jeudi 23 mai 2019

Trop de jours fériés ?





(Brueghel  Les jeux d’enfants –wikipédia)

Trop de jours fériés ?


Actuellement nous comptons 10 ou 11 jours fériés, fêtes religieuses ou civiles, définis par le code du travail. (selon que l’on compte le lundi de Pentecôte ou non). Certains départements en ont un peu plus.(Moselle, du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, Martinique, Guadeloupe, Wallis-et-Futuna, Guyane, La Réunion, Polynésie Française) . Parfois mélange des genres comme le 15 août sous les Premier Empire et le Second correspondait à la fois aux fêtes de l'Assomption et de la Saint-Napoléon (encore maintenant pour les nostalgiques bonapartistes). 

Faut-il travailler pour vivre, pour s’enrichir ? Au Moyen-Age, la réponse de l’Eglise était claire : il faut travailler pour échapper à la tentation ! Dieu a été le premier artisan, construisant le monde en six jours. Les sculptures, les chapiteaux des églises et des cathédrales nous le rappellent, véritables livres ouverts. Le travail est donc le salut, six jours de labeur et un jour de repos bien mérité. Mais en réalité, ce n’était pas si simple. Les jours étaient souvent assortis d’obligations, d’interdits pour les villageois et campagnards. Un planning qui va  permettre au pouvoir du moment de bien tenir en main le peuple, décider de ses jours, de ses loisirs, pouvoir religieux et pouvoir laïc. 
(mois du calendrier révolutionnaire Fabre d'Eglantine)

Les lundi et mardi ont été pendant longtemps choisis pour célébrer les mariages, donc pas toujours travaillés. Les lundi dans les villes ouvrières du 18è-19ème siècles seront longtemps jours chômés comme à Paris ou Lille. Comme par hasard, les boutiques des « marchands de vin » ou cafetiers étaient ouverts ce jour-là. « L’opium du peuple » n’était pas seulement la religion !!

Le mercredi était autrefois jour de jeûne en souvenir de Judas qui vend le Christ ce jour-là. Le jeudi pour les païens, Grecs, Romains, Gaulois était jour de fête, donc chômé. L’Eglise catholique a eu bien du mal à imposer le dimanche au lieu du jeudi pour ne pas travailler. Au VIème siècle le concile de Narbonne menace d’excommunication ceux qui continuent de fêter le jeudi. Au Moyen-Age ce jour devient le « jour le plus gras de la semaine », moment de bien manger quand on le peut, et jour de récréation, ce qu’il restera pendant longtemps pour les petits écoliers de ma génération.
Le vendredi est le jour de jeûne et de deuil en souvenir de la mort du Christ. Pas de lessive ce jour-là, de bain, pas de cuisson du pain. On évite tout ce qui peut engager l’avenir : semailles, moissons, mettre à couver les œufs, baptiser un enfant….
Le samedi, jour de la Vierge, les femmes doivent s’abstenir de tout travail ce qui est plus facile à dire qu’à faire. Après l’angélus du soir elles ne doivent pas filer la laine sous peine d’errer après leur mort leur rouet à la main. Le samedi est le jour où les âmes délivrées du purgatoire montent au ciel.
Le dimanche doit être obligatoirement chômé. Théoriquement interdit de vendre, de se divertir… Plusieurs offices sont proposés dans la journée pour ceux qui auraient une excuse pour ne pas assister à l’un d’entre eux. Au 17ème siècle, les absents à la messe sont parfois contraints à payer une amende. Le nombre de messes clandestines sous la Révolution de 1789 tend à prouver que chacun trouve son content dans la messe dominicale. C’est l’opportunité de retrouver la famille, les voisins, on s’endimanche. Les ragots, les nouvelles, parfois les affaires sont l’occasion. Sous l’Ancien Régime, le curé lisait les informations du monde, ordonnances royales, les victoires, l’arrivée d’une comète, les mariages…. La plupart des ouailles ne lisaient pas le français ou ne le comprenaient pas et le prêtre se chargeait de la traduction. Des nouvelles aussi de la paroisse, les sépultures, les bans des mariages, les réprimandes à l’égard d’un tel, les ressources de l’Eglise…. En quelle sorte le journal télévisé de l’époque !! Le calendrier révolutionnaire va essayer de supprimer le dimanche, mais les habitudes demeurent. Bonaparte en 1802 rétablit la messe dominicale ; une loi de 1814 la réhabilite.

One360.eu- Jeu de Soule en Bretagne

Du Moyen-Age au 19ème siècle cette règle de jour férié du dimanche est respectée surtout à la campagne. La pression de l’Eglise y est plus forte. En ville en 1893, autour de 27% d’ouvriers travaillent le dimanche : c’est un jour « ouvrable », jour où l’on œuvre. L’absentéisme à la messe dominicale sera surtout le fait des hommes au 19ème siècle. Mais tout le monde se retrouve pour les grandes fêtes, Pâques, Toussaint, les fêtes votives…. Seul le prêtre peut permettre de travailler pour terminer une moisson le dimanche après-midi.
A cela s’ajoutent les fêtes catholiques, les rogations,  celles du folklore ou des traditions, celles des saints patrons du village ou de la paroisse, celles des métiers, de la corporation…., toutes chômées. Même les chevaux ne sont pas attelés pour la Saint Eloi, les bœufs pour la Saint-Blaise. Plus les saints locaux objets de pèlerinage ou de pardon, les bénédictions des cultures….
La Fontaine fait dire à son savetier : « Le mal est que dans l’an s’entremêlent des jours qu’il faut chômer : on nous ruine en fêtes. L’une fait tort à l’autre, et monsieur le curé de quelque nouveau saint charge toujours son prône ».
www.moyenagepassion.com/index.php/tag/danse-ancienne/

On compte dans le diocèse d’Angers au 17ème siècle 53 fêtes obligatoires, dans celui de La Rochelle 43. Au 18ème siècle, on procède à une réduction drastique de ces jours fériés à des fins économiques ; mais ce nombre reste encore important. A Poitiers, on passe de 50 à 27 jours chômés. Pendant ces fêtes, les jeux, la danse y sont étroitement encadrés soit par l’Eglise, soit par des confréries. Processions religieuses, commémorations rituelles, événements corporatistes…. A la révolution de 1789, le pouvoir politique récupère ces moments pour en faire des événements très encadrés qui entretiennent la flamme révolutionnaire. Mais trop dirigés, la population va s’en détourner pour retrouver les carnavals à l’ancienne.
Chaque année, nos ancêtres bénéficiaient de l’équivalent de trois à quatre semaines de jours fériés, mais non payés !
C’est la loi du 18 germinal An X (2avril 1802) qui explique la notion de « fête légale » : « aucune fête à l’exception du dimanche ne peut être fixée sans la permission du gouvernement ». Les différents gouvernements depuis tendent à limiter le nombre de fêtes chômées pour des raisons économiques.

 







Sources : Jean-Louis Beaucarnot  Ainis vivaient nos Ancêtres  édit Robert Laffont1989—wikipédia.org – calendrier révolutionnaire  Fabre d’Eglantine et André Thouin, jardinier du Jardin des Plantes du Muséum national d'histoire naturelle.---

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