lundi 4 avril 2022

Les Vidourlades

 

1907-Sommières

Les Vidourlades

Régulièrement on nous parle des « épisodes cévenoles ». Les Romains, le roi Philippe le Bel, l’ingénieur Pitot et les Etats du Languedoc en 1754-56, et bien d’autres ont tenté par la construction de digues de faire front et de réduire sinon empêcher les destructions occasionnées par ces évènements.

Vidourlades du nom du fleuve côtier la ou le Vidourle, célèbre depuis la nuit des temps par ses crues dévastatrices. Il prend sa source au pied des Cévennes et va jusqu’à la mer Méditerranée ou plutôt jusqu’à l’étang du Ponant. Mais en fait tous nos cours d’eau du Gard et de l’Hérault sont capables de se transformer en quelques heures en un véritable torrent détruisant tout sur son passage. Dans notre village, l’Alzon emporta plusieurs fois ses ponts au milieu du 19ème siècle. Jusqu’il y a peu, ces épisodes se produisaient en automne.

Au contact des Cévennes, les températures baissent au début d’automne et les dépressions au-dessus de la mer méditerranée gagnent en altitude. L’air chaud et humide se refroidit alors en butant contre la montagne et en s’élevant naturellement. Au fur et à mesure de ce refroidissement et arrivé à un certain point de saturation, cet air se condense, forme de gros nuages qui éclatent en fortes précipitations. La montagne bloque ces cellules orageuses et la quantité d’eau déversée s’en accroit. Dernièrement, des journalistes ont qualifié d’ »épisodes cévenoles » des crues semblables dans le Var. C’est effectivement le même phénomène à quelques choses près.

Théoriquement les crues du Vidourle sont centenaires, une tous les cent ans. Mais depuis quelques temps, nous pouvons en subir plusieurs par an et même plusieurs fois au cours d’un siècle, tous les 2 ou 5 ans voire 10 ans… Réchauffement climatique ? De mémoire d’homme nous nous souvenons des crues de 1907, 1933, 1958, 2002. Nous nous souvenons de noyades, d’inondations d’habitations, de destruction de ponts, de digues, de routes. Photos et articles de journaux sont là pour nous les rappeler. Ces événements sont probablement accentués par notre mode de construction, routes, bétonnage, lotissements, manque d’entretien des digues….

Les vidourlades de 2002 seront sans commune mesure avec les précédentes : le  fleuve et ses affluents ont submergé les barrages ecrêteurs, Sommières avec plus de quatre mètres d’eau. Dans la basse vallée, les communes de Marsillargues, Aimargues, Lunel sont ravagées par un Vidourle qui affiche un débit de 2300m3 !

Un habitant raconte après la crue du 6 octobre 1812 à Sommières:

 « Aujourd'hui, 6 octobre 1812, à 4 heures du matin, une inondation de la rivière du Vidourle a jeté l'alarme dans cette ville. Les eaux n'ont cessé d'augmenter jusqu'à 6 heures du matin avec une rapidité si extraordinaire que, dans un instant, la consternation est devenue générale. Presque, toutes les maisons ont été inondées, les eaux sont entrées au premier étage de plus de cent d'entre elles. Plusieurs réverbères ont été submergés et ont éprouvé des dégâts. Des chevaux, des mules, des ânes ont été noyés ; presque toutes les murailles des enclos renversées ; une maison écroulée des charrettes, des voilures, des meubles, des marchandises ont été emportées. Presque tout le vin et beaucoup d'huile s'est perdu. Des moulins établis sur cette rivière ont été en partie renversés et entraînés.

 Plusieurs personnes qui s'y trouvaient n'ayant pu sortir, n'ont dû leur salut qu'à la dernière ressource qui leur restait de se placer sur le couvert, et ont été heureuses pour se mettre au seul endroit qui n'a pas été emporté. Les murailles de presque toutes les propriétés de la plaine ont été renversées, les terres emportées, les arbres de toute espèce et les ceps de vigne déracinés. Heureusement personne n'a péri. On pourra avoir une idée de ce désastre et de l'alarme des habitants, quand on saura qu'aucun être existant n'a vu les eaux du Vidourle s'élever à un aussi haut degré, puisqu'elles ont été jusque sur le Pont même de cette ville, où l'on avait été obligé de placer, malgré le mauvais temps, des mules et des chevaux pour n'avoir pu les faire retirer ailleurs. Les pertes et les dommages que les habitants ont éprouvés sont immenses. Enfin, il est 6 heures du soir et les eaux s'étant retirées ont laissé tout dans la plus grande confusion. »


2014

Le Courrier du Gard en date du 20 mars 1866 nous raconte un autre épisode de ces phénomènes métrologiques qui finit bien.

Monsieur E Guérin envoya son voiturier et son sous-maître de chai à Saint-Cériès pour soutirer du vin. La veille il avait beaucoup plu et on pouvait penser à juste titre que le gué du Vidourle n’était pas utilisable. Il recommanda à ses employés de faire un détour par le pont de Lunel. Mais ses employés pour aller plus vite ne tinrent pas compte de cette prudence. Ils prirent le chemin le plus court !. Arrivé au Vidourle le sous-maître de chai monta sur le cheval de tête et le voiturier sur le limonier pensant pouvoir conduire ainsi l’équipage vers l’autre rive. La rivière grossissait de plus en plus. En face le petit village de Villetelle sous les écluses du moulin de Carrière.

Mais à peine l’équipage dans l’eau, la charrette chargée de futailles vides est soulevée, entrainant le tout, chevaux, conducteurs, charrette… La mort n’était pas loin et les deux hommes crièrent au secours. Le meunier, la population du village assistaient à la tragédie sans savoir quoi faire. Le dépoteur monté sur le cheval de tête est renversé par son animal lorsque celui-ci n’a plus pied et se met à nager. Après plusieurs essais pour remonter sur la bête, le dépoteur est rejeté au milieu de la Vidourle et il gagne enfin la rive à la nage. Mais pour le voiturier les choses sont plus compliquées. Il ne sait pas nager. Malgré les efforts des trois chevaux, la charrette est poussée par le courant contre la rive droite là où la profondeur est effrayante. Elle est entrainée de plus en plus vite. Mais elle passe sous de grands arbres, le voiturier attrape une branche, s’y cramponne et peut ainsi regagner la rive. La charrette et les trois chevaux continuent, moitié nageant, moitié portés par le courant. Un bon kilomètre avait été parcouru depuis leur point de départ et il était à craindre qu’ils allaient s’écraser contre les écluses de Liquis. Le sous-maître de chai s’avisa d’appeler les chevaux ; il avait été naguère voiturier et maître d’un des chevaux. Le cheval de devant, tourna la tête et nagea droit sur son ancien maître, malgré la force du courant, entrainant les deux autres chevaux et la charrette. Les habitants de Villetelle aidèrent à l’abordage.

Une grosse peur !!

On peut assister plus sereinement chaque année à « la Gaze des chevaux » dans pratiquement tous les villages traversés par le Vidourle jusqu’ç Aigues-Mortes : des manades de chevaux et de taureaux traversent le fleuve à gué ou à peu de profondeur en une fête et concours.

(NB un dépoteur est celui qui vide un réservoir ou transvase un liquide, ici le vin).

Sources et pour en savoir plus : www.vidourle.org/vidourle/fleuve-mediterraneen/-- mairie Sommières--- www.objectifgard.com/2014/09/18/sommieres-inondations-un-episode-moins-intense-quen-2002-assure-le-maire-guy-marotte/EPTB Vidourle (établissement public territorial du bassin)—wikipedia.org---  Le Vidourle et ses Vidourlades, premiere partie (nemausensis.com) Ivan Gaussen, 1936—gallicaBNF-- Objectif Gard photo Coralie Mollaret 2014--- 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.