Elisabeth Eidenbenz Exemple pour l'Humanité
Une femme-courage qui refuse un monde où l’humanité est absente. « Il faut parfois désobéir pour rester un être humain ».
Elle
est née en Suisse à Wila dans le canton de Zurich le 12 juin 1913. Elle quitte
ce monde le 23 mai 2011 dans le petit village de Retawinkel près de Vienne,
en Autriche.
Une vie de partage, de
soutien aux autres, aux femmes, aux enfants.
Son père est pasteur protestant, une famille nombreuse dont elle est une des plus jeunes. D’abord institutrice en Suisse puis au Danemark. Quand arrive la guerre d’Espagne, le Service Civil International lui propose de partir à Madrid en 1937 pour aider les mères et les enfants victimes des évenements. Elle devait rester que le temps des vacances scolaires. Les évenements en ont décidé autrement. Pendant deux ans elle s’occupe des petits madrilènes qui viennent se mettre à l’abri des combats. Elle distribue des vivres aux personnes agées. Elle nous laisse des photos des combats, des villes en ruines… Plus de 800 clichés.
(Saint-Jean
d’Aigues-Vives-azinat.com)
Puis l’armée de Franco arrivent à Barcelone, Madrid, et les civils et soldats républicains doivent partir sur les routes chercher refuge, en France notamment.
Mais dans notre pays rien n’est prêt pour accueillir ces
familles. Le gouvernement du Front Populaire n’est plus, le radical Edouard
Daladier est en poste. L’heure est à la xénophobie et aux décret-lois contre
les étrangers.
En l’espace d’une quinzaine de jours, c’est 500 000
personnes, adultes, enfants, qui arrivent de notre côté des Pyrénées. A Argelès
un camp de fortune voit s’entasser
jusqu’à 180 000 personnes dans le sable dans des conditions d’hygiène épouvantable. Les autorités sont débordées, la population se méfie de ces « rouges » qui ne sont pas autant catholiques qu’elle le souhaiterait. Des rumeurs de massacres de curés ont précédé ces réfugiés.
jusqu’à 180 000 personnes dans le sable dans des conditions d’hygiène épouvantable. Les autorités sont débordées, la population se méfie de ces « rouges » qui ne sont pas autant catholiques qu’elle le souhaiterait. Des rumeurs de massacres de curés ont précédé ces réfugiés.
Des camps sont improvisés, avec triple rangée de barbelés surveillés par des soldats. Les parents, les mères, les futures mères sont arrivés extenués après avoir marché des jours sur les chemins de montagne dans le froid. Le manque de nourriture et les maladies déciment les enfants et surtout les nourrissons. Des cas de dysenterie, de pneumonie et même de lèpre sont répertoriés. La vermine, les rats pullulent. Les mères accouchent dans le sable, creusant des trous pour avoir moins froid. L’hiver 1939 est un des plus rigoureux de notre histoire. On ramène de la paille des haras de Perpignan pour faire des paillasses. L’historien Tristant Castanier y Palau pense que « le taux de mortalité des enfants entre six mois et quatre ans pourrait atteindre 60%». Des employés du Service Civil International, ONG Suisse, comme Karl Ketterer, exigent de pouvoir porter secours en menaçant de dénoncer dans la presse les conditions de vie dans ces camps.
Elisabeth obtient un
laisser-passer et organise des distributions alimentaires au Camp de Saint-Cyprien,
dans celui d’Argelès sur Mer, celui de Bram dans l’Aude. Le 7 mars 1939 elle
écrit : "Il pleut des cordes toute la journée. Par la
fenêtre je regarde par la mer. Il y a seulement sept kilomètres d’ici au sable
d’Argelès : 80 000 jeunes gens sans chaussures dignes de ce nom, sans
chaussettes, sans chemise derrière le fil barbelé prolongent leur existence
dans la plus grande incertitude de ce qui arrivera demain…. Cela me fait mal de
sentir comment ces êtres humains sont désignés et considérés par des gens
conscients, à des postes officiels, comme des criminels et des moitiés d’homme
de moindre valeur..."
(château d’En Bardou- Elne www.maternitesuissedelne.com/le-chateau.html)
Une première maternité à Brouilla près de Perpignan qui fonctionnera six mois avant de fermer. Puis à Elne, le château d’En Bardou et sa coupole en verre mais aussi avec un toit percé. L’industriel Eugène Bardou avait fait construire cette demeure de campagne dans les années 1900-1902. (Eugène est un des petits-fils de Jean Bardou inventeur du papier à cigarette Job-Nil)
Une première maternité à Brouilla près de Perpignan qui fonctionnera six mois avant de fermer. Puis à Elne, le château d’En Bardou et sa coupole en verre mais aussi avec un toit percé. L’industriel Eugène Bardou avait fait construire cette demeure de campagne dans les années 1900-1902. (Eugène est un des petits-fils de Jean Bardou inventeur du papier à cigarette Job-Nil)
Elisabeth
réunit les fonds privés pour le restaurer et des sages-femmes et des
infirmières arrivent de Suisse. Les trois étages du bâtiment sont
aménagés : une salle de réunion et une salle d’attente en bas, au premier
étage les salles d’accouchement et la nurserie avec une vingtaine de petits
lits, et au troisième étage, les chambres du personnel. Une infirmerie, une
cantine… Il faut acheter des médicaments, du ravitaillement, du matériel,
miracles à trouver en ces temps de pénurie. Il faut des camions, des véhicules
pour aller chercher les futures mamans dans les camps. Elisabeth devient
gestionnaire, infirmière, sage-femme, pédiatre sur le tas. Le 7 septembre 1939
une petite fille Pépita nait au milieu de la nuit.
Les
futures mères arrivent de tous les camps de la région, quatre semaines avant
d’accoucher et repartent théoriquement un mois après avec un couffin et une
couverture. Mais très vite les femmes restaient quelques mois avant de
retourner au camp. C’est le cas de la maman de Vladimir qui retourne au camp
d’Argelès en mai 1941 après six mois à la maternité. Malheureusement elle sera
déportée sans retour. Les mamans trouvaient calme, solidarité malgré ce qui se
passait dehors. Les mères qui avaient trop de lait ou dont l’enfant était
mort-né, donnaient leur lait. On se passait les vêtements, les langes…
Les dons arrivent de toute l’Europe pour faire fonctionner la maternité. Mais à partir du début de la guerre l’argent se raréfie et les besoins vont croissants car des réfugiés commencent à arriver de France et de toute l’Europe. La maternité d’Elne passe sous la responsabilité de la Croix-Rouge suisse. Théoriquement Elisabeth ne doit pas accueillir des réfugiés politiques, en particulier des juifs. Aussi des Tziganes et des Françaises menacées par le régime de Vichy. Mais pour elle : "Nous accueillons les femmes de n ‘importe quelle nationalité. La misère n’a pas de patrie, ni le malheur". Une circulaire de la Croix-Rouge Suisse de février 1943 rappelle à tous ses collaborateurs que «les lois et les décrets du gouvernement de la France doivent être exécutés exactement et vous n’avez pas à examiner s’ils sont opposés ou non à vos propres convictions». Ceux qui ne sont pas d’accord sont priés de démissionner !! Elisabeth refuse de donner le nom des mères hébergées à la mairie d’Elne.
Elisabeth décide de falsifier les identités des patients pour contourner
cette règle de neutralité. Ce qui lui vaudra une sanction à la Libération de la
part de la direction suisse de la Croix-Rouge. Malgré la Gestapo qui la
surveille, environ 400 enfants espagnols, 200 juifs et 10 tziganes seront
sauvés. La maternité accueillera aussi les enfants très malades du camp de
Rivesaltes. 597 naissances jusqu’à la fermeture de l’établissement en avril
1944. Elisabeth accouchera elle-même une quarantaine de mamans ; elle
s’occupera de la 300ème naissance, des jumelles. Elle dira bien plus
tard : "Pour moi, la première naissance a été une grande aventure. C’était une
fille, Pepita. Mais, ajoute-t-elle,
chaque naissance était une aventure, émouvante pour la maison.
[...] Nous chantions, nous dansions, il y avait une bonne ambiance".
Un de ces enfants sauvés et né à Elne Guy Eckstein se souvient : «Si elle avait demandé à ma mère sa religion, comme elle était censée le faire pour chaque femme qui venait accoucher dans la maternité qu’elle dirigeait, assure-t-il, je ne serais pas là pour vous parler aujourd’hui.»
Elle ira plus
loin en accueillant des femmes qui ne sont pas enceintes, comme celles du camp
de Bram souffrant de la typhoïde en automne 1940.
Elle pose peu de questions, ce que l’on ne sait pas on ne risque pas de le dire : "Je disais toujours [à l’état civil les noms que les mères m'avaient dits, aujourd’hui, je sais que quelques- uns étaient faux, par exemple un bébé avait été appelé Antonio, et on m'avait dit que les parents étaient espagnols mais ils étaient juifs allemands".
Elle pose peu de questions, ce que l’on ne sait pas on ne risque pas de le dire : "Je disais toujours [à l’état civil les noms que les mères m'avaient dits, aujourd’hui, je sais que quelques- uns étaient faux, par exemple un bébé avait été appelé Antonio, et on m'avait dit que les parents étaient espagnols mais ils étaient juifs allemands".
Sergio Barba né dans cette maternité affirma plus tard : « naître dans cette maternité, ce n’était pas seulement bénéficier de bonnes conditions d’hygiène, c’était aussi naître dans un espace qui se voulait le plus bienveillant et le plus heureux possible.
Hélène Legrais consacre
cette histoire dans son livre « Les Enfants d’Elisabeth » ;
cette dernière écrit dans la préface :
«Toutes (les mères) étaient
déracinées sans patrie avec un futur incertain, elles étaient au plus bas
physiquement et moralement… nous avons essayé de les distraire… le soir nous
chantions, nous organisions des fêtes, nous dansions, je leur lisais des contes
de Noël traduits du bernois… il n’était pas facile de vivre ensemble en
harmonie avec toutes ces femmes différentes mais elles attendaient toutes le
même sort, elles avaient perdu leur patrie, elles avaient été expulsées et
elles attendaient un enfant.»
Le Journal d’Elisabeth nous raconte les journées d’Elne : "Les journées sont chargées. A sept heures les mères donnent la tétée et terminent leur toilette jusqu’à l’heure du petit déjeuner. Sous la direction d’une infirmière elles apprennent à soigner leurs enfants, à les laver et les baigner. L’aide alimentaire extérieure et la production du jardin pourvoient aux besoins de la maternité. La vie s’organise sur les trois étages du château: les femmes les plus valides donnent le sein aux enfants malades. Madrid, Salamanque, Barcelone… Toutes les mamans dorment à deux ou trois dans des chambres portant le nom de villes espagnoles. Leurs bébés, regroupés dans une grande salle circulaire, sont couchés dans des corbeilles d’osier. [...]
La situation la plus triste est celle des Israélites. Toujours poursuivis, toujours dans la peur d’être arrêtés… Plusieurs fois nous avons eu la police allemande dans notre maison et pendant des semaines cette atmosphère de panique a duré : ne jamais dormir tranquillement, ne pas oser sortir de la maison, voir derrière chaque personne un espion ou quelqu’un qui vous veut du mal… devant nos yeux, nous voyons se perdre les valeurs humaines les plus grandes. Comment faire face à tous ces problèmes sans désespérer et sans perdre patience ? Comment aider toutes ces victimes de la guerre, les encourager, leur donner la force morale pour affronter la vie ? Où prendre les forces pour qu’une mère puisse remplir aussi en ces circonstances son devoir envers ses enfants ? […] Des listes étaient dressées, et encore des listes…chacun tremblait à la pensée que son nom pourrait se trouver sur une liste…".
En novembre 1942, la Gestapo débarque à la maternité pour appréhender
les femmes juives. Elisabeth crânement leur répond « Hier ist
Schweiz », ici c’est la Suisse. Mais elle ne pourra pas toujours empêcher
des arrestations.
En avril 1944, la Wehrmacht ne lui laissera que trois jours pour fermer la maternité. Une kommandantur est installée dans le château. Il faut déménager le matériel, trouver des camions, transporter femmes et enfants, le personnel. Un nouveau refuge à Montagnac dans l’Aveyron, les enfants sont emmenés en Haute-Loire au Chambon-sur-Lignon .
La guerre finie, Elisabeth retourne en Suisse. Elle s’installe en
Autriche pour s’occuper des enfants de réfugiés d’Europe de l’Est. Elle y
dirige des «Maisons Suisses » avec le soutien de l’Eglise Evangéliste Suisse.
Enfin
elle se retira à Retawinkel en Autriche. Plusieurs livres lui seront consacrés.
Le film espagnol de 2018 « La Lumière de l’espoir » raconte cette
odyssée d’une femme-courage et déterminée.
Juste parmi les Justes, Juste parmi les Nations, honorée par Yad Vahem
en 2001, elle reçoit la médaille à Elne le 22 mars 2002 des mains du maire
Nicolas Garcia. En 2006 elle reçoit oa Médaille d’Or de l’Ordre Social et de la
Solidarité remise par la reine Sofia d’Espagne et la Croix de Saint Jordi par le
gouvernement catalan. La Légion d’Honneur lui sera attribuée en 2007 par le
gouvernement français.
Le château
d’Elne racheté par la mairie est transformé en musée classé au titre des
Monuments Historiques.
Photo Paul
Senn Matt Mères et leurs enfants sur le
perron de la maternité
Sources : Association des Descendants et Amis
de la Maternité d’Elne – Hubert Delobette
Femmes d’Exception en Languedoc-Rousillon édit Le papillon rouge ISBN
978-2-917875-13-1--- Tristan Castanier y Palau
Femmes en exil, Mères des camps édit Trabusaire 2008 --- https://www.babelio.com
› livres › Castanier-i-Palau-Femmes-en-exil-mere.-- www.maternitesuissedelne.com/le-chateau.html--www.ajpn.org
› juste-elisabeth-Eidenbenz-1009--- wikipedia.org-- https://fr.timesofisrael.com/une-heroine-suisse-inconnue-a-cache-des-centaines-de-femmes-enceintes-aux-nazis/--photos
Paul Senn Matt --/www.letemps.ch/sciences/elisabeth-eidenbenz-lange-gardien-enfants-guerre
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