vendredi 14 février 2020

Le Gardois Joseph Monier




Le Gardois Joseph Monier et le béton armé


Au 19ème siècle le paysage urbain des cinq continents allait se transformer pour prendre son aspect actuel grâce en partie à un enfant de Saint Quentin la Poterie, notre village voisin.
Selon la légende, Joseph Monier est le père du béton armé !
Joseph est né le 8 novembre 1823. Il décède à Paris le 13 mars 1906. Son père Pierre-André est cultivateur et jardinier du duc d’Uzès, sa mère se nomme Marie Auvergne. Joseph apprend son métier de jardiner avec son père. Le nom de Monier (vient de meunier ?) au gré des générations et villages n’est pas stabilisé et se transforme encore dans les archives en Mounier, Monnier….
Le 19ème siècle est riche de « Géo Trouve-tout », des inventeurs prolifiques ; on bricole, on cherche, la curiosité est là, on ose dans des domaines qui ne sont pas forcément les siens.
Joseph est jardinier et inventeur. En 1848, le duc d’Uzès lui demande de s’occuper du jardin de son hôtel particulier parisien. Joseph s’installe à Paris et c’est là qu’il a l’idée de mettre au point une technique pour faire des vases à fleurs de jardin solides imputrescibles. Il cherche à produire des pots à orangers, pour le parc des Ducs d’Uzès, moins chers et plus résistants. Il s‘agissait d’intégrer du fer en couche dans le béton de mortier de ciment pour rendre certaines parties de la construction plus rigides. Cette méthode va révolutionner et transformer la construction dans le monde entier. Gratte-ciel, ponts, statues… aux USA, Brésil, Russie, Paris…
Joseph Monier inventeur du ciment armé ? C’est oublié Joseph Louis Lambot né à Montfort-sur-Argens en mai 1814 et mort à Brignoles en août 1887. Agriculteur, et inventeur. Il confectionne dès1845 des caisses pour orangers, des étagères, des réservoirs en fil de fer recouvert de ciment. En 1848 il fabrique une barque en ciment armé et l’essaye sur le lac de Besse-sur-Issole. Le prototype original était conservé au musée des comtes de Provence de Brignoles, il y a encore peu. Elle est présentée lors de l’exposition universelle de 1855. Le brevet en est déposé en janvier  de cette même année à la préfecture de Marseille. Il explique : « Mon invention a pour objet un matériau nouveau servant à remplacer le bois en construction navale et partout ailleurs où il est confronté à l'humidité, comme les planchers en bois, les réservoirs d'eau et les bacs à plantes. Ce nouveau matériau de substitution consiste en un treillis métallique constitué de barres et d’étrésillons ligaturés entre eux ou assemblés en une corbeille de forme déterminée. Je donne à ce treillis la forme la plus adaptée à l'objet que je veux produire et le noie ensuite dans du ciment hydraulique, ce qui règle aussi le problème des joints éventuels ». Il nomme ce nouveau matériau « Ferciment »ou « ferro-ciment ». Mais celui-ci passe complètement inaperçu lors de l’exposition universelle. Trop tôt ou problème de communication comme on dirait maintenant.


https://escales.wordpress.com/2008/11/18/l’incroyable-filiation-d’un-petit-bateau-un-peu-fou/

On peut aussi penser au Lyonnais-Parisien François Coignet à la même époque et sa maison en moellon de ciment armé à Saint-Denis.
(1855 L’Ingénieur 1novembre 1855 architecte Théodore Lachez- wikipédia.com-wikimedia.communs))

Mais revenons à Joseph Monier. A-t-il vu la barque en ciment à l’exposition universelle ? A ce jour nous n’avons pas la réponse.
Le travail à Paris chez le Duc d’Uzès lui laisse assez de temps pour suivre des cours du soir pour apprendre à lire et écrire. En effet son instruction ne s’est faite qu’auprès de son père, instruction pratique, et il ne sait pas lire. Il intervient aussi dans les jardins d’amis du duc. C’est ainsi que Joseph rencontre un jardinier travaillant aux jardins du Louvre
En 1846, une place se libère aux jardins du Louvre et Joseph quitte le service du duc d’Uzès. Pendant trois ans il suit en plus de son travail les cours de l’école botanique d’André Thoin au Jardin des Plantes. 4500 plantes et arbustes sont présentés durant les cours. Il arrête l’école en mai 1849 et en plus de son travail de jardinier au Louvre, il ouvre un petit atelier qui lui permettra de faire des travaux pour des particuliers, même loin de Paris, comme à Strasbourg, Versailles, Hyères… Les grands travaux haussmanniens de 1852 à 1870 vont bénéficier aux entreprises comme celles de Monier.
La France est encore secouée par la politique, le coup d’Etat de décembre 1851, le plébiscite de novembre 1852 et le sacre du nouvel empereur en décembre 1852. Louis-Napoléon, devenu Napoléon III donne le bois de Boulogne à la ville de Paris pour qu’il soit aménager comme Hyde Park de Londres que l’empereur avait bien connu lors de son exil londonien.
C’est l’art du rocaillage qui se développe très rapidement. Rocaillage qui demande ciment et grillage de fer. Joseph Monier va pouvoir exploiter tout son talent. Le jardin de rocaille n’est pas très couteux à faire. On privilégie les plantes vivaces  faciles d’entretien, ne nécessitant pas de jardinier à son service à l’année.




En janvier 1860, Monier emploie quinze ouvriers et trois contremaîtres dans sa petite entreprise. Paris s’agrandit, les limites de la ville vont jusqu’à l’enceinte de Thiers. Une nouvelle bourgeoisie demande confort, jardins, parcs, eau courante…. Bassins, réservoirs, abreuvoirs, terrasses, escaliers s’ajoutent aux pots de fleurs, d’après la revue Le Ciment de 1860. Cette bourgeoisie veut afficher sa réussite et les jardins sont le premier signe extérieur de richesse et d’art de vivre. A chaque invention, Monier va déposer des brevets d’exploitation dans divers pays, Autriche, Allemagne, Belgique, Russie, Hollande… 1877, 1880, 1885,86…les dates des brevets s’enchainent.
Mais la situation politique met un frein à la prospérité. La guerre franco-allemande de 1870, la capitulation de la France, la Troisième République…. En janvier 1871 les bombardements prussiens sur Paris ont raison des bâtiments de l’entreprise de Joseph Monier. C’est la ruine.

( Pont de Chazelet-wikimédia.org)
En 1875, l’architecte Alfred Dauvergne à la demande du propriétaire du château de Chazelet souhaite que Joseph Monier réalise un pont en ciment armé pour franchir les douves du bâtiment. C’est le premier pont conçu au monde dans ce matériau. 13,80 m de long 4,25m de large.
Les entreprises qui utilisent ses brevets oublient de lui verser des redevances. Le 27 juin 1888 son entreprise est déclarée en faillite. Le fisc est à sa porte. Joseph lance des poursuites judiciaires internationales trop coûteuses pour lui. Les tribunaux en particulier allemands refusent de lui donner raison en dépit du droit. En Angleterre seulement il obtiendra justice mais pour une infime partie des sommes qui lui sont dues. Il tentera de faire effacer sa dette fiscale en France, en vain.
(photo wikimedia.org)

Il continue de travailler : Réservoir Joseph Monier sous la direction le l’architecte Léon Ginain pour la maison de retraite de la Fondation Brignoles-Galliera à Clamart inauguée le 3 novembre 1888. 10m de haut, 8m de diamètre. La décoration extérieure est de Prosper Bobin.
En 1889 construction d’un escalier de 140 marches en ciment armé dans le donjon du château de Blandy-les-Tours.
Le 13 avril 1889 la liquidation judiciaire de l’entreprise est prononcée. Joseph Monier dépose un dernier brevet en avril 1891.
En 1889, Pierre Monier, fils de Joseph, monte la société « Entreprise Monier Fils » à la Plaine-Saint-Denis. Il fera quelques constructions en ciment armé. Puis sous le nom de Société des Travaux en ciment » en 1899 participe à la construction du pavillon du Cambodge de l’Exposition Universelle de 1900. Le système Monier est toujours appliqué avec les méthodes de calculs développées par Chaudy ingénieur de l’Ecole centrale de Paris.
Le ciment armé fait fureur. De 1887 à 1891 pas moins de 300 ponts sont construits en Allemagne et Autriche par des entreprises qui utilisent les brevets Monier. En 1890 le pont-route sur le canal de l’Aar en Suisse avec le système Monier avait une portée de 37m et une largeur de 3,90m, ce qui est un record mondial pour l’époque.
Des entreprises vont chercher à monopoliser à leur seul profit les brevets Monier. D’autres vont travailler à la mise au point et à la compréhension du fonctionnement du ciment armé. Des situations, des controverses, des procès. Jusqu’à la publication des premières instructions d’emploi et de calculs en Prusse en 1904, et en France en 1906.
Mais que devient Joseph Monier ?
En juin 1902, dans la revue Le Ciment cinq entreprises européennes sollicitent Emile Loubet président de notre République pour une intervention en faveur de Joseph Monier. Celui-ci répond le mois suivant :  « je suis profondément touché de votre bon souvenir envers moi … . Je vous remercie de vous être souvenus de votre ancien maître, Joseph Monier, l'inventeur du ciment armé. Je me console de ma peine de n'avoir pas été oublié….je suis trop heureux d'avoir pu réaliser une invention profitable à tous les peuples civilisés ».
Sans résultat. L’année suivante, 70 ingénieurs, entrepreneurs, industriels adressent une pétition au ministre des Finances « pour la famille Monier le bureau de tabac au sujet duquel une instruction est en instance et qu'il est désirable de lui voir attribuer dans le plus bref délai ». A cette époque les bureaux de tabac étaient attribués à des personnes méritantes pour leur permettre de vivre d’un revenu et d’un travail.
Là aussi sans résultat. Joseph décède à 82 ans dans la pauvreté, en 1906, chez son beau-fils,
Quant aux barques en ciment de Joseph Lambot, des compétitions dans les universités ont lieu depuis les années 1970 aux Etats-Unis. La France s’y est mis depuis l’an 2000, ainsi que le Canada, le Japon, l’Allemagne…. Les 6 et 7 mai 2009 le 7ème challenge a eu lieu à Cercy-Pontoise dans notre pays. L’Ecole des Mines de Douai organise une compétition en avril 2012 sur la base nautique de StLaurent-Blangy. En avril 2019 c’est l’Ecole polytechnique canadienne qui gagne la compétition aux Etats-Unis à l’université Rochester Institute of Technology dans l’Etat de New York…. La barque de Joseph Lambot  a encore de beaux jours !!!






Sources : Paul Christophe, Le Béton Armé Et Ses Applications, 1902 (IISBN978-5-87526-167-1,, p. 240--- J.-L. Bosc, J.-M. Chauveau, Jacques Degenne et Bernard Marrey, Joseph Monier et la naissance du ciment armé, éd. du Linteau, 182 p. (ISBN 2-910342-20-4)--https//data.bnf.fr<joseph-monier--- wikipedia.org/joseph-monier     ---
Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français édit de l'Atelier, Cederom---https://jardin-secrets.com/joseph-monier-article-588,964,fr.https---www.mondedesgrandesecoles.fr/une-competition…-en-beton/---www.polymtl.ca/carrefour-actualite/nouvelles/victoire-en-competition-aux-etats-unis-pour-la-societe-technique-canoe-de-beton-avec-sa-nouvelle
--www.monbeaubeton.com/actualites/a-lire/joseph-monier
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