jeudi 30 mai 2019

Le Bourdaloue









Louis Bourdaloue

Ces objets ne sont pas du tout des saucières Il s’agit de deux « Bourdaloue » nom donné au 17è et 18ème siècle à de petits pots de chambre portatifs pour femme. Ce nom de manière ironique rappelle la longueur interminable des sermons du prêtre Louis Bourdaloue, longueur qui obligeait les dames à se retenir trop longtemps. Et les églises n’étaient pas chauffées à cette époque, d’où des envies présentes !! Les femmes pouvaient ainsi uriner debout ou accroupies sans risques pour les vêtements et sans perdre une miette du sermon. Il faut rappeler que les femmes ne portaient pas de culotte à cette époque.

 Le père Louis Bourdaloue (gravure)
Louis Bourdaloue (1632-1704) né à Bourges, est un jésuite, brillant prédicateur. Il prêchait les yeux clos, théâtralement comme un acteur. Dès 5h du matin, bourgeois et nobles envoyaient leurs domestiques dans l’église où il officiait, pour réserver des places pour le sermon de 15 h !! Sa réputation l’emmena à la Cour où il est surnommé « roi des prédicateurs, prédicateur des rois ». Il fut chargé de prêcher l’Avent et le Carême devant Louis XIV au moins dix fois. En 1675 pendant Carême, devant le roi il fait un sermon sur l’adultère (notice biographique sur le père Bourdalouie JP Chevalier de Saint-Amand 1842). C’est la période de la maîtresse du roi Mme de Montespan. Louis XIV n’est pas très content du sermon !
Bourdaloue acquière une réputation de sage dans une société frivole. Avant la prêtrise, il est professeur de théologie, de rhétorique et de philosophie. Le style de ses sermons n’était pas difficile à suivre mais il faisait appel à la raison et à la logique de son auditoire qui n’avait pas toujours envie d’entendre remettre en question son mode de vie. Dans cette période la haute société aime le jeu, la galanterie, on a tendance à oublier les Sept Péchés Capitaux !!.Il dira : « On veut être riche; voilà la fin qu'on se propose et à laquelle on est absolument déterminé. Des moyens, on en délibérera dans la suite; mais le capital est d'avoir, dit-on, de quoi se pousser dans le monde, de quoi faire quelque figure dans le monde, de quoi maintenir son rang dans le monde, de quoi vivre à son aise dans le monde; et c'est ce que l'on envisage comme le terme de ses désirs. On voudrait bien y parvenir par des voies honnêtes, et avoir encore, s'il était possible, l'approbation publique; mais, à défaut de ces voies honnêtes, on est secrètement disposé à en prendre d'autres et à ne rien excepter pour venir à bout de ses prétentions. »




Quelques phrases de ses sermons : « Prudence ; de toutes les vertus requises pour le gouvernement, voilà sans contredit la plus importante. »-- « La médisance est l'ennemi le plus mortel de la charité. »--« Aimons la vérité qui nous reprend, et défions-nous de celle qui nous flatte. »

Très conservateur il démontre la nature infaillible de l’Eglise. Il est très lié avec Bossuet et la marquise de Sévigné l’apprécie. A la Révocation de l’Edit de Nantes en 1685 il est envoyé en Languedoc pour convertir les protestants récalcitrants. Il obtient de très bons résultats au moment d’administrer le sacrement d’extrême-onction, ce qui fit dire aux mauvaises langues que le moribond se fait catholique pour avoir la paix et mourir tranquille.

Louis Bourdaloue décède à Paris à 71 ans après avoir consacrer ses dernières années au service des pauvres, des malades et de prisonniers.



(François Boucher--La Jupe relevée) 

Mais revenons à l’objet qui nous intéresse : le Bourdaloue.
Les prêches de Louis Bourdaloue étaient à la mode, il fallait absolument y être vu. C’était un gage de vertu chrétienne. Les femmes venaient à la messe avec le petit pot de chambre placé sous leurs robes à panier. Cet ustensile accompagnera aussi les femmes distinguées dans leur quotidien, chez elles, dans leurs déplacements.










Le Bourdaloue s’adapte à la morphologie féminine, en ovale, haricot ou nacelle. Les bords sont rentrés vers l’intérieur pour éviter de blesser. Certains ont un couvercle. En faïence, en porcelaine, des décors floraux très féminins. Le plus ancien connu est en porcelaine de Chine datant du dernier quart du 17ème siècle. Il sera surtout utilisé dans la période fin 17ème jusqu’au premier quart du 19ème siècle. La plupart sortent des ateliers de faïencerie de Strasbourg, Marseille, Chantilly ou des ateliers de Sèvres. Les derniers exemplaires toujours fleuris, présentent des motifs souvent peints à l’or avec des frises qui rappellent parfois le monde étrusque. Les plus rares ont une forme en coquille d’escargot. L’un d’eux fabriqué dans les ateliers de Vincennes en 1752 a été vendu aux enchères en 2006 pour la coquette somme de 25 000€ ! Les plus simples se vendent aujourd’hui entre 200 et 2000 €. Cette mode va conquérir une bonne partie de l’Europe : porcelaine de Vienne (Autriche), de Maastricht… En Espagne un musée des Bourdaloue et pots de chambre existe depuis 2007.
Pierre Julien dans la Revue d’Histoire de la Pharmacie de 1991 nous signale un musée à Munich, (au ZAM maintenant)  avec une collection de plus de deux cents Bourdaloue constituée par Manfred Klauba. Des objets en faïence mais aussi en étain, verre, argent, écaille. Des Bourdaloue avec des motifs en relief, des oiseaux et branchages et même Notre-Dame de Paris ou le Panthéon. Parfois le fond est orné d’un œil, d’un miroir, ou d’une fleur, d’un insecte qui vole…. Quelques merveilles ci-dessous.


Bourdaloue réalisé par le manufacture de Sèvres en 1831, fond nankin à dessin étrusque d'or, livré pour le service du Grand Trianon, mentionné en 1839 dans l'appartement de la princesse Clémentine, Copyright : Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon.














Sources : Gilles Henry Des Noms Propres si Commun  Historia n°468 dec 1985-- Sophie Hasquenoph, Louis Bourdaloue : Le Prédicateur de Louis XIV : 1632-1704, Éd. Salvador Diffusion, 2015wikipedia.org--cphr.fr/conservatoire/collections/patrimoine-medical/soins-au-patient/hygiene/bourdaloue-pot-de-chambre-ovale/---www.objetsdhier.com/bourdaloue-1270

--jackaimejacknaimepas.blogspot.com/2010/12/urinoirs-historiques-pour-dames-des.html

--www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_1991_num_79_291_3217

--Pierre Julien Le premier musée au monde du bourdaloue et du pot de chambre Revue d’histoire de la Pharmacie 1991 -291p412-413 Persée internet---


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