jeudi 25 avril 2019

Le Fort de Brescou - Sauvetage




Le Fort de Brescou-Sauvetage



Métropolitain—Jean Marc Aubert 25/8/2017
Des rencontres insolites au large d’Agde, dans les eaux du fort de Brescou. En août 2017 un pingouin nage près du fort sans se soucier des bateaux, Des requins-renard  péchés autour du fort parfois dans à peine 10 mètres d’eau, comme celui-ci, 130 kg environ. (midi libre 1/7/2013)


Ce fort a été sélectionné pour le Loto Patrimoine de Juillet. Nous ne pouvons que nous en réjouir. La ville d’Agde, des associations œuvrent déjà à sa restauration, mais il y a fort à faire. En 2016 une souscription a été lancée à toutes les bonnes volontés, Agglomération, commerçants, touristes, Fondations du patrimoine, particuliers, entreprises locales, banques..…. Une association Les Amis du Fort de Brescou œuvre depuis 2012. Une première enveloppe de fonds va permettre de commencer les travaux qui s’annoncent colossaux et d'une durée de cinq à dix ans selon les moyens.
Ce témoin de l’art militaire et de la fortification languedocienne est inscrit au titre des Monuments Historiques depuis le 19 mai 1996.
Cette construction se trouve sur un îlot à environ un demi mille marin de l’entrée de port Richelieu, le Cap d’Agde et à un peu moins de trois milles de l’embouchure de la rivière Hérault.. On estime l’îlot vieux de 740 000 ans issu d’une coulée de lave volcanique, d’une superficie de 0,5 hectares. Une position stratégique. Le cardinal de Richelieu rêva un temps que ce fort serait l’entrée du grand port sur la Méditerranée. Il aurait voulu le relier à la terre par une digue qui ne sera jamais achevée, le cardinal décédant avant.
(La cour du Fort : rampe d'accès aux citernes, tour du fanal et hangar d'artillerie)
Pour les Languedociens, ce fort remplissait fort mal sa fonction d’éclairage de la mer : un dicton populaire pour qualifier un lieu peu éclairé (ou parfois une personne) « semblan dins Brescou… »
Le fort abrite deux phares, l’un de la fin du 16ème siècle, en fait une tour de pierres noires, un fanal où l’on allumait autrefois un feu pour avertir les navires du danger des rochers. Le second est construit en 1836 sur les ruines d’une grosse tour à l’ouest de l’île. Neuf mètres de haut au début, puis un rehaussement à 11,20 m en 1901 pour augmenter la portée de la lanterne. Aujourd’hui, le phare de 12m de couleur blanche et rouge s’élève à 22 m au-dessus des eaux et sa portée est de 13 milles marins.

(Dégradations du fort-photo radio-france)







-Geneanet-Agde - AGDE : Intérieur du Fort de Brescou en1908

En 1586, la région est en pleine guerre de religion et les côtes sont pillées régulièrement par des pirates. On craint que le rocher ne serve de point d’appui aux troupes espagnoles.
Le vicomte Guillaume de Joyeuse s’empare de l’îlot pour y construire un fort assez grand pour abriter une garnison d’une soixantaine d’hommes et deux frégates qui contrôleront la mer sous le commandement de Gaspard Dot dit »Barberoussette » pirate et surtout opportuniste de son état. A ne pas confondre avec les frères Barberousse, dont le grand Khaireddine que nous avons vu précédemment ((1466-1546), maître de la flotte Ottomane qui, au XVe siècle, symbolisait la piraterie, et dont le nom inspirait l'effroi à tout ce qui flottait en mer et jusqu'aux ports soumis à ses incursions- voir sur ce blog Les Barberousse 30/01/2019).
 Gaspard Dot avait une petite barbe rousse, d’où le nom de Barberoussette. Lui et ses compagnons sévissaient sur le littoral entre Sète et Agde. C'était avant tout des naufrageurs. Ils allumaient des feux sur le Mont St Clair afin d’attirer les bateaux. Les capitaines se croyaient guidés par le phare d’Agde et s’écrasaient sur les rochers de la corniche de Sète. Les pirates cachés sur la plage du Lazaret n’avaient plus qu’à attaquer, piller et trucider les marins, et ils vidaient les bateaux de leurs marchandises. Il parait d’ailleurs que le butin de Barberoussette est caché sur le Mont St Clair ou dans les criques de la côte.

(Tour du fanal et hangar d'artillerie)
A l’orée du 17ème siècle, en deux mots, nous devons faire une distinction entre pirate et corsaire. Les deux termes étaient synonymes jusqu’au Moyen-Age. Le pirate était un brigand qui courait les mers pour s’emparer des cargaisons des bateaux, pour son compte avec une redevance, un pourcentage à redonner à celui (rois, sultans, seigneurs…) qui acceptait de l’héberger lui, ses compagnons, ses bateaux, ou même celui qui lui donnait des navires. Le pirate tue, pille, viole sans distinction de nationalité. Son risque est la mort dans un naufrage ou par  la potence. La piraterie existe depuis que les hommes ont pris la mer pour commercer, transporter des marchandises, des hommes qui très vite pourront se vendre comme esclaves. Nos rois, François 1er, Henri IV, les ministres, les papes se sont servi comme d’autres souverains des pirates qui n’étaient pas regardant sur les moyens, et qui étaient des marins à toute(s) épreuve(s). Barberoussette était bien un pirate.
A l’époque romaine, les pirates alimentent le marché aux esclaves de Rome. Mais ils pillent aussi les villes côtières et ils seront déclarés ennemis, crucifiés, décapités. A la chute de l’Empire romain, la piraterie redémarre de plus belle.

Le corsaire est un navigateur civil qui en temps de guerre est au service de son pays. Son navire est alors armé et une lettre de marque lui donne le droit d’attaquer les navires ennemis. Il coupe les voies d’approvisionnements de l’ennemi tout en s’enrichissant par une part sur les prises réalisées. Mais parfois les corsaires ne sont pas informés de la fin de la guerre et continuent leurs activités. Ils leur arrivent aussi d’attaquer des navires marchands et ne laissent pas de témoins. Nous voyons que l’espace entre pirate et corsaire est fluctuant et bien mince. Agde a eu un corsaire du Roi Louis XIV, Claude Terrisse, brillant, suffisamment désintéressé pour faire don à sa mort d’une grande partie de sa fortune aux pauvres de la ville.



Ce fort sera modifié en 1604-1605, puis en 1610. Nous ne connaissons pas les plans de ce premier fort, probablement construction assez rudimentaire, une ou deux tours de guet, des murailles….


Le fort de Brescou a d’abord un rôle défensif. Mais le duc Henri II de Montmorency en guerre contre Richelieu, en vient à bout en 1632 peu avant que sonne la fin des guerres de religion dont celle de Rohan avec la paix d’Alès. Le fort est rasé sur ordre du roi Louis XIII par lettres patentes. Montmorency est capturé le 1er septembre 1632, l’ordre de destruction du fort date du 1er octobre de la même année. Les travaux de destruction traînent jusqu’en 1634. Le capitaine des gardes de Montmorency continua à tenir le fort même après la défaite et l’exécution du duc.

Le fort est reconstruit vers 1680 probablement d’après les plans de Vauban ou d’un de ses ingénieurs ou élèves. Il est devenu un poste de veille contre les invasions anglaises. Il devient prison d’Etat au 18ème siècle jusqu’au milieu du 19ème. Il reste terrain militaire jusqu’en 1889. De nombreux aménagements le rendent plus habitable. Il est déclassé par les armées et le service des Ponts et Chaussées le récupère. Les troupes nazies l’ont occupé quelques temps de fin 1942 à mi 1944 en l’intégrant au Südwall. Aujourd’hui la commune d’Agde en est propriétaire. Le phare moderne  guide les navigateurs avec un gardien jusqu’au milieu du 20ème siècle. .Il habitait sur l’île avec sa famille dans une maison au fond de la cour, face à l’entrée du fort.  A partir de 1989 le phare sera totalement automatisé.
Brescou-prison hébergea 22 huguenots cévenols en 1687. La Révocation de l’Edit de Nantes de 1685 était passée par là. Des protestants du Vivarais dont le père de Marie Durand, Etienne Durand y seront internés. D’autres prisonniers, des escrocs, des voleurs, des libertins, ou simplement des personnes dont les familles voulaient se débarrasser. Peu de prisonniers, onze en seize ans pour les « raisons d’Etat », trois en vingt ans pour ceux de « droit commun ». La discipline était acceptable, mais promiscuité, climat, manque d’hygiène rendaient la vie dans le fort assez rude. Les prisonniers pour la plupart n’étaient enfermés que le soir et le jour circulaient librement sur les remparts. On rêvait d’évasion avec des côtes à 1500m du fort. Entre 1757 et 1773, les archives comptabilisent 25 évasions ou tentatives.
Les Anglais lors des guerres de Louis XIV ou celles de la Révolution de 1789 ont semble-t-il ignoré le fort Brescou. Cependant pour éviter tout débarquement surprise sur l’île, une garnison y est installée avec un gouverneur, un lieutenant du roi, un major… et en temps de paix une compagnie d’invalides d’une quarantaine d’hommes, remplacée en période de troubles par des compagnies de Milice venant d’autres villes. La mission était de surveiller les navires anglais et de maintenir la liberté de pêche. Des postes de signaux avec chacun un matelot et deux soldats étaient dispersés sur la côte, dont le fort de Brescou, l’embouchure de l’Hérault, sur le mont Saint-Loup, le Cap d’Agde…
Un aumônier pour les nourritures spirituelles, un cantinier, sa femme et ses enfants habitaient aussi le fort. Ce dernier cuisinait deux menus : un pour les soldats et les prisonniers les plus pauvres, et l’autre pour les officiers et les détenus aisés.
(Murs des anciennes cellules de la prison du Fort)

La mission de prison continue dans le temps. En 1841 le maréchal Soult ministre de la Guerre décide que les prisonniers algériens seront traités comme prisonniers de guerre et le fort est utilisé comme lieu d’incarcération. En décembre 1851, il enfermera les opposants au coup d’Etat.

Maintenant, ce site est un lieu privilégié pour la plongée sous-marine. Au 18ème siècle, langoustes, daurades, loups et murènes régnaient sur ces profondeurs. Ses coquillages étaient fort prisés par les collectionneurs. Sur la plage du fort, les familles se retrouvaient le dimanche pour des "sardinades" jusqu'à ce que le bâtiment soit jugé trop dangereux. Peut-être un jour ces beaux jours reviendront-ils !!
 11 mars 2019-héliportage de matériaux sur le site du Fort Brescou - Mairie Agde / AERO /Michel Desnos - Par Stephane Pocher France Bleu Hérault






.Sources : Mairie d’Agde-- .amisfortbrescou.fr/---Charles Bost, Les Prédicants protestants des Cévennes et du bas Languedoc, tome I, p. 212, Les Presses du Languedoc, 2001, ( ISBN2-85998-246-9). -- Archives nationales conservent, sous la cote CP/F/14/17516/2 [archive], neuf planches de dix-neuf figures du phare de fort de Brescou datant de 1833 à 1905. -- Notice no PA34000001 [archive], base Mérimée, ministère français de la Culture-- G. de Sarret de Coussergues, Une prison d'État au milieu du XVIIIe siècle, le fort de Brescou en Languedoc, - Les Presses Continentales - Paris - 1950.—wikimedia.communs--/www.midilibre.fr/2015/12/04/un-appel-aux-habitants-pour-sauver-le-fort-brescou,1252425.php






11 mars 2019-héliportage de matériaux sur le site du Fort Brescou - Mairie Agde / AERO /Michel Desnos - Par Stephane Pocher France Bleu Hérault



samedi 20 avril 2019

jeudi 18 avril 2019

L'effet "Waouh"



L’effet Waouh !



Nos élus aiment bien théâtraliser leurs interventions. Et nous devons reconnaître que nous marchons plutôt bien : des effets de manche, des chauffeurs de salle, des gadgets, l’entrée des orateurs sous les ovations, lumières, musique (et même un hologramme pas très écolo), des médias parfois complaisants…. mise en scène pour faire vibrer, et oublier le fond ? Pour l’après Grand-Débat, notre président avait prévu une intervention télévisuelle solennelle  pour le 15 avril.

Tout était en place ce lundi soir. Le public avait été chauffé toute la semaine, par les médias, les experts vraiment experts ou d’occasion….. L’espace était pratiquement tout occupé par l’événement. Le suspens était à son comble. Nous allions voir ce que nous allions voir !! Tous, nous espérions, doutions, supposions, présumions, imaginions... Le Jeune Premier serait-il à la hauteur ? Les éclairages (pas seulement les lustres et lampes de l’Elysée) seraient-ils suffisants ? Nous avions été prévenus : ce serait un effet « Waouh », nous allions tomber de nos chaises… L’acteur principal allait paraître, « maître des horloges », professoral comme à son habitude, à son heure pour nous distiller la bonne parole.
Et puis, l’effet « plouf ». Vingt minutes avant les « trois coups », faut-il y voir le Destin, le Doigt de Dieu, le Vieux Monde qui rattrape le Nouveau, un court-circuit ou un ouvrier qui se plante, et c’est la catastrophe, Notre-Dame en feu !!. Au théâtre on appelle cela un bide, un flop. La Com, notre nouvelle fée, celle qui dicte maintenant nos vies, n’avait pas prévu cela. Comme quoi on ne peut jamais tout maîtriser. 

Autre polémique : Cinq ans pour remettre la cathédrale à neuf ? L’abbaye d’Hautecombe est en rénovation depuis 16 ans. Encore un effet d’annonce ? Est-ce bien judicieux ? Amateurisme qui peut décourager les donateurs en leur faisant croire qu’avec deux trombones et un ruban adhésif, Notre-Dame de Paris sera restaurée !! Attendons le verdict des hommes (et femmes) de l’art dont c’est le métier. 

Et en ce qui concerne les donateurs, pourquoi dauber sur les donateurs « Riches » : n’importe comment les sommes qu’ils vont donner, nous n'en aurions jamais vu la couleur, alors profitons !! C'est autant que le contribuable n'aura pas à donner, n'oublions pas que Notre-Dame appartient à l'Etat et donc sans les dons, tous les dons, ce sont les contribuables qui devront payer les factures. 

Polémiques, rumeurs, querelles, opportunisme, les "ya-qu'a", nous sommes fatigués par l’attitude de certains. Cet incendie a amené pour un temps un moment de grâce, de réconciliation. Cela ne durera pas, alors ne boudons pas notre plaisir.



Childe Hassam (1859-1935, USA) ~ "Notre Dame de Paris", 1888

Jongking 1849









mercredi 17 avril 2019

mercredi 10 avril 2019

Guillaume le Libérateur







Ruins of the fortress of Fraxinetum in Provence (France), a 10th-c. Andalusi Muslim settlement and raiding outpostpic.twitter.com/PBmpHYvos5)—Ruines de la forteresse de Fraxinetum)

Guillaume le Libérateur


gravure 1655 BNF
Nos manuels d’histoire nous parlent essentiellement de Charles Martel dans sa lutte contre les Sarrasins. Et pourtant d’autres ont été tout aussi efficaces.

Nous sommes en juillet 972, dans la nuit du 21 ou 22. L’abbé de Cluny, Mayeul, personnage à l’autorité quasi-papale, s’achemine sur la route du Sud pour inspecter des monastères italiens. Près du petit hameau d’Orcières, (au pont du Châtelard ?) au col du Grand Saint-Bernard, son escorte est attaquée par des Sarrasins. Il est fait prisonnier et ses geôliers demandent une rançon mirobolante.

Les razzias sarrasines partent en général de la côte maghrébine de ports anciens byzantins comme Ténès, Mostaganem ou Oran ou de bases sarrasines crées pour l’occasion mais à l’époque du rapt, les Sarrasins viennent essentiellement d’Espagne. Alger ne sera fondée qu’après 950. Ils s’attaquent à la Sicile vers 652, puis Sardaigne, Syracuse, Corse…. Narbonne en 719. La lutte intestine entre Berbères et Arabes va calmer le jeu un temps sur terre et sur mer. Le coup d’arrêt de Poitiers en 732 n’est pas dû aux seules qualités des armées de Charles Martel. Mais le début du 9ème siècle marque un tournant : les  Sarrasins deviennent des pirates pillards sanguinaires de plus 

en plus audacieux.  L’esclavage devient une quasi-industrie. En 813 Nice est touchée, hommes, femmes, enfants sont emmenés en esclavage, villages et fermes pillés. Les hommes travaillent dans les mines, les jeunes garçons sont transformés en eunuques qui rapportent jusqu’à quatre fois plus qu’un non-castré.

Unknown XVe —http://marlie.over-blog-blog.com/article-souvigny-un-siecle-d-archeologie-88098668.html 
Portrait de Mayeul de Cluny sur l'armoire à reliques de Souvigny XVe siècle
Les Sarrasins s’installent en pays  niçois, Tourettes, Eze… ils vont s’y conduire parfois en suzerains. Ils nous apportent l’exploitation du chêne-liège, de la résine de pin qui sert à calfater les coques des navires. Des traces nous indiquent une présence prolongée et 

une exploitation des richesses locales : canalisations, puits, tours, fortifications, cimetières, fonderies…
Des razzias : 838 Marseille, Arles par le Rhône en 842. A nouveau Arles en 869 où ils capturent l’archevêque d’Arles Rotland. en septembre 869 en Camargue. Les Arlésiens ne récupèrent que son cadavre habillé et mis sur un siège contre une rançon d’armes, d’esclaves, et autres richesses.
La Camargue est quasiment terre sarrasine, l’abbaye de Psalmodi rasée, Maguelonne appelée « port-sarrasin ». Bien plus tard au 13ème siècle on verra l’évêque de Maguelonne battre monnaie à l’effigie de Mahomet. (Histiore de Bellino ValVaraita(Italie-wikimedia.org)

Les Maures s’installent dans le golfe de St Tropez, appelé à l’époque Fraxinet (Fraxinetum-actuelle Garde-Freinet). Pas d’ambition territoriale, simplement le lieu est pratique pour lancer le pillage de l’arrière-pays. Selon Liutprand de Crémone, un religieux du 10ème siècle, une vingtaine de Sarrasins s’échouent sur le littoral en 889. Ce sont des pirates et non des chefs politico-religieux, ils viennent d’Alicante, probablement un mélange d’Arabes, de Berbères, de Chrétiens convertis ou non.  Les Berbères sont habitués aux guérilla en montagne. Les razzias commencent à partir du Fraxinet : 896 Apt, 923 Marseille dont le port est bloqué par des navires maures qui interdisent tout ravitaillement à la ville, Aix en 925, Fréjus en 940 qui subit un massacre sans nom…. Les Alpes, la Suisse, la Savoie. Depuis 921, les Sarrasins se sont rendus maîtres de nombreux passages d’importance dans les Alpes Occidentales, compromettant le commerce. Les populations qui échappent aux tueries ou aux déportations s’enfuient vers les villes un peu mieux protégées.

(Dom Mayeul, quatrième abbé de Cluny, à droite, devant l’icône de la reconquête de la Provence (miniature du XIIIe siècle. dans :Histoire occitane, Comte de Provence, Personnalité provençale historique, et 10 autres Guillaume le Libérateur )

Des gens réagissent, le comte de Vienne, Hugues d’Arles, l’empereur byzantin s’inquiète, mais sans résultat. Et puis l’aristocratie provençale n’est pas claire, n’hésitant pas à s’allier aux Sarrasins lorsque c'est nécessaire au gré de conflits de voisinage. 
Mais l’année 972 va changer la donne. Le rapt de l’abbé de Cluny va être le détonateur. Les Sarrasins de Fraxinetum en sont les auteurs. Mais le gibier est bien gros !! L’abbé Mayeul  est vénéré par les Provençaux et son rapt déclenche une véritable furie guerrière contre les Sarrasins. Mayeul est de Valensole, il en avait cédé tous ses droits seigneuriaux au comte Guillaume de Provence, ne se réservant que sa maison natale et l’église de Valensole. Mayeul était le fils d’un des seigneur de la ville.

Les moines doivent verser une rançon de 1000 livres. Pour payer, ils fondent des objets de culte et d’orfèvrerie. C’est le coup de trop et l’aristocratie provençale se mobilise autour de Guillaume 1er le Libérateur, qui lève l’ost. Son frère Roubaud 1er de Provence, Audouin II d’Oriate comte de Turin, les seigneurs de Fos, le comte de Vintimille… Guillaume estime de son devoir de protéger ses sujets. En fait cela fait deux ans que lui et son frère se préparent à rejeter les Sarrasins à la mer.  Roubaud (Rotbold) en 966 aidé de Beuvons, gentilhomme de Noyers avait réussi au prix d’une trahison à pénétrer le bourg de l’Oisans, dans la vallée de la Romanche tenu par des éclaireurs ennemis. Ils avaient pris le poste et massacré les occupants.
La rançon est versée, mais selon certains historiens, une embuscade avait été préparée. Une poursuite s’ensuit à travers le territoire alpin, Roubaud et Beuvon en tête et rassemblant au fur et à mesure toute une cavalerie. Après des années d’inertie, les Sarrasins ont du mal à réagir, et les vallées sont nettoyées de leur présence les unes après les autres. L’évêque de Grenoble prêche la guerre sainte de libération.
Renseignés sur les mouvements des troupes provençales, les Sarrasins engagent le combat en rase campagne. Cinq premières batailles ont lieu à Embrun, Gap, Riez, Ampus, Carbasse. Toutes perdues pour l’ennemi. Les armées sarrasines se regroupent à Tourtour. Une sixième bataille, la plus importante. Les provençaux écrasent les Sarrasins qui regroupant leurs dernières forces remontent à la Garde-Freinet et s’y retranchent solidement.
Guillaume donne l’assaut au Fraxinet. Les seigneurs de Levens, d’Aspremont, de Gilette, de Beuil, de Sospel sont de la partie. Les Provençaux attaquent les derniers retranchements du Fraxinet, chassent les Sarrasins et s’emparent de la forteresse. Poursuivis dans la forêt voisine, les ennemis sont neutralisé, tués, ou faits prisonniers. Les survivants seront baptisés de force, la forteresse est rasée.
Il est probable que des sarrasins aient fait souche dans la région et certains vont se convertir au christianisme.
Guillaume 1er le Libérateur se sentant mourir fit appeler Mayeul à Avignon. Il se confesse et restitue à l’abbaye de Cluny plusieurs domaines. Il meurt le 29 août 993 sous l’habit monastique dans les bras de Mayeul de Cluny. Il est inhumé dans l’église de Sainte-Croix de Sarrians.
Il avait épousé en premières noces Arsinde de Carcassonne, qui lui donna trois filles, dont Arsinde de Provence qui épousera Guillaume III Taillefer, Comte de Toulouse.
En secondes noces, il épouse Adélaïde d’Anjou, divorcée du futur roi  Louis V. Prestigieuse alliance qui lui donne un fils Guillaume II de Provence (vers 981-1018), trois filles dont Constance d’Arles reine de France avec Robert II vers l’an 1000, et Emmemgarde d’Arles épouse de Robert1er d’Auvergne.

Cette bataille militaire contre les Sarrasins marque un tournant important dans l’histoire de la Provence. L’aristocratie locale et les communautés urbaines et paysannes avaient toujours refusé jusqu’alors  le pouvoir comtal et la mutation féodale. Guillaume de comte devient marquis, obtient la suzeraineté de fait de la province. Il va pouvoir contrôler le fisc avec le consentement royal. Il va redistribuer les terres comme Hyères aux seigneurs de Fos. Une féodalité provençale naît sous sa houlette.
La Provence connait une nouvelle période de prospérité. En sont les témoins les canaux d’arrosage remis en état, assèchement des marécages, moulins, paysans nouvellement installés, des terres remises en culture, pêcheries en Camargue et sur l’étang de Berre…. Marseille se réveille au commerce international.
Mais les pirates maures ou autres n’abandonnent pas la partie, hantant la Côte méditerranéenne. En 1020 une flotte d’invasion venue d’Andalousie tentera d’aborder près de Narbonne. Les graus languedociens verront encore les bateaux sarrasins glisser sur les eaux. En 1178, Toulon paie encore le prix fort ; la population est emmenée en esclavage et le coseigneur de la ville le vicomte de Marseille Hugues Geoffroi est conduit en Espagne, otage avec des membres de sa famille. Ils ne seront libérés qu’au bout de sept ans. Vers 1052, les Normands débarquent en Sicile, s’entendant souvent bien avec leurs collègues sarrasins. La piraterie est une industrie qui marche bien : Turcs contre l’archipel grec, Dalmates contre les côtes de l’Adriatique, pirates génois, vénitiens,…
On dit qu’une Marseillaise du quartier Saint-Jean, emmenée esclave en Asie Mineure, devint l’épouse du sultan Mourad. Son fils devenu sultan à son tour sous le nom de Mahomet II s’en alla en mai 1453 conquérir Constantinople ville divine pour les chrétiens orientaux !! Ainsi va l’Histoire !!

Sources : Loup Durand Pirates et Barbaresques en Méditerranée édit Histoire du Sud Aubanel 1971—wikipédia.org – Philippe Sénac  Musulmans et Sarrasins dans le sud de la Gaule du VIIIe siècle au XIe siècle, Sycomore, 1980, p. 57-- René Poupardin– Le Royaume de Provence sous les Carolingiens (855-933?) - Paris, 1901Robert Sausse www.bassesalpes.fr/mayeul.htlm---www.histoireeurope.fr/RechercheLocution.php?Locutions=Guillaume+Ier+le+lib%E9rateur

       



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