dimanche 11 juin 2017

Fayotage à Sumer

Fayotage à Sumer




L’actuel sud de l’Irak a donné le jour à une civilisation qui avait inventé l’écriture, fondé les premières Cités-Etats, avait codifié ses lois…. Les sumériens écrivaient sur des tablettes pictographiques d’argile dont les plus anciennes ont été retrouvées dans les ruines de la cité d’Uruk. Les linguistes se sont attelés à les déchiffrer dès 1929. On s’aperçoit que l’invention de l’écriture engendre recherches du savoir et aussi besoin d’organiser ce savoir. Elle va changer le destin de l’humanité qui va pouvoir se raconter. Tous les peuples vont s’approprier ce mode de communication, pour une meilleure administration des états, mais aussi pour le plaisir de conter, de relater, de rendre compte, pour laisser un message aux autres...
En fait, les fouilles archéologiques en Mésopotamie débutent en décembre 1842, quelques années après la redécouverte de l’Egypte. Cette civilisation mésopotamienne située entre les deux grands fleuves le Tigre et l’Euphrate s’est étendue entre deux pôles, au sud Sumer puis Akkad, qui deviendra la Babylonie et au nord l’Assyrie. « Une épopée d’art, de culture, de fer, et de sang à laquelle notre humanité doit tout » nous disent les historiens Maxime Le Nagard et Thomas Arrighi.

L’historien Samuel Noah Kramer était un spécialiste du décryptage des tablettes sumériennes. Il décède en 1990 aux USA après une vie bien remplie. C’est encore aujourd’hui "Le" spécialiste assyriologue. Ses livres sont régulièrement réédités dont le fameux « L’Histoire commence à Sumer » (1993 édit Flammarion). Il nous y raconte la vie des écoliers 3700 ans avant notre ère, soit près de 6000 ans avant aujourd’hui. Probablement les premiers étudiants de l’humanité !

Tablette et écriture -photo istock-swisshippo


La Tour de Babel Pieter <Bruegel l'Ancien 1563
Musée d'histoire de l'Art Vienne Autriche



Les tablettes nous racontent combien les écoliers étaient désobéissants, ingrats, rebelles à l’autorité malgré la vigilance du surveillant. Ils n’aimaient pas l’école et faisaient l’école buissonnière. Les professeurs étaient sévères, on pratiquait les châtiments corporels désignés par deux signes d’écriture « baguette » et « chair ».
Un programme éducatif était mis en œuvre. On a retrouvé des listes de mots à apprendre par cœur. Un écolier raconte sa journée après que son professeur de la « Maison des Tabletttes » lui eut demandé : »Ecolier où es-tu allé depuis ta plus tendre enfance ? »
-« Je suis allé à l’école » répond d’enfant.
-« Et qu’as-tu fait à l’école ? » reprend l’enseignant.
Réponse de l’élève : « J’ai récité ma tablette, j’ai pris mon déjeuner, j’ai préparé ma nouvelle tablette, je l’ai remplie d’écriture, je l’ai terminée ; puis on m’a indiqué ma récitation, et dans l’après-midi on m’a indiqué mon exercice d’écriture. A la fin de la classe, je suis allé chez moi, je suis entré dans la maison, où j’ai trouvé mon père assis. J’ai parlé à mon père de mon exercice d’écriture, puis j’ai récité ma tablette, et mon père a été ravi…Quand je me suis éveillé tôt le matin, je me suis tourné vers ma mère et je lui ai dit : donne-moi mon déjeuner, je dois aller à l’école. Ma mère m’a donné deux petits pains et je suis allé à l’école.
Le surveillant m’a dit : pourquoi es-tu en retard ? Effrayé et le cœur battant, je suis allé au-devant de mon maître et je lui ai fait une respectueuse révérence. »
A ce moment-là l’enfant reçoit le fouet à plusieurs reprises. Ce qui ne lui plait pas, on le comprend bien. Aussi suggère-t-il à son père d’inviter son maître à la maison et de lui faire quelques cadeaux. C’est probablement le premier exemple de fayotage scolaire de toute l’histoire de l’école rapporté dans les archives.
Il semble que l’opération ait réussi. Le maître de conclure : « Jeune homme parce que vous n’avez pas dédaigné ma parole, ni ne l’avez mise au rebut, puissiez-vous atteindre le pinacle de l’art du scribe, être le guide, de vos amis le chef, puissiez-vous atteindre au plus haut rang parmi les écoliers…Vous avez bien rempli vos tâches scolaires et vous voici devenu un homme de savoir »…


Que va-t-il rester de toutes ces archives après ces années de guerre dans ces régions ? Aux vies détruites s’ajoutent le saccage des traces du passé. On oublie trop vite que le passé nous a construits et que ce que nous sommes aujourd’hui ne peut être compris que par l’étude d’hier. Nous aurons beau jouer du bulldozer, nous sommes l’héritage des temps anciens. L’Histoire est un train en marche et tous les wagons sont essentiels pour aller de l’avant.

Sources : La Mésopotamie le Berceau de l’Humanité –Dossiers La Marche de l’Histoire N°2 Hors-série – Véronique Grandpierre Histoire de la Mésopotamie édit Folio Histoire – Jean Bottéro  Mésopotamie éditFolio Histoire – Samuel Noah Kramer  L’Histoire commence à Sumer  édit Flammarion - Georges Roux La Mésopotamie édit Seuil -
 Photo Tour de Babylone  Pieter Bruegel l’Ancien1563 Musée de l’Histoire de l’Art Vienne Autriche  -wwwbaublatt.ch

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