Louis Bourdaloue
Ces
objets ne sont pas du tout des saucières Il s’agit de deux « Bourdaloue » nom donné au 17è et 18ème
siècle à de petits pots de chambre portatifs pour femme. Ce nom de manière
ironique rappelle la longueur interminable des sermons du prêtre Louis
Bourdaloue, longueur qui obligeait les dames à se retenir trop longtemps. Et
les églises n’étaient pas chauffées à cette époque, d’où des envies
présentes !! Les femmes pouvaient ainsi uriner debout ou accroupies sans
risques pour les vêtements et sans perdre une miette du sermon. Il faut
rappeler que les femmes ne portaient pas de culotte à cette époque.
Le père Louis Bourdaloue (gravure)
Louis
Bourdaloue (1632-1704) né à Bourges, est un jésuite, brillant prédicateur. Il
prêchait les yeux clos, théâtralement comme un acteur. Dès 5h du matin,
bourgeois et nobles envoyaient leurs domestiques dans l’église où il officiait,
pour réserver des places pour le sermon de 15 h !! Sa réputation l’emmena
à la Cour où il est surnommé « roi des prédicateurs, prédicateur des
rois ». Il fut chargé de prêcher l’Avent et le Carême devant Louis XIV au
moins dix fois. En 1675 pendant Carême, devant le roi il fait un sermon sur l’adultère
(notice biographique sur le père
Bourdalouie JP Chevalier de Saint-Amand 1842). C’est la période
de la maîtresse du roi Mme de Montespan. Louis XIV n’est pas très content du
sermon !
Bourdaloue
acquière une réputation de sage dans une société frivole. Avant la prêtrise, il
est professeur de théologie, de rhétorique et de philosophie. Le style de ses
sermons n’était pas difficile à suivre mais il faisait appel à la raison et à
la logique de son auditoire qui n’avait pas toujours envie d’entendre remettre
en question son mode de vie. Dans cette période la haute société aime le jeu,
la galanterie, on a tendance à oublier les Sept Péchés Capitaux !!.Il
dira : « On veut être
riche; voilà la fin qu'on se propose et à laquelle on est absolument déterminé.
Des moyens, on en délibérera dans la suite; mais le capital est d'avoir,
dit-on, de quoi se pousser dans le monde, de quoi faire quelque figure dans le
monde, de quoi maintenir son rang dans le monde, de quoi vivre à son aise dans
le monde; et c'est ce que l'on envisage comme le terme de ses désirs. On
voudrait bien y parvenir par des voies honnêtes, et avoir encore, s'il était
possible, l'approbation publique; mais, à défaut de ces voies honnêtes, on est
secrètement disposé à en prendre d'autres et à ne rien excepter pour venir à
bout de ses prétentions. »
Quelques phrases de
ses sermons : « Prudence ; de toutes les vertus requises pour le
gouvernement, voilà sans contredit la plus importante. »-- « La
médisance est l'ennemi le plus mortel de la charité. »--« Aimons la
vérité qui nous reprend, et défions-nous de celle qui nous flatte. »
Très conservateur il démontre la nature infaillible de l’Eglise. Il est
très lié avec Bossuet et la marquise de Sévigné l’apprécie. A la Révocation de
l’Edit de Nantes en 1685 il est envoyé en Languedoc pour convertir les
protestants récalcitrants. Il obtient de très bons résultats au moment
d’administrer le sacrement d’extrême-onction, ce qui fit dire aux mauvaises langues
que le moribond se fait catholique pour avoir la paix et mourir tranquille.
Louis Bourdaloue décède à
Paris à 71 ans après avoir consacrer ses dernières années au service des
pauvres, des malades et de prisonniers.
Mais revenons à l’objet qui nous intéresse : le Bourdaloue.
Les prêches
de Louis Bourdaloue étaient à la mode, il fallait absolument y être vu. C’était
un gage de vertu chrétienne. Les femmes venaient à la messe avec le petit pot
de chambre placé sous leurs robes à panier. Cet ustensile accompagnera aussi
les femmes distinguées dans leur quotidien, chez elles, dans leurs
déplacements.
Le
Bourdaloue s’adapte à la morphologie féminine, en ovale, haricot ou nacelle.
Les bords sont rentrés vers l’intérieur pour éviter de blesser. Certains ont un
couvercle. En faïence, en porcelaine, des décors floraux très féminins. Le plus
ancien connu est en porcelaine de Chine datant du dernier quart du 17ème
siècle. Il sera surtout utilisé dans la période fin 17ème jusqu’au
premier quart du 19ème siècle. La plupart sortent des ateliers de
faïencerie de Strasbourg, Marseille, Chantilly ou des ateliers de Sèvres. Les
derniers exemplaires toujours fleuris, présentent des motifs souvent peints à
l’or avec des frises qui rappellent parfois le monde étrusque. Les plus rares
ont une forme en coquille d’escargot. L’un d’eux fabriqué dans les ateliers de
Vincennes en 1752 a été vendu aux enchères en 2006 pour la coquette somme de
25 000€ ! Les plus simples se vendent aujourd’hui entre 200 et 2000
€. Cette mode va conquérir une bonne partie de l’Europe : porcelaine de
Vienne (Autriche), de Maastricht… En Espagne un musée des Bourdaloue et pots de
chambre existe depuis 2007.
Pierre
Julien dans la Revue d’Histoire de la Pharmacie de 1991 nous signale un musée à
Munich, (au ZAM maintenant) avec une
collection de plus de deux cents Bourdaloue constituée par Manfred Klauba. Des
objets en faïence mais aussi en étain, verre, argent, écaille. Des Bourdaloue
avec des motifs en relief, des oiseaux et branchages et même Notre-Dame de
Paris ou le Panthéon. Parfois le fond est orné d’un œil, d’un miroir, ou d’une
fleur, d’un insecte qui vole…. Quelques merveilles ci-dessous.
Bourdaloue réalisé par
le manufacture de Sèvres en 1831, fond nankin à dessin étrusque d'or, livré
pour le service du Grand Trianon, mentionné en 1839 dans l'appartement de la
princesse Clémentine, Copyright : Versailles, châteaux de Versailles et de
Trianon.
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