Un Homme si
sympathique :
(Joseph Caillaux 1863-1944, père de
l’impôt sur le revenu-photo de presse agence Rol Gallica BNF ou Babelio)
L’histoire qui suit ne risque plus d’arriver
avec le « prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu ». C’était
une autre époque que « les moins de vingt ans » ne connaitront
jamais.
Nous sommes en juillet
1962 à Paris. Un petit homme rondouillard entre dans une petite agence bancaire
de quartier. La capitale est vidée à demi par les congés d’été. Tout est calme.
Ceux qui ne sont pas encore partis en vacances travaillent avec une certaine
insouciance.
- ----- Bonjour, je souhaiterais ouvrir un compte
chez vous. Je ne suis pas client chez vous mais je viens de créer une petite
entreprise de publicité dans le quartier et je trouve plus pratique de venir
chez vous à deux pas de mes locaux. Pourrais-je rencontrer le directeur ?
- ----- Mais certainement Monsieur,
Le petit homme du nom de
Jean Pilon, souriant et sympathique raconte son projet : une petite agence
de publicité, rien d’énorme, mais qui répond aux besoins des entreprises du
quartier… Il recueille les annonces publicitaires dans tous les domaines, puis
les répartit dans les journaux, les revues, dans les supports qui conviennent
le mieux au sujet. Son projet parait tout à fait respectable et de bon aloi
car les affaires marchent bien cette année-là, surtout à Paris.
- --- Cher Monsieur, pour ouvrir un compte c’est
très simple. Combien voulez-vous déposer dans un premier temps ?
- --- Ce qui est nécessaire à l’ouverture. Je
n’aurai de rentrée d’argent que vers le mois de septembre, octobre, avec la
reprise d’activité après les congés.
Disons
cinq millions de francs (anciens francs).
- ---- Quel chiffre d’affaire espérez-vous ?
- ------ Autour de cent millions de francs. Bien
sûr il y a les frais, les taxes…. Une petite annonce coûte entre 5 000 et
50 000 francs ; les clients me paient à la commande et je paie les
journaux à trente jours. Donc j’ai de grosses rentrées d’argent à une certaine
période et de grosses dépenses à une autre période. Du moins au début, après
les bénéfices sont là.
- ---- A quel nom le compte ?
- ----- Celui de la société « Trésor
Publicité » SARL. L’adresse 121 rue
des Caves
SARL, société à "responsabilité limitée". La suite va le confirmer.
L’été se passe, et le 3
septembre, Jean Pilon vient à sa banque chercher un carnet de chèques. Il
prévient le guichetier : « avec la rentrée, je vais recevoir des
chèques parfois par centaines avec de petites sommes à chaque fois. Les
affaires reprennent. »
Effectivement, la société
Trésor Publicité s’anime au rythme des versements de chèques, petits ou moyens,
faisant grimper le solde créditeur du compte.
De 5 millions, on passe à
30, 80, dépassant les 150 millions d’anciens francs. Jusqu’au 10 octobre. Tout
semble honnête, les chèques sont remis à l’encaissement sans problème.
Le 15 octobre, Monsieur
Pilon revient à la banque. Il a un projet d’agrandissement dans de nouveaux
locaux et a besoin de conseils. Son actif à la banque tourne autour de 157
millions d’anciens francs. Il souhaite en retirer 150 millions en espèces. Pour
ne pas rater l’affaire du siècle il doit disposer rapidement de la somme en liquide.
Le directeur de l’agence
n’y voit pas de problème, l’argent sera prêt pour le lendemain. Il restera sur
le compte 7 millions donc pas de découvert. Il s’inquiète de l’imprudence de
transporter une telle somme, mais les affaires sont les affaires !!
Monsieur Pilon signe un chèque de 150 Millions. Il passera vers seize heures le
lendemain. On lui fait confiance, sa situation financière est saine, il est
tellement sympathique !!
Mais fin octobre, des
contribuables parisiens reçoivent au courrier des relances des percepteurs :
ils ne se sont pas acquittés de leurs impôts sur le revenu avec à la clé une
majoration de 10% pour le retard. Ils s’insurgent, mentionnent le numéro de
leur chèque, la date… Vérification faite, la perception n’a pas reçu les
chèques !!
Enquêtes,
re-vérifications…les chèques ont été encaissés par une petite banque de
quartier et mis au crédit d’un certain Jean Pilon directeur d’une agence de
publicité ! Les locaux rue des Caves sont vides, délabrés, n’ont même
jamais été occupés. Trois arrondissements parisiens sont touchés par l’arnaque
du monsieur si sympathique. On ne peut qu’admirer cet exploit unique…
Comment s’y est-il
pris ? Fin psychologue, il sait que les contribuables attendent le dernier
jour pour s’acquitter de leur dette envers le fisc. On ne va pas payer ses
impôts en avance !! Pilon le 15 septembre à minuit, il se dirige vers la
perception du 16ème arrondissement, s’approche de la boîte aux
lettres où les contribuables ont glissé leur chèque. Grâce à un système que
nous ne connaissons pas, probablement inspiré du style « pilleur de troncs
d’église », il retire des enveloppes de la boîte aux lettres. Pas toutes,
il ne faut pas donner l’éveil. Il recommence l’opération dans les autres
arrondissements de Paris, ceux où les contribuables sont importants et mieux
nantis.
La récolte engrangée, il
rentre chez lui et se met au travail. Les chèques destinés au Trésor Public, devenaient
des chèques destinés au Trésor Publicité !! Un vrai travail de
calligraphie, de tous les styles, de toutes les couleurs, avec bille, plume…..
Il dépose les chèques par petits paquets chaque jour à sa banque. Les
percepteurs ne vont réclamer auprès des contribuables que plus tard,
Monsieur Pilon n’a jamais
récidivé à ce que l’on sait. On ne l’a jamais retrouvé ; il ne s’appelait
certainement pas Pilon. Homme respectable quelque part, rentier, n’attirant pas
l’attention de ses voisins, payant ses impôts comme tout le monde !
Personne n’a pu faire de procès à personne : le percepteur est responsable
de sa boîte aux lettres. On n’a pas souhaité remettre en question l’innocence des contribuables. Jean Pilon
quel que soit son nom n’a escroqué que l’Etat c’est-à-dire l’ensemble des
contribuables !!
Paris Ministère des Finances Avant son transfert--
Sources :
Historia sept 1982 n)430 –Pierre Bellemare et Jacques Antoine Les Aventuriers
édit Fayard--- Aussi un film avec Jean Gabin, titre et date ?-- photos JL Chamel--
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