samedi 24 juin 2023

L'opération de la Cataracte

 

Opération de la cataracte pratiquée sur Gilles le Muisit en 1351 par Jean de Mayence--Miniature extraite du Manuscrit des Annales de Gilles le Muisit-- Bibliothèque Royale de Belgique

Opération de la cataracte au 14ème siècle

 

Lorsque nous approchons des 70 ans, qui de nous n’a pas entendu parler de la cataracte qui commence à nous obscurcir la vue ? Heureusement maintenant nos chirurgiens maitrisent bien son opération. Mais dans les temps anciens, c’était plus hasardeux.

Les archives nous racontent l’opération que subit en 1351 Gilles le Muisit, abbé de l’abbaye de Saint-Martin pendant plus de soixante ans. Il semble originaire de Tournai, né vers 1272 et décédé en 1352. Ce moine, chroniqueur et poète, âgé de près de 80 ans, était aveugle ou pratiquement depuis quatre ans. Il ne pouvait plus lire ni écrire, ni distinguer les monnaies. Pour occuper son temps et se distraire il composa sa Chronique Annales et Poésies, que l’éditeur Henri Lemaître rassembla et publia en 1905. Dans son manuscrit les conditions de l’opération sont peu développées, mais son récit est accompagné de la miniature reproduite en entête qui montre quelles étaient les attitudes du patient, du chirurgien et de son aide. Il est probable que le scribe qui avait calligraphié cette miniature avait assisté à l’opération ou qu’il en avait connu tous les détails. Le chirurgien, Jean de Mayence, vient d’Allemagne. Certainement un périodeute, c’est-à-dire un médecin itinérant, oculiste et lithotomiste, qui avait la spécialité comme nombreux de ses confrères, de soigner les maladies des yeux et d’extraire les pierres de la vessie.

On opère d’abord un œil, puis cinq jours après l’autre.

Gilles le Muisit parle à la fin du livre de ses Annales de sa maladie et de son opération :

 « Il est certain, dit-il, que moi Gilles, abbé susdit, ayant eu plus de cinquante ans à traiter les affaires de l’Église, soit avec les Supérieurs ecclésiastiques, soit avec les Abbés mes prédécesseurs, soit pendant que j’étais moi-même à la tête de ce monastère, je me suis extrêmement fatigué à écrire. Aussi arriva-t-il qu’en devenant vieux ma vue commença à faiblir, de sorte qu’en dernier lieu je ne pouvais ni lire, ni écrire facilement.

« L’année 1348, la veille et le jour de l’Assomption de la Glorieuse Vierge, je pus encore célébrer une messe privée, mais je dus bientôt reconnaître que cela même me devenait impossible, parce que l’état de mes yeux ne faisait qu’empirer et que je n’y voyais presque plus. Dès C’est à ce moment que je devins tout à fait aveugle, supportant, grâce à Dieu, avec résignation cette épreuve qu’il m’envoyait.

« Pour échapper à l’oisiveté et éloigner tout motif d’impatience, je consacrai mes loisirs à faire enregistrer, tant en Latin qu’en Français, une foule d’événements. Beaucoup de personnes s’émerveillaient de ma patience et, de fait, je conservai tout le temps ma gaieté et ma bonne humeur, sans cesser, grâce à Dieu, de faire tous mes efforts pour ne pas tomber dans le vice.

« Et maintenant, que ceux qui viendront après moi sachent qu’un certain Maître, originaire d’Allemagne, vint à Tournai et qu’ayant examiné mes yeux il promit, avec l’aide de Dieu, de me guérir. Après avoir bien réfléchi à tout ce qu’il me dit, et malgré l’avis de mes proches et de mes amis, je finis par me rendre à ses raisons. Je lui permis donc d’exercer son art sur mes yeux, le dimanche après l’Exaltation de la Sainte-Croix pour le premier œil et cinq jours après pour l’autre [les 18 et 22 septembre 1351].

« L’opération fut à peine douloureuse et consista à introduire dans l’œil un certain instrument en forme d’aiguille pour déchirer le voile qui obstruait mes yeux. Je recouvrai la vue, non certes comme elle était pendant ma jeunesse, mais comme il convenait à mon âge, car j’étais déjà octogénaire. Je voyais le ciel, le soleil, la lune, les étoiles, mais je ne pouvais reconnaître les gens. Je pouvais cependant pourvoir à tous mes besoins, excepté qu’il m’était impossible de lire ou d’écrire. Je pense que ce fut une grâce de Dieu ; que son nom soit bénit et qu’il me conserve en cet état jusqu’à ce qu’il lui plaise de me rappeler à lui. Je fus aveugle trois ans ou environ ».

Dans une de ses poésies, écrites en français, Gilles le Muisit donne le nom de l’opérateur et nous apprend que l’aiguille dont il se servit était une aiguille d’argent. Voici ce passage — dans sa version originale, en vieux français — qui sert de prologue à une longue pièce de vers composée en reconnaissance de sa guérison :

« C’est, dit-il, li loenge et li regrasciemens l’abbet Gillion le Muysit à Dieu, à le Virgène Marie, à Saint Martin, à tous Sains et à toutes Saintes, de chou que lie veue li est recouvrée, qui avoit estet aveules trois ans et plus, et n’avoit célébret, ne rien veut fors un pau d’air, et avoit estet environ siscante-deus ans abbés esleus, se fu aidiés par un maistre nommet Jehan de Meence, qui ouvra en ses yeuls d’un instrument d’argent, à manière d’aguille, sans peler, a pau d’angousce et tot passée, et fu faite cheste cure et vey des deus yeuls selon son eage souffiscamment, l’an de grâce MCCCLI (1351), environ le fieste Saint Remi. »

Cette maladie est connue depuis l’Antiquité : Chinois, Sumériens, Indiens, Egyptiens, Grecs, Romains la mentionnent.

Déjà Aulus Cornelius Celsus (Celse) sous le règne de l’empereur Auguste autour de l’an -1 et +1 recommandait pour l’opération de la cataracte : « Le malade, dit Celse, sera assis sur un siège placé au-devant de l’opérateur, dans un lieu bien éclairé et face au jour, de façon que le médecin soit placé un peu plus haut que lui. Derrière l’opéré, se tiendra un aide pour lui soutenir la tête et en assurer l’immobilité, car le plus léger mouvement pourrait lui faire perdre la vue pour toujours... L’œil gauche sera opéré de la main droite et l’œil droit de la main gauche. » (De re medica) Celsus sera le Cicéron de la médecine, l’Hippocrate latin. Il nous a laissé De Arte medica en huit volumes. Il avait vu Galien pratiquer.

Au 10ème siècle, en Andalousie musulmane, Abulcasis (vers 950-1013) décrit deux procédés de son invention, un pour opérer les adultes, et l’autre pour les enfants. Ce savant a son buste à Cordou et son ouvrage Kitab Al Tasrif est conservé au musée national de Madrid. Un siècle plus tard, un autre chirurgien Omar Ben Ali et Mausli décrit une autre technique : celle par aspiration buccale à l’aide d’une aiguille creuse à ouverture latérale.

D’autres noms, français, Pierre Franco, au 16ème siècle, Michel Brisseau en 1705, médecin-major des hôpitaux du roi, Charles Saint-Yves… Jean Méry vers 1741 pratique l’extraction du cristallin. Jusqu’à Charles Keliman en 1967 qui décrit un procédé moderne : une microincision pour aspirer la cataracte et la remplacer par un implant.

Qui était le praticien qui avait opéré notre abbé ?. Au Moyen-Age l’oculiste pouvait être le Rusticus ou notre rebouteux, le Chirurgus expetus in oculis c’est à die un chirurgien expérimenté, ou bien le Judeus, le Juif. Probablement pas le rusticus, notre patient était un trop grand personnage pour avoir recours à ce genre de praticien qui d’ailleurs sortait peu de son pays d’origine et exerçait dans un rayon de peu d’étendue. Plus vraisemblablement un chirurgien expérimenté ou un juif. Cette communauté a fourni beaucoup de praticiens médecins. L’oculistique sera pendant longtemps entre les mains de praticiens juifs. Le roi d’Aragon Jean en 1468 sera opéré par le rabbin de Lérida Abi-Abor.

Il nous faut reconnaitre qu’au 13è et 14ème siècles les écoles de médecine de Salerne et Montpellier ne se sont pas beaucoup occupé d’oculistique. Les chirurgiens comme Guillaume de Salicet (1276)  semblent surtout appliquer des méthodes opératoires qui indiquent une grande pratique. Il explique : « cette opération, dit-il, ne pourra être comprise par l’élève que s’il l’a vue faire de ses propres yeux par quelqu’un d’expert et d’habitué à la pratique oculaire. »

Un autre praticien Jean de Gaddesden au 14ème siècle déclare que pour l’opération de la cataracte les médecins et chirurgiens doivent d’abord s’essayer sur des yeux de chien, de coq ou de tout autre animal !!

En 1699 on va exiger des oculistes mais aussi des rhabilleurs, des lithotomistes une épreuve en présence des chirurgiens officiels de Saint-Côme.

Gilles le Muisit ne recouvra pas totalement la vue ; il voyait le soleil, la lune et les étoiles. Mais il ne pouvait reconnaitre les gens, ni lire et ni écrire. Il pouvait marcher suffire à tous ses besoins. Jean de Mayence sera récompensé largement et se fera une forte réclame de ce succès.

Notre abbé dut se mettre au régine sévère pour ne pas perdre le bénéfice de l’opération : adieu le bon vin, l’ail, les longues veilles et les « copieuses beuveries », se protéger du vent, du froid. Il « contrefait le sage » encore un an avant de quitter notre monde.

J’ay les ioez diffamés, un pau s’en suy honteus,
Et le temps m’est contraire, quant frois est et venteux.

 

Il me convient warder dou vent et de l’orage,
D’airuns et de fors vins, dont j’avoie l’usage,
Et, pour chou que je voie, contrefaire le sage,
Mes coutumes cangier et muer me corage.
Jay les deus ioex moult tenres, se me nuyroit lumière,
Ayl, vins taster et veiller, fèves, feux et fumière,
Se me convient warder ou revenir arrière
En lestat prumerain et cangier me manière.

 

Sources et pour en savoir plus : « La France Médicale » 1907—La France Pittaoresque 20/2/2023--- wikipedia.org--



mercredi 14 juin 2023

A Quand la Pétanque aux JO ?

 



Discobole Musée Palazzo Massimo alle Terme –copie époque romaine époque impériale -140 avant JC—marbre--

 

A quand la pétanque aux JO ?

Bientôt les Jeux Olympiques à Paris. A chaque nouvelle édition des JO, de nouveaux sports sont intégrés au programme suivant. En août 2016, la Commission du programme olympique avait allongé la liste des disciplines sportives pour les jeux d’été : l’escalade, le surf, le skateboard, le karaté, le baseball/softball. Aux jeux de Rio, 28 sports, à Tokyo 33 pour l’été 2021 (édition 2020 reportée en 2021 pour cause de Covid19).


Pour Tokyo, le bowling, le squash, le wushu ont été recalés, nombre de participants trop faible, trop local, pas assez sportif ( ?).

Il s’agit de maitriser les couts, de maintenir un intérêt, une popularité, surtout auprès des jeunes et favoriser l’égalité des genres.

Les sports trop cérébraux comme les échecs, ou impliquant une mécanique comme la course automobile sont pour l’instant exclus. Les infrastructures construites pour l’occasion doivent aussi pouvoir resservir. La pétanque proposée pour les jeux de Paris en 2024 a été refusée car trop peu répandue.

Une liste de disciplines qui n’est pas gravée dans le marbre. Ainsi le baseball ou softball féminin réintégré pour Tokyo, intégré en 1992 pour les jeux de Barcelone et exclu à Pékin en 2008 pour cause de terrain inadéquat. Le karaté présent pour les jeux de Tokyo en 2021, sera remplacé en 2024 à Paris par le breakdance, plus moderne…..

Pour les jeux de Paris en 1900, une épreuve de tir à la corde, jeu très présent dans nos campagnes et fêtes de village. Cette discipline sera reprise cinq fois puis partira aux oubliettes. Une épreuve de tir aux pigeons aussi pour cette édition, épreuve qui sera vite oubliée. La pelote basque sera proposée pour cette édition mais seules deux équipes s’étaient inscrites et le math n’aura pas lieu.

Une épreuve de natation toujours pour cette édition de 1900, assez surprenante pour nous, qui rappelait à nos mémoires des rites maritimes et même de piraterie : une course de 200 mètres avec obstacles, les nageurs devaient plonger sous une rangée de barques puis en escalader une autre….

D’autres disciplines ont fait un petit tour aux JO : le hockey sur patins, le polo, le cricket, le ski nautique…. Des sports représentatifs d’une époque et d’un art de vivre,  d’une classe sociale. Une autre époque sans télévision, mais des épreuves filmées et retransmises aux actualités des salles de cinémas.

(Rio 2016-Huffington Post)

Peu à peu un effort est fait pour intégrer aux JO des sports « jeunes » et issus du milieu urbain, skateboard, breakdance…. Mais la parité hommes-femmes n’est pas oubliée. Des épreuves mixtes s’installent, le judo, le triathlon, l’athlétisme, la natation… A Tokyo, parmi les 339 épreuves, 165 sont exclusivement masculines, 156 féminines, et 18 mixtes. A Paris, quatre s’ajouteront. On peut se demander si c’est bien utile à la cause féminine….

On parle aussi d’une liaison entre sport et numérique avec les premières « Olympic Virtual Series ». Pourquoi pas ? A suivre !!!

Cette fête des corps, de l’endurance, de la patience et de la douleur, ne doit pas nous faire oublier un certain penchant pour une récupération politique. Les jeux de 1936 doivent rester dans nos mémoires comme une malédiction. Et les nombres de médailles ne représentent pour un pays qu’une bonne santé, et une bonne éducation de nos enfants, des infrastructures, mais surtout pas une certaine capacité à truquer, doper, une soi-disant suprématie nationaliste sur les autres pays. Ce doit être la fête des sportifs et non des idéologies, d’un monde politique.

 



.Sources et pour en savoir plus : Mélina Juin  L’Elephant juillet 2021 « Les petits nouveaux aux JO »-- wikipédia.commun--

dimanche 4 juin 2023

Corbeau écolo

 

Corbeau écolo

 

En Suède, dans la ville de Södertälje près de Stockholm, les corbeaux ramassent les mégots de cigarettes. Les éboueurs et agents d’entretien de l’espace public sont aidés par des corbeaux dits « sauvages ». Ils ont été éduqués ou dressés par la start-up Corvid Cleaning. Les corbeaux sont volontaires, appâtés par des récompenses gustatives. Il s’agit de corbeaux de Nouvelle-Calédonie, réputés pour leur intelligence scientifique prouvée qui les rend plus faciles à éduquer.. Le corbeau attrape le mégot dans son bec et l’emmène jusqu’à une machine spéciale où le déchet est déposé. Un mécanisme s’enclenche et la récompense arrive. Selon Christian Günther-Hassen, l’inventeur de cette méthode, « il y a moins de risques qu’ils mangent les déchets ». L’entreprise s’assure par ailleurs de la bonne santé de ces nettoyeurs volants qui pourraient être au contact de résidus nocifs.

Les corbeaux pourraient faire économiser au minimum 75% de coûts liés à la collecte des mégots de cigarette. En Suède plus d’un milliard de mégots sont récupérés chaque année d’ »après la fondation Keep Sweden Tidy.

L’être humain plus bête qu’un corbeau : comment lui apprendre à ne pas jeter ses mégots par terre ??



Ce type de corbeau, originaire de Nouvelle-Calédonie, est connu pour fabriquer et utiliser des outils. Par exemple, il peut fabriquer des crochets en bois pour récupérer de la nourriture, une sorte de cure-dent à crochet. Il choisit une plante ou arbre qui peut être définitivement déformé, comme le pandanus, puis il en détache une brindille et taille la base pour lui donner une forme arrondie. Il peut même accentuer la courbure de l’extrémité incurvée en la pliant. Pour cela il est capable de maintenir l’outil sous une patte ou en le plaçant sur une surface dure. Il peut aussi rectifier la forme de l’outil si celui-ci ne marche pas !! Si on lui présente un outil droit à une extrémité et courbée à l’autre, il va choisir l’extrémité courbée… Son talent a été découvert et observé vers 1996 par Gavin Hunt. Dans son travail de découpage, il semble utiliser plus largement le côté droit de son bec. Il serait ainsi droitier donc « latéralisé », ce qui est rare dans le monde animal.

Vers, chenilles, araignées et insectes, mais aussi escargots, petits lézards ne sont pas de taille pour lutter contre son intelligence. La taille et la forme des outils sont différentes d’une forêt à l’autre, indiquant une adaptabilité, un comportement culturel chez cet oiseau.

 



Sources et pour en savoir plus : Fiche créée le 06/11/2010 par Daniel Le-Dantec publiée le 06-11-2010 - modifiée le 08-11-2010 © 1996-2023 Oiseaux.net---www.oiseaux.net/oiseaux/corbeau.caledonien.---- /andycomins.com/crows-smartshtml----/www.sciencesetavenir.fr/animaux/oiseaux/les …---Le Guadian 1er février-- L'Itinérant supplément mensuel Com'Sol mai 2022---