samedi 30 novembre 2019

Rastignac la Maison-Blanche du Périgord

Rastignac -sudouest.fr

Rastignac la Maison-Blanche du Périgord


Etats-Unis -Maison-Blanche
Une épineuse question agite les historiens : la Maison-Blanche des Etats-Unis est-elle la copie du château de Rastignac ou l’inverse ?
Abigaïl Adams l’épouse du second président des Etats-Unis d’Amérique écrivait à sa fille dans l’hiver 1800 : « il pleut dans les chambres ; les domestiques vont puiser l’eau à 500 mètres de l’office. Il y a assez de courants d’air dans le hall de réception pour faire sécher notre lessive !! ». La jeune république américaine avait voulu un édifice modeste, fonctionnel pour l’Exécutive Mansion qui ne s’appelle pas encore Maison Blanche. La résidence présidentielle avait été mise au concours de 1792. James Hoban architecte américain et d’origine irlandaise remporta le premier prix (500 dollars) et la commande.

Hoban travailla sur le monument de 1792 à 1801. Georges Washington n’y habita pas et les Adams seulement trois mois.
En 1814 les Anglais brûlèrent tous les édifices publics de Washington, ainsi que l’Exécutive Mansion. Les murs calcinés restèrent debout mais avaient triste allure. On les recouvrit d’une épaisse peinture blanche et la restauration commença. La Maison Blanche était née. Ce nom devient officiel en 1902 sous le président Théodore Roosevelt.
Une façade plate, percée de fenêtres classiques, un avant-corps semi-circulaire avec six colonnes ioniques, un toit plat disparaissant derrière une balustrade : un bâtiment très caractéristique.
Et en France au détour d’un chemin entre Terrasson et Périgueux, au carrefour de La Bachellerie, apparaît la Maison Blanche du Périgord, le château de Rastignac !
Jacques Houlet, conservateur des Monuments Historiques nous indique dans la revue « Les Jardins des Arts » de 1968 : «Le Périgord connu pour ses châteaux, ne passe pas pour être riche en édifices classiques. Or, nous sommes là devant un bel exemple du style antiquisant de la fin du 18ème siècle…les portiques sont identiques : même proportion des colonnes par rapport à la façade, mêmes socles, même balustrade…profils de l’architrave et la corniche correspondent… » Une différence, trois travées à Rastignac, quatre à Washington.



(Rastignac wikipedia.org

Les terres de Rastignac sont mentionnées dans les archives départementales dès 1483. Le château aurait été commencé par le Marquis de Chapt de Rastignac vers 1780. L’architecte Mathurin Salat-Blanchard en aurait établi les plans. La Révolution en 1789 stoppe le chantier qui ne redémarre qu’en 1811. Le marquis fuit en Allemagne en 1791 et entre en France dans l’armée des princes. En 1809 sous l’Empire, il est président du collège électoral du Lot, puis en 1817 ayant adhéré au parti des Bourbons,  il est député et en 1823 pair de France. Il décède en 1833. Les parents de son épouse sont des membres des familles de La Rochefoucauld et des LeTellier de Louvois.

Le château est de style néo-classique ; la date d’achèvement mentionnée dans des notes retrouvées est de 1838, donc après le décès de Rastignac. En 1811 le chantier redémarre par des démolitions des anciennes constructions. Les cahiers du régisseur indiquent un coût de construction du seul château de 40 000 frs, les frais pour le jardin « à l’anglaise » s’ajoutant. Le nom du maçon entrepreneur est mentionné : Jean Delmas.

Mais qui a copié qui ?
On a soupçonné Thomas Jefferson présent à Bordeaux en 1787 et visitant l’école d’architecture de s’être inspiré des plans de Rastignac déposés depuis 1780. Mais les colonnades imaginées par Jefferson en 1792 ne sont réalisées qu’en 1824 par Latrobe.
D’autres châteaux de cette époque ont des colonnes et un bombement central sous coupole, deux pavillons réunis par une colonnade qui s’incurve et devient un pavillon circulaire : château de Bouilh, de Victor Louis en 1787, Jean-Baptiste Dufart et le château Peychotte de 1785-89, Combes architecte de Périgueux et le château Margaux….
Cette similitude serait due à un dessin de Charles-Louis Clérisseau, ami de Thomas Jefferson quand celui-ci était ambassadeur des Etats-Unis à Paris. Pour d’autres historiens, James Hogan se serait inspiré du château du duc de Leinster à Dublin. On a avancé d’autres noms, Victor Louis qui construisit le Gand-Théâtre de Bordeaux, Claude Nicolas Ledoux qu’aucun mécène ne reconnut, Gibbs architecte anglais de la Bibliothèque Radcliff d’Oxford…. Ce qui est sûr c’est que l’inspiration est puisée dans les constructions de l’italien Pallodio et des « maisons à l’italienne ».
Les deux bâtiments ont peut-être été construits inspirés par l’Hôtel Thelluson, luxueux édifice néo-palladien bâti de 1778 à 1780 à Paris par Claude-Nicolas Ledoux et détruit en 1826. Chef-d’œuvre « si neuf et surprenant que dit-on on prenait des billets pour le visiter…"
 

L'hôtel de Thellusson. Dessin de Jean-Baptiste LallemandBibliothèque nationale de France

Le château de Rastignac est brûlé par les troupes allemandes de la division Brehmar le 30 mars 1944 ainsi qu’une trentaine de tableaux de la collection de la galerie Berheim-Jeune : des Cézanne, des Manet, des Renoir, des Toulouse-Lautrec, un Matisse, un Van Gogh…. Le bâtiment est restauré en 1952 par l’architecte des Monuments Historiques Yves-Marie Froidevaux. Il passa de main en main, subit des pillages. Des Hollandais le rachetèrent en 2000 et en firent cinq appartements  dans le bâtiment et deux dans l’orangerie.
Le château de Rastignac, façades, toitures, communs et son parc sont classés au titre des monuments historiques depuis le 16 janvier 1946 et le vestibule, l’escalier de pierre par décision du 15 juin 1951.

En 1971, un américain Leslie-E Acsay offre un prix de 1 000 frs à qui trouvera la date de construction et le nom de l’architecte de Rastignac. Le conservateur des Archives Départementales de la Dordogne Noël Becquart remporte le prix en 1972. Il avait pu étudier les cinq cahiers du régisseur pour les années 1811 à 1817 conservés aux archives.
 Peut-être faut-il voir dans cette similitude architecturale simplement une synthèse, une mode de styles architecturaux de différents architectes, une humeur du moment, une envie de changements.
Mais l’enquête continue !!
(FRMEKL,6 août 2017)
















Sources : www.grandsudinsolite.fr/671-24-dordogne-rastignac-ou-jefferson.html--- Base Mérimé , sous la référence PA00082331-- Noël Becquart, Du nouveau sur le château de Rastignac, p. 16-26, Bulletin de la Societé Historique et archéologique du Périgord   Périgueux, tome XCIX, 1972 +photos---François-Georges Pariset, Le château de Rastignac, p. 73-80, dans Congrès archéologique de France. 137e session. Périgord Noir. 1979, Société Française d'Archéologie, Paris, 1982—Historia janvier 1981 Actualités historiques p110-111+photo--  Guy Penand p. 201-209, Les crimes de la Division "Brehmer", éditions la Lauze, mars 2004, ISBN2-91032-65-2 -- Dominique Richard, Le mystère des toiles de Dordogne  Sud Ouest du 6 novembre 2013. –décès AD24etat-civilLa Bachellerie vue 10/15-- wikipédia.com---






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