses de taureaux dans le département, défense renouvelée le 5/9/1800.

 « Toutes courses ou combats de taureaux sont interdits dans tout le ressort du département, même lors de la célébration des fêtes républicaines ordonnées par la Loi. Il est fait défense aux propriétaires ou gardiens des dits taureaux de les prêter pour cet usage. En cas de contravention, il est enjoint aux municipalités de faire tirer sur les dits taureaux et de les tuer dès qu'ils paraîtront dans l'arène, sans que les dits propriétaires qui les auront fournis puissent réclamer aucune indemnité. » 

En 1844 le conseil municipal d’Aigues-Mortes justifie son autorisation d’une course contre l’avis du préfet : « si la municipalité refuse d’organiser une course, les habitants se cotiseront et en feront deux ! 

En France nos arènes sont souvent habitées, en très mauvais état, rendant impossible ce genre de spectacle jusqu’à la fin du 18ème début du 19ème siècle. Les arènes de Nîmes sont nettoyées, déblayées en 1813. On va y donner toutes sortes de spectacles : jeux équestres avec le célèbre Franconi en 1820, des concours de lutte très à la mode en ce début de siècle, des spectacles d’équilibristes, une ascension en ballon en 1853. Mais le taureau devient rapidement une distraction populaire. Les autorités gardoises jugent ces spectacles grossiers, brutaux, encourageant la violence et les interdisent de 1796 à 1800. En 1804 une course à la bourgine a lieu malgré tout.



Course à la longue ou bourgine 1804-nemausensis.com/MidiLibre/article29jan2006.ht

En 1811, le préfet du Gard autorise à nouveau les courses lors des festivités en l’honneur de la naissance du roi de Rome, le fils de Napoléon. Ferrade dans les arènes en 1814, 1824 sous les yeux du comte d’Artois et de la duchesse d’Angoulême. Mais en 1824, sous l’influence catholique, l’administration se montre de plus en plus hostile. Ci-dessous Journal du Gard 15 octobre 1814 A Joseph d’Arbaud 1924 –nemausesnsis internet

 « A trois heures S. A. se rendit à l'amphithéâtre, vulgairement, appelé les arènes, où l'on avait préparé un spectacle connu dans ces contrées sous le nom de ferrade, et qui est dans le genre de ceux qu'on donne à Madrid. II consiste en des exercices de force et, d'adresse contre des taureaux sauvages paissant toute l'année dans les marais de la Camargue. Des tauréadors à cheval et à pied, armés de tridents, luttent contre ces animaux, les abattent et les tiennent, couchés jusqu'à ce qu'ils crient été marqués sur la cuisse avec un fer rouge, de la lettre initiale du nom du propriétaire. Cet exercice parut amuser le Prince, mais ce qui l'intéressa davantage, ce fut le spectacle de plus de trente mille personnes réunies dans cette enceinte, et qui, il tous moments, faisaient éclater la joie que causait sa présence. Nulle part sans doute on n'a pu offrir à S. A. R. un spectacle pareil parce que nulle part on ne trouve un local aussi bien disposé ».

Et en 1850 la loi Grammont est votée, protectrice des animaux.


Mais sous l’influence de l’Impératrice Eugénie, les courses à l’espagnole avec mise à mort sont à nouveau autorisées. Celle de 1853 à Nîmes sera tellement désastreuse qu’il n’y en aura pas d’autre avec 1863. Mais à ce moment-là, ces courses dans une atmosphère passionnée,  devinrent parfois des affrontements politiques, rouges contre blancs. Ce fut le cas en juin 1878 lors d’une course donnée en l’honneur de l’exposition universelle.

La loi Grammont était toujours en vigueur. A partir de 1886, le gouvernement républicain renouvelle et fait respecter les interdictions, qui sont de plus en plus mal supportées. De 1883 à 1891 les afficionados et le gouvernement s’affrontent ouvertement. En 1894 Frédéric Mistral s’en mêle : « Lève-toi peuple...fais entendre ta voix, qu’on te rende tes jeux favoris… ». Le gouvernement cède en 1896.

Autres temps, autres mœurs…. Il est fort probable que nos petits-enfants trouveront cette pratique complètement ringarde !! A nous de ne pas être en retard sur cette évolution naturelle.

En France, la tauromachie est inscrite en janvier 2011 à l'inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France.. Le ministre de la culture Frédéric Mitterrand, de toute évidence assis entre deux chaises, souligne que cette décision, en dépit de la démarche lancée en 2009 par l'union des villes taurines françaises et l'Observatoire national des cultures taurines n'implique « aucune forme de protection, de promotion particulière ou de cautionnement moral et ne vise pas à proposer la tauromachie à l'inscription au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco », mais relève simplement « l'existence factuelle d'une pratique et d'un développement alentour d'un certain nombre d'éléments de nature culturelle (rituels, œuvres inspirées, rassemblements populaires, pratiques d'un vocabulaire spécifique) ».

Course à la cocarde  Arles 1922 – Les raseteurs à l’œuvre—A ne pas confondre avec la corrida !!

Jusqu’au début du 19ème siècle, la corrida va éclipser les autres jeux taurins, en particulier les jeux camarguais qui restent confidentiels, entre les deux bras du Rhône.

Très différente, la course à la cocarde ou course libre, camarguaise apparaît au 19ème siècle. Pas besoin d’arène : des charrettes, des bottes de paille délimitaient le cercle. Des « bouvaou » existaient un peu partout, piste délimitée par des fagots pouvant servirent de petite arène.  Parfois, des paris sur les « vachers » étaient pris. C’était plutôt une fête familiale, d’après la messe, chaque famille ou commune avait son champion, homme ou animal. C’était aussi un moment de tradition, de ciment sociétal.

Depuis 1975, le caractère sportif de ces courses à la cocarde est reconnu par le Ministère de la Jeunesse et des Sports. Une réglementation avait vu le jour en 1966. Une Fédération, des écoles de raseteurs sont crées.

Ces jeux sont certainement dans la suite logique des jeux plus anciens mais là, le taureau n’est jamais mis à mort. Il va prouver sa combativité, son intelligence. Au départ ces jeux taurins avaient pour but de sélectionner les animaux les plus solides, les plus aptes à vivre en liberté dans les marais camarguais. C’est encore vrai aujourd’hui, avec en plus un aspect économique, les propriétaires de taureaux champions recevant une jolie somme pour chaque prestation. .  Théoriquement seuls les bovins de Camargue peuvent participer à ce genre de spectacle. Dans certaines de ces courses, nous pouvons voir le taureau se jouer de l’homme, être capable d’analyser le jeu. Intelligence, expérience, sélection naturelle ? Et puis ce sont les hommes qui prennent des coups ce qui est un juste retour des choses. Les taureaux champions prennent une retraite paisible dans les marais avec leur harem ; certains sont enterrés avec honneur et statue…

 

Sources : wikipédia – couradou de Vallabrix mars 2011 p3—Histoire de Nîmes  Collectif Edisud La calade 13090Aix en Provence ISBN 2-85744-134-7-- --Première Corrida à Nîmes en 1853 (nemausensis.com)-- Article Midi Libre du 28 mai 2006--

 

 

mercredi 14 septembre 2022

Bouleversements et chemins de fer

 

(gare du Nord Paris)

Bouleversements et chemins de fer

Toute invention génère des bouleversements dans nos modes de vie, y compris chez les animaux, les plantes. Tous nous devons nous adapter, « digérer » la nouveauté, l’intégrer dans nos vies. Depuis la nuit des temps nous nous adaptons..

Un exemple : un petit papillon, la phalène blanche du bouleau en Angleterre fin du 18ème siècle a changé de couleur à cause les fumées noires du charbon employé dans les usines. Les troncs des bouleaux sur lesquels elle se posait étant noircis, les oiseaux repéraient facilement le petit papillon. Il s’est adapté en modifiant son ADN et de blanc il est devenu petit à petit noir par sélection naturelle. Au 20ème siècle il est redevenu blanc, les cheminées anglaises ne fumaient plus de suie de charbon.

En à peine un  siècle, le chemin de fer a apporté des changements importants dans toutes les sociétés, peut-être bien plus que l’invention de l’automobile ou du vélo et probablement autant que l’installation de l’électricité dans les foyers. Nous pourrions disserter sans fin sur l’invention du train. La machine à vapeur de James Watt, une des origines du train, a littéralement mis le monde en mouvement et joué un rôle crucial dans l’industrialisation et l’urbanisation. La machine à vapeur, un instrument pratique, puissant, capable de déplacer des machines lourdes, d’où l’émergence d’usines et de la production de masse. Dès 1782 on la retrouve dans les métiers à tisser, les papeteries, les minoteries, les distilleries, les canaux les aqueducs et dans divers ateliers.

Dans notre secteur, les machines à vapeur demandant toujours plus de charbon, il a fallu donc en augmenter la production, transporter toujours plus de minerai, toujours plus loin. Un élan balaie l’industrie minière. Il faut dire que nos mines étaient en piteux état avant la Révolution de 1789.

Le train va transporter ce charbon, puis notre vin, nos productions chimiques comme celles de Sète… Le train va aussi transporter les tonneaux de vin d’Algérie entreposés habituellement dans ce port et cela n’arrangera pas nos vignerons. Les voyageurs useront de ce mode de transport un peu plus tard, surtout fin 19ème.

Le train inquiétait. Il faudra attendra le Second Empire et la deuxième moitié du 19ème siècle pour que ce mode de locomotion entre dans les mœurs. Une première ligne en 1823, 21 km, Saint-Etienne-Andrézieux, tractée par des chevaux ! La ligne de Paris à St Germain inauguré en août 1837 par la reine Marie-Amélie, un convoi de 8 lieues à l’heure (environ 38km/h). Absence du roi : on avait fait comprendre au roi Louis-Philippe que l’expérience était dangereuse. Là les voitures étaient tirées par une locomotive FM Jackson, la vapeur l’emportait sur le percheron !!

Le percement des tunnels amena une autre angoisse. C’était un voyage au cœur de la terre. Les journalistes s’en donnèrent à cœur-joie : on envisage des déraillements, des incendies, l’écroulement des voûtes… Les accidents sont effectivement nombreux lors des travaux. Le journaliste de L’Illustration au lendemain de l’inauguration en 1843 de la ligne Mantes-Vernon et du tunnel de Rolleboise nous raconte : « voilà que la locomotive nous emporte vers un point qui fait frémir d’avance bien des intrépides. Il s’agit de s’enfouir au sein des ténèbres…on se trouvait lancé d’un bond dans le domaine de l’inconnu…n’allait-on pas dit adieu pour toujours à ceux qu’on aimait ?..s’abandonner à une puissance aveugle qu’on ne peut ni diriger soi-même, ni arrêter d’un geste. Rendez-nous la lumière, et les campagnes, et la verdure et le silence des bois, et la fraîcheur de l’eau : ce bruit de locomotive haletante, ces chaînes qui se heurtent dans la nuit, ce sifflet infernal …. ».


Gare de Tours—

On assiste à une amplification de ce qui existait plus ou moins déjà au siècle précédent, mais avec une accélération pendant tout le 19ème siècle.

Pour installer les rails, les gares, on va déboiser, exproprier, mais aussi faire venir de la main d’œuvre, Italiens, montagnards des Alpes, du Massif Central ; les jeunes hommes de nos villages vont offrir leurs bras, les animaux de traction (mulets surtout), leurs charrettes… Des métiers nouveaux fleurissent un peu partout. On devient bucheron, mineur, menuisier, maçon, ouvrier…. Des forges, des fabriques de manches d’outils, charrons, des cantines populaires- restaurants rapides ancêtres de nos food-trucks…

L’économie du pays se porte bien pour certains. Une bourgeoisie parfois née de la Révolution de1789 s’enrichit et embauche nos jeunes femmes, lingères, cuisinières, femmes de chambre…. Un salaire tombe régulièrement, pas très gros mais il donne un statut au salarié. Nos jeunes n’habitent plus aussi souvent avec les parents ; la mine, les patrons les logent, peut-être pour mieux les tenir en main. La rigueur familiale, les traditions en prennent un coup !! On se politise parfois contre l’avis du curé du village… Et le 19ème siècle n’est pas une période calme politiquement !!

Les siècles précédents on était un paysan qui l’hiver faisait un petit métier, tisseur de bas, menuisier, réparateurs de panier, mineur de terre, potier… Au 19ème siècle on devient un ouvrier qui cultive un petit lopin. Mais ces transformations déstabilisent et un fléau s’installe : l’alcoolisme, maladie et mot inventés au milieu du 19ème siècle. On boit pour reprendre des forces, pour oublier qu’il y a une autre façon de vivre…. Les banlieues des villes s’étendent, une pauvreté ouvrière s’installe.

En 1835 le Parlement s’oppose à ce que les chemins de fer soient construits, exploités par l’Etat. Donc après autorisation de l’Etat, des hommes investissent, perdent parfois, vendent leur compagnie de chemins de fer. Petit à petit on va vers un regroupement des petits réseaux.

 Carte des lignes du département des Bouches du Rhône

Un exemple de progrès indéniable apporté par le train : les chemins de fer de Camargue, deux lignes exploitées dès 1892 concédées à Marius Guillot en juin 1889, partant d’Arles-Trinquetaille vers Salins de Giraud (37,9km) et vers les Saintes Maries de la Mer (37,3km). Ce réseau fonctionnera pour une ligne jusqu’en 1958 et l’autre jusqu’en 1953.






Le bâtiment ressemble bien à une vraie gare mais c’était la résidence du garde-barrière. On devait y faire quelques opérations simples (vente de billets pour la ligne). On voit bien qu’il n’y a pas de voie d’évitement.  Il y a cependant une pendule réglementaire et la cloche sur la gauche servait d’annonce des trains pour la fermeture du passage à niveau.” Luc Massol, retraité SNCF

 


Les expropriés quittent leurs terres agricoles pour rejoindre la famille dans les villages ; on agrandit les maisons, les greniers sont utilisés parfois : ici une grand-tante vendra du tabac dans une cave de la maison, là un oncle dans un grenier qualifié d’évêque probablement parce qu’il sait lire et écrire …On peut voir dans notre village  sur les murs de la grand-rue  les remplois de pierre, des dates signes de modifications au début du 19ème siècle.

Les paysages sont impactés : rails, tranchées, tunnels, gares, et surtout ponts qui raccourcissent les distances entre les villages. Viaduc qui relie les vallées, aqueducs car il fallait de l’eau pour la locomotive et donc des canalisations, des infrastructures qui traversaient, modifiaient les villages. L’eau déjà partagée. Mais aussi des merveilles de construction surtout fin 19ème siècle.





Gare de Tourcoing

 

Viaduc de Chamborigaud

1865-67—12 arches+17 arches—

 

Autre innovation due au train : l’unification de l’heure. Dans nos campagnes, on vit encore tranquillement avec l’heure solaire.


L'horloge de la vieille gare ferroviaire ` Orsay, Paris de Musee

/fr.dreamstime.com/l-horloge-vieille-gare-ferroviaire-orsay-paris-france-musee-d-image134932748

En 1876 l’ingénieur et géographe canadien Sir Sandford Fleming propose un système, celui des fuseaux horaires. 24 fuseaux horaires de même taille divise le globe terrestre en partant du méridien de Greenwich. D’un fuseau à l’autre l’heure augmente ou diminue d’une heure. Mais chaque ville avait son heure particulière. Il était midi quand le soleil se trouvait au zénith. Il était donc midi à Paris alors qu’il était déjà midi 19 à Nice et seulement 11 heures 42 à Brest. Un télégramme parti de Paris à 11h arrivait à 10h 30 à Brest selon l’heure locale.

La loi française du 14 mars 1891 unifie l’heure sur l’ensemble du pays : c’est « l’heure légale temps moyen de Paris » ou méridien de Paris. Pour éviter les collisions, les compagnies de chemins de fer avaient déjà choisi pour leurs réseaux une heure uniforme. L’administration du télégraphe avait emboité le pas, un système horaire uniforme apportait ordre, simplicité, clarté. Pour Vallabrix la différence entre l’heure légale et l’heure locale est de 8minutes 38 secondes. (voir Revue du Midi-Nîmes 1891/07/A5 T Bouzigue --Couradou septembre 2021 p47 tableau Heure Légale et heure locale, correspondancesGard section Vallabrix)

Il va falloir apprendre à être un peu près à l’heure pour prendre le train. Les gares s’équipent d’horloges souvent monumentales qui serviront de référence à tout un chacun. Les horaires officiels des trains prévoiront quelques minutes pour les retardataires. Après avoir raccourci les distances, le train s’en prend aux heures…

Les chemins de fer ont fortement contribué à renforcer l’unification du pays, à gommer les différences, les habitudes. Est-ce un bien, un mal ? Plus probablement une nécessité découlant de l’industrialisation, du développement des transports de voyageurs et de marchandises.

Le train va démocratiser les loisirs, surtout au 20ème siècle, raccourcir les distances, participer à la culture en favorisant les voyages, les rencontres.

Peut-être va-t-il réduire nos dépenses énergétiques ? Des lignes ouvrent à nouveau. Nous pouvons regretter la fermeture du réseau de Vers au Pont des Charrettes d’Uzès : les touristes visitant l’entreprise Haribo, le Pont du Gard, auraient pu prendre un petit train touristique, économisant le carburant des voitures, montrant une autre facette celle-là écolo, de notre Uzège !!


Sources : /bassin-minier-regis.jimdofree.com/un-peu-d-histoire/les-métiers-de-la-mine/---Historia fév1987 n)482 Michel de Becker---/fr.dreamstime.com/l-horloge-vieille-gare-ferroviaire-orsay-paris-france-musee-d-image134932748—sur ce blog : Rêves de chemins de fer à Vallabrix 24/2/2022—Uniforme et chemins de fer 4/9/2022---photos internet—wikipedia.org--

 

 

 

dimanche 4 septembre 2022

Uniforme et chemin de fer

 


1900-carte postale ancienne—collection LL

Uniforme dans les chemins de fer

 

« À l’origine du chemin de fer, il y a une infrastructure conçue pour limiter les pertes d’énergie en guidant les véhicules à l’aide d’ornières creusées dans le sol ou de rails en bois. On pouvait, grâce à la force musculaire des hommes ou des animaux, tracter des charges relativement lourdes : les chariots évoluant sur des «chemins … ». Egyptiens, Romains,….peut-être même avant, dès que nous avons exploité des mines, construit des édifices. Le sujet est vaste ; mais le train va bousculer sérieusement notre société dès le 19ème siècle. La machine à vapeur de James Watt, une des origines du train, a littéralement mis le monde en mouvement et joué un rôle crucial dans l’industrialisation et l’urbanisation. L’introduction des locomotives à vapeur, des premiers bateaux à vapeur a amélioré les conditions de vie et de travail de nombreuses personnes.

Nous en parlerons plus tard. Aujourd’hui nous allons nous interroger sur le besoin d’uniforme et de surveillance dans les gares. Il est probable que nous commencions à nous inquiéter sur la liberté que pourrait nous apporter le train, des déplacements facilités, les distances et l’espace-temps raccourcis…

Stéphanie Sauger indique dans son article cité plus bas : « Une grande méfiance envers le public parisien, puis une défiance envers la Compagnie d’Émile Pereire contre laquelle les voyageurs et l’État devaient pouvoir se retourner en cas de problème. Avant même toute expérience de terrain, la dangerosité fut donc pensée et définie. Le texte de l’arrêté (25 août 1837) mettait en scène un État incitant la Compagnie de Paris à Saint-Germain à prendre toutes les précautions pour protéger un public ignorant les dangers du chemin de fer — dangers pour l’intégrité des corps essentiellement, à cette époque, la définition des dangers s’élargissant considérablement dès les années 1840 ».

Les cahiers des charges des compagnies concessionnaires de chemins de fer entre 1836 et 1843 contenaient tous une disposition spéciale ainsi conçue : « les agents et gardes que la compagnie établira, soit pour opérer la perception des droits, soit pour la surveillance et la police des chemins de fer et des ouvrages qui en dépendent, pourront être assermentés et seront dans tous les cas assimilés aux gardes champêtres ».


L’uniforme, symbole de hiérarchie, d’affirmation des fonctions, respect des valeurs établies, cérémonial… pendant des siècles on a gouverné les peuples par ce moyen.

En ce début très troublé du 19ème siècle, nos gares n’échapperont pas à la règle. Il fallait choisir un uniforme pour les surveillants de gare.

Le 25 août 1837, la ligne Paris-Saint-Germain en Laye qui s’arrêtait encore à Pecq, est inaugurée. La jeune compagnie est accordée à Emile Pereire et Eugène Flachat par la loi du 9 juillet 1835. Ces entrepreneurs souhaitaient une tenue prestigieuse pour leurs employés, en particulier pour leurs » surveillants de gare ». Il fallait que l’attrait de l’uniforme encourage le recrutement et compense d’une certaine façon « la médiocrité de leur situation ». En cette période le train transporte surtout des marchandises, et les détracteurs au chemin de fer sont nombreux, même dans les hautes sphères politiques. Pour Adolphe Thiers de retour d’un voyage d’observation à Liverpool,  le chemin de fer « n’est qu’un amusement de savants ».  En 1838 Arago, député, astronome et physicien,  s’inquiète pour nos soldats transportés en wagons ce qui aurait pour « résultat d’efféminer les troupes et de les faire perdre cette faculté des grandes marches qui a joué un rôle si important dans les triomphes de nos armées … ». !! Sans parler des troubles digestifs, respiratoires et même des troubles au cerveau engendrés par un passage trop rapide d’un climat à l’autre !!.. La même année le Parlement s’oppose à ce que les chemins de fer soient construits, exploités par l’Etat.

Il s’en est fallu de peu que le choix ne se porte sur un uniforme militaire fantaisiste. L’administration civile et militaire y mit bon ordre par une lettre du 15 juillet 1836 du ministre des Travaux Publics au « chef des services du petit matériel du chemin de fer de Paris à Saint-Germain » en accord avec le ministre de la Guerre. La question était d’importance, le roi Louis-Philippe donna son avis.

…. »l’aspect un peu trop militaire de ces uniformes a soulevé quelques objections, et que l’incident récent au cours duquel un officier général a échangé un salut avec un de vos fonctionnaires qu’il avait pris pour un amiral a été vivement commenté…. Ces méprises sont susceptibles de compromettre le prestige de l’uniforme militaire et doivent être évitées. Vous voudrez bien vous conformer aux modifications que j’ai cru devoir apporter à certains détails de broderies pour les rendre conformes à la fonction qu’elles expriment. Les ornements des manches des gradés devront être scindés en parties distinctes de telle sorte qu’ils représentent des aiguillages et ne puissent être pris pour des galons de la hiérarchie militaire. ……le port du sabre dont l’usage dans les relations avec le public ne paraît pas s’imposer… la question a été soumise à Sa Majesté (le roi)… ce dernier a bien voulu accorder aux agents de chemin de fer le port extérieur d’une arme. Nous vous proposons l’appellation de « couteau-poignard de l’administration »qui figurera à la nomenclature des armes dont le port a été accordé aux organisations civiles. Il est bien entendu que l’usage de cette arme restera strictement limité à la décoration extérieure.

Les cabans proposés sont approuvés sous réserve de les compléter par des brandebourgs à glands de telle sorte que tout en évoquant l’aspect de nos glorieux soldats d’Afrique, ces vêtements conservent au personnel un caractère suffisamment bourgeois pour ne pas éveille les susceptibilités militaires….. ».

A lire l’excellent document de Stéphanie Sauger « Surveiller les gares parisiennes au XIXème siècle » -Internet

La Revue d’histoire du XIXe siècle — anciennement 1848. Révolutions et mutations au XIXe siècle — Organe de la Société d'histoire de la révolution de 1848 et des révolutions du XIXe siècle.

 

 

Sources : Richard Trevithick et l'invention du premier train - Histoire …

https://www.histoire-pour-tous.fr › inventions › 284-invention-du-train.html---
Georges Poisson Humour de l’Histoire in Historia fév 1987 n°482-- www.herodote.net › 21_fevrier_1804-evenement-1804022…--Surveiller les gares parisiennes au XIXe siècle : police et modernité

Stéphanie Sauget p. 71-87https://doi.org/10.4000/rh19.700--