1907-Sommières
Les Vidourlades
Régulièrement on nous
parle des « épisodes cévenoles ». Les Romains, le roi Philippe le
Bel, l’ingénieur Pitot et les Etats du Languedoc en 1754-56, et bien d’autres
ont tenté par la construction de digues de faire front et de réduire sinon
empêcher les destructions occasionnées par ces évènements.
Vidourlades du nom du
fleuve côtier la ou le Vidourle, célèbre depuis la nuit des temps par ses crues
dévastatrices. Il prend sa source au pied des Cévennes et va jusqu’à la mer Méditerranée
ou plutôt jusqu’à l’étang du Ponant. Mais en fait tous nos cours d’eau du Gard
et de l’Hérault sont capables de se transformer en quelques heures en un véritable
torrent détruisant tout sur son passage. Dans notre village, l’Alzon emporta
plusieurs fois ses ponts au milieu du 19ème siècle. Jusqu’il y a
peu, ces épisodes se produisaient en automne.
Au contact des Cévennes,
les températures baissent au début d’automne et les dépressions au-dessus de la
mer méditerranée gagnent en altitude. L’air chaud et humide se refroidit alors
en butant contre la montagne et en s’élevant naturellement. Au fur et à mesure
de ce refroidissement et arrivé à un certain point de saturation, cet air se
condense, forme de gros nuages qui éclatent en fortes précipitations. La
montagne bloque ces cellules orageuses et la quantité d’eau déversée s’en
accroit. Dernièrement, des journalistes ont qualifié d’ »épisodes cévenoles »
des crues semblables dans le Var. C’est effectivement le même phénomène à
quelques choses près.
Théoriquement les crues
du Vidourle sont centenaires, une tous les cent ans. Mais depuis quelques
temps, nous pouvons en subir plusieurs par an et même plusieurs fois au cours
d’un siècle, tous les 2 ou 5 ans voire 10 ans… Réchauffement climatique ? De
mémoire d’homme nous nous souvenons des crues de 1907, 1933, 1958, 2002. Nous
nous souvenons de noyades, d’inondations d’habitations, de destruction de
ponts, de digues, de routes. Photos et articles de journaux sont là pour nous
les rappeler. Ces événements sont probablement accentués par notre mode de
construction, routes, bétonnage, lotissements, manque d’entretien des digues….
Les vidourlades de 2002
seront sans commune mesure avec les précédentes : le fleuve et ses affluents ont submergé les
barrages ecrêteurs, Sommières avec plus de quatre mètres d’eau. Dans la basse
vallée, les communes de Marsillargues, Aimargues, Lunel sont ravagées par un
Vidourle qui affiche un débit de 2300m3 !
Un habitant raconte après la crue du 6 octobre 1812 à
Sommières:
« Aujourd'hui,
6 octobre 1812, à 4 heures du matin, une inondation de la rivière du Vidourle a
jeté l'alarme dans cette ville. Les eaux n'ont cessé d'augmenter jusqu'à 6
heures du matin avec une rapidité si extraordinaire que, dans un instant, la
consternation est devenue générale. Presque, toutes les maisons ont été
inondées, les eaux sont entrées au premier étage de plus de cent d'entre elles.
Plusieurs réverbères ont été submergés et ont éprouvé des dégâts. Des chevaux,
des mules, des ânes ont été noyés ; presque toutes les murailles des enclos
renversées ; une maison écroulée des charrettes, des voilures, des meubles, des
marchandises ont été emportées. Presque tout le vin et beaucoup d'huile s'est
perdu. Des moulins établis sur cette rivière ont été en partie renversés et
entraînés.
Plusieurs personnes qui s'y
trouvaient n'ayant pu sortir, n'ont dû leur salut qu'à la dernière ressource
qui leur restait de se placer sur le couvert, et ont été heureuses pour se
mettre au seul endroit qui n'a pas été emporté. Les murailles de presque toutes
les propriétés de la plaine ont été renversées, les terres emportées, les
arbres de toute espèce et les ceps de vigne déracinés. Heureusement personne
n'a péri. On pourra avoir une idée de ce désastre et de l'alarme des habitants,
quand on saura qu'aucun être existant n'a vu les eaux du Vidourle s'élever à un
aussi haut degré, puisqu'elles ont été jusque sur le Pont même de cette ville,
où l'on avait été obligé de placer, malgré le mauvais temps, des mules et des
chevaux pour n'avoir pu les faire retirer ailleurs. Les pertes et les dommages
que les habitants ont éprouvés sont immenses. Enfin, il est 6 heures du soir et
les eaux s'étant retirées ont laissé tout dans la plus grande confusion. »
Le
Courrier du Gard en date du 20 mars 1866 nous raconte un autre épisode de ces
phénomènes métrologiques qui finit bien.
Monsieur
E Guérin envoya son voiturier et son sous-maître de chai à Saint-Cériès pour
soutirer du vin. La veille il avait beaucoup plu et on pouvait penser à juste
titre que le gué du Vidourle n’était pas utilisable. Il recommanda à ses
employés de faire un détour par le pont de Lunel. Mais ses employés pour aller
plus vite ne tinrent pas compte de cette prudence. Ils prirent le chemin le
plus court !. Arrivé au Vidourle le sous-maître de chai monta sur le
cheval de tête et le voiturier sur le limonier pensant pouvoir conduire ainsi
l’équipage vers l’autre rive. La rivière grossissait de plus en plus. En face
le petit village de Villetelle sous les écluses du moulin de Carrière.
Mais à
peine l’équipage dans l’eau, la charrette chargée de futailles vides est
soulevée, entrainant le tout, chevaux, conducteurs, charrette… La mort n’était pas
loin et les deux hommes crièrent au secours. Le meunier, la population du
village assistaient à la tragédie sans savoir quoi faire. Le dépoteur monté sur
le cheval de tête est renversé par son animal lorsque celui-ci n’a plus pied et
se met à nager. Après plusieurs essais pour remonter sur la bête, le dépoteur
est rejeté au milieu de la Vidourle et il gagne enfin la rive à la nage. Mais
pour le voiturier les choses sont plus compliquées. Il ne sait pas nager.
Malgré les efforts des trois chevaux, la charrette est poussée par le courant
contre la rive droite là où la profondeur est effrayante. Elle est entrainée de
plus en plus vite. Mais elle passe sous de grands arbres, le voiturier attrape
une branche, s’y cramponne et peut ainsi regagner la rive. La charrette et les
trois chevaux continuent, moitié nageant, moitié portés par le courant. Un bon
kilomètre avait été parcouru depuis leur point de départ et il était à craindre
qu’ils allaient s’écraser contre les écluses de Liquis. Le sous-maître de chai
s’avisa d’appeler les chevaux ; il avait été naguère voiturier et maître
d’un des chevaux. Le cheval de devant, tourna la tête et nagea droit sur son
ancien maître, malgré la force du courant, entrainant les deux autres chevaux
et la charrette. Les habitants de Villetelle aidèrent à l’abordage.
Une
grosse peur !!
On peut
assister plus sereinement chaque année à « la Gaze des chevaux » dans
pratiquement tous les villages traversés par le Vidourle jusqu’ç Aigues-Mortes :
des manades de chevaux et de taureaux traversent le fleuve à gué ou à peu de
profondeur en une fête et concours.
(NB un
dépoteur est celui qui vide un réservoir ou transvase un liquide, ici le vin).
Sources
et pour en savoir plus : www.vidourle.org/vidourle/fleuve-mediterraneen/-- mairie Sommières--- www.objectifgard.com/2014/09/18/sommieres-inondations-un-episode-moins-intense-quen-2002-assure-le-maire-guy-marotte/EPTB
Vidourle (établissement public territorial du bassin)—wikipedia.org--- Le Vidourle
et ses Vidourlades, premiere partie (nemausensis.com) Ivan Gaussen, 1936—gallicaBNF-- Objectif Gard photo Coralie Mollaret 2014---
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.