lundi 24 août 2020

Genève cité du refuge



Lac Léman photo collection privée 2013


Genève Cité du Refuge
Il y a quelques années paraissait un livre de Jacques Attali « L’Homme Nomade ». Pour cet auteur, l’Homme est un nomade qui pose un temps ses valises, toujours appelé vers un ailleurs. C’est le nomade qui a inventé ou transporté les éléments de toutes les civilisations, le feu, les langues, les religions, l’agriculture, l’élevage etc…. Le nomade a été source d’innovation, de création. A ne pas confondre (quoi que !!) avec les invasions, les guerres de possession, les guerres de pouvoirs d’un peuple sur un autre. Nous avions un voisin anglais, dont les ancêtres avaient été languedociens sous notre roi François 1er, alsaciens sous Henri II son fils, puis hollandais et enfin anglais et australiens au 19ème siècle. Ils étaient arrivés sur notre sol avec les Guido (Gide) et d’autres Italiens au 15ème-16ème siècle. Ainsi va l’Histoire qui n’est pas « un long fleuve tranquille ». Certains migrants vont se fondre dans la société dès la seconde génération, pour d’autres c’est plus long.
Mais pourquoi partons-nous du village qui nous a vus naître ? Vaste question à laquelle nous n’avons pas la prétention de répondre. La faim, un avenir peut-être meilleur, une guerre, une opposition politique sanglante… le commerce.  Lorsque j’étais en activité (1985-2005), j’ai côtoyé des « migrants » de tous pays. Des Arméniens sur les routes depuis plus de 20 ans, laissant derrière eux les tombes des Leurs dans les pays traversés, des Syriens, des Irakiens, des Afghans en quête de membres de leurs familles ici et là, des Russes, des Africains,…. Des personnes face aux enjeux climatiques, ethniques, culturels, politiques et militaires de notre temps. Même nos amis Anglais ou Belges qui viennent profiter de notre soleil en investissant nos villages pour y vivre leurs retraites sont des migrants apportant à leurs semelles leurs modes de vie, leurs interrogations quant aux nôtres.. Et nous oublions nos grands-parents, quittant leur village français au 19ème et 20ème siècle pour la ville et ses mirages économiques. C’était aussi pour eux un choc culturel, cultuel…
Nous allons ici plus simplement voir l’exemple d’une famille languedocienne quand religion et politique ne font plus bon ménage dans un pays.

Tour du Molard-ou des Huguenots-Genève-Cité de refuge--
Lors de nos guerres de religions du 16ème-17ème-siècles la Suisse a accueilli un grand nombre de nos migrants français qui sont restés un temps sur son sol, pour ensuite rejoindre l’Allemagne, la Hollande, l’Angleterre, parfois plus loin, la Russie, l’Iran, l’Inde….. Certaines de ces familles sont devenues suisses, influençant peut-être les « révolutions » genevoises du 18ème siècle ! Un exemple : notre révolutionnaire Jean-Paul Marat est né en Suisse à Boudry principauté de Neuchâtel, issu d’une famille calviniste, père capucin défroqué originaire de Sardaigne, et mère genevoise originaire de notre Rouergue !!


Boudry maison natale de Marat-Roland Zumbühl (Picswiss), Arlesheim (Commons:Picswiss project)- 14 avril 2006

Dernièrement dans les archives du Journal de Genève j’ai vu plusieurs articles dont un de 1960 qui parlaient d’une famille languedocienne les Airebaudouze migrant en Suisse au 16ème siècle et qui s’est intégrée à la société genevoise.

Nous retrouvons cette famille dans les archives notariales du Languedoc du côté de Sauve, Anduze, Calvisson, Nîmes dès le 14ème siècle. Ce sont des marchands bien installés, dans la société et le commerce de mules, de bœufs, de moutons. Puis après des mariages avec des « cuirassiers », c’est-à-dire des artisans travaillant le cuir, ils deviennent aussi « chaussatiers », fabricants de bottes, souliers, gants,  fournitures en cuir. A cette époque une bonne partie des équipements des soldats sont en cuir, ainsi que les meubles. Peu à peu comme beaucoup de familles d’artisans, ils s’embourgeoisent et comptent dans la communauté ; ils sont témoins aux mariages, aux contrats. Ils seront alliés par mariages entre autres familles avec les de Bargeton, les seigneurs de Vallabrix. ( Louis, l'aîné, fils de Pierre de Bargeton et petit-fils de Mathieu(1555ou1558-1612) épouse par contrat (notaire Jean de Soustelle Anduze 2-E-10/268) Elisabeth Folquier d’Airebaudouze le 31 juillet 1589 à Anduze, fille de François d’Airebaudouze, baron d’Anduze et seigneur de Fressac et Lezon, Président de la Cour des Aides de Montpellier depuis 1555, mort en 1576 (ou avant 1589), et de Catherine d’Airebaudouze (Catherine du Mois ou Dumoys), dame d’Airan (Site près de St Quentin la Poterie avec une fontaine célèbre).  Le frère de la mariée, François, l'assiste, il est baron d'Anduze. La dot est de 1000 écus. Louis est qualifié d’écuyer, seigneur d’Aureilhac. )
Il semble que l’anoblissement se fera vers 1480 avec noble Guillaume d’Airebaudouze. En 1534-39 Jean et Nicolas seigneur de Cest et de Clairan, font leur présentation à l’arrière-ban et fournissent le dénombrement de leurs seigneuries. Ils accèdent aux métiers « de robes », conseillers à la cour des Aides, par exemple. Cette famille évolue conformément au fil de l’histoire, très représentative de l’époque.
Ils seront comtes d’Anduze puis marquis en 1645. Le domaine d’Anduze entre dans la famille en 1539 pour partie, acheté à l’évêque du Puy, et en 1547 en totalité. Ils sortent du mas de Cabrières près de St Nazaire des Gardies où on les trouve dès le début du 14ème siècle. Leur fortune est considérable à cette époque : en 1504 l'ancêtre Marc d'Airebaudouze, marchand chaussatier d’Anduze, fait des dons pieux d'un montant de 11 000 livres, 1000 livres aux pauvres, autant aux lépreux etc... Ses héritiers sont ses deux neveux Jean-Folquier et Nicolas Guy, à charge pour eux de porter son nom Airebaudouze, de vivre avec lui et de continuer leur négoce. A ce moment ils sont alliés par mariage aux Brueys, de la Fare, Massane....
D'après un acte notarial du 4 mars 1529 chez le notaire d'Alès Pierre Pelet, (2-E-11/361), licence est accordée à nobles Jean-Folquier et Nicolas-Guy »dit » d'Airebaudouze seigneur de Cleyran cousins, de "tenir en leur mas de Cabrières assis paroisse de St Nazaire des Gardies tours, barbacannes ou marchicol, creneauls, arquières, bonbardières tant dedans que dehors et aultrs forteresses necesseaires que faire ce pourra pour la conservation et défense dudit mas et devant la porte principale d'iceluy mas faire et tenir une place à mode de boloart marlatere et aultrement iceluy mas stenir et reduire en forteresse à leur volonte"..."fait sur le chemin du château d'Aigremont à l'église dudit lieu". Jean et Nicolas ici sont cousins mais plusieurs chroniques les font frères à tort si l’on en croit les actes des notaires. Par ce texte un des attributs seigneuriaux leur est accordé : le château ou mas fortifié. Nous sommes dans une société où les symboles doivent être forts pour affirmer un statut social. D’ailleurs rapidement après cet acte, en juillet 1530, Nicolas Guy d’Airebaudouze seigneur de Clayran est interpellé  par les habitants de Soudorgues, leur cloche de l’église est ruinée et la « verryne » (fenêtre ou vitrail) est trop petite. Il leur doit réparations comme tout seigneur en son domaine. (notaire Pellet2-E-11/361).

 Jean Folquier d’Airebaudouze, seigneur de Cest, décède après avril 1553, il était l’époux de Catherine du Ranc de Vibrac (mariage1506), d’où une inflation de Catherine dans la famille sur plusieurs générations. Jean Folquier d’Airebaudouze (1480-1553) était trésorier du roi, receveur des décimes pour les diocèses de Nîmes et Uzès. Il a plusieurs enfants dont Pierre et Guillaume. Dans la famille nous aurons des présidents en la Cour Souveraine des aides de Montpellier, des gentilshommes ordinaires de la chambre du roi, des « mestre de camp »…... Une famille bien installée dans la société !

Mais notre pays est déchiré par les querelles religieuses. La famille s’engage politiquement et militairement pour le parti de la Réforme Protestante.
Des mariages, des enfants se feront entre Suisse et France. Les kilomètres ne semblent plus compter. On nait à Genève, on se marie à Nîmes, pour finir par mourir du côté du lac Léman. (ou dans un autre ordre !).
Guy d’Airebaudouze président de la Chambre des Comptes de Montpellier, est condamné à mort par contumace en mars 1569, pour avoir participé avec d’autres religionnaires à la destruction du fort St Pierre, ancien monastère de St Germain près de Montpellier. Le seigneur d’Acier, baron de Crussol était de la partie, ainsi qu’une bonne partie de la petite noblesse du Languedoc.

-- Pierre, le fils de Jean Folquier d’Airebaudouze,  est d’abord prieur (de1520à1545) de Saint Martin de la Rouvière, de Saint Martin de Martignaques, de Saint-Martin de Montaigu, archidiacre de Nîmes et d’Uzès. Mais il se convertit au protestantisme en 1552-53 environ et quitte la France (d’après le testament de son père). Il épouse Françoise de Montcalm Gozon à Genève le 15 janvier 1553 (contrat de mariage). Trois filles naitront de cette union : Elisabeth née à Genève épouse de Guillaume de Freton écuyer de Calvisson (Gard) en 1584, Magdeleine (née et décédée en 1637 à Nîmes) épouse de Pons de Raymond de Brignon (mariage protestant) et Anne épouse Barthélemy Fauquier, filles qui construiront une partie de leurs vies en France. Nous retrouvons un William, un Nicholas, un Henry de Freton en 1626 en Angleterre dans le Norfolk, le Suffolk. Elisabeth aura un fils Louis capitaine d’une compagnie au régiment de Mr de  Chastillon en Hollande (mariage le 9 juin 1614 avec Madeleine de Montcalm et décès le 20/8/1625-une fille Madeleine à Haag en Hollande en 1621).
Pierre est reçu habitant de Genève le 2 janvier, puis Bourgeois de la ville le 9 mai 1555. Il devient très vite une personne politique qui compte.
Il étudie la théologie avec peut-être Calvin, tout au moins avec des pasteurs célèbres de cette sensibilité religieuse.
Il devient pasteur de Jussy en 1555, puis à Genève en 1560. Retour en France et il est président des synodes des églises du Dauphiné, Lyonnais et Bourgogne. 1561 Lyon, 1562 Montpellier, 1564 Nîmes.. Il est très recherché comme le plus éloquent, le plus «emporté» de tous les ministres (pasteurs) de Calvin. Lyon, Nîmes, Montpellier se l’arrachent. De trêves en guérilla nous sommes toujours en guerre civile pseudo-religieuse.
A Nîmes la roue tourne : Pierre fait partie des 104 huguenots condamnés à mort par contumace après les massacres de la Michelade de 1567.  Retour en Suisse. C’est probablement à Genève qu’il décède avant 1571.
Mais tout n’est pas simple pour les réfugiés en Suisse. L’année 1555 est décisive pour la jeune République de Genève. Le Petit-Conseil est aux mains des partisans de Calvin. La Bourgeoisie est octroyée à un grand nombre (trop ??) de réfugiés français malgré l’opposition des « Enfants de Genève » et son chef de file Perrin. Le 16 mai 1556 après une mini-révolte, Perrin et ses amis sont accusés de vouloir renverser la discipline ecclésiastique et « la Sainte Réformation ». Les meneurs sont arrêtés, jugés, emprisonnés ou en fuite. Genève retrouve son calme et devient vraiment la cité de Calvin.
La veuve de Pierre d’Airebaudouze, dit d’Anduze, Françoise de Montcalm par testament en août 1574 donne les livres en latin de son mari et 5 livres à son neveu Pierre d’Airebaudouze, seigneur de Cest et fils de Guillaume. Le titre a changé de tête.(adg not J Ursi 1574). Elle avait un fils Jean de Pavé d’un premier mariage, lui aussi à Genève en 1565 (adge745Jacques Ursi)
--- Le frère de Pierre, Guillaume lui aussi chanoine de Nîmes, le rejoint en Suisse et est reçu Bourgeois de Genève en 1556.
Une de leurs sœurs Jeanne s’était mariée en avril 1541 à Genève avec Pierre Huguenot de Born seigneur d’Auriac et de Fraissinet de la Combe. Lui aura moins de chance : il est condamné et décapité avec le procureur du roi à Toulouse en 1570 pour avoir fait « fondre les reliques et tomber les cloches », peut-être grâce à des faux témoignages ?(BNF Gallica Société des lettres,Sciences et arts du Département de la Lozère 1887) .  Les temps étaient rudes.
Jeanne a quitté ce monde probablement avant 1557 après avoir eu cinq enfants. Pierre de Born était né à Marvejols en Lozère et avait été nommé gouverneur pour le roi de cette ville.
(Tour du Molard -Genève)
Guillaume  épouse à Genève Madeleine de Burines de Tournay et leur descendance s’installe en Suisse. Dont Pierre le neveu du testament de Françoise de Montcalm-Gozon. Un autre fils, Jacques membre du Conseil des Deux-Cents et marié en avril 1621 avec Marie Saladin, d’où Jeanne entre autres enfants, mariée  le 17 janvier 1639 (1638/9 julien) (27 janvier 1639) (jeudi), Temple du Petit-Sacconex, Petit-Saconnex, Genève, avec Daniel de la Rive secrétaire d'État de Genève 1609-1647, issu d’une vieille famille genevoise. (Le père de Madeleine de Burines était procureur du roi en la sénéchaussée de Beaucaire et Nîmes, assassiné à Nîmes en 1544).

Guillaume entre au Conseil des Deux-Cents de Genève en 1566. Il décède avant 1581.
Son fils Pierre sera un juriste docteur en droit et humaniste célèbre. Il est baptisé au Temple de la Madeleine à Genève en 1557 et décède dans cette ville en 1627. Une ascension sociale et politique rapide, due au mérite et au travail. Avocat, élu aux Deux-Cents en 1590, puis aux Soixante en 1599, membre du Petit-Conseil en 1610. Procureur général en 1605, puis procureur de l’Hôpital de 1610 à sa mort. En 1598-99 il est auditeur c’est-à-dire assistant du lieutenant en la justice ordinaire. Les édits de 1568 nous disent qu’on nommait à ce poste « des gens de bonne conscience, aimant équité et droiture, et de bonne prudence pour justement juger… ». Pierre était très apprécié et avait gagné la confiance des Genevois.
Il siège au Consistoire comme ancien de 1603 à 1627 et à la Chambre de la Santé de 1615 à 1617 pendant une épidémie de peste. A partir de 1620 il commande la Compagnie de St Gervais. Il nous laisse des recueils de textes juridiques, mais aussi des publications de poètes latins, un précis de géographie en latin….. Il occupe une place plus qu’honorable chez les romanistes du 16ème siècle. Il signait ses ouvrages soit en français du nom « du Cest », nom de la famille, soit en latin « Petrus ad Area Baudosa Crestius ».
Pierre ne coupe pas les ponts avec la patrie de ses ancêtres : il prête de l’argent ou sert de caution à des écoliers en théologie de Nîmes, Alais, Anduze.. « Pierre d’Airebaudouze sieur du Cest, fugitif et habitant Genève en 1598 fait quittance de 50 écus-soleil à Jean de Falguerole pasteur de Nîmes par lettre de change pour Paul de Falgueroles escolier estudient à Genève son fils. » (adg relevé Bondurand 1900 Ser Enot p315). En 1625 c’est une quittance de 200 florins faite par un bourgeois de Genève Moïse Boissin, avocat de Pierre d’Airebaudouze habitant Genève. (adg relevé Bondurand E673 Ch Guirand Nîmes).
Il avait épousé Judith Galline à Genève en mars 1613. A son décès il laisse l’usufruit de sa maison à sa veuve. Au décès de celle-ci, la propriété de ses biens ira à son plus proche parent qui viendra s’installer à Genève et y professera la religion protestante. Marc de Loriol en 1654 après de nombreuses délibérations et tractations put faire valoir ses droits qu’il détenait de sa grand-mère Madeleine Folquier d’Airebaudouze et de sa mère Louise de Brignon veuve de Jean de Loriol. Plusieurs Loriol s’installeront temporairement dans cette maison au cours du 17ème siècle. On les retrouve toujours en Suisse, Lausanne, dans le canton de Vaud… Madeleine Folquier d’Airebaudouze était la fille de Pierre et Françoise de Montcalm, vue plus haut.


 (Plaque de rue à Genève : le languedocien Firmin Abauzit est devenu savant genevois)

Les départs de réfugiés vers la Suisse vont continuer et s’amplifier à partir de 1680. Pour les protestants ou les nouveaux convertis il est de plus en plus difficile de vivre sa religion dans notre beau pays.
Au moment de la Révocation de l’Edit de Nantes de 1685, de 1684 à 1687 plus de 30 000 français passent par Genève qui ne compte que 16 000 habitants. Les passeurs font fortune. Des bureaux d’adresse clandestins voient le jour, fournissant guide, papiers. En 1687, on compte environ 350 personnes arrivant chaque jour à Genève. Les ambassades de Prusse et de Hollande apportent leur aide pour les transferts d’argent des plus fortunés. Une bonne partie de la Prusse, exsangue après la Guerre de 30 ans,  sera repeuplée par les fugitifs de Louis XIV. (la guerre de Trente ans a fait au moins cinq millions de victimes civiles et militaires pour une population totale de quinze à vingt millions d'habitants dans le Saint Empire romain germanique.).
Un colon de Magdebourg écrit : «le pays est beau, les vivres bon marché et on s’habitue à la bière». Il lui manque malgré tout l’ombre des figuiers.


Mur des Réformateurs -1909-1917- Alphonse Laverrière-Jean Taillens-Sculpteurs Henri Bouchard, Paul Landowski—Bien Culturel Suisse d’Importance nationale

Sources et pour en savoir plus : Histoire de Bresse et de Bugey. Contenant ce qui s'y est passe' de memorable sous les Romains, roys de Bourgongne...Auteur : Samuel GuichenonEdité en 1650-- Inventaire du fonds de Firmas de PeriesAuteur : Yannick Chassin du GuernyEdité en 1985--Histoire civile, ecclésiastique et littéraire de la ville de Nismes t6Auteur : M. MenardEdité en 1701--- archives départementales du Gard – généanet généalogie---Histoire de la maréchaussée du GévaudanAuteur : J. PliqueEdité en 1912BNF Gallica--- Hommage à Fabre de Morlhon 1978 : Les d'AIREBAUDOUZE d'Anduze, par Y. CHASSIN du GUERNY et J.P. de GENNES A. PUECH : Mémoires de l'Académie de Nîmes 1880, 1886. Hubert de VERGNETTE -- Revue du Cercle Généalogique de Languedoc n°050Edité en 1991-- Inventaire sommaire série B t1 - AD Herault: Archives départementales de l'Herault ---County of Suffolk: its history as disclosed by existing records and other documents, being materials for the history of Suffolk,...Auteur : Copinger, Walter Arthur, 1847-1910---www.via-huguenots-geneve.ch/ge/fr/poi/16---photos collection perso---

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vendredi 14 août 2020

a revoir La Saint Barthélémy- La nuit de la trahison


Revoir La Saint Barthélémy La Nuit de la Trahison 
sur ce blog article du 20/08/2017



François, DUBOIS (1529 - 1584) Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

La Saint-Barthélemy :


Bientôt le 24 août anniversaire de la Saint-Barthélemy. 24 août 1572, "la nuit de la trahison" comme l'appellent les huguenots...........

mardi 4 août 2020

La Révolte des Femmes






La révolte des Femmes :

Depuis la nuit des temps, hommes et femmes s’affrontent dans un jeu de domination dangereux : qui aura le pouvoir sur l’autre, qui sera plus fort, plus intelligent, plus faible, plus apte à gouverner une maison, un village, un état….
La plupart du temps les femmes en paient le prix. Et cela est universel, quels que soient le pays, la culture, la religion, la période comme un péché qui leur colle aux talons. Parfois, les hommes permettent aux femmes de prendre les rênes de l’usine, de la ferme, pendant une guerre, une crise. Mais elles doivent vite retourner aux fourneaux.
Mais les temps changent petitement au moins dans certains pays. J’ai vu s’installer des femmes magistrats, médecins, chercheurs, et d’autres travaillant simplement dans tous les rouages de l’économie, trop souvent encore dans des métiers sous-payés. Notre image de soi-disante faiblesse nous cantonne dans des métiers d’infirmières, de caissières, de secrétaires… Et toujours cette violence faite aux femmes…

« Je ne plains pas les garçons, disait Luther : un garçon vit partout, pourvu qu’il sache travailler ; mais le pauvre petit peuple des filles doit chercher sa vie avec un bâton blanc à la main. » (Mémoires de Luther) (bâton blanc, en signe de dépendance, ou de défaite).

Des femmes ont montré le bon exemple en Occitanie, Ermessende de Carcassonne (975-1058), comtesse de Barcelone et de Gérone, dont le sceau était en deux langues : arabe et latin, Almodis de la Marche (1020-1071), Ermengarde vicomtesse de Narbonne qui participe à de nombreuses opérations militaires contre les arabes en 1148….dont la prise de Tortosa. Elles ont été chantées par les troubadours. 

Voici le récit de la Guerre de la Dille tiré d’un texte non-signé paru dans « Nîmes, Uzès, le Gard «  de 1980 :
Nous sommes en 1212 dans le Gard. Les femmes se révoltent pour obtenir qu’on respecte leurs droits. A Nîmes, Alès, dans les petits bourgs, partout elles délaissent leurs maisons, et parcourent les rues en criant et en injuriant les hommes. « Adobez sor dille ! » que l’on peut traduire à peu près par « rendez-nous notre place » !! 
Les femmes refusaient le sort que les hommes leur faisaient. Depuis quelques temps, les hommes prenaient en main leur ville et village par le biais des consulats. Epoque difficile dans notre Languedoc avec la croisade contre les Albigeois, les Comtes de Toulouse sur le déclin, l’Aragonais qui espérait prendre pied chez nous…. Mais c’est aussi et encore la période des troubadours, des chansons-poèmes, des légendes contées, de l’amour courtois…. Avec les "chansons de geste", c'est une forme de laïcité qui entre en littérature. On y célèbre une identité culturelle, les valeurs de la chevalerie héroïque et aventureuse, plus nationale que religieuse, ce qui est dans le vent de l'Histoire mais pas dans les principes de la culture monastique.... Un monde qui souhaite changer ? 

« Elles s’attroupaient devant la maison des Consuls, bousculant les hallebardiers et interpellant les édiles…. Comme toujours on eut les femmes à l’usure. Les Consuls firent des discours et des promesses qu’ils ne tinrent pas. Quelques maris rossèrent leur bien-aimée, d’autres les attendrirent et tout rentra dans le calme. Alors vint le temps de la vengeance ».
Une femme trouvère Eve de Brétharme née à Uzès en 1190 en fera les frais. C’est une « trobaïritz » célèbre, chantante et véhémente, s’accompagnant d’une petite derkouba arabe. Dans ses nombreux sirventès elle raillait, critiquait toutes les autorités avec virulence. Elle s’était fait connaitre aussi par une émouvante chanson de geste sur la Croisade des Albigeois. Elle portait des vêtements masculins ce qui la rendait très particulière, même suspecte aux yeux des autorités. Elle était féministe avant l’heure. Elle clamait ses poèmes dans les rues et les places d’Uzès, perchée sur les murets, haranguant les passants.
« Raymond III ou Raymond IV, évêque d’Uzès, la fit arrêter et la Temporalité, la justice du diocèse, décida le procès d’Eve. On l’accusait de sorcellerie, de pacte avec le Malin, seule une sorcière pouvait troubler ainsi toutes les femmes de la province. Mais dans sa prison, Eve de Brétharme déchira ses vêtements pour en tresser une corde. Etant très mince, elle se glissa entre les barreaux de sa geôle et utilisa sa corde pour descendre jusqu’au sol.
Les passants attardés virent une femme entièrement nue courir par les venelles d’Uzès. Elle se réfugia chez son amie Symone qui avait pour amant un sergent de la Prévôté de l’Evêque. Les deux femmes lui volèrent des vêtements et son cheval pour fuir Uzès au grand galop. On ignore ce qu’il advint de cette championne du féminisme. »

Nous lui espérons une longue vie, pleine de poésies. Les femmes trouvères sont peu nombreuses ou tout au moins ont laissé peu de traces. On dénombre une quarantaine de troubadours masculins languedociens sur au moins les 500 que comptait notre pays. Les trobairitz, troubadours-femmes, sont des poétesses et compositrices en langue occitane. An Nord, en langue d’oil on les appelle « trouveresse ». Le roman « Flamenca » du 13ème siècle les mentionne pour la première fois. Elles font partie de la société courtoise, souvent dotées d’une bonne instruction littéraire, parfois de naissance noble. Elles composent aussi bien de la musique sacrée que profane. Elles représentent le dessus du panier des artistes à différencier des jongleuses de condition 

plus ordinaire, proches des saltimbanques.
Deux ont particulièrement laissé une trace Marie de Ventadou et Beatritz de Dia. Sans oublier Clara d’Auduzan Gormonda de Monpeslier, Garsende de Sabran, Guillelma de Rosers, Na de Casteldoza, Iseut de Capio  
Et Azalaïse de Porcairagues près de Montpellier célèbre pour sa voix, sa beauté et son art, amoureuse de Gui Guerrejat, le frère de Guillaume de Montpellier.
(La trobairitz Azalaïs de Porcairagues, d'après un chansonnier provençal du XIIIe siècle (Bibliothèque nationale de France, Paris, ms. français 12473, fol. 125v). wikipedia.org)
Azalaïse de Porcairagues :
"Nous voici maintenant arrivés, au temps froid, avec les gelées, la neige et la boue; et l'oiselet reste muet, car aucun ne s'avise de chanter ; et les rameaux sont secs dans les bois ; car ni feuilles ni fleurs n'y naissent ; 
nul rossignol n'y chante, lui qui, chaque année, au mois de Mai nous réveille.
  J'ai le coeur tellement déçu que je suis indifférente à tout  et je sais que j'ai perdu beaucoup plus que je n'ai gagné ; 
mais si les expression me font défaut,  c'est que d'Orange me vient le trouble ; voilà pourquoi j'en reste comme étourdie et j'en perds en partie le soulas,
 
Une dame place très mal son amour, qui l'adresse à un homme trop puissant,  plus élevé que vavasseur ; 
et celle qui le fait est insensée. Car Ovide le dit : qu'amour et puissance ne vont point ensemble ;
et dame qui est distinguée [par un grand,] je la tiens pour outragée.
 
J'ai un ami d'une grande vaillance,  qui les surpasse tous ;  et celui-là n'a pas le coeur perfide à mon égard ;
car il m'accorde son amour.  J'avoue que le mien lui appartient;  et, qu'à celui qui dirait le contraire Dieu fasse un mauvais destin, 
car moi je m'en tiens pour bien assurée.
 
Bel ami, de bon gré je me suis engagée pour toujours à vous, qui êtes courtois et de belles manières ; seulement ne me
demandez rien de mauvais.  Bientôt nous en viendrons à l'épreuve, et je me mettrai à votre merci;
mais vous m'avez fait la promesse que vous ne me demanderiez pas de faillir.
 
A Dieu je recommande Beau-Regard et, de plus, la ville d'Orange, et Gloriette, et le Caylar,
et le seigneur de Provence et tous ceux qui, là-bas, me veulent du bien. 
Mais c'est là que j'essayai [d'aimer] et que je perdis celui qui a ma vie, et je ne m'en consolerai jamais.
 
Jongleur au coeur joyeux,  là-bas vers Narbonne portez ma chanson, avec sa dédicace, — à celle que guident joie et jeunesse."
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Clara d’Anduze
« En grave émoi et grave inquiétude ils ont mis mon cœur et aussi en grande détresse les médisants et les espions menteurs qui rabaissent joie et jeunesse car pour vous que j'aime plus que tout au monde ils vous ont fait partir et vous éloigner de moi à tel point que si je ne puis vous voir ni vous regarder j'en meurs de douleur, de colère et de rancœur.  
Ceux qui me blâment de mon amour pour vous ou veulent me l'interdire ne peuvent en rien rendre mon cœur meilleur ni faire croître encore mon doux désir de vous non plus que mon envie, mes désirs, mon attente et il n'y a pas un homme, fût il mon ennemi que je ne tienne en estime si je l'entends dire du bien de vous, mais s'il dit du mal, tout ce qu'il peut dire ou faire ne me sera jamais plaisir.
 N'ayez pas de crainte, bel ami qu'envers vous je n'aie jamais le cœur trompeur ni ne vous délaisse pour quelque autre amoureux, même si cent dames m'en priaient, car mon amour pour vous me tient en sa possession, et veut que je vous consacre et vous garde mon cœur ainsi je ferai, et si je le pouvais être mon cœur, tel l'a qui jamais ne l'aurait.
Ami, j'éprouve tant de colère et de désespoir de ne pas vous voir que lorsque je pense chanter, je me plains et je soupire parce que je ne puis faire avec mes couplets ce que mon cœur voudrait accomplir. » 


Sources : Monique Demerson Républicain d’Uzès et du Gard n)3676 8/14 mars 2018—wikipedia.org -- www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1979_num_22_87_2112
« Trobairitz » et chansons de femme. Contribution à la connaissance du lyrisme féminin au moyen âge Pierre Bec  Persée cahiers de civilisation médiévale 1979 23-87 p235—www franceinter.fr/culture/l-unique-chant-de-la-femme-troubadour Nadja Viet 13-10-2016-- 
https://www.moyenagepassion.com/index.php/2016/07/26/un-peu-dhistoire-sur-la-langue-des-troubadours-et-le-provencal-ou-langue-doc/
-- Pierre Bec, Chants d'amour des femmes-troubadours: trobairitz et chansons de femme, Paris, Stock, 1995 (ISBN 2-234-04476-6)---www. histoireparlesfemmes.com/2018/09/06/azalais-de-porcairagues-la-troubadouresse/
--- Jean-Claude Vadet. L'Esprit courtois en Orient dans les cinq premiers siècles de  l'Hégire.  Editions G.P. Maisonneuve et Larose, Paris, 1968.--- chtioccitan.jimdofree.com/2020/02/08/les-trobairitz-clara-d-anduze-et-azalaïs-de-porcairargues/CALIS Maxime - Guide-conférencier - 12 Février 2020 --  Lorant Deutsch Romanesque la Folle Aventure de la Langue Française p192-196--