lundi 24 février 2020

Une très vieille dame l’Académie de Nîmes


Une très vieille dame, l’Académie de Nîmes






 (Sceau d’origine avec un complément plus tardif Académie de Nîmes)
En 1919 l’Académie de Nîmes s’installe au 16 rue Dorée à Nîmes. Elle est née en 1682 par lettres patentes du roi Louis XIV, petite sœur ou consœur de l’autre Académie, celle de Paris créée en 1632 ou celle d’Arles de 1668. Jules César de Fayn en est l’instigateur. Elle a les mêmes privilèges que l’Académie Française :  « les honneurs, privilèges, facul­tés, franchises et libertés » .
Sa maxime officielle « Aemula Lauri », émule du laurier, est complétée par une deuxième : » Ne Quid Nimis », rien de trop. A sa création l’Académie se réunit chez l’un de ses fondateurs Jules de Fayn, marquis de Péraud. En trois siècles, des grands noms figurent parmi ses membres, de Rabaut Saint Etienne, Ménard, Séguier à Napoléon Bonaparte, Cambarérès, Talleyrand, Berthollet, Gaston Darboux, Frédéric Mistral, Alphonse Daudet, André Chamson. Elle correspond avec une soixantaine de sociétés savantes européennes. Elle est née trois ans avant la Révocation de l’Edit de Nantes qui va tant bouleverser notre région. Dans cette période où chacun reproche à l’autre son orientation religieuse, elle se veut indifférente aux contingences politiques, foyer d’humanisme où toutes les convictions, les croyances se côtoient et cohabitent sans heurt.
Un décret du 11 décembre 1871 lui reconnait être un établissement d’utilité publique.


Jules-César de Fayn ancien maréchal des camps et des armées du roi s’était retiré à Nîmes où ses ancêtres avaient occupé la charge de sénéchal en 1630. Sa famille est alliée aux Vissec de La Tude de Ganges, baron des Etats du Languedoc, de Vézenobres, aux Fortia de Catalogne et à la fameuse marquise de Gange et son tragique destin (sur ce blog 1/05/2018 La Marquise de Gange et son assassinat)….
Depuis le milieu du 17ème siècle à Nîmes comme dans presque toutes les villes importantes du royaume existaient des sociétés littéraires. Diverses tentatives pour rassembler ces sociétés avaient échoué jusqu’alors. De Fayn avait organisé les Emulateurs à Avignon avec Joseph Planety, protonotaire apostolique et dataire de la légation d’Avignon en 1658. En 1660 Fayn séjourne à la Cour et étudie les statuts, l’organisation de l’Académie Française. 
 De retour à Nîmes il réunit chez lui le 28 mars 1682 à 14 h diverses personnalités et leur expose son dessein : «former une Académie où chacun pourroit, par des entretiens honnêtes, solides et familiers et par la lecture des bons livres, corriger ses défauts et acquérir du sçavoir, de la politesse et de la vertu ».  Il y avait Mmss de Trimond, de La Baume, Cassagnes, Chanel conseillers au présidial, Digoine procureur du roi, d’Aiglun et Causse chanoine, de Cabrières, Maltrait, Saurin, Teissier, Graverai avocat….. Des amis attablés sans préséance, qui avaient déjà l’habitude de se retrouver les uns chez les autres pour discuter littérature.
Les premières dispositions sont prises : M Séguiery évêque de Nîmes protecteur, M de La Baume directeur, secrétaire le marquis de Péraud,… Les séances commencèrent rapidement dès le 1er avril 1682, puis tous les mercredis. Pierre Chanel, avocat se chargea d’obtenir les lettres patentes du roi..
Le 24 mai 1884 dans son discours d’ouverture le président d’année Eugène Bolze nous raconte cette rencontre. Trois personnes sont chargées de rédiger « les statuts qui doivent se conformer autant que l’usage pouvait le permettre à ceux de l’Académie Française ». Mais le titre demandé dans les lettres patentes d’Académie Française de Nîmes sera refusé : ce sera « l’Académie Royale de Nîmes ».
Son programme est large : érudition locale, antiquité romaine (le Moyen-Age n’est pas encore à la mode au 17ème siècle), éloquence, morale, poésie, culture générale de l’esprit, pureté de la langue….. Etudes du passé, mais un pied dans le présent : l’Académie tient des séances publiques, donne des bals, des fêtes à l’occasion de naissances royales, prononce des oraisons funèbres …. on y commente les travaux de Racine, La Rochefoucauld, Pascal…
La Révocation de l’Edit de Nantes en 1685 mit un frein aux travaux de l’Académie. Certains de ses membres étaient protestants et devaient songer à la survie de leurs familles. Elle reprit des couleurs vers 1752 avec l’éclosion des Lumières. Ses séances se tenaient parfois chez les uns et les autres, le plus souvent dans l’Hôtel de Balincourt, le Palais de l’Evêché..Vers 1760 elle tenait ses séances chez Jean-François Séguier. Ce dernier qui réussit à traduire la dédicace impériale inscrite sur le frontispice de la Maison Carrée, donna à l’Académie son Hôtel particulier et ses collections. L’Académie avait enfin « son chez-soi ».
La Révolution en 1793 la fait disparaître un temps comme toutes les sociétés savantes de l’époque. Le citoyen Jean Pieyre achète le bâtiment qui va servir de logement au recteur des nouvelles académies universitaires : académie désigne alors « rectorat ». Elle renaît en 1801 sous le nom de lycée du Gard, comme société libre des sciences et des arts, puis en 1802 elle reprend son titre d’Académie du Gard.
L’Académie suspend ses travaux de 1813 à 1816 : des conscrits sont levés en masse pour s’enrôler dans quatre régiments de cavalerie. Les armées stationnées en Espagne sont rapatriées et traversent Nîmes. Les temps sont à l’orage guerrier ! A la Restauration, elle redevient Académie royale du Gard, puis après 1848 jusqu’en 1878, Académie du Gard !! A chaque chaos de l’Histoire elle tient bon. Ne dit-on pas :« À l’ignorance, la culture est la force de l’esprit. »
En 1878 elle retrouve par décret son nom d’Académie de Nîmes. Un temps elle occupe le troisième étage de l’Hôtel de Ville jusqu’au 8 juillet 1912..
Déjà en 1879 on reconnait à l’Académie de Nîmes, « après plus de deux siècles d'existence, une véritable pépinière d'hommes remarquables dans le monde de la science, de la littérature et des arts, et comme le témoignage le plus éloquent de ce que peuvent produire des intelligences mises en commun pour le progrès et le perfectionnement de l'esprit humain. »
En 1909, la ville de Nîmes souhaite récupérer le local prêté à l’Académie pour y installer ses services.
En 1912, l’Académie doit quitter le troisième étage de la mairie qui lui propose  le Palais des Beaux-Arts, ancien palais épiscopal appartenant à la ville depuis 1910. Mais après les remous occasionnés par la loi de 1905 de séparation de l’Eglise et l’Etat, les académiciens sont réticents à occuper ce bâtiment. Avec raison semble-t-il. Un journal titre : « Mais qu'ils sachent que nos amis seront devant la porte de l’Évêché volé, pour les huer au passage, le soir de la première réunion dans le Palais épiscopal. ».
Dernière séance le 8 juillet 1912 au troisième étage de la mairie et le 14 octobre première séance au Palais des Beaux-Arts. Les académiciens démissionnent en nombre et finalement le trésorier Fernand Bruneton offre le local de la Société de l’Agriculture situé dans la maison de l’architecte M Palatan au 7 rue des Frères Mineurs. Première séance dans ce local le 11 novembre 1912, académie au grand complet. Jusqu’en 1919.


Un hôtel particulier au 16 rue Dorée est à vendre. La propriétaire Adrienne Michel, fille d’Albin Michel bien connu auteur de « Nîmes et ses rues » fait une proposition de vente pour 30 000 frs. Une souscription est lancée pour acquérir ce bien à l’initiative du chanoine Bonnefoi, Supérieur de Saint-Stanislas et ancien Président de l’Académie. Il s’est chargé avec bonheur des négociations avec la propriétaire. L’avantage de ce projet est que l’Académie sera chez elle. L'acte de vente de l'immeuble 16 rue Dorée est signé le 29 novembre 1919.


Le 7 juin 1920 se tient la séance inaugurale dans le nouveau bâtiment. L’architecte Max Raphel a procédé à toutes les réparations, à l’aménagement indispensables à l’installation de l’Académie dans ces locaux. Depuis des travaux, 1969-70, 1991-92, en 2007 la toiture….selon les moyens du moment. Les pièces portent le nom des bienfaiteurs de l’Académie, salle Lordat pour les archives de l’Académie, salle de Villeperdrix pour les Bulletins des sociétés en correspondance, la salle Henri Bauquier pour la collection du Comte de Chambord classée par les Monuments Historiques, la salle Barnouin où l’on peut trouver les Bulletins et Mémoires récents, la salle Livet pour les travaux des sociétés savante de province, la salle des Mémoires…8000 notices abritées dans la bibliothèque du 1er étage, la collection iconographique Filleron-Lorin et ses 45 000 cartes postales…. Une surface de près de 700 m2 !! Didier Travier conservateur au fonds ancien de la bibliothèque de Nîmes et bibliothécaire de l’Académie nous explique qu’au moment de la Révolution de 1789, le fonds ancien de l’Académie a été confisqué et se trouve actuellement à la bibliothèque municipale. Les collections de l’Académie comporte moins de 4% d’ouvrages antérieurs à 1810, mais 48% environ d’ouvrages du 19ème siècle jusqu’en 1914 et encore 48% du 20ème siècle à nos jours. Quelques pièces anciennes rares du 17ème siècle, des livres de piété…. Des titres du mouvement félibréen, les carnets manuscrits de Louis Roumieux…..
En 1980 Jules Davé magistrat et membre résidant de l’Académie lègue son Hôtel Particulier situé à l’angle du boulevard Talabot et de la rue Fénelon. Ses revenus locatifs permettent d’équilibrer le budget de fonctionnement de l’institution.
Actuellement l’Académie compte 60 membres, dont 36 résidents, 24 non résidents, des membres honoraires et des membres correspondants. Les membres résidents se répartissent en trois groupes de 12 : catholiques, protestants et indépendants. Cette répartition est l’originalité de l’Académie, elle daterait de la fin du 19ème siècle, volonté d’équilibre en cette période. Tous les quinze jours d’octobre à juillet ils se réunissent en assemblées ordinaires et en séance annuelle une fois par an. Elle publie un Bulletin Trimestriel des séances depuis 1842 et un tome de Mémoires annuel depuis 1804. Elle échange avec 106 Académies et Sociétés Savantes. Colloques, conférences, études mais aussi un pied dans le présent comme ce colloque Environnement et Santé du 16 novembre 2019 au Carré d’Art-Jean Bousquet de Nîmes. Depuis 2000 elle décerne tous les deux ans un prix pour une œuvre littéraire.
Le premier étage du bâtiment vient d’être rénové, les parties les plus anciennes remontent au 14ème siècle. Le cabinet médical et le logement du premier étage ont été transformés en salons, pièces d’archives, salle de réunion. Le logement aurait vu grandir le torero nimois Chinito.
Les travaux d’un montant environ de 300 000 euros  ont pu être financés grâce à deux mécènes (un académicien et une entreprise gardoise). L’architecte du Patrimoine et académicien Antoine Bruguerolle a dirigé les travaux.
Un mobilier plus contemporain pour la salle de réunion, un mobilier historique pour les salons. Fauteuils et banquettes en velours rouge de style Napoléon III qui meublaient l’Hôtel de Ville qui retrouvent une belle visibilité loin des réserves du Musée du Vieux Nîmes. Une convention est signée entre l’Académie et le maire de Nîmes Jean Paul Fournier.
Le secrétaire perpétuel est Alain Aventurier et la présidente en est Simone Mazauric pour l'année 2019. Le premier a œuvré à la restauration pendant les six ans des travaux. Il a aussi numérisé et mis en ligne toutes les archives de l’Académie, seule académie de province à avoir un tel site (www.academiedenimes.org). . "Il a tout révolutionné à l’Académie en la faisant passer de la plume d’oie à internet", indique Daniel-Jean Valade, l’un de ses amis, académicien lui aussi.


Pour l’année 2020 Président d’honneur : M. Didier LAUGA, Préfet du Gard
Président :  Michel BELIN (2019 Simone Mazauric)
Vice président : Anne HENAULT
Secrétaire perpétuel : Alain AVENTURIER
Secrétaire adjoint : Bernard SIMON
Trésorier : Charles PUECH
Trésorier adjoint : Alain PENCHINAT
Bibliothécaire : Didier TRAVIER
Archiviste: Frédéric ABAUZIT
La bibliothèque et les archives de l’Académie sont ouvertes aux chercheurs de tous niveaux. Ces derniers sont reçus lors de la permanence sur rendez-vous. Les collections de cette bibliothèque sont consultables sur le site de la bibliothèque municipale « Carré d’Art » à l’adresse : http://bibliotheque.nimes.fr/ 

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Sources : www.academiedenimes.org/site/historique/au-fil-du-temps -cths.fr/an/societe.php?id=247-- ttps://www.inter-academies.fr/academie-de-nimes---Histoire de la maison de Fortia, originaire de Catalogne, établie en France dans le XIVe siècle-Auteur : Fortia d'Urban, Agricol-Joseph-François-Xavier-Pierre-Esprit-Simon-Paul-Antoine (1756-1843)Edité en 1808-- L'académie d'Arles au 17è siècle d'après les documents originaux (Volume 1)Auteur : Rance-Bourrey, A. Joseph Edité en 1890--Ménard, Hist. de Nîmes, liv. XXIVe).-- Bulletin historique et archéologique de Vaucluse Edité en 1879----Académie de Nîmes, 1987.-www.nemausensis.com/Nimes/AcademieNimes/OrigineAcademieNimesMenard.html
-- https://fr.wikipedia.org › wiki › Académie_de_Nîmes-- https://histoirelivre.hypotheses.org/2172
---https://www.midilibre.fr<qui-sont-ces-societes-savanes-gardoises.8456678---

--Inventaire sommaire AD Gard - série E 365tome 1Auteur : E. Bligny-Bondurand – Gallica BNF Mémoires de l’Académie de Nîmes années  1884-1911-1912-1918-19-1920 -21  --- Gallica BNF Histoire de l’acquisition de l’Hôtel du 16 rue Dorée : 1912-1919. Alain Aventurier Secrétaire Perpétuel—agence de communication globale w2@cirkus.fr---photos Antony Maurin---https://www.objectifgard.com/2018/09/12/nimes-lacademie-depoussiere-sa-vie/






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