lundi 24 juillet 2023

 







La filature la Prolétarienne du temps de son activité

(voir et revoir sur ce blog le 17/10/2020)


La Prolétarienne –
Filature pour filles-mères

La « culture » de la soie va enrichir les Cévennes surtout lorsque Olivier de Serres (1539-1619) nous apprend à cultiver le mûrier blanc source de nourriture des vers à soie. La soie d’Orient, d’Asie coûte cher et nos Grands, rois, nobles et bourgeois en sont friands pour illustrer leur puissance, leur réussite. Le pépiniériste nîmois François Traucat aurait planté plus de 4 millions d’arbres ! Les familles protestantes frappées d’interdiction de profession à l’exclusion de l’éducation du ver à soie vont s’engouffrer dans ce créneau.  Dans les Cévennes jusqu’au Bas Languedoc, les femmes éduquent le ver et tirent son fil.  Dans un premier temps le fil brut est vendu à des négociants, puis on apprend le moulinage et le tissage dans les villes et naissent les filatures. Les bas de soie cévenols vont habiller les mollets des Cours d’Europe. Mais dans la première moitié du 19ème siècle les petits ateliers de filature laissent la place peu à peu à des établissements plus productifs. La vapeur a fait son apparition, la révolution industrielle est en marche qui apporte travail aux hommes et surtout aux femmes.
Le travail est extrêmement difficile : chaleur, dos et visage penchés toute la journée sur les bassines d’eau bouillante, doigts brulés, odeur de pourriture qui s’incruste dans la peau. Des journées qui s’allongent jusqu’à 14-16 heures, des salaires dérisoires…. Des révoltes fin 19ème siècle et fin 1906 une grève générale entraine la création du Syndicat des Fileuses de Soie. Il faudra attendre le Front Populaire pour voir des avancées significatives.
Dans les années 1850-1855, 26 mille tonnes de cocon sont produites en France, dont la moitié dans les Cévennes. Mais dès la mise en route du canal de Suez en 1869, on importe de la soie bien moins chère de Chine et du Japon et c’est le début du lent déclin chez nous. Même les pays très liés aux Cévennes comme les pays de refuge, Allemagne, Suisse, nous laissent tomber. En 1848 1300 ouvrières dans les filatures d’Alès, en 1856, 1240 à St Jean du Gard. Un « véritable bagne féminin » nous dit l’historien Patrick Cabanel (in Histoire des Cévennes –Presses Universitaires de France). L’arrivée des fibres synthétiques dans les années 1920-30 et le coût devenu trop élevé des salaires vont sonner la fin de l’industrie de la soie chez nous.
Mais en 1908-1909 un scandale agit les filatures cévenoles. Plusieurs jeunes filles (au moins 5) travaillant pour la filature de Sabadel-Maurel à la sortie du village de l’Estréchure sur la commune de Saumane, sont enceintes, célibataires mais simultanément enceintes !! Elles sont renvoyées de l’entreprise pour des raisons « de morale et de conduite choquante». Y avait-il un risque de contamination ?.

Le village de l’Estréchure compte un peu plus de 400 habitants, partagés quant à la sanction : on approuve la sanction dans le conseil municipal et le conseil presbytéral avec d’autres habitants, ou bien on cherche à trouver une autre solution, même si l’on réprouve la conduite de ces jeunes femmes. De cette réflexion va naître une filature en société anonyme appartenant au peuple : la Prolétarienne. Les actions sont à vendre aux habitants du village, 100frs l’une. Ceux qui ne peuvent payer peuvent participer aux travaux de terrassement, de maçonnerie pour construire le futur bâtiment. La filature est terminée en décembre 1910 et inauguré en janvier 1911. Il est situé à environ 200 mètres de la filature Sabadel. Une société de secours mutuel est créée, renforçant l’aspect social de cette entreprise innovante.
                                                                                         (Tampon de La Prolétarienne Société Anonyme Immobilière
                                                                                          Siège social L'Estréchure (Gard)
                                                                                                                                      (collection M. Brot))
Le Conseil d’Administration était élu. Cette filature travaillait pour la Compagnie des soies d’Indochine.
Une rivalité s’installe entre les deux filatures, les jeunes préférant travailler à la Prolétarienne. 65 ouvrières dont 40 fileuses dans les premières années d’activité. Puis deux vagues de réduction progressive vers 1925 et 1942. En 1955 l’entreprise comptait encore une quarantaine d’ouvrières.
 Sabadel-Maurel fermera en 1913. La Prolétarienne continue jusqu’en 1954-55. Les filatures se regroupent à cette date dans un établissement unique Maison Rouge à Saint Jean du Gard. Celle-ci fermera en janvier 1965, la dernière à avoir fermé en France. Maison Rouge est devenu un musée très intéressant. Le bâtiment de la Prolétarienne quant à lui a été transformé en gite privé.

filature de soie La Prolétarienne

Patrimoine classé, étudié ou inscrit dit 'filature de soie La Prolétarienne' à l estrechure (gard 30124).



 


Sources et pour en savoir plus : Maison Rouge St Jean du GardMusée des vallées Cévenoles –Gazette de Nîmes n)1105-1106 6au19 août 2020 sabrina Ranvier--- Daniel Travier Almanach du Val Borgne 1997 p16-19 La Prolétarienne --- sbarbier@midilibre.com--- www.ales.fr › journal-ales-agglo-n43-mars-2017--- https://amelier.blog4ever.com/bombyx-mori
/bienvenuealestrechure.fr/filatures.htm--- www.patrimoine-environnement.fr/wp-content/uploads/2018/04/Journal-Les-Plantiers-Tissu-Cévenol.pdf--  A travers l’histoire de Rachelle Cabane, ancienne fileuse-- patrimoine-de-france.com/gard/l-estrechure/filature-de-soie-la-proletarienne-1.php
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vendredi 14 juillet 2023

Un tour de France à vélo à 80 ans

 

(éditions Clair-Obscur)

Un tour de France à vélo à 80 ans !

(voir et revoir sur ce blog du 25/7/2018)
Le « Petit Journal » du 15 juin 1932 nous raconte Emile Korn. A 80 ans, ce doyen du Vélo-Club de Valentigney dans le Doubs vient d’entreprendre en solo le tour de France à bicyclette. Ce jour-là il fait étape à Paris qu’il ne connaissait pas encore. Son voyage va durer plusieurs mois. Pèlerinage, plutôt voyage initiatique, passion pour le vélo. La marque Peugeot le sponsorise.

La « Grande Boucle », le Tour de France, est revenu comme chaque mois de juillet. Avec ses exploits, ses beaux paysages. Avec le temps, le spectateur n’imagine plus vraiment ce que ce périple demande de sueur, de douleur. C’est encore, malgré le peu de vélos utilisés actuellement dans notre pays, l’événement sportif qui connait un succès populaire qui ne se dément pas d’année en année. Malgré les soupçons de tricherie qui reviennent aussi chaque année. C’est la fête pour les villes et villages traversés, une publicité qui n’est pas gratuite mais efficace.
Uzès 2012














 Lorsque la Grande Boucle est passée par Uzès en 2012, une semaine avant, des camping-cars stationnaient le long du parcours, parasols déployés. Il n’était pas question de s’installer devant l’un d’eux, l’excitation était déjà là. Depuis sa création, cet événement sportif a suscité des vocations sinon d’exploits sportifs mais de voyages. Symbole de liberté, d’air pur, de joie de vivre….Nous pouvons nous rappeler les « Congés Payés » de 1936 et les photos de nos familles ou de nos cousins scouts qui partaient en vacances à vélo. Et les affiches publicitaires, véritables œuvres d’art, qui nous vantent un monde à vélo raffiné.





  ( Emile Korn
et sa bicyclette Peugeot- pub déguisée-photo Fressard Audiacourt -wikipedia).
Au début du 20ème siècle, les industriels du cycle, la presse spécialisée ont besoin de développer le sport cycliste. La bicyclette a un sérieux concurrent, l’automobile. Pourtant ce mode de transport s’est bien développé dans nos campagnes et dans nos villes depuis la moitié du 19ème siècle. A tel point que nos édiles se dotent de règlements. Dans notre village, comme dans d’autres : interdiction de laisser son vélo la nuit dans les rues en particulier près des débits de boissons, obligation de mettre pied à terre dans les pentes, interdiction d’effrayer animaux et personnes, obligation de rouler avec une lanterne ou lumière le soir, les déplacements de nuit qu’en cas de « grande nécessité et urgence »…. A Uzès les jours de marchés ou de foires interdiction de circuler à l’intérieur de la ville, interdiction de rouler sur les trottoirs…Le contrevenant se verra confisquer sa bicyclette et risquera une amende. Depuis une loi d’avril 1893 une taxe est perçue sur chaque vélo, un quart de cet impôt doit revenir théoriquement aux communes qui doivent tenir un registre. 10 frs par an et par vélo, 12 frs pour les tandem. Chaque vélo sera muni d’une plaque qui indiquera si l’utilisateur est en fraude ou pas. Cette plaque sera remplacée par un timbre, puis l’impôt disparaîtra en 1956. Assez rapidement l’Etat avait « oublié » de rétrocéder aux communes leur part de taxes-vélo.
En 1903, Henri Desgrange a l’idée de créer cet événement sportif Le Tour de France pour relancer son journal « L’Auto » et affaiblir son concurrent « Le Vélo ». La première édition de la course Bordeaux-Paris s’était déroulée en mai 1891. Desgranges est lui-même un sportif : il établit le premier record de l’heure sans entraîneur (car encore amateur) en mai 1893. Il arrête la compétition pour se consacrer à sa carrière de journaliste en 1895.Il devient aussi directeur de piste.
Le règlement de la course du Tour de France sera mis en place petit à petit, des modifications se feront sur le tas.

Les coureurs du Tour font rêver, ils deviennent des « géants de la route », les ascensions des cols, les traversées des montagnes écrivent la « légende du Tour ». 1913, première ascension du col du Galibier, création du maillot jaune en 1919… Journaux, radio (TSF à l’époque) racontent les épreuves, tiennent en haleine les spectateurs. Contre la puissance des équipes de marque qui verrouillent la course, création des équipes nationales en 1930. Mais les marques payaient des droits d’entrée jusqu’alors et donc amenaient des ressources financières. La caravane publicitaire prend le relais. Les équipes de marque reviendront plus tard avec l’émergence de la télévision qui offre de nouvelles ressources.



Un temps mis en réserve, le Tour renait après la Seconde Guerre Mondiale. Le journal L’Auto est devenu L’Equipe, Jacques Goddet et Félix Lévitan ont repris les rênes de l’organisation. Des grands noms, Fausto Coppi, Louison Bobet et pour ma génération, la bataille toujours recommencée entre Poulidor et Anquetil qui remporta cinq Tours de France. C’était toute une époque : réunis autour du poste de radio on écoutait les journalistes qui s’étranglaient en commentant, Yvette Horner et son accordéon entraient dans les appartements, les klaxons, la pub. Les voisins qui refaisaient la course… Nostalgie, nostalgie!!
(photos  Fondation Berliet
Latil B2 Pathé Tour de France 1930---Les rendez-vous de la Reine)

Le Tour de France s’internationalise dans les années 1980 : équipes et coureurs de toutes les nationalités, épreuves hors de nos frontières. Cette course a fait son chemin dans le cyclisme mondial. Un récent sondage indiquerait une perte d'intérêt du public français pour cet exploit sportif. Peut-être une perte de sens ?
Paradoxe des paradoxes, les affaires de dopage font avancer la recherche médicale en matière de toxicologie et de pharmacologie. Il semble que l’on s’achemine vers un sport plus « propre ». Quoique !!!

Ce juillet 2018, un tiers des étapes passe en Occitanie : Mende, Carcassonne, Bagnères de Luchon, col de Portet, Pau….Lourdes et Laruns avec plusieurs cols au programme dont le Tourmalet avec ses 2115m d’altitude. La Région espère des retombées économiques et touristiques importantes grâce à cet événement. 
Si déjà nos élus pouvaient avoir envie de construire des pistes cyclables le long de nos routes pour sécuriser nos voyages à bicyclette, ce serait une bonne chose !! Uzès a montré l'exemple.














Uzès 2014 -



Sources : Le Petit Journal 15-6-1932 --wwwhistoire-genealogie.com --- Jacques Goddet, L'Équipée belle, Robert Laffont-Stock, Paris, 1991-- Thierry Cazeneuve  1903-1939 L'invention du Tour,  L'Equipe  coll. « La Grande histoire du Tour de France » (no 1), 2010, 62 p. (ISBN 978-2-8152-0293-0 -- Jean-Paul Vespini1903, Le Premier Tour de France, Paris, Jacob Duvernet, 2013, 278 p. (ISBN 978-2847244663) --Jacques Seray et Jacques LablaineHenri Desgrange, l'homme qui créa le Tour de France, Saint-Malo, Editions Cristel, 2006, 368 p. (ISBN2-882-84421-042-2)—wikipedia – B Voisin-Escoffier Couradou janvier 2012 site internet Vallabrix Fonds Historique) --Le Journal de ma Région n°13 juin2018 ---merci à Michel -Desplan pour son document sur les Vieilles Affiches --- photos Uzès www.uzes.fr/Tour-de-France-2012-par-Uzes-un-petit-tour-et-puis-s-en-va_a932.html



mardi 4 juillet 2023

Le Consompeu de Brioude

 

 

Le « Consompeu » ou économiseur d’essence « Brioude »

 

En ces temps d’inflation, un économiseur d’essence serait le bienvenu. D’autres y ont pensé bien avant nous et avant les chocs  pétroliers que nous avons connus depuis les années 1970. L’Office Européen des Brevets dans sa base de données Espacenet, rien que pour l’année 1922, a enregistré plus d’une vingtaine de brevets d’économiseur d’essence.

Guillaume Brioude dans les années 1920 est de ces chercheurs. Il est né à Gourdièges (Cantal) le 21 août 1887, de père parisien et de mère de Joux hameau de Gourdièges. En octobre 1941 il réside à Paris, garçon de bureau. Nous ne savons pas grand-chose de lui ; autodidacte ou mécanicien de formation ?

Deux brevets pour « perfectionnements aux économiseurs d’essence » sont conservés aux archives du Cantal. Ils ont été déposés par Brioude à Bruxelles les 24 juin et 23 octobre 1922. Ils sont accompagnés d’un dessin schématique sur papier et d’une élévation grandeur nature sur calque. Ils portent la mention « Le Consompeu » (prononcez « le consomme peu »), avec l’abréviation SGDG, c’est-à-dire « sans garantie du gouvernement », mention légale du droit des brevets. Cette mention doit nous rappeler que les brevets sont délivrés « sans examen préalable, aux risques et périls des demandeurs, et sans garantie soit de la réalité, de la nouveauté ou du mérite de l’invention, soit de la fidélité ou de l’exactitude de la description ». Ce qui indique une certaine prudence qui s’applique aussi bien en France qu’en Belgique !

Comment ça marche : « le principe du moteur à explosion dit « 4 temps » est relativement simple : le mélange air-essence est fortement comprimé par un piston. Une étincelle fournie par une bougie permet de faire exploser le gaz compressé qui repousse violemment le piston. L'énergie issue de cette combustion est convertie en énergie mécanique (le mouvement vertical des pistons) utilisée pour fournir la puissance moteur au véhicule. Jusqu’au milieu des années 1980, c’est le carburateur qui gère le mélange air-essence aspiré par le moteur. Guillaume Brioude présente son invention comme « un récipient ou pot à l’extrémité d’un tuyau » qui vient se fixer dans le conduit d’aspiration d’air en amont du carburateur. Son principe de fonctionnement est de jouer sur le mélange air-essence, l’économiseur « diminue la consommation d’essence grâce à la soupape réglable et permet de donner un carburant riche en air et de corriger ainsi la carburation ».


La soupape (numéro 5 du schéma) permet de réduire ou d’augmenter le volume d’air arrivant à l’entrée du carburateur. « Son ouverture est coordonnée à celle du volet du carburateur gérant la quantité d’air présente dans le mélange air-essence. La qualité d'un bon mélange est caractérisée par son homogénéité et sa proportion air-essence communément appelée richesse. Ainsi un mélange homogène peut augmenter les performances d'un moteur, tout simplement parce qu’une combustion rapide va augmenter la pression à l'intérieur du cylindre et par conséquent l'effort appliqué sur le piston. D'autre part si la combustion du mélange est complète, le rendement du moteur sera augmenté, autrement dit la consommation réduite ».

En fait, un peu à la manière d’un « starter », on joue sur la richesse du mélange : on adapte la quantité d’air au besoin du moteur !! A plein régime, la soupape laisse passer un maximum d’air. Au ralenti, elle reste fermée avec un mélange plus riche en essence. Mais « dans les reprises elle s’approche plus ou moins du couvercle, ne laissant pas ou presque pas rentrer d’air, selon que le moteur tourne à un régime plus ou moins grand ».

Guillaume Brioude précise que selon les moteurs, « que la forme et le montage de l’appareil peuvent varier suivant les moteurs et les besoins ».

Le deuxième brevet modifie le premier : les points 4, 7 et 8 ont disparus sur le schéma. Est que notre inventeur a pu mettre en œuvre son invention, a-t-il pu faire un prototype pour la tester en conditions réelles ? Il semble bien que Guillaume Brioude et son invention n’ont pas laissé de trace, ce qui permet de douter de l’efficacité du système.


Sources : archives départementales du Cantal -Cote ADC : 1 J 1163—Nicolas Laparra, gestionnaire des archives --/archives.cantal.fr/explorer/document-du-mois/2023/le...-- www.aprogemere.fr --