mardi 2 juin 2020

Henri Pitot et le Pont du Gard




Pont du Gard Dessin Jean Poldo d'Albenas commons.wiimedia.org


Henri Pitot et le Pont du Gard
 (Henri Pitot (1695-1771-Archives municipales de Montpellier)


Avec les beaux jours, il est temps de parler d'Henri Pitot et du Pont du Gard.
Mais avant tout, quel lien entre Henri Pitot et les sondes Pitot dont on a beaucoup parlé lors du crash de l’Airbus A330-200 qui s’est écrasé le 1er juin 2009 dans l’Atlantique ? En fait en 1732 Henri Pitot invente le tube de Pitot pour mesurer la vitesse des eaux. Il est amélioré par la suite et utilisé en aéronautique, en gros pour calculer la vitesse par rapport à la pression de l’air. En 2009, les sondes ont donné des mesures faussées car elles étaient obstruées par des cristaux de glace.
Mais nous connaissons Henri Pitot dans d’autres domaines. Nous lui devons de nombreux grands travaux dans le Languedoc.


Henri est né à Aramon dans le Gard le 31 mai 1695. Son père Antoine est du village de Marguerite près de Nîmes et sa mère Jeanne de Julhian est de Beaucaire, d’une famille bourgeoise. Il est le 5ème enfant ; sa mère décède en mettant au monde son dixième enfant en janvier 1747. Elle a 41 ans. Henri n’est pas un élève brillant. D’abord au collège des Révérends Pères de la Doctrine de Beaucaire, puis cadet au Régiment Royal-Artillerie où son frère aîné est officier. En désespoir de cause, rebelle à toute instruction, il revient à Aramon. Il a environ 20 ans.
(sa maison natale à Aramon)
Là, prise de conscience ou bien c’était le moment, toujours est-il qu’il se met à dévorer des livres sur tous les sujets : maths, géographie, physique, architecture, anatomie, métaphysique… Il repart à Grenoble pour étudier sérieusement. Quand il revient à Aramon, il séjourne un temps à Uzès chez des parents les Laondès chez qui il rencontre l’abbé Cabot, chanoine à la cathédrale et mathématicien. Devant ses connaissances, l’abbé conseille à son père de l’envoyer à Paris pour parfaire ses connaissances. En 1718 il est l’élève de René-Antoine Ferchault de Réamur, membre de l’Académie Royale et physicien, naturaliste, entomologue… A partir de là, sa carrière de scientifique et technique est lancée.

A l’âge de 27 ans, il calculera grâce à des  connaissances acquises en géométrie et en maths, l’éclipse de soleil du 22 mai 1724, calcul dont la précision sera vérifiée par l’observation. On le vit ensuite du haut d’une vieille tour de la maison de son père, observer le cours des astres avec des instruments qu’il avait inventés lui-même, et tracer des cadrans, quitte à passer pour un peu sorcier. Réaumur le guide, ouvre sa bibliothèque et l’associe plusieurs fois à ses travaux : expériences sur le fer, le vernis, la porcelaine… L’Académie des Sciences lui ouvre ses portes en 1724, nommé adjoint mécanicien, puis associé mécanicien en 1727, pensionnaire géomètre en 1733. En 1742 il est directeur de la Sénéchaussée de Nîmes et Directeur Royal du Languedoc. Il achète la seigneurie de Launay en 1748 et devient membre de la Confrérie des Pénitents blancs de Montpellier en 1751, preuve s’il en était besoin de son intégration dans la société montpelliéraine.


Le pont Pitot adossé au Pont du Gard (pont romain)

Ses recherches sont tous azimuts. Il apporte une solution au fameux problème de Keppler sur la première équation des planètes. Il invente une méthode analytique de tracer des lignes correspondantes à des minutes aux grandes méridiennes, en 1731.
Mémoires sur les polygones circonscrits au cercle, machines mues par un courant ou une chute d’eau, mesure de la vitesse des courants d’eau et le sillage des vaisseaux 1725, théorie des pompes 1735,  sur les causes des maladies mortelles qui règnent sur les côtes de la mer dans le Bas-Languedoc, 1746 ; sur le mouvement des eaux, 1750 ….. En 1751, il est chargé de combler le bras du Rhône côté Provence de l’île de Vallabrègue qui devient enclave gardoise dans le département des  Bouches-de-Rhône…

1726 travail sur la force qu’on doit donner aux cintres dans la construction des grandes voûtes et des arches des ponts : travail qui lui servira lors de ses constructions de ponts, arches etc.
Des recherches sur les crues des fleuves et rivières, sur l’assèchement des marais, sur l’entretien des routes pour l’exploitation des forêts, une étude sur le tracé de la route d’Auvergne entre Alès et le Puy-Clermont-Ferrand…
Il publie en 1731 un livre sue la manœuvre des vaisseaux, ouvrage adopté par le gouvernement français pour l’instruction de la marine. Traduit en anglais, la société royale de Londres en récompensa Henri Pitot en l’admettant parmi ses membres.
En 1740 les Etats du Languedoc lui demandent de vérifier la possibilité et les moyens d’assécher les marais qui  qui s’étendent d’Aigues-Mortes à Beaucaire. Il répare et perfectionne le Canal du Midi ou canal Royal. Grâce à lui on rétablit l’usage antique des pierres milliaires de Nîmes…. Et le pont Pitot adossé au Pont du Gard !
Poldo d’Albenas en 1557 nous montre sur un dessin un pont du Gard sur lequel les piles du second rang d’arches ont été largement échancrées pour faire passer les attelages. Probablement une destruction ancienne liée au péage qui taxait davantage le transport de marchandises que les voyageurs.


Coupe du pont Pitot adossé à l'aqueduc Romain. (album Clérisseau, 1804)
En 1743, les Etats du Languedoc s’en inquiètent, craignant un effondrement. Par ailleurs ils souhaitent supprimer le bac de Remoulins tout proche. Ils se tournent vers Henri Pitot pour proposer la construction d’un pont pour passer le Gardon. Quatre propositions, mais celle du doublement du pont du Gard est la moins chère.
Il propose d’accoler un pont routier à l’aqueduc pour ne pas défigurer celui-ci. Il prend modèle sur le pont Royal de Paris avec des arrière-becs. (qui n’apparaissent pas sur les dessins de Poldo d’Albenas au 16ème siècle). La carrière   du Bois de l’Etoile, ancienne carrière romaine près de Vers et proche du Pont du Gard fournira les pierres, carrière connue sous le nom de l’Estel.

Les dimensions prévues sont d’environ 140 m de long, et 6,90 m de large pour une chaussée de 6,10 m. La décision est prise le 2 janvier 1743, le marché est passé le 2 avril 1743. La première pierre est posée le 18 juin. La réception des travaux a lieu le 25 février 1745, moins de deux ans après la prise de décision. Une plaque en marbre blanc portait une inscription en latin : «  Les Romains avaient construit l’aqueduc ; l’Occitanie a ajouté le pont en l’an 1745, sous la direction de Henri Pitot de l’Académie Royale des Sciences ». Les révolutionnaires de 1793 détruiront cette plaque !
Henri Pitot apparaît comme un touche-à-tout de génie ! Son correspondant de physique Salomon Lefèvre d’Uzès dit de lui : »Quand je songe qu’un Pitot sans orthographe, sans philosophie, sans physique, sans chimie, a fait fortune à Paris et qu’il tient aujourd’hui un rang distingué parmi les savants de toute espèce…. !! »
Sommières et les arches de son pont romain (le pont Tibère) endommagé par les vidourlades, Carcassonne et son canal élevé, et un vrai chef-d’œuvre l’aqueduc de la fontaine de Saint-Clément de Montpellier (les Arceaux) 15 000 mètres sur les arcades parfois à double rang, 400 mètres creusés dans le roc….. réalisé entre 1753 et 1765 et achevé après la mort d’Henri Pitot en 1772.


Les arceaux à Montpellier - Réalisation Henri Pitot.

Sur la fin de sa vie la maladie le rattrapa et il se retira dans son village, jardinant, cultivant ses vergers. Autodidacte, son jardin sera rapidement un lieu d’expérimentation qui forçait l’admiration de tous.
Il décède à Aramon le 27 décembre 1771. Son éloge funèbre prononcée par Grandjean de Fouchy se trouve sur le Recueil de l’Académie des Sciences de 1771.






(fig. 5 ) NDLR : Le Pont de Sète - Le Pont de la Peyrade à Frontignan, réalisation de Henri Pitot au XVIIIe siècle. 52 arches—remplacé après 1920 par un tablier métallique lui-même détruit en 1944

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Aqueduc de Montpellier –User Stevage 25-5-2006---Wikipedia


Sources : « Henri Pitot », dans Personnages connus ou méconnus du Gard et des Cévennes, t. I, Brignon, La Fenestrelle, 2016 (ISBN 979-1-0928-2666-1), p. 169-173 — ouvrage édité par L’Académie Cévenole -- /fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Pitot
-- www.nemausensis.com/Gard/HenriPitot/HenriPitot.html-- Henri Pitot (1695-1771)- extrait de la Biographie Universelle Par M. Pérennès, tome 10, pages 144-145, 1834.--
-La Gazette de Nîmes n°992 7-13 juin 2018 – Bernard Malzac Le Républicain d’Uzès et du Gard n°3568 11-17 février 2016 -- www.midilibre.fr/2019/11/06/a-la-decouverte-des-aramonais-celebres,8525341.php
--www.la-peyrade-mon-village.com/photos/2-le-pont-a-52-arches
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