vendredi 4 novembre 2022

Impudique Fanny

 

Impudique Fanny :


 « Baiser la Fanny » : un culte que les boulistes rendent depuis près d’un siècle et demi à leur Joconde, gage de celui qui perd la partie 13/0.

En fait il s’agit d’un rite très ancien. Au Moyen-Age, dans tous les jeux, le vaincu devait se soumettre au « baise-cul ».

Cette farce grivoise perdure au travers de  diverses représentations. Un simple derrière jusqu’à une jeune femme, fesses à l’air, sur un petit tableau portatif fermé par un rideau, ou une représentation cachée dans une boîte fermée par une targette. Un dessin, une photo, une sculpture, une peinture. La pose suggère que la femme est légère ou au moins généreuse. Une cloche grosse ou petite, indépendante ou fixée au mur qui sera agitée furieusement pour annoncer qu’une partie a été gagnée haut la main.


(Fanny en porcelaine). La légende voudrait que son invention soit marseillaise ou tout au moins méridionale. Marcel Pagnol dans la préface de sa Fanny de 1932 parle d’un Américain de passage qui en serait à l’origine.

En fait Fanny serait lyonnaise, Fanny Dubriand. A la fin du 19ème siècle du Second Empire, cette jeune femme un peu simple d’esprit, tous les jours s’asseyait près des boulistes du Clos Jouves, célèbre terrain de jeu de boules du quartier de la Croix-Rousse à Lyon. Quand un des boulistes ne marquait aucun point, il devait faire pénitence. Il se plaçait derrière Fanny qui sans rechignait lui montrait son postérieur à embrasser. Lorsqu’elle mourut dans un asile, les boulistes continuèrent la plaisanterie en baisant une image de Fanny. Le rite se propagea rapidement hors de Lyon.


Huile sur toile, laque sur tôle, médaillon en plâtres moulé, cartes postales, photographies…. Font la joie des collectionneurs. C’est un villeurbannais E Billon qui produira le premier ses Fanny sur tôle avec des peintures pastel. (Villeurbanne est dans la banlieue lyonnaise).

De la Fanny pudique d’avant 1900, succèdent des Fanny audacieusement dévêtues. Des dessinateurs comme Bourgeois, Dubout le spécialiste des Fanny marseillaises, représenteront de « belles femmes », dans des postures incroyables.


Dans chaque village, chaque quartier, des artistes ou des peintres du dimanche  exécutent des pièces uniques. Des fabricants de boules offraient dans les années cinquante des moulages en plâtre à peindre. Fanny dans un décor champêtre entre boules et bouteilles. Le patron du bar, la partie finie, servait un « mètre » de rouge, douze verres payés, un gratuit. Utrillo, le grand peintre, paya ses verres avec une Fanny dessinée à Neuville-sur-Saône !!

Une tradition exprimant le sexisme d’une époque, l’humiliation du perdant,  glorification de la victoire ou simple délectation du jeu, farce grivoise ? A chacun son opinion.

L’expression « faire fanny » s’est étendue à d’autres jeux, et même dans le langage courant.

Un souvenir d’enfance du café de mon oncle : mes cousins, cousines et moi-même allant soulever le rideau qui abritait la Fanny au fond du jeu de boules quand les adultes n’étaient plus là. Rires jaunes devant l’interdit, honte sans trop savoir pourquoi… 

Sources et pour en savoir plus : Merou et Fouskoudis La fanny et l’imagerie populaire éd Terre et Mer 1982—Nathalie Dallain Pays de Provence 2003 n)35 p106—

 

 

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