jeudi 30 mai 2019

Le Bourdaloue









Louis Bourdaloue

Ces objets ne sont pas du tout des saucières Il s’agit de deux « Bourdaloue » nom donné au 17è et 18ème siècle à de petits pots de chambre portatifs pour femme. Ce nom de manière ironique rappelle la longueur interminable des sermons du prêtre Louis Bourdaloue, longueur qui obligeait les dames à se retenir trop longtemps. Et les églises n’étaient pas chauffées à cette époque, d’où des envies présentes !! Les femmes pouvaient ainsi uriner debout ou accroupies sans risques pour les vêtements et sans perdre une miette du sermon. Il faut rappeler que les femmes ne portaient pas de culotte à cette époque.

 Le père Louis Bourdaloue (gravure)
Louis Bourdaloue (1632-1704) né à Bourges, est un jésuite, brillant prédicateur. Il prêchait les yeux clos, théâtralement comme un acteur. Dès 5h du matin, bourgeois et nobles envoyaient leurs domestiques dans l’église où il officiait, pour réserver des places pour le sermon de 15 h !! Sa réputation l’emmena à la Cour où il est surnommé « roi des prédicateurs, prédicateur des rois ». Il fut chargé de prêcher l’Avent et le Carême devant Louis XIV au moins dix fois. En 1675 pendant Carême, devant le roi il fait un sermon sur l’adultère (notice biographique sur le père Bourdalouie JP Chevalier de Saint-Amand 1842). C’est la période de la maîtresse du roi Mme de Montespan. Louis XIV n’est pas très content du sermon !
Bourdaloue acquière une réputation de sage dans une société frivole. Avant la prêtrise, il est professeur de théologie, de rhétorique et de philosophie. Le style de ses sermons n’était pas difficile à suivre mais il faisait appel à la raison et à la logique de son auditoire qui n’avait pas toujours envie d’entendre remettre en question son mode de vie. Dans cette période la haute société aime le jeu, la galanterie, on a tendance à oublier les Sept Péchés Capitaux !!.Il dira : « On veut être riche; voilà la fin qu'on se propose et à laquelle on est absolument déterminé. Des moyens, on en délibérera dans la suite; mais le capital est d'avoir, dit-on, de quoi se pousser dans le monde, de quoi faire quelque figure dans le monde, de quoi maintenir son rang dans le monde, de quoi vivre à son aise dans le monde; et c'est ce que l'on envisage comme le terme de ses désirs. On voudrait bien y parvenir par des voies honnêtes, et avoir encore, s'il était possible, l'approbation publique; mais, à défaut de ces voies honnêtes, on est secrètement disposé à en prendre d'autres et à ne rien excepter pour venir à bout de ses prétentions. »




Quelques phrases de ses sermons : « Prudence ; de toutes les vertus requises pour le gouvernement, voilà sans contredit la plus importante. »-- « La médisance est l'ennemi le plus mortel de la charité. »--« Aimons la vérité qui nous reprend, et défions-nous de celle qui nous flatte. »

Très conservateur il démontre la nature infaillible de l’Eglise. Il est très lié avec Bossuet et la marquise de Sévigné l’apprécie. A la Révocation de l’Edit de Nantes en 1685 il est envoyé en Languedoc pour convertir les protestants récalcitrants. Il obtient de très bons résultats au moment d’administrer le sacrement d’extrême-onction, ce qui fit dire aux mauvaises langues que le moribond se fait catholique pour avoir la paix et mourir tranquille.

Louis Bourdaloue décède à Paris à 71 ans après avoir consacrer ses dernières années au service des pauvres, des malades et de prisonniers.



(François Boucher--La Jupe relevée) 

Mais revenons à l’objet qui nous intéresse : le Bourdaloue.
Les prêches de Louis Bourdaloue étaient à la mode, il fallait absolument y être vu. C’était un gage de vertu chrétienne. Les femmes venaient à la messe avec le petit pot de chambre placé sous leurs robes à panier. Cet ustensile accompagnera aussi les femmes distinguées dans leur quotidien, chez elles, dans leurs déplacements.










Le Bourdaloue s’adapte à la morphologie féminine, en ovale, haricot ou nacelle. Les bords sont rentrés vers l’intérieur pour éviter de blesser. Certains ont un couvercle. En faïence, en porcelaine, des décors floraux très féminins. Le plus ancien connu est en porcelaine de Chine datant du dernier quart du 17ème siècle. Il sera surtout utilisé dans la période fin 17ème jusqu’au premier quart du 19ème siècle. La plupart sortent des ateliers de faïencerie de Strasbourg, Marseille, Chantilly ou des ateliers de Sèvres. Les derniers exemplaires toujours fleuris, présentent des motifs souvent peints à l’or avec des frises qui rappellent parfois le monde étrusque. Les plus rares ont une forme en coquille d’escargot. L’un d’eux fabriqué dans les ateliers de Vincennes en 1752 a été vendu aux enchères en 2006 pour la coquette somme de 25 000€ ! Les plus simples se vendent aujourd’hui entre 200 et 2000 €. Cette mode va conquérir une bonne partie de l’Europe : porcelaine de Vienne (Autriche), de Maastricht… En Espagne un musée des Bourdaloue et pots de chambre existe depuis 2007.
Pierre Julien dans la Revue d’Histoire de la Pharmacie de 1991 nous signale un musée à Munich, (au ZAM maintenant)  avec une collection de plus de deux cents Bourdaloue constituée par Manfred Klauba. Des objets en faïence mais aussi en étain, verre, argent, écaille. Des Bourdaloue avec des motifs en relief, des oiseaux et branchages et même Notre-Dame de Paris ou le Panthéon. Parfois le fond est orné d’un œil, d’un miroir, ou d’une fleur, d’un insecte qui vole…. Quelques merveilles ci-dessous.


Bourdaloue réalisé par le manufacture de Sèvres en 1831, fond nankin à dessin étrusque d'or, livré pour le service du Grand Trianon, mentionné en 1839 dans l'appartement de la princesse Clémentine, Copyright : Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon.














Sources : Gilles Henry Des Noms Propres si Commun  Historia n°468 dec 1985-- Sophie Hasquenoph, Louis Bourdaloue : Le Prédicateur de Louis XIV : 1632-1704, Éd. Salvador Diffusion, 2015wikipedia.org--cphr.fr/conservatoire/collections/patrimoine-medical/soins-au-patient/hygiene/bourdaloue-pot-de-chambre-ovale/---www.objetsdhier.com/bourdaloue-1270

--jackaimejacknaimepas.blogspot.com/2010/12/urinoirs-historiques-pour-dames-des.html

--www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_1991_num_79_291_3217

--Pierre Julien Le premier musée au monde du bourdaloue et du pot de chambre Revue d’histoire de la Pharmacie 1991 -291p412-413 Persée internet---


jeudi 23 mai 2019

Trop de jours fériés ?





(Brueghel  Les jeux d’enfants –wikipédia)

Trop de jours fériés ?


Actuellement nous comptons 10 ou 11 jours fériés, fêtes religieuses ou civiles, définis par le code du travail. (selon que l’on compte le lundi de Pentecôte ou non). Certains départements en ont un peu plus.(Moselle, du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, Martinique, Guadeloupe, Wallis-et-Futuna, Guyane, La Réunion, Polynésie Française) . Parfois mélange des genres comme le 15 août sous les Premier Empire et le Second correspondait à la fois aux fêtes de l'Assomption et de la Saint-Napoléon (encore maintenant pour les nostalgiques bonapartistes). 

Faut-il travailler pour vivre, pour s’enrichir ? Au Moyen-Age, la réponse de l’Eglise était claire : il faut travailler pour échapper à la tentation ! Dieu a été le premier artisan, construisant le monde en six jours. Les sculptures, les chapiteaux des églises et des cathédrales nous le rappellent, véritables livres ouverts. Le travail est donc le salut, six jours de labeur et un jour de repos bien mérité. Mais en réalité, ce n’était pas si simple. Les jours étaient souvent assortis d’obligations, d’interdits pour les villageois et campagnards. Un planning qui va  permettre au pouvoir du moment de bien tenir en main le peuple, décider de ses jours, de ses loisirs, pouvoir religieux et pouvoir laïc. 
(mois du calendrier révolutionnaire Fabre d'Eglantine)

Les lundi et mardi ont été pendant longtemps choisis pour célébrer les mariages, donc pas toujours travaillés. Les lundi dans les villes ouvrières du 18è-19ème siècles seront longtemps jours chômés comme à Paris ou Lille. Comme par hasard, les boutiques des « marchands de vin » ou cafetiers étaient ouverts ce jour-là. « L’opium du peuple » n’était pas seulement la religion !!

Le mercredi était autrefois jour de jeûne en souvenir de Judas qui vend le Christ ce jour-là. Le jeudi pour les païens, Grecs, Romains, Gaulois était jour de fête, donc chômé. L’Eglise catholique a eu bien du mal à imposer le dimanche au lieu du jeudi pour ne pas travailler. Au VIème siècle le concile de Narbonne menace d’excommunication ceux qui continuent de fêter le jeudi. Au Moyen-Age ce jour devient le « jour le plus gras de la semaine », moment de bien manger quand on le peut, et jour de récréation, ce qu’il restera pendant longtemps pour les petits écoliers de ma génération.
Le vendredi est le jour de jeûne et de deuil en souvenir de la mort du Christ. Pas de lessive ce jour-là, de bain, pas de cuisson du pain. On évite tout ce qui peut engager l’avenir : semailles, moissons, mettre à couver les œufs, baptiser un enfant….
Le samedi, jour de la Vierge, les femmes doivent s’abstenir de tout travail ce qui est plus facile à dire qu’à faire. Après l’angélus du soir elles ne doivent pas filer la laine sous peine d’errer après leur mort leur rouet à la main. Le samedi est le jour où les âmes délivrées du purgatoire montent au ciel.
Le dimanche doit être obligatoirement chômé. Théoriquement interdit de vendre, de se divertir… Plusieurs offices sont proposés dans la journée pour ceux qui auraient une excuse pour ne pas assister à l’un d’entre eux. Au 17ème siècle, les absents à la messe sont parfois contraints à payer une amende. Le nombre de messes clandestines sous la Révolution de 1789 tend à prouver que chacun trouve son content dans la messe dominicale. C’est l’opportunité de retrouver la famille, les voisins, on s’endimanche. Les ragots, les nouvelles, parfois les affaires sont l’occasion. Sous l’Ancien Régime, le curé lisait les informations du monde, ordonnances royales, les victoires, l’arrivée d’une comète, les mariages…. La plupart des ouailles ne lisaient pas le français ou ne le comprenaient pas et le prêtre se chargeait de la traduction. Des nouvelles aussi de la paroisse, les sépultures, les bans des mariages, les réprimandes à l’égard d’un tel, les ressources de l’Eglise…. En quelle sorte le journal télévisé de l’époque !! Le calendrier révolutionnaire va essayer de supprimer le dimanche, mais les habitudes demeurent. Bonaparte en 1802 rétablit la messe dominicale ; une loi de 1814 la réhabilite.

One360.eu- Jeu de Soule en Bretagne

Du Moyen-Age au 19ème siècle cette règle de jour férié du dimanche est respectée surtout à la campagne. La pression de l’Eglise y est plus forte. En ville en 1893, autour de 27% d’ouvriers travaillent le dimanche : c’est un jour « ouvrable », jour où l’on œuvre. L’absentéisme à la messe dominicale sera surtout le fait des hommes au 19ème siècle. Mais tout le monde se retrouve pour les grandes fêtes, Pâques, Toussaint, les fêtes votives…. Seul le prêtre peut permettre de travailler pour terminer une moisson le dimanche après-midi.
A cela s’ajoutent les fêtes catholiques, les rogations,  celles du folklore ou des traditions, celles des saints patrons du village ou de la paroisse, celles des métiers, de la corporation…., toutes chômées. Même les chevaux ne sont pas attelés pour la Saint Eloi, les bœufs pour la Saint-Blaise. Plus les saints locaux objets de pèlerinage ou de pardon, les bénédictions des cultures….
La Fontaine fait dire à son savetier : « Le mal est que dans l’an s’entremêlent des jours qu’il faut chômer : on nous ruine en fêtes. L’une fait tort à l’autre, et monsieur le curé de quelque nouveau saint charge toujours son prône ».
www.moyenagepassion.com/index.php/tag/danse-ancienne/

On compte dans le diocèse d’Angers au 17ème siècle 53 fêtes obligatoires, dans celui de La Rochelle 43. Au 18ème siècle, on procède à une réduction drastique de ces jours fériés à des fins économiques ; mais ce nombre reste encore important. A Poitiers, on passe de 50 à 27 jours chômés. Pendant ces fêtes, les jeux, la danse y sont étroitement encadrés soit par l’Eglise, soit par des confréries. Processions religieuses, commémorations rituelles, événements corporatistes…. A la révolution de 1789, le pouvoir politique récupère ces moments pour en faire des événements très encadrés qui entretiennent la flamme révolutionnaire. Mais trop dirigés, la population va s’en détourner pour retrouver les carnavals à l’ancienne.
Chaque année, nos ancêtres bénéficiaient de l’équivalent de trois à quatre semaines de jours fériés, mais non payés !
C’est la loi du 18 germinal An X (2avril 1802) qui explique la notion de « fête légale » : « aucune fête à l’exception du dimanche ne peut être fixée sans la permission du gouvernement ». Les différents gouvernements depuis tendent à limiter le nombre de fêtes chômées pour des raisons économiques.

 







Sources : Jean-Louis Beaucarnot  Ainis vivaient nos Ancêtres  édit Robert Laffont1989—wikipédia.org – calendrier révolutionnaire  Fabre d’Eglantine et André Thouin, jardinier du Jardin des Plantes du Muséum national d'histoire naturelle.---

jeudi 16 mai 2019

Arobase ou l'art de recycler




(www.thinkstockphotos.fr/royalty-free/arobase-pictures)


L'HISTOIRE DE L’AROBASE


Ne dit-on pas que c’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures soupes !! Ce sigle apparait il y a une quarantaine d’années, venant semble-t-il de nulle part. Et pourtant …
Fin 1971, un ingénieur américain Ray Tomlinson (1941-2016) décide d’utiliser ce signe pour séparer les deux parties d’une adresse électronique. L’arobase va connaitre un succès inespéré : en informatique, mais aussi en décoration, inspirant des tableaux, des poèmes, des publicités…. Symbole de la communication moderne inscrit à ce titre à l’inventaire de la collection en 2010 au Museum of Modern Art de New York.

On a du mal à dater l’utilisation de @. Le débat est encore vif chez les historiens quant aux origines de ce signe.
L’arobase serait déjà utilisé au 6ème siècle dans des manuscrits latins par les moines copistes. Mais c’est une hypothèse contestée actuellement ; plus sûrement, on retrouve ce signe au 12ème siècle. Ce serait une abréviation de la préposition latine « ad » (chez, vers, à), une ligature ou jonction du a et du d, cette dernière lettre s’enroulant autour du a. Cette abréviation est utilisée dans les chancelleries de toute l’Europe pour indiquer l’adresse de documents officiels : @ SSMM Ludov § Marg R§R Francae ou à leurs Majestés Louis et Marguerite Roi et Reine de France.
Vers 1492-1500 à Venise dans des documents commerciaux,  @ -arroba est une unité de mesure, ou anfora, amphore, traduction confirmée par un dictionnaire latin-espagnol de l’époque.


Au 17ème siècle, l’arobase est une unité de mesure pour les commerçants espagnols et portugais : l’arroba, mesure de poids et de volume @ pour mesurer l’huile, le vin. Unité de mesure variable selon les régions et les liquides. Il semble que l’utilisation de ce terme soit attestée dès 1088 en Espagne. L’arroba de l’arabe arroub (quatre ou quart), pèse un quart de quintal soit 25 livres  espagnoles ou autour de 11,5 kg. Malgré l’adoption du système métrique, elle est encore utilisée parfois en agriculture en Espagne pour le poids du bétail ou des oranges. Au Portugal on pèse encore le liège ou on mesure le vin en @. En Amérique du Sud, au Maroc, l’agriculture s’est servie et se sert encore de l’arroba, en particulier pour mesurer les récoltes de céréales.
Au 18/19ème siècle ce signe apparait aux Etats-Unis pour indiquer le prix à l’unité sur une étiquette : 6 eggs @ $1, six œufs à un dollar
Puis @ apparait sur les machines à écrire commercialisées à partir de 1873 pour être utilisé par les comptables et les commerciaux.
Les concepteurs de clavier d’ordinateur reprennent le clavier des machines à écrire et donc l’arobase. Lorsque Ray Tomlinson cherche un signe pour séparer les deux parties de l’adresse e-mail, il regarde son clavier : il lui faut un signe qui n’apparait dans aucun nom propre, ni aucun alphabet pour ne pas créer de confusion. @ se trouve sur la touche P de son clavier. Ce sera ce signe.

 

www.thinkstockphotos.fr/royalty-free/arobase-pictures
D’autres utilisations de l’arobase : aux Pays-Bas, aux arrêts d’autobus, pour signaler les horaires de passage, @ a été utilisé pour indiquer « à peu près » l’heure de passage du bus.
Aux USA l’arobase peut être utilisé pour indiquer le lieu d’une rencontre sportive en particulier dans les matchs de basket-ball dans la NBA : la formation visiteuse est placée en premier suivie du signe @ et du nom de l’équipe qui reçoit.

Ce signe a encore de beaux jours devant lui!!

Sources : Bulletin UNATRANS colonel Philippe Bibal, présient de l’Association des Officiers de Réserve des Transmissions de la région Parisienne ---wikipedia Marc H. Smith, « L'arobase du XIVe au XXIe siècle », Graphé (archive) no 55, 2013. --- Alain Rey, 200 drôles de mots qui ont changé nos vies depuis 50 ans, Le Robert, 2017, 464 p, (ISBN 9782321011576)p. 35 –Merci à Michel Desplans pour ses informations.

mardi 7 mai 2019

Casanova en Languedoc


Casanova en Occitanie

(Raphaël Mengs vers 1760 collec Bignami Genève)


Giacomo Casanova (1725-1789) est connu comme aventurier, écrivain, escroc-magicien, espion, séducteur, un peu violoniste et diplomate, gastronome, bref un peu tout en cette fin du 18ème siècle. Au départ des études religieuses, et il reçoit la tonsure en février 1740, puis les quatre ordres mineurs en janvier 1741. Abbé de San Samuele, il renonce très vite à cette carrière après un sermon catastrophique qu’il prononce ivre. Il abandonne pour de bon la soutane en 1745 et commence sa carrière d’aventurier.
Le cinéma en a fait un personnage sulfureux, une légende qui alimente nos fantasmes. Peut-être bien différent du vrai Casanova.

Témoin d’une société qui s’écroule. Il assiste comme il était de bon ton pour les Parisiens au supplice de Damien. Il nous montre sa sensibilité et son humanité quand il écrit bien plus tard après la Révolution : « Quelques jours après, c’était le 28 du mois de mars, je suis allé de très bonne heure prendre les dames qui déjeunaient chez la Lambertini avec Tireta, et je les ai menées à la Grève tenant Mlle de la M—re assise sur mes genoux. Elles se mirent toutes les trois étroitement sur le devant de la fenêtre se tenant inclinées sur leurs coudes à la hauteur d’appui pour ne pas nous empêcher de voir. Cette fenêtre avait deux marches, elles étaient montées sur la seconde, et étant derrière elles, nous devions y être aussi ; car nous tenant debout sur la première nous n’aurions pu rien voir. ….Nous eûmes la constance de rester quatre heures entières à cet horrible spectacle. Je n’en dirai rien, car je serais trop long, et d’ailleurs il est connu de tout le monde. Damiens était un fanatique qui avait tenté de tuer Louis XV croyant de faire un bon œuvre. Il ne lui avait que piqué légèrement la peau, mais c’était égal. Le peuple présent à son supplice l’appelait monstre que l’enfer avait vomi pour faire assassiner le meilleur des rois qu’il croyait d’adorer, et qu’il avait appelé le Bien-Aimé. C’était pourtant le même peuple qui a massacré toute la famille royale, toute la noblesse de France, et tous ceux qui donnaient à la nation le beau caractère qui la faisait estimer, aimer, et prendre même pour modèle de toutes les autres. Le peuple de France, dit M. de Voltaire même, est le plus abominable de tous les peuples. Caméléon qui prend toutes les couleurs, et susceptible de tout ce qu’un chef veut lui faire faire de bon ou de mauvais.
Au supplice de Damiens, j’ai dû détourner mes yeux quand je l’ai entendu hurler n’ayant plus que la moitié de son corps ; mais la Lambertini et Mme XXX ne les détournèrent pas…« 

Il finira sa vie bibliothécaire en Bohème. Vénitien dans l’âme, éternel voyageur, mais banni de la plupart des pays d’Europe pour ses excès…. On le connait un peu mieux grâce à ses mémoires (4000pages !)« Histoire de ma vie », à condition de lire entre les lignes. Il s’y met en scène, arrondit la vérité. Il semble en fait qu’il a surtout pratiqué le libertinage mondain de son époque et ses écrits ne font que très rarement état de libertinage sexuel transgressif. Casanova considérait comme de vrais criminels les Don Juan de profession. Il hésitait à laisser tomber ses conquêtes, pour ne pas les faire souffrir et voulant conserver avec elles de bons rapports.
Ce récit est rédigé en français et c’est une source essentielle pour comprendre les coutumes et l’étiquette en usage en Europe du 18ème siècle. Il y apparaît comme un homme libre, jouisseur, exubérant. Ses parents étaient comédiens, c’est sa grand-mère qui élève la tribu. Il est le frère du peintre Francesco Casanova.
Si Casanova apparait comme un romantique, c’est parce qu’il a connu un grand amour, au moins une fois dans sa vie : Henriette de 1749 à 1750 ; elle, un peu espionne pour la France, lui espion pour survivre, une femme de grande culture, violoncelliste, ce qui est peu fréquent à l’époque. lls voyagent ensemble, Céséna, Parme, Genève… Peut-être de son vrai nom Adelaïde de Gueidan (elle fuit un mariage forcé). Il va la croiser sans la reconnaître bien plus tard à la fin de sa vie.

Casanova en novembre 1767 est prié de quitter Paris et le territoire français. Une lettre de cachet a été signée contre lui après une altercation avec un jeune noble le Marquis de Lisle. Casanova a trois semaines pour disparaître de France. Il prend la route de l’Espagne, sans domestique, avec un passeport signé du duc de Choiseul, une bourse de 100 louis et surtout des lettres de recommandation ou d’introduction. Madrid, Valence, Barcelone… Il a la quarantaine, sa bonne étoile a perdu de son éclat. Ses récits ne font plus vibrer les capitales de l’Europe des Lumières. Il y a douze ans qu’il a été banni de Venise. Il est à un tournant de sa vie. Il n’a plus autant de chance au jeu et les femmes sont moins sensibles à son charme. Désenchanté, il écrit : « Se marier est une sottise, mais lorsqu’un homme le fait à l’époque où ses forces physiques diminuent, elle devient mortelle ». Fatigue et défaillances de tous ordres deviennent son lot quotidien. Il est de plus en plus rancunier, querelleur. Le Prince de Ligne dans ses Mémoires et mélanges historiques et littéraires de 1827/1828 nous le décrit ainsi : … »il est sensible et reconnaissant ; mais pour peu qu’on lui déplaise, il est méchant, hargneux et détestable. Un million qu’on lui donnerait, ne rachèterait pas une petite plaisanterie  qu’on lui aurait faite….Il ne croit à rien, excepté ce qui est le moins croyable…..il aime, il convoite tout et après avoir eu de tout, il sait se passer de tout… Il se venge de tout cela contre tout ce qui est mangeable et potable : ne pouvant plus être Dieu dans les jardins, un Satyre dans les forêts, c’est un loup à table». Et de rajouter, montrant que le personnage est touchant, « au milieu des plus grands désordres de la jeunesse la plus orageuse et de la carrière des aventures quelquefois un peu équivoques, il a montré de l’honneur, de la délicatesse et du courage. Il est fier parce qu’il n’est rien et qu’il n’a rien… un homme rare, précieux à rencontrer, digne même de considération et de beaucoup d’amitié de la part du très petit nombre de personnes qui trouvent grâce devant lui. »

Manon fille de l'actrice Silvia Balletti que Casanova un temps envisage d'épouser --
Nattier Londres National Gallery 1757

Mais son penchant pour les plaisirs et une curiosité intellectuelle est toujours intact. Partout où il va, il visite les monuments, les savants, fréquente la « bonne société ». Les femmes ne seront pas absentes de son voyage. La belle Montpelliéraine Jeanne-Marie Latour par exemple qui lui offrira pour quelques jours une amitié auquel Casanova aspire, à Londres en 1763 ou à Leipzig en 1766. Par contre la vénitienne Nina Bergonzi rencontrée à Valence, puis Barcelone va l’entrainer jusqu’aux geôles et encore le renvoyer sur les chemins de l’exil.
C’est d’ailleurs dans les prisons de Barcelone qu’il retrouve en soldat gardien Felice Tadini, rencontré précédemment à Varsovie en 1766. Celui-ci est oculiste et prétend extraire des cataractes par un système mis au point par ses soins. Il s’agissait d’implanter des lentilles artificielles sous la cornée. Casanova le considère comme un charlatan et éclate de rire en le voyant soldat, gardien de sa cellule ! Et pourtant Tadini est considéré comme l’inventeur du cristallin artificiel. Il opéra de 1758 à 1792 avec succès. (P et M Fechner H Reis  in Tardini The man who invented the artificial lens – Casanova Gleamings 22 1979 p17-25) .  Sans diplôme, Tardini en Espagne n’a pas pu faire homologuer ses découvertes, ni passer d’examen ne parlant pas le latin. Le gouvernement en a fait un soldat malgré lui. Les deux hommes se restaurent ensemble tout en racontant leurs exploits. Tardini envisage de déserter dès que possible.

Six semaines d’incarcération pour Casanova et c’est la libération le 28 décembre avec trois jours pour quitter Barcelone, huit pour franchir les frontières de la Catalogne. Nina pour se faire pardonner, avait payé toutes les dettes barcelonnettes de Casanova ainsi que le salaire d’un domestique qui va accompagner notre séducteur jusqu’à Perpignan. L’approche de la frontière est difficile et angoissant : trois hommes à la mine patibulaire et fortement armés semblent en vouloir à leurs vies et leurs bourses. Le voiturier auquel Casanova a confié sa vie et celle de son domestique change d’itinéraire au dernier moment en passant par le col du Perthus et la Jonquera. Un paysan les guide. Marche forcée dans la neige et le froid, au loin quelques habitations perdues en pleine montagne… « Nous fîmes onze lieues en sept heures, ce fut à dix heures que nous arrivâmes dans un gros village de France (Le Boulou), où nous n’avions plus rien à craindre »… Le commanditaire de ces bandits était peut-être le jeune comte Manuzzi avec lequel Casanova avait un contentieux. Ils se reverront à Rome en 1770, Casanova pardonnant : « j’ai stipulé la paix qu’il m’offrait et qu’il me demandait… ».

Wikipédia
Casanova jeune peint par son frère Francesco (entre 1750 et 1755).
Les voyageurs arrivent à Perpignan peu après Le Boulou. On trouve à se loger dans une auberge dans le faubourg de la ville. Ils ne s’attardent pas à Perpignan. Casanova reprend la route en direction de Narbonne. A Salses il admire la forteresse aragonaise du 15ème siècle, réputée imprenable et indestructible. Les Français la récupèrent au traité des Pyrénées en 1642. Le voyage se poursuit le long des étangs par les cabanes de Fitou, La Palme, Sigean… Soixante kilomètres et Narbonne est là. Il repart le lendemain pour Béziers où il arrive pour l’heure du déjeuner. « Ce Béziers est une ville, dont on voyait la situation délicieuse, malgré la saison. Séjour heureux, fait pour la retraite d’un philosophe qui aurait renoncé à toutes les vanités de la terre, également pour un homme voluptueux qui voudrait jouir de tous les plaisirs des sens sans avoir besoin d’être beaucoup riche…La chère qu’on y fait est exquise en gras également qu’en maigre. On y boit des vins excellents que les maudits marchands de vin n’ont pas accommodé ».. 
La ville est une grande place marchande pour l’alcool et le vin que le canal du Midi exporte de Sète à Bordeaux, des Flandres vers l’Europe du Nord. L’agriculture est florissante, ainsi que l’artisanat. La population masculine étant pour une grande part de passage, la prostitution est très présente. Casanova est heureux ! Il est invité à souper avec son aubergiste et sa famille, il se promène. Il voit évidemment le canal du Midi de Paul Riquet et en comprend l’intérêt économique. Toute l’Europe intellectuelle connaissait l’existence de ce canal, de ses écluses... Mais pourquoi bien plus tard en 1783 à Spa Casanova élabore-t-il un projet de canal en tous points pareils entre la méditerranée et l’océan ? A court d’argent comme toujours, a-t-il voulu escroquer un riche financier un peu stupide ?
Le 6 janvier, notre aventurier quitte Béziers pour Pézenas. Cette dernière a amorcé son déclin, politique d’abord avec le départ des grandes familles des Montmorency puis des Conti. Puis déclin démographique. Lors de la visite de Casanova, la ville a encore cinq foires qui attirent des marchands de Catalogne, du Roussillon, de la Provence. Commerce du drap fabriqué par les manufactures royales mais surtout laines du Levant (Sicile, Salonique, Smyrne..) et de Barbarie (Tunis, Constantine, Salé…). Aubergistes, fabricants d’eau-de-vie font leur beurre de ces manifestations. Casanova admire les somptueuses bâtisses de la rue Conti, l’Hôtel de Conti, l’Hôtel d’Alfonce où Molière avait donné en 1655 sa première représentation du Médecin Volant. La promenade du Quay, ancien fossé féodal comblé, surélevé, avec fontaines et statues qui incite à la promenade et même à une certaine parade des notables, pour notre séducteur, « ce qu’il y a de plus beau dans la Province ».

Après Pézenas, Valmagne, Loupian, les étangs, Gigean, Fabrègues et enfin Montpellier. Il s’installe à l’auberge du Cheval Blanc. Un établissement important, fondé au 15ème siècle, 24 lits pour les maîtres, 15 pour les domestiques. Cette auberge recevra plus tard, Stendhal et bien d’autres. Cette auberge disparaîtra à la veille de la première guerre mondiale.
Casanova apprécie cet établissement : « j’ai soupé à la table d’hôte où il y avait tant de plats de cuisine que de convives.. On ne fait nulle part en France meilleure chère que celle que l’on fait à Montpellier ». Il fréquente des cafés, rencontre des autochtones, se fait présenter des médecins, des savants.. Il admire les statues, visite le jardin du Peyrou, se rend aux spectacles. Il trouve les comédiens excellents et plusieurs « filles fort jolies ». Ses malheurs espagnols sont oubliés !! La ville lui parait très animée avec ses 30 000 habitants environ, son commerce et son industrie très florissant. Les malades de l’Europe entière viennent se faire soigner, les étudiants de l’université de Médecine sont indisciplinés, en dehors des codes mondains… Les fabriques de toiles imprimées, les distilleries de parfums et de liqueurs, les victuailles en abondance sur les marchés en font un pays de cocagne pour notre Casanova.
Il va chercher à revoir La Belle Montpelliéraine, une de ses anciennes maîtresses. Une première rencontre avait eu lieu en 1763 à Londres, puis à Leipzig, Dresde, Prague, Vienne. La belle a le mal du pays et en décembre 1766, Casanova lui offre le prix de son retour à Montpellier.
« Je désirais vivement retrouver la Castel Bajac, beaucoup plus pour me réjouir de son état prospère ou pour partager avec elle le peu que je possédais que dans l’espoir de renouveler nos anciennes liaisons, mais je ne savais comment faire pour la découvrir. Je lui avais écrit sous le nom de Madame Blasin mais elle n avait point reçu ma lettre parce que c’était un nom en l’air qu’elle s’était donné et qu’elle ne m’avait point confié son nom véritable ».
Elle se nomme en fait Jeanne-Marie Rudavel, épouse de Vincent Latour, marchand de vin et d’herbes et de médicaments. Elle est née à Aigues-Mortes. Casanova fait le tour de toutes les boutiques d’apothicaires de Montpellier. La belle l’aperçoit et lui envoie un billet à son auberge. Ils mettent au point un stratagème pour ne pas inquiéter le mari. Casanova arrive à la boutique à une heure précise, Jeanne y est et feint la surprise. Notre séducteur raconte au mari qu’il l’a rencontrée chez une duchesse en Angleterre.  Le mari est aux anges et l’autorise à embrasser sa femme. Notre Vénitien est invité par le couple à rester quelques jours de plus à Montpellier. La roue de la vie a tourné, à Leipzig il était riche, il ne l’est plus, elle réduite à la prostitution, et maintenant femme mariée à un homme qui l’aime tendrement et qui a une certainement aisance financière. Ni l’un ni l’autre ne souhaitent renouer des amours clandestines. « Je me suis plu ces quatre jours dans la joie pure de la pleine amitié, sans que le souvenir de la douce vie que nous avions faite ensemble put avoir la force de réveiller en nous le désir de la renouveler »..
Elle lui propose cinquante louis pour continuer son voyage, il refuse malgré la gêne dans laquelle il se trouve. Il écrira : « « Je partis de Montpellier certain que ma visite avait augmenté l’estime que son mari et sa belle-mère avaient pour elle et je me félicitais en voyant que je pouvais me sentir véritablement heureux sans commettre des crimes »...Lui qui a beaucoup trompé, menti dans sa vie découvre au fond de lui qu’il était capable d’humanité.

Il semble avoir séjourné à Montpellier une douzaine de jours au total. Autour du 20 janvier il reprend la route. Lunel, Uchaud, et Nîmes. Cette ville connait une démographie galopante, 36 000 habitants environ avec des migrants des Cévennes, d’Auvergne, du Dauphiné. Industrie de draperie et de la laine, mais aussi spécialisée dans la confection de bas de soie à « la péruvienne » c’est-à-dire brodés de fils multicolores fragiles mais peu onéreux. Cette spécialité est exportée vers l’Amérique du Sud via Séville et Cadix, mais aussi vers l’Allemagne, la Russie… Pour l’année 1774, deux millions de ces bas sont vendus via Cadix à la seule ville de Lima. « Dans certaines contrées les paires de bas de soie servent de deniers à Dieu, pour sceller les conventions des marchands et sont consommés en passant de main en main… Les femmes de Lima dédaignent de porter un bas qui a été lavé une seule fois… »

Des vestiges antiques, des hôtels particuliers somptueux. A cette époque seuls sont visibles l’amphithéâtre, la Tour Magne, la Maison Carrée. « Nîmes est une ville en France digne qu’un étranger s’y arrête. On y trouve une excellent nourriture pour l’esprit dans des monuments vénérables ». Casanova rencontre avec un très grand plaisir le naturaliste Jean François Séguier : «  Séguier m’a fait voir dans les merveilles de son cabinet l’immensité de la nature ». Le savant déchiffrera en 1758 l’inscription disparue du fronton de la Maison Carrée. Il fait collection de médailles et d’antiques et chez lui on trouve un  cabinet d’Histoire Naturelle.
 

Jean François Séguier 
Pastel de P.-M. Barat, portrait commandé par les académiciens nîmois en 1778, pour remercier Séguier du don de ses collections.

Casanova reçoit un accueil chaleureux de la part des notables et aristocrates de la ville : « on m’a invité à un bal où j’ai joue du privilège de l’étranger, privilège inconnu en Espagne et en Angleterre où la qualité d’étranger est un défaut »… Il aime toujours briller en société ce qui ne l’empêche pas de fréquenter aussi les tripots des villes qu’il traverse.
Son séjour nîmois va durer environ 20 jours, occupés par ses rencontres avec les savants locaux, les visites, les mondanités et probablement quelques fredaines.
Son voyage se poursuit ; il arrive le 14 février 1769 à Aix en Provence. Il y rencontre aussi du beau monde. Mais il lui arrive une mésaventure terrible pour lui : invité à user de son savoir-faire afin de délivrer de sa virginité une « fille de quatorze ans, belle comme un astre, qui défiait tous les amateurs à lui faire voir la lumière »…il s’escrime durant deux bonnes heures sans résultat outre un point douloureux au côté droit !! Il se retrouve avec une pleurésie pour Pâques, 20 jours de soins et plusieurs semaines de convalescence. Une femme inconnue le soigne jour et nuit. Il découvrira bien plus tard à Marseille que cette femme avait été placée à son chevet par sa chère Henriette, son grand amour ! Il entamera une correspondance avec elle sans jamais la revoir.
Clin d’œil à l’histoire de sa vie : il rencontre Balsamo futur Cagliostro et sa compagne qui essaient d’escroquer Casanova en tentant de lui vendre une copie d’un Rembrandt !!


Il repart sur les routes, Italie, Paris, Dresde, Berlin, Prague, Vienne…. Il rencontre Mozart à Prague et aurait collaboré avec lui pour son livret de Don Giovanni.  En novembre 1783 à Paris Casanova rencontre Benjamin Franklin alors qu’il assiste à une présentation aéronautique et devine l’avenir du transport en ballon. Il devient bibliothécaire chez le comte de Walstein en Bohème à Dux.  En 1789 il commence l’écriture de ses mémoires.
(Buste de Casanova à 40 ans –gravure à l’eau-forte de 1883 d’après un buste en terre cuite – Octave Uzanne Le livre ( mensuel, vol 3 1884 p32 Paris A Quantin buste au musée des Arts décoratifs de Vienne)


« On dit que ce Dux est un endroit délicieux, et je vois qu’il peut l’être pour plusieurs ; mais pas pour moi, car ce qui fait mes délices dans ma vieillesse est indépendant du lieu que j’habite. Quand je ne dors pas, je rêve, et quand je suis las de rêver je broye du noir sur du papier, puis je lis, et le plus souvent je rejette tout ce que ma plume a vomi. La maudite révolution de France m’occupe toute la journée » (Lettre à la princesse Clary, 1794).
« Ma santé est bonne, et je m’occupe à mes mémoires. Cette occupation me tient lieu de délassement. Je me trouve en les écrivant jeune et écolier. Je donne souvent dans des éclats de rire, ce qui me fait passer pour fou, car les idiots ne croient pas qu’on puisse rire étant seul. » Correspondance avec J. F. Opiz, éd. Fr. Kohl et Otto Pick, Leipzig, Kurt Wolff, 1913
Il s’éteint le 4 juin 1798 à Dux, dans son petit appartement, entouré de son neveu et sa petite chienne.
Une légende raconte que Casanova après sa mort tourmente les femmes qui passent près de sa tombe ; le comte Waldstein avait fait poser sur sa dalle une grande croix en fer, qui rouillée se serait descellée et enfouie dans les herbes folles, par les nuits sans lune agrippait les jupes des dévotes terrifiées.

Une gravure parue dans le «Dictionnaire populaire illustré» en 1864 représente l'évasion de Giacomo Casanova de la prison des Plombs, à Venise, en 1756.
  
« …je n’ai jamais dans ma vie fait autre chose que travailler pour me rendre malade quand je jouissais de ma santé, et travailler pour regagner ma santé quand je l’avais perdue. »



Sources :Alain Buisine Casanova l'Européen, Tallandier, 2001--  Jean Claude Hauc Casanova et la belle Montpelliéraine, Cadex éditions, 2001—+ Voyage de Casanova à travers la Catalogne, le Roussillon et le Languedoc édit Presses du Languedoc 2006—  Giacomo Casanova Histoire de ma vie  collec Bouquins édit Robert Laffont –  Joseph Jullien  Casanova à Nîmes édit La Cigale 1930 --- Elio Bartolini Le Crépuscule de Casanova  Desjonquières Paris 1995--- Guy Chaussinand-Nogaret : Casanova Les dessus et les dessous de l'Europe des Lumières, Fayard, 2006 --- Charles Wright, Casanova ou l'essence des Lumières, Giovanangeli, 2008— Persée Internet Les « bas à la péruvienne » et les manufactures du Languedoc au XVIIIe siècle Marcellin Défourneaux 1966-p271-282 Annales du Midi Yves Renouard L’Homme et l’œuvre-- ci-dessous une page de ses mémoires--