mercredi 3 avril 2019

Football, rugby, tennis, golf, autrefois




Tennis, football, rugby, golf… autrefois .

Le mot « sport » vient de l’ancien français « desport », que l’on peut traduire par « amusement », et même de « se déporter », signifiant s’amuser.
Ce jour de carnaval 1496, des jeunes hommes d’Uzès et de St Quentin se retrouvent dans le pré pour « souller ». Ils ne sont pas là pour se saouler, mais pour faire du sport. Le jeune Louis de Vaux se retrouve avec le nez et des côtes cassés.

La soule, ancêtre du football et du rugby, est un jeu très populaire, pratiqué dès le Moyen-Age en France (premières archives connues 1147). Ce jeu apparaît un peu près au même moment en Angleterre peut-être arrivé lors de la conquête normande. Ou bien des restes de l’invasion franque ou romaine. Ce sport sera pratiqué chez nous jusqu’à son interdiction au 19ème siècle avec une renaissance en Normandie et lors de reconstitutions historiques un peu partout, mais avec des règles plus normales. Dans le Béarn on s’y adonne encore pour certaines fêtes, mais avec moins de risques. Peut-être revenu en Occitanie avec la guerre de Cent Ans et le Prince Noir. On retrouve dans le passé, des jeux de soule, ou qui y ressemblent, un peu partout dans le monde.




Soule au XIVe siècle
Cathédrale de Gloucester



Pendant Carême, les journées sont longues pour les hommes. Ce jeu propose de les occuper : deux équipes qui doivent porter le ballon dans un lieu précis du camp ennemi. Les règles sont simples : tous les coups sont permis sauf des gestes qui tuent. C’est un sport très violent. En 1855 un témoin raconte : … « le spectateur ne voit qu’une masse confuse d’individus qui semblent avoir pris à tâche de s’écraser mutuellement ; ceux qui sont hors du cercle tâchent de s’emparer par la force de ceux qui sont au centre… ces efforts individuels, sans cesse renouvelés, impriment à la masse un mouvement des plus singuliers, tantôt elle se dirige vers la droite, tantôt elle marche vers la gauche ; on dirait un animal fantastique à mille pattes….un combattant tombe, la lutte continue sur son corps, il se relève tout pâle, quelquefois meurtri et ensanglanté… ».
Le ballon est cette soule, ou « choule, cholle » selon les régions. Il est en bois ou en cuir bourré de foin, de son ou de mousse. Le but à atteindre est un mur, une porte, une mare selon les lieux, parfois une flèche ou une lance plantée dans le sol. Les équipes sont composées d’hommes de deux paroisses rivales, ou des célibataires contre des hommes mariés. Les spectateurs sont nombreux, hurlent comme dans nos stades, rient, plaisantent. On parie un peu malgré le curé ou le chanoine qui regarde le jeu et qui parfois prie au coup d’envoi pour une équipe. Les jeunes nobles n’hésitent pas non plus à se mêler aux joueurs. Il en va de l’affirmation de leur virilité, de leur astuce,  de leur force au combat !. Parfois le jeu dégénère et les spectateurs rentrent en lice pour aider leur équipe ou punir l’équipe adverse. (Dans nos stades on n'a rien inventé !!)



Régulièrement, les religieux et le roi du moment s’inquiètent de ces pratiques qui divertissent un peu trop le peuple et l’éloigne de ses devoirs spirituels. On doit s’amuser utile. En 1369 Le roi Charles V interdit tous les jeux dont la « soule qui n’ont point d’utilité pour exercer nos dits sujets au maniement des armes ». Une amende de 40 sous importante pour l’époque est prévue. On ne doit s’adonner qu’au tir à l’arc ou à l’arbalète.
La soule : »Vous n’êtes point un tâte-poule, un jodelet, un ingnorant. Peu vous importe que la soule vous froisse le dos rudement ; vous regardez, Basta, comme un rien une ampoule, parce que vous savez l’art de faire l’onguent ».
Louis de Chapat 1777 vol 1 p48 La Clincaille du Parnasse  Amsterdam

Pour sourire nous pouvons écouter et voir le clip de la chanson Lo Nhacar par le groupe Lo Nadau (yahoo) qui nous parle de rugby entre le Pays Basque et le Béarn !






Un autre jeu est très en vogue en Bretagne et dans le Nord avant de nous revenir d’Angleterre : le golf. Paysans et artisans de nos terroirs jouaient régulièrement au golf. Pas de terrains ad hoc, des rues, des routes de campagne suffisaient. Ils jouaient avec une petite balle appelée « gouret ou goret » c’est-à-dire le cochonnet. Ce jeu sera appelé « la crosse » du nom du bâton crochu qui permet de pousser le cochonnet vers le but. Là aussi c’est un jeu violent, énergique qui occasionne hématomes, parfois tibias fracturés…. Au 16ème siècle, le manche de la crosse s’allonge et devient un marteau à long manche : un maillet ou mail qui donne son nom au jeu et au terrain où on pratique. Nos villes se dotent de promenades ou de quartiers « du Mail ». Nîmes, Uzès avaient leurs mails. Le jeu devient essentiellement urbain et élitiste. Dans le jeu de mail, on chasse la boule devant soi avec le maillet dans une direction convenue jusqu’à un but déterminé. Le long de l’emplacement choisi, on place de grosses pierres dites pierres de touche, qui représentent autant de buts. Mme de Sévigné nous raconte ses parties de mail. La boule est en racine de buis conservée dans un sac de linge sale pour qu’elle garde une certaine humidité. Les joueurs calculent les angles d’attaque selon le vent, la qualité du terrain, la température… Le mail est nettement moins violent que la crosse. Une boule de crosse ou de mail célèbre La Bernarde du nom du grand joueur Bernard. La boule qui assure de la victoire nous dit la pub !!Elle pulvérise les prix  dans une vente aux enchères.
 Au 18ème siècle, les Français se moquent des Anglais qui se passionnent pour les exercices physiques. Nous oublions chez nous le « mail » pendant que les Anglais le transforment en hockey !! Plus tard le golf revient mais reste pour nous un sport réservé à une élite.

Le tennis vient lui aussi de loin. Il a pour ancêtre le jeu de « paulme », jeu de paume. Au départ il s’agit de renvoyer une balle appelée « esteuf » avec la paume de la main. Le mot français de « tennis » vient du cri lancé par le serveur à son adversaire lorsqu’il lui lance la balle : « Tenez ! » qui devient Outre-Manche « tenetz » puis tennis. 

Les esteuf sont en bon cuir, « bien garnis et de bonne bourre, sans y mettre sablon, craie, batue (rognure de métaux), chaux, son, rebut de peau, sciure, cendre, mousse, pouldre ou terre ». Cette énumération laisse entendre que les fraudes sont fréquentes et qu’un règlement est vraiment le bienvenu ! Les joueurs s’amusent mais aiment gagner !! Les règles sont différentes selon les pays. La raquette (battoir) n’apparait qu’au 16ème siècle, avec grillage, cordes ou parchemin tendu. Ce dernier matériau provient souvent de vieux manuscrits dont on pleure aujourd’hui la disparition. Les religieuses de Fontevrault ont ainsi vendu des pages de Tite-Live à un faiseur de battoir.
A la fin du 18ème siècle, le jeu de paume évolue. On commence à faire des concours locaux. La « longue paume » est plutôt réservée au peuple, paysans, artisans, pratiquée en extérieur et reste traditionnelle avec bâtons, battoirs à blé, palmes… ; la « courte paume » avec raquette et balle se pratique en salle, même sans adversaire contre un mur. Plus tard la courte donnera le « court de tennis ». Même les curés vont jouer au jeu de paume bien qu’en haut lieu on pense que c’est un gaspillage de temps et d’énergie. Les règles changent selon les lieux. La longue se pratique dans les champs, dans les rues ou sur les places des villages. La courte dans des espaces couverts souvent construits. Les villes, les châteaux ont leur salle de jeu de paume : les tripots, du verbe « triper » rebondir. Uzès avait jusqu’à la Révolution une salle de jeu de paume dans une auberge. Paris au 18ème siècle compte pas moins de 114 salles. A la Révolution les jeux de paume sont détruits et l’ensemble des jeux est réglementé pour des raisons d’ordre public.
En voyage en France en 1598, l’anglais Dallington est étonné par la passion des Français pour ce jeu : « le pays est semé de jeux de paume, les Français naissent avec une raquette à la main !! »

Jeu de Paume Versailles


Nous avons des champions comme maintenant. Le marquis de Rivarol sous le règne de Louis XIV, avec une jambe en moins, rivalise et bat les plus forts. Huit cents livres de pension sont alloués au sieur Jourdain pour jouer contre les princes et leur servir la balle !!
On retrouve le jeu de paume, surtout la longue, en Prusse, Hollande, Angleterre. Des rencontres sont peu à peu organisées entre Anglais et Français. Les règles et le matériel français sont exportés, même la façon de compter les points et de nommer les coups (l’œuf pour le 0 par exemple). On parle français en jeu de paume. 
Dans la deuxième moitié du 19ème siècle, on assiste peu à peu à la disparition du jeu de paume et à l’universalisation du tennis en particulier dans l’empire britannique. Des tournois internationaux sont mis en place.
Aux JO de Paris en 1900, une réaction des sportifs français avec un concours de tennis. Mais après ces jeux olympiques, le jeu de paume disparaît dans notre pays définitivement à quelques exceptions près.



La pelote basque cousine du jeu de paume ?


En football, en golf, en tennis ce sont Messieurs les Français qui ont lancé les premiers. On ne nous refera pas le coup de Fontenoy !!


Sources : www.france-pittoresque.com/spip.php?article5771
--Paul Dietschy, Histoire du football, Perrin, 2010, p. 22 -- Jean-Louis Beaucourt  Ainsi vivaient nos ancêtres  édit Robert Laffont 1988---/fr.wiktionary.org/wiki/soule
--wikipedia.orgphotos--archives départementales du Gard j65—J F Baruelle  Quand dimanche était jour de fête  1982  édit Balland---Jean bazal L’Ancêtre de la soule 1939 Guide ethnographique ATPJeux de force et d’adresse N Tremaud---

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