lundi 24 février 2020

Une très vieille dame l’Académie de Nîmes


Une très vieille dame, l’Académie de Nîmes






 (Sceau d’origine avec un complément plus tardif Académie de Nîmes)
En 1919 l’Académie de Nîmes s’installe au 16 rue Dorée à Nîmes. Elle est née en 1682 par lettres patentes du roi Louis XIV, petite sœur ou consœur de l’autre Académie, celle de Paris créée en 1632 ou celle d’Arles de 1668. Jules César de Fayn en est l’instigateur. Elle a les mêmes privilèges que l’Académie Française :  « les honneurs, privilèges, facul­tés, franchises et libertés » .
Sa maxime officielle « Aemula Lauri », émule du laurier, est complétée par une deuxième : » Ne Quid Nimis », rien de trop. A sa création l’Académie se réunit chez l’un de ses fondateurs Jules de Fayn, marquis de Péraud. En trois siècles, des grands noms figurent parmi ses membres, de Rabaut Saint Etienne, Ménard, Séguier à Napoléon Bonaparte, Cambarérès, Talleyrand, Berthollet, Gaston Darboux, Frédéric Mistral, Alphonse Daudet, André Chamson. Elle correspond avec une soixantaine de sociétés savantes européennes. Elle est née trois ans avant la Révocation de l’Edit de Nantes qui va tant bouleverser notre région. Dans cette période où chacun reproche à l’autre son orientation religieuse, elle se veut indifférente aux contingences politiques, foyer d’humanisme où toutes les convictions, les croyances se côtoient et cohabitent sans heurt.
Un décret du 11 décembre 1871 lui reconnait être un établissement d’utilité publique.


Jules-César de Fayn ancien maréchal des camps et des armées du roi s’était retiré à Nîmes où ses ancêtres avaient occupé la charge de sénéchal en 1630. Sa famille est alliée aux Vissec de La Tude de Ganges, baron des Etats du Languedoc, de Vézenobres, aux Fortia de Catalogne et à la fameuse marquise de Gange et son tragique destin (sur ce blog 1/05/2018 La Marquise de Gange et son assassinat)….
Depuis le milieu du 17ème siècle à Nîmes comme dans presque toutes les villes importantes du royaume existaient des sociétés littéraires. Diverses tentatives pour rassembler ces sociétés avaient échoué jusqu’alors. De Fayn avait organisé les Emulateurs à Avignon avec Joseph Planety, protonotaire apostolique et dataire de la légation d’Avignon en 1658. En 1660 Fayn séjourne à la Cour et étudie les statuts, l’organisation de l’Académie Française. 
 De retour à Nîmes il réunit chez lui le 28 mars 1682 à 14 h diverses personnalités et leur expose son dessein : «former une Académie où chacun pourroit, par des entretiens honnêtes, solides et familiers et par la lecture des bons livres, corriger ses défauts et acquérir du sçavoir, de la politesse et de la vertu ».  Il y avait Mmss de Trimond, de La Baume, Cassagnes, Chanel conseillers au présidial, Digoine procureur du roi, d’Aiglun et Causse chanoine, de Cabrières, Maltrait, Saurin, Teissier, Graverai avocat….. Des amis attablés sans préséance, qui avaient déjà l’habitude de se retrouver les uns chez les autres pour discuter littérature.
Les premières dispositions sont prises : M Séguiery évêque de Nîmes protecteur, M de La Baume directeur, secrétaire le marquis de Péraud,… Les séances commencèrent rapidement dès le 1er avril 1682, puis tous les mercredis. Pierre Chanel, avocat se chargea d’obtenir les lettres patentes du roi..
Le 24 mai 1884 dans son discours d’ouverture le président d’année Eugène Bolze nous raconte cette rencontre. Trois personnes sont chargées de rédiger « les statuts qui doivent se conformer autant que l’usage pouvait le permettre à ceux de l’Académie Française ». Mais le titre demandé dans les lettres patentes d’Académie Française de Nîmes sera refusé : ce sera « l’Académie Royale de Nîmes ».
Son programme est large : érudition locale, antiquité romaine (le Moyen-Age n’est pas encore à la mode au 17ème siècle), éloquence, morale, poésie, culture générale de l’esprit, pureté de la langue….. Etudes du passé, mais un pied dans le présent : l’Académie tient des séances publiques, donne des bals, des fêtes à l’occasion de naissances royales, prononce des oraisons funèbres …. on y commente les travaux de Racine, La Rochefoucauld, Pascal…
La Révocation de l’Edit de Nantes en 1685 mit un frein aux travaux de l’Académie. Certains de ses membres étaient protestants et devaient songer à la survie de leurs familles. Elle reprit des couleurs vers 1752 avec l’éclosion des Lumières. Ses séances se tenaient parfois chez les uns et les autres, le plus souvent dans l’Hôtel de Balincourt, le Palais de l’Evêché..Vers 1760 elle tenait ses séances chez Jean-François Séguier. Ce dernier qui réussit à traduire la dédicace impériale inscrite sur le frontispice de la Maison Carrée, donna à l’Académie son Hôtel particulier et ses collections. L’Académie avait enfin « son chez-soi ».
La Révolution en 1793 la fait disparaître un temps comme toutes les sociétés savantes de l’époque. Le citoyen Jean Pieyre achète le bâtiment qui va servir de logement au recteur des nouvelles académies universitaires : académie désigne alors « rectorat ». Elle renaît en 1801 sous le nom de lycée du Gard, comme société libre des sciences et des arts, puis en 1802 elle reprend son titre d’Académie du Gard.
L’Académie suspend ses travaux de 1813 à 1816 : des conscrits sont levés en masse pour s’enrôler dans quatre régiments de cavalerie. Les armées stationnées en Espagne sont rapatriées et traversent Nîmes. Les temps sont à l’orage guerrier ! A la Restauration, elle redevient Académie royale du Gard, puis après 1848 jusqu’en 1878, Académie du Gard !! A chaque chaos de l’Histoire elle tient bon. Ne dit-on pas :« À l’ignorance, la culture est la force de l’esprit. »
En 1878 elle retrouve par décret son nom d’Académie de Nîmes. Un temps elle occupe le troisième étage de l’Hôtel de Ville jusqu’au 8 juillet 1912..
Déjà en 1879 on reconnait à l’Académie de Nîmes, « après plus de deux siècles d'existence, une véritable pépinière d'hommes remarquables dans le monde de la science, de la littérature et des arts, et comme le témoignage le plus éloquent de ce que peuvent produire des intelligences mises en commun pour le progrès et le perfectionnement de l'esprit humain. »
En 1909, la ville de Nîmes souhaite récupérer le local prêté à l’Académie pour y installer ses services.
En 1912, l’Académie doit quitter le troisième étage de la mairie qui lui propose  le Palais des Beaux-Arts, ancien palais épiscopal appartenant à la ville depuis 1910. Mais après les remous occasionnés par la loi de 1905 de séparation de l’Eglise et l’Etat, les académiciens sont réticents à occuper ce bâtiment. Avec raison semble-t-il. Un journal titre : « Mais qu'ils sachent que nos amis seront devant la porte de l’Évêché volé, pour les huer au passage, le soir de la première réunion dans le Palais épiscopal. ».
Dernière séance le 8 juillet 1912 au troisième étage de la mairie et le 14 octobre première séance au Palais des Beaux-Arts. Les académiciens démissionnent en nombre et finalement le trésorier Fernand Bruneton offre le local de la Société de l’Agriculture situé dans la maison de l’architecte M Palatan au 7 rue des Frères Mineurs. Première séance dans ce local le 11 novembre 1912, académie au grand complet. Jusqu’en 1919.


Un hôtel particulier au 16 rue Dorée est à vendre. La propriétaire Adrienne Michel, fille d’Albin Michel bien connu auteur de « Nîmes et ses rues » fait une proposition de vente pour 30 000 frs. Une souscription est lancée pour acquérir ce bien à l’initiative du chanoine Bonnefoi, Supérieur de Saint-Stanislas et ancien Président de l’Académie. Il s’est chargé avec bonheur des négociations avec la propriétaire. L’avantage de ce projet est que l’Académie sera chez elle. L'acte de vente de l'immeuble 16 rue Dorée est signé le 29 novembre 1919.


Le 7 juin 1920 se tient la séance inaugurale dans le nouveau bâtiment. L’architecte Max Raphel a procédé à toutes les réparations, à l’aménagement indispensables à l’installation de l’Académie dans ces locaux. Depuis des travaux, 1969-70, 1991-92, en 2007 la toiture….selon les moyens du moment. Les pièces portent le nom des bienfaiteurs de l’Académie, salle Lordat pour les archives de l’Académie, salle de Villeperdrix pour les Bulletins des sociétés en correspondance, la salle Henri Bauquier pour la collection du Comte de Chambord classée par les Monuments Historiques, la salle Barnouin où l’on peut trouver les Bulletins et Mémoires récents, la salle Livet pour les travaux des sociétés savante de province, la salle des Mémoires…8000 notices abritées dans la bibliothèque du 1er étage, la collection iconographique Filleron-Lorin et ses 45 000 cartes postales…. Une surface de près de 700 m2 !! Didier Travier conservateur au fonds ancien de la bibliothèque de Nîmes et bibliothécaire de l’Académie nous explique qu’au moment de la Révolution de 1789, le fonds ancien de l’Académie a été confisqué et se trouve actuellement à la bibliothèque municipale. Les collections de l’Académie comporte moins de 4% d’ouvrages antérieurs à 1810, mais 48% environ d’ouvrages du 19ème siècle jusqu’en 1914 et encore 48% du 20ème siècle à nos jours. Quelques pièces anciennes rares du 17ème siècle, des livres de piété…. Des titres du mouvement félibréen, les carnets manuscrits de Louis Roumieux…..
En 1980 Jules Davé magistrat et membre résidant de l’Académie lègue son Hôtel Particulier situé à l’angle du boulevard Talabot et de la rue Fénelon. Ses revenus locatifs permettent d’équilibrer le budget de fonctionnement de l’institution.
Actuellement l’Académie compte 60 membres, dont 36 résidents, 24 non résidents, des membres honoraires et des membres correspondants. Les membres résidents se répartissent en trois groupes de 12 : catholiques, protestants et indépendants. Cette répartition est l’originalité de l’Académie, elle daterait de la fin du 19ème siècle, volonté d’équilibre en cette période. Tous les quinze jours d’octobre à juillet ils se réunissent en assemblées ordinaires et en séance annuelle une fois par an. Elle publie un Bulletin Trimestriel des séances depuis 1842 et un tome de Mémoires annuel depuis 1804. Elle échange avec 106 Académies et Sociétés Savantes. Colloques, conférences, études mais aussi un pied dans le présent comme ce colloque Environnement et Santé du 16 novembre 2019 au Carré d’Art-Jean Bousquet de Nîmes. Depuis 2000 elle décerne tous les deux ans un prix pour une œuvre littéraire.
Le premier étage du bâtiment vient d’être rénové, les parties les plus anciennes remontent au 14ème siècle. Le cabinet médical et le logement du premier étage ont été transformés en salons, pièces d’archives, salle de réunion. Le logement aurait vu grandir le torero nimois Chinito.
Les travaux d’un montant environ de 300 000 euros  ont pu être financés grâce à deux mécènes (un académicien et une entreprise gardoise). L’architecte du Patrimoine et académicien Antoine Bruguerolle a dirigé les travaux.
Un mobilier plus contemporain pour la salle de réunion, un mobilier historique pour les salons. Fauteuils et banquettes en velours rouge de style Napoléon III qui meublaient l’Hôtel de Ville qui retrouvent une belle visibilité loin des réserves du Musée du Vieux Nîmes. Une convention est signée entre l’Académie et le maire de Nîmes Jean Paul Fournier.
Le secrétaire perpétuel est Alain Aventurier et la présidente en est Simone Mazauric pour l'année 2019. Le premier a œuvré à la restauration pendant les six ans des travaux. Il a aussi numérisé et mis en ligne toutes les archives de l’Académie, seule académie de province à avoir un tel site (www.academiedenimes.org). . "Il a tout révolutionné à l’Académie en la faisant passer de la plume d’oie à internet", indique Daniel-Jean Valade, l’un de ses amis, académicien lui aussi.


Pour l’année 2020 Président d’honneur : M. Didier LAUGA, Préfet du Gard
Président :  Michel BELIN (2019 Simone Mazauric)
Vice président : Anne HENAULT
Secrétaire perpétuel : Alain AVENTURIER
Secrétaire adjoint : Bernard SIMON
Trésorier : Charles PUECH
Trésorier adjoint : Alain PENCHINAT
Bibliothécaire : Didier TRAVIER
Archiviste: Frédéric ABAUZIT
La bibliothèque et les archives de l’Académie sont ouvertes aux chercheurs de tous niveaux. Ces derniers sont reçus lors de la permanence sur rendez-vous. Les collections de cette bibliothèque sont consultables sur le site de la bibliothèque municipale « Carré d’Art » à l’adresse : http://bibliotheque.nimes.fr/ 

.

Sources : www.academiedenimes.org/site/historique/au-fil-du-temps -cths.fr/an/societe.php?id=247-- ttps://www.inter-academies.fr/academie-de-nimes---Histoire de la maison de Fortia, originaire de Catalogne, établie en France dans le XIVe siècle-Auteur : Fortia d'Urban, Agricol-Joseph-François-Xavier-Pierre-Esprit-Simon-Paul-Antoine (1756-1843)Edité en 1808-- L'académie d'Arles au 17è siècle d'après les documents originaux (Volume 1)Auteur : Rance-Bourrey, A. Joseph Edité en 1890--Ménard, Hist. de Nîmes, liv. XXIVe).-- Bulletin historique et archéologique de Vaucluse Edité en 1879----Académie de Nîmes, 1987.-www.nemausensis.com/Nimes/AcademieNimes/OrigineAcademieNimesMenard.html
-- https://fr.wikipedia.org › wiki › Académie_de_Nîmes-- https://histoirelivre.hypotheses.org/2172
---https://www.midilibre.fr<qui-sont-ces-societes-savanes-gardoises.8456678---

--Inventaire sommaire AD Gard - série E 365tome 1Auteur : E. Bligny-Bondurand – Gallica BNF Mémoires de l’Académie de Nîmes années  1884-1911-1912-1918-19-1920 -21  --- Gallica BNF Histoire de l’acquisition de l’Hôtel du 16 rue Dorée : 1912-1919. Alain Aventurier Secrétaire Perpétuel—agence de communication globale w2@cirkus.fr---photos Antony Maurin---https://www.objectifgard.com/2018/09/12/nimes-lacademie-depoussiere-sa-vie/






vendredi 14 février 2020

Le Gardois Joseph Monier




Le Gardois Joseph Monier et le béton armé


Au 19ème siècle le paysage urbain des cinq continents allait se transformer pour prendre son aspect actuel grâce en partie à un enfant de Saint Quentin la Poterie, notre village voisin.
Selon la légende, Joseph Monier est le père du béton armé !
Joseph est né le 8 novembre 1823. Il décède à Paris le 13 mars 1906. Son père Pierre-André est cultivateur et jardinier du duc d’Uzès, sa mère se nomme Marie Auvergne. Joseph apprend son métier de jardiner avec son père. Le nom de Monier (vient de meunier ?) au gré des générations et villages n’est pas stabilisé et se transforme encore dans les archives en Mounier, Monnier….
Le 19ème siècle est riche de « Géo Trouve-tout », des inventeurs prolifiques ; on bricole, on cherche, la curiosité est là, on ose dans des domaines qui ne sont pas forcément les siens.
Joseph est jardinier et inventeur. En 1848, le duc d’Uzès lui demande de s’occuper du jardin de son hôtel particulier parisien. Joseph s’installe à Paris et c’est là qu’il a l’idée de mettre au point une technique pour faire des vases à fleurs de jardin solides imputrescibles. Il cherche à produire des pots à orangers, pour le parc des Ducs d’Uzès, moins chers et plus résistants. Il s‘agissait d’intégrer du fer en couche dans le béton de mortier de ciment pour rendre certaines parties de la construction plus rigides. Cette méthode va révolutionner et transformer la construction dans le monde entier. Gratte-ciel, ponts, statues… aux USA, Brésil, Russie, Paris…
Joseph Monier inventeur du ciment armé ? C’est oublié Joseph Louis Lambot né à Montfort-sur-Argens en mai 1814 et mort à Brignoles en août 1887. Agriculteur, et inventeur. Il confectionne dès1845 des caisses pour orangers, des étagères, des réservoirs en fil de fer recouvert de ciment. En 1848 il fabrique une barque en ciment armé et l’essaye sur le lac de Besse-sur-Issole. Le prototype original était conservé au musée des comtes de Provence de Brignoles, il y a encore peu. Elle est présentée lors de l’exposition universelle de 1855. Le brevet en est déposé en janvier  de cette même année à la préfecture de Marseille. Il explique : « Mon invention a pour objet un matériau nouveau servant à remplacer le bois en construction navale et partout ailleurs où il est confronté à l'humidité, comme les planchers en bois, les réservoirs d'eau et les bacs à plantes. Ce nouveau matériau de substitution consiste en un treillis métallique constitué de barres et d’étrésillons ligaturés entre eux ou assemblés en une corbeille de forme déterminée. Je donne à ce treillis la forme la plus adaptée à l'objet que je veux produire et le noie ensuite dans du ciment hydraulique, ce qui règle aussi le problème des joints éventuels ». Il nomme ce nouveau matériau « Ferciment »ou « ferro-ciment ». Mais celui-ci passe complètement inaperçu lors de l’exposition universelle. Trop tôt ou problème de communication comme on dirait maintenant.


https://escales.wordpress.com/2008/11/18/l’incroyable-filiation-d’un-petit-bateau-un-peu-fou/

On peut aussi penser au Lyonnais-Parisien François Coignet à la même époque et sa maison en moellon de ciment armé à Saint-Denis.
(1855 L’Ingénieur 1novembre 1855 architecte Théodore Lachez- wikipédia.com-wikimedia.communs))

Mais revenons à Joseph Monier. A-t-il vu la barque en ciment à l’exposition universelle ? A ce jour nous n’avons pas la réponse.
Le travail à Paris chez le Duc d’Uzès lui laisse assez de temps pour suivre des cours du soir pour apprendre à lire et écrire. En effet son instruction ne s’est faite qu’auprès de son père, instruction pratique, et il ne sait pas lire. Il intervient aussi dans les jardins d’amis du duc. C’est ainsi que Joseph rencontre un jardinier travaillant aux jardins du Louvre
En 1846, une place se libère aux jardins du Louvre et Joseph quitte le service du duc d’Uzès. Pendant trois ans il suit en plus de son travail les cours de l’école botanique d’André Thoin au Jardin des Plantes. 4500 plantes et arbustes sont présentés durant les cours. Il arrête l’école en mai 1849 et en plus de son travail de jardinier au Louvre, il ouvre un petit atelier qui lui permettra de faire des travaux pour des particuliers, même loin de Paris, comme à Strasbourg, Versailles, Hyères… Les grands travaux haussmanniens de 1852 à 1870 vont bénéficier aux entreprises comme celles de Monier.
La France est encore secouée par la politique, le coup d’Etat de décembre 1851, le plébiscite de novembre 1852 et le sacre du nouvel empereur en décembre 1852. Louis-Napoléon, devenu Napoléon III donne le bois de Boulogne à la ville de Paris pour qu’il soit aménager comme Hyde Park de Londres que l’empereur avait bien connu lors de son exil londonien.
C’est l’art du rocaillage qui se développe très rapidement. Rocaillage qui demande ciment et grillage de fer. Joseph Monier va pouvoir exploiter tout son talent. Le jardin de rocaille n’est pas très couteux à faire. On privilégie les plantes vivaces  faciles d’entretien, ne nécessitant pas de jardinier à son service à l’année.




En janvier 1860, Monier emploie quinze ouvriers et trois contremaîtres dans sa petite entreprise. Paris s’agrandit, les limites de la ville vont jusqu’à l’enceinte de Thiers. Une nouvelle bourgeoisie demande confort, jardins, parcs, eau courante…. Bassins, réservoirs, abreuvoirs, terrasses, escaliers s’ajoutent aux pots de fleurs, d’après la revue Le Ciment de 1860. Cette bourgeoisie veut afficher sa réussite et les jardins sont le premier signe extérieur de richesse et d’art de vivre. A chaque invention, Monier va déposer des brevets d’exploitation dans divers pays, Autriche, Allemagne, Belgique, Russie, Hollande… 1877, 1880, 1885,86…les dates des brevets s’enchainent.
Mais la situation politique met un frein à la prospérité. La guerre franco-allemande de 1870, la capitulation de la France, la Troisième République…. En janvier 1871 les bombardements prussiens sur Paris ont raison des bâtiments de l’entreprise de Joseph Monier. C’est la ruine.

( Pont de Chazelet-wikimédia.org)
En 1875, l’architecte Alfred Dauvergne à la demande du propriétaire du château de Chazelet souhaite que Joseph Monier réalise un pont en ciment armé pour franchir les douves du bâtiment. C’est le premier pont conçu au monde dans ce matériau. 13,80 m de long 4,25m de large.
Les entreprises qui utilisent ses brevets oublient de lui verser des redevances. Le 27 juin 1888 son entreprise est déclarée en faillite. Le fisc est à sa porte. Joseph lance des poursuites judiciaires internationales trop coûteuses pour lui. Les tribunaux en particulier allemands refusent de lui donner raison en dépit du droit. En Angleterre seulement il obtiendra justice mais pour une infime partie des sommes qui lui sont dues. Il tentera de faire effacer sa dette fiscale en France, en vain.
(photo wikimedia.org)

Il continue de travailler : Réservoir Joseph Monier sous la direction le l’architecte Léon Ginain pour la maison de retraite de la Fondation Brignoles-Galliera à Clamart inauguée le 3 novembre 1888. 10m de haut, 8m de diamètre. La décoration extérieure est de Prosper Bobin.
En 1889 construction d’un escalier de 140 marches en ciment armé dans le donjon du château de Blandy-les-Tours.
Le 13 avril 1889 la liquidation judiciaire de l’entreprise est prononcée. Joseph Monier dépose un dernier brevet en avril 1891.
En 1889, Pierre Monier, fils de Joseph, monte la société « Entreprise Monier Fils » à la Plaine-Saint-Denis. Il fera quelques constructions en ciment armé. Puis sous le nom de Société des Travaux en ciment » en 1899 participe à la construction du pavillon du Cambodge de l’Exposition Universelle de 1900. Le système Monier est toujours appliqué avec les méthodes de calculs développées par Chaudy ingénieur de l’Ecole centrale de Paris.
Le ciment armé fait fureur. De 1887 à 1891 pas moins de 300 ponts sont construits en Allemagne et Autriche par des entreprises qui utilisent les brevets Monier. En 1890 le pont-route sur le canal de l’Aar en Suisse avec le système Monier avait une portée de 37m et une largeur de 3,90m, ce qui est un record mondial pour l’époque.
Des entreprises vont chercher à monopoliser à leur seul profit les brevets Monier. D’autres vont travailler à la mise au point et à la compréhension du fonctionnement du ciment armé. Des situations, des controverses, des procès. Jusqu’à la publication des premières instructions d’emploi et de calculs en Prusse en 1904, et en France en 1906.
Mais que devient Joseph Monier ?
En juin 1902, dans la revue Le Ciment cinq entreprises européennes sollicitent Emile Loubet président de notre République pour une intervention en faveur de Joseph Monier. Celui-ci répond le mois suivant :  « je suis profondément touché de votre bon souvenir envers moi … . Je vous remercie de vous être souvenus de votre ancien maître, Joseph Monier, l'inventeur du ciment armé. Je me console de ma peine de n'avoir pas été oublié….je suis trop heureux d'avoir pu réaliser une invention profitable à tous les peuples civilisés ».
Sans résultat. L’année suivante, 70 ingénieurs, entrepreneurs, industriels adressent une pétition au ministre des Finances « pour la famille Monier le bureau de tabac au sujet duquel une instruction est en instance et qu'il est désirable de lui voir attribuer dans le plus bref délai ». A cette époque les bureaux de tabac étaient attribués à des personnes méritantes pour leur permettre de vivre d’un revenu et d’un travail.
Là aussi sans résultat. Joseph décède à 82 ans dans la pauvreté, en 1906, chez son beau-fils,
Quant aux barques en ciment de Joseph Lambot, des compétitions dans les universités ont lieu depuis les années 1970 aux Etats-Unis. La France s’y est mis depuis l’an 2000, ainsi que le Canada, le Japon, l’Allemagne…. Les 6 et 7 mai 2009 le 7ème challenge a eu lieu à Cercy-Pontoise dans notre pays. L’Ecole des Mines de Douai organise une compétition en avril 2012 sur la base nautique de StLaurent-Blangy. En avril 2019 c’est l’Ecole polytechnique canadienne qui gagne la compétition aux Etats-Unis à l’université Rochester Institute of Technology dans l’Etat de New York…. La barque de Joseph Lambot  a encore de beaux jours !!!






Sources : Paul Christophe, Le Béton Armé Et Ses Applications, 1902 (IISBN978-5-87526-167-1,, p. 240--- J.-L. Bosc, J.-M. Chauveau, Jacques Degenne et Bernard Marrey, Joseph Monier et la naissance du ciment armé, éd. du Linteau, 182 p. (ISBN 2-910342-20-4)--https//data.bnf.fr<joseph-monier--- wikipedia.org/joseph-monier     ---
Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français édit de l'Atelier, Cederom---https://jardin-secrets.com/joseph-monier-article-588,964,fr.https---www.mondedesgrandesecoles.fr/une-competition…-en-beton/---www.polymtl.ca/carrefour-actualite/nouvelles/victoire-en-competition-aux-etats-unis-pour-la-societe-technique-canoe-de-beton-avec-sa-nouvelle
--www.monbeaubeton.com/actualites/a-lire/joseph-monier
---


mardi 4 février 2020

L'Autre Coluche



L’Autre Coluche : COLUCHE Jean-Alexandre-Baptiste-


(L'illustration, Journal universel, samedi 24 octobre 1846- gravure : On ne passe pas !  « Fussiez-vous le petit caporal, vous ne passeriez pas. » (Historique.)

Jean-Alexandre Coluche est né le 30 mars 1780 avant la Révolution de 1789 à Gastins dans le département de Seine-et-Marne, près de Rozay-en-Brie. Il décède dans cette commune en mai 1867 à 87 ans. Vigneron propriétaire, cabaretier et aubergiste. Il participe aux campagnes napoléoniennes de 1805 et 1814. Il est grenadier. Il est décoré de la Légion d’Honneur après un exploit peu banal.
Son père était charretier et un ancien soldat, sa mère journalière. Jean-Alexandre est conscrit de l’An IX incorporé dans le 17ème Léger. Il passera toute sa vie militaire dans ce régiment. Il fait la campagne de Prusse en 1806. Il est présent aux batailles de Iéna, Eylau, Varsovie…. En 1809 il fait la campagne d’Autriche. On le retrouve à Essling, Wagram où il sera blessé. Puis c’est le Portugal avec l’armée de Masséna. En 1813 après les désastres de la retraite de Russie et le soulèvement de l’Allemagne, il quitte l’Espagne avec les troupes françaises sont rappelés pour la défense du territoire. Pendant la campagne de France il est blessé à la tête à Arcis sur Aube en 1814. le 17e léger, avait été licencié en 1814.
Il reprend du service après le retour de Napoléon de l’Ile d’Elbe, participe à la victoire de Ligny, deux jours avant Waterloo.
Il rentre chez lui, la paix faite, sous-lieutenant de la Garde Nationale de Nangis (6è compagnie du 1er bataillon).

Mais revenons le 3 mai 1809.

(Estampe d'après un croquis de Pauline Viardot en 1846 (AD77, Az 10062))
 
Après la bataille d’Ebersberg le 3 mai 1809,  un village entre Linz et Vienne. Il ne reste pas grand-chose du village, livré aux flammes  pendant la bataille.  Jean-Alexandre qui préfère se faire appeler Jean-Baptiste, est de garde devant la maison à demi ruinée où loge Napoléon. Il ne doit laisser personne entrer ou sortir sans être accompagné d’un officier d’état-major.

Mais un homme en redingote grise se présente. Jean-Baptiste s’écrie : « On ne passe pas », L’homme ne recule pas. Jean-Baptiste le menace de sa baïonnette. « Fussiez-vous le petit caporal, vous ne passeriez pas. Si tu fais un pas de plus, je te fous ma baïonnette dans le ventre ». (selon les auteurs qui rapportent les faits). C’était Napoléon !!
Des officiers accourent, l’Empereur rentre dans son logis. Coluche est entraîné au corps de garde. Ses camarades ne donnent pas cher de sa peau ; il a menacé l’empereur !! Le lendemain il se retrouve devant Napoléon, le bonnet à la main. « Grenadier tu peux mettre un ruban à ta boutonnière, je te donne la croix.. – Merci mon empereur, répond Jean-Baptiste, mais où je vais trouver un ruban, il n’y a plus de boutique dans ce pays. ?—Eh bien prends une pièce à un jupon de femme ; ça fera la même chose. » . Histoire vraie ou un peu romancée, mais belle et qui contribue à rendre Napoléon humain, proche de ses soldats.
Coluche ne sera pas sanctionné pour avoir osé défier l’Empereur. Il sera même décoré. En 1820 il ouvre son auberge à Gastins, baptisée « On ne passe pas ».

Il reçoit la médaille de Sainte-Hélène le 1er novembre 1857 à la préfecture de Melun.
En 1862 Napoléon III le reçoit au château de Fontainebleau. L’Empereur, neveu de Napoléon 1er, lui demande ce qu’il souhaiterait. Jean lui répond : «  maintenant que je vous ai vus tous, je n’ai plus besoin de rien, je suis content »…Il souhaiterait avoir les portraits de ces majestés. L’Empereur le lui promit ; une somme de 600 francs serait remise à Jean-Baptiste et plus tard un billard lui est offert. Ce billard sera donné plus tard à la municipalité du village.

Sa tombe a été restaurée et classée comme lieu de mémoire par l’association « Le Souvenir Napoléonien ». Une plaque rappelle sa mémoire sur sa maison.

 .Sources : http://archives.seine-et-marne.fr/jean-alexandre-coluche-1780-1867---- http://www.napoleon1er.org/forum/viewtopic.php?f=7&t=11580&start=30--- www.1789-1815.com - l'Histoire autrement, Bernard Coppens. -- /www.1789-1815.com/p_coluche.htm--- généanet-- https://data.bnf.fr/fr/13752149/jean-baptiste_coluche/