lundi 23 septembre 2024

Maison ronde ou notre première école-mairie


 Maison Ronde ou notre première école-mairie

 

De tout temps, il est apparu que l’éducation, les apprentisages, sont des enjeux de société importants.Régulièrement les écoles ou les lieux d’enseignement seront favorisés mais contrôlés par les pouvoirs politiques en place. Le XIXème siècle en est un exemple ; avec le triomphe  de la République, les rivalités idéologiques retrouvent de la vigueur et l’Eglise et l’Etat se disputent nos enfants.

Dans notre Midi, après la fermeture des écoles gallo-romaines, le concile de Vaison (la Romaine) de 529, sous la houlette de l’évêque Sant Césaire, décide la création d’écoles paroissiales rurales où les enfants apprendront les psaumes et les textes divins. On va surtout checher à former des futurs clercs.

A Uzès la Charte de 1346 mentionne un maître d’école. Les archives de temps en temps indiquent le paiement d’un loyer, d’un muid de vin, le remplacement du maître…Au cours des siècles les rivalités religieuses vont d’une certaine manière favoriser la création d’écoles pour les enfants puis pour les adultes au 19ème siècle.

A Vallabrix, à la veille de la Révolution de 1789, nous louons pour 5 livres une chambre chez l’habitant pour le maître d’école et sa classe. Nous lui versons un salaire annuel de 120 à 140 livres. Parfois chambre et école sont situées dans le Grand Membre (le vieux château, chez Ruffier ou Agniel). Les enfants sont scolarisés quand les travaux des champs ne les réquisitionnent pas. La plupart aident à la ramasse des feuilles de muriers pour les vers à soie, leurs petits doigts encore souples et pas encore calleux sont mis à contribution dans la confection des bas…. Certains travaillent chez l’artisan du coin, maréchal ferrant, menuisier, fermier….Pour la plupart des enfants, les apprentissages de la lecture, de l’écriture et du calcul ne sont pas encore considérés comme des outils d’émancipation, d’ouverture et de compression du monde …. Les mentalités vont mettre un certain temps pour évoluer. Les enfants seront pendant encore longtemps des bras, une aide économique non négligeable pour les familles.

Le 21 novembre 1831 un projet de construction d’une école primaire voit enfin le jour dans notre village. Mais il nous faudra attendre faute de moyens financiers et d’adhésion des Vallabrixois. La loi du 12 juin 1833 nous donne six ans pour construire. Pour le gardois François Guizot, ministre de l’Instruction publique de 1832 àfévrier1836 et d’octobre1836 à avril 1837, l’instruction est une nécessité économique et une obligation sociale. Il va donner à l’école du peuple une impulsion nouvelle qui va nous emmener pas à pas vers l’obligation, la gratuité, la laïcité de l’enseignement primaire pour tous avec les lois de 1881.

En 1839 à Vallabrix on réaffirme la nécessité d’une école et d’une mairie : les raisons en sont que des archives et des papiers ont été égarés, les réunions municipales se font chez le maire qui pourrait penser qu’il est propriétaire du village….. (avant la Révolution réunions à l’étage du four).Nous allons faire des sacrifices, une réimposition, des coupes de bois, une demande de subvention… La révolution industrielle du 19ème demande des ouvriers instruits un minimum (développement du chemin de fer et des industries associées, métallurgie, mécanique, charpente.. et industrie chimique avec la crise viticole). Il nous faut donc un endroit neutre pour la mairie et une école pour instruire nos enfants.

Un devis et un plan de la future école-mairie arrive le 1er août 1839, architecte d’Uzès Pralong. Le plan est de 1836. Le bâtiment sera situé à l’intérieur du fort, contre les remparts, sur un terrain communal, face à l’église : un étage, trois cheminées et un tuyau pour un poêle dans la salle de classe. C’est en gros, l’actuelle « maison ronde » qui à ce moment n’avait pas d’enceinte ronde de prévue. (maintenant propriété privée). Ce plan reçoit l’accord du comité local d’instruction. Le procès-verbal nous dit que « cette construction offre un local sain et commode, un logement convenable pour l’instituteur…. Un emplacement commode soit pour sa position soit par sa centralisation qui est dans la commune la plus agréable ». Les grandes fenêtres répondent au souci moderne d’hygiène. On a vraiment l’impression que le village tourne une page. Centralisation car à cette époque, le Grand Planat n’était pas construit.

 


Il faudra encore attendre faute de moyens. Mais ce plan est intéressant. On voit que les remparts existent encore à cette date, il faudra les démolir au niveau de la rue et construire dessus. Une croix à l’angle marque une ouverture dans les remparts, vraisemblablement ancienne porte du fort.  Elle sera plus tard déplacée. La rue n’est pas encore percée entre le presbytère et l’église. Le portail 18ème devant le presbytère existait à cette époque, donc peut-être une maison noble s’abritait derrière ce portail, éventualité renforcée par la mention d’une basse-cour à l’emplacement de l’actuelle maison de la famille Gouffet-Pol.. Peut-être le logis de Denis de Bargeton, le dangereux homme de  guerre de Vallabrix qualifié ainsi par l’intendant Lamoignon en 1680 et époux d’Honorade de Guiraud Vallabrixoise huguenote non convertie..

Devant la future école, un vacant communal, donc un terrain qui a eu un propriétaire à une époque. Ce qui renforce notre intuition de constructions démolies au cours des orages politico-religieux des années 1700. Nos élus relancent le projet en 1842, en 1845, on repense à une coupe de bois pour payer le bâtiment.

En septembre 1845 une institutrice est nommée, Adélaïde Roche en attendant « Un » remplaçant qui semble plus apte qu’une femme. Elle devra « se contenter de 200f pour gages et loyer », quand son remplaçant viendra, les gages seront revus. On ne nous dit pas où elle enseigne.

Mais nous manquons de ressources. Il nous faut réparer le clocher, payer une partie de la nouvelle cloche, payer des travaux sur la D5…..Notre situation financière n’est pas très bonne.

La situation politique peut expliquer le fait que les villages tournent au ralenti. Les troubles qui agitent l’Uzège dans les années 1830 ont nécessité la présence de la garde nationale, logeant chez l’habitant dans nos villages jusqu’à fin 1831. La Terreur Blanche et ses Taillons avaient déjà par sa sauvagerie immobilisé la région en 1815. Le pays avait du mal à se stabiliser après les revers politiques de la première moitié du 19ème siècle. Les villages sont passés en une génération, de1804 à 1860 d’un empire à trois régimes royalistes puis à une république pour finir par un autre empire avec Napoléon III, avec tout ce que cela veut dire de tâtonnements, de retournements, de conflits, d’emprisonnements. Sans compter la Révolution de 1789 qui avait laissé des traces dans les mémoires.

 

En mai 1845 nous envisageons une coupe de bois pour financer notre école-mairie. En mai 1846 un devis de Bègue se monte à 5237 frs contre les 4800frs de Pralong. Le comité d’instruction approuve, nous sommes déjà très en retard sur les délais. Nous relançons ce projet en juin 1847. Le sous-préfet trouve la salle du conseil trop grande. Nous allons la cloisonner pour faire un logement pour l’instituteur.

En février 1848 quatre offres se présentent pour la construction. Un maçon d’Uzès remporte le marché, Etienne Laurent. Le devis tombe de 5093 frs à 4390 frs. En mai les travaux sont engagés, le financement est à débloquer. (Sur le plan à voir modernité oblige,les toilettes extérieures avec leur creux à fumier).

 Bègue est l’architecte diocésain, mais ici on le voit intervenir. Grosso modo il reprend le plan de Pralong.  Les travaux ne seront engagés qu’en 1848 pour un devis de 4390 frs. C’est le maçon Dumozel qui a le travail et non Laurent (sous-traitant ?). Son fils se blesse lors des travaux, la commune paie les frais. Les Assurances accidents du travail n’existaient pas encore !!

On va couper du bois pour renflouer les finances en 1848, en 1849. A l’occasion, on évalue la surface des bois sur la commune à 312 hectares. Mais lors de la réception des travaux de l’école-mairie, le 11 novembre 1849, la somme de 1020 frs plus les intérêts, reste à payer.

Nous avons un potentiel de 40 enfants à scolariser. Les enfants sont « élevés dans l’ignorance et ils sont privé de la connaissance indispensable soit du devoir de citoyen ou surtout du devoir de religion ».

Ceci dit sur les quarante susceptibles de suivre l’école, 15 la fréquenteront et payeront la quote-part mensuelle pendant huit mois : 1franc pour la première année de classe, 1,50 f pour le deuxième niveau, et 2 f pour le troisième. Par le coût, on encourage toujours l’apprentissage de la lecture (1er niveau) au détriment de l’enseignement de l’écriture et du calcul (2è et 3è niveaux).  Ecole pour les garçons, car pour les filles se sera la valse-hésitation, les premières oubliées lorsque les finances ou la philosophie du moment le demanderont. Des religieuses les prendront en charge dès 1872, sœur Théresa, sœur Anna, sœur  Odilon dans un local donné par Mme Foussat (maison Salers). Elles venaient de St Régis d’Annonay.

 

Lorsqu’en 1882 on décidera de construire une autre école à l’entrée du village (actuelle mairie), le bâtiment Maison-Ronde sera jugé « peu pratique ni disposé convenablement pour sa destination ». Les filles s’en contenteront un temps. Et pour elles, le chemin sera encore long. En 1933 le conseil municipal désapprouvera la mixité scolaire au nom de la morale et des bonnes mœurs !!!

 


Sources : archives communales –décisions municipales de 1838- 1838/1850 1850/56/68/70  – Couradou de Vallabrix septembre2011 – février 2015 Fonds Historique de Vallabrix Biblio Vallabrix  -  Jean Bernard Vazeille   St Quentin (1981)  - archives départementales du Gard (plan et devis projet Pralong) –

 

 

 

 

mercredi 4 septembre 2024

Le Marquis de Montcalm

 

(château de Candiac en Petite Camargue)

 

Le Marquis de Montcalm

 


Au Québec, une ville porte le nom de Candiac.

Candiac nom du château où Louis-Joseph de Saint-Véran marquis de Montcalm-Gozon nait en France, le 28 février 1712, en Petite Camargue près de Uchaud, Vergèze (maintenant Vestric-Candiac).

La Ville de Candiac du Québec est fondée en 1957, Son nom est choisi en hommage et en souvenir du marquis de Montcalm.

C’est un gentilhomme et un militaire français. Fils de Louis-Daniel de Montcalm et de Marie-Thérèse-Charlotte de Lauris de Castellane, il épouse Angélique Louise Talon de Boulay avec laquelle il aura 10 enfants. Il fait partie de la noblesse d’épée où l’on retrouve l’essentiel des officiers français de l’époque de nos rois Louis XIV-Louis XV. Il est baptisé à Vauvert, toujours en Petite Camargue. Un hameau de cette ville portera d’ailleurs son nom. Gardois, et même Camarguais…. Comment se retrouve-t-il au Québec ?

On le décrit petit, de teint olivâtre, les yeux foncés, méditerranéen. En 1735 au décès de son père il hérite des titres de marquis de Montcalm-Gozon, baron de Gabriac, de Saint-Véran, Candiac, Tournemine, Vestric, Saint-Julien et d’Arpaon.

La famille n’est pas riche de terres et de revenus. Une carrière dans l’armée s’impose. Il suit les traces de son père lieutenant-colonel au régiment de Hainault. Il y sera reçu enseigne dès l’âge de 9 ans. Militaire dans l’âme, il est promu capitaine à 17 ans, colonel à 31 ans, maréchal de camp puis lieutenant général. En 1743 il avait acheté le grade de colonel du régiment d’Auxerrois. À l’époque, on pouvait acheter et vendre les postes d’officiers dans l’armée française, c’est ce qu’on appelle la vénalité des offices.

Il participe aux campagnes des guerres de succession d’Autriche, Pologne, à la guerre de Sept Ans…. Au total 11 campagnes, blessé 5 fois, 7 sièges, 31 ans dans l’armée… Chevalier de Saint-Louis. Marque de la confiance de la Cour, on lui confie toutefois la création d'un nouveau régiment de cavalerie à son nom en 1749. Sa devise est « Mon innocence est ma forteresse ».

E, 1752, le roi lui accorde une pension. Il se retire un temps dans son château de Candiac pour une retraite paisible et pour veiller à l’éducation de ses enfants.

Mais il est envoyé en 1756 au Canada pour défendre la Nouvelle-France menacée par les Anglais. Il va les tenir en échec pendant trois ans. Puis, symbole fort ? lui et son rival anglais James Wolfe seront tués lors de la bataille des Plaines d’Abraham, sonnant le début de la fin des ambitions françaises au Canada.

Un peu réticent avant de s’engager en Nouvelle-France, prémonition ou fatigue, malgré le titre de maréchal de camp, il écrira : «Je crus devoir accepter une commission aussi honorable que délicate qui assurait la fortune de mon fils, objet intéressant pour un père, commission que je n'avais ni désirée ni demandée». Il négocie aussi une rente de veuve pour son épouse, si les choses devaient mal tourner.

Il quitte Brest en 1756 sur la frégate La Licorne pour a Nouvelle-France. Il s’est entouré d’officiers professionnels et d’ingénieurs. A son arrivée il trouve une situation intenable : 65 000 habitants en Nouvelle France, 1 610 000 dans les colonies anglaises, une marine britannique puissante. Lui doit faire face avec quelque 5 000 soldats français, et 10 000 hommes des compagnies franches de la Marine et des milices locales. À peine débarqué, Montcalm se retrouve en conflit avec le gouverneur général Vaudreuil sur la stratégie à employer. À l’instar de plusieurs de ses camarades, il note ses observations sur la géographie, le climat, les  autochtones et la société coloniale dans un petit carnet. Le marquis constate ainsi que les Canadiens parlent un très bon français ponctué d’expressions tirées de la marine.

(Bataille de Fort William Henry – Montcalm essayant d’empêcher les amérindiens d’attaquer les soldats et civils britanniques -1870-1880)


Fin tacticien, il est économe du sang de ses hommes tout en étant audacieux dans la conduite des opérations. Lors de la destruction de Fort William Henry, il va intervenir rapidement pour faire cesser les violences de ses alliés autochtones envers des petits groupes anglo-américains qu’il fera escorter vers les lignes britanniques par ses soldats.

Ce sera les victoires de Chouagen en 1756, William Henry en 1757, Carillon en 1758. Puis en 1759 ce sera la défaite d’Abraham. Mortellement blessé, mais ayant toute sa lucidité il est ramené à Québec où il décède après avoir reçu les derniers sacrements et après avoir mis ses affaires en ordre. Il aurait dit à l’un des frères du chirurgien André Arnoux :

 « - Combien de temps me reste-t-il à vivre ?
- Une douzaine d'heures, tout au plus, Votre Excellence.
- Tant mieux, je ne verrai pas la reddition de Québec. »

Louis-Joseph marquis de Montcalm, lieutenant général du roi en Nouvelle-France, s'éteint à Québec le 14 septembre 1759, à 5 heures du matin.

Sa mort démoralise les troupes qui quittent Québec le jour-même. Malgré une contre-offensive française et la victoire de Sainte-Foy, les Britanniques gagnent tout le Canada. En 1763, le traité de Paris entérine la fin de la Nouvelle-France.

A Nîmes à deux pas de la Porte de France, une place lui est consacrée. Elle donne sur la rue de la République.. La Nouvelle-France a disparu mais Québec et Montréal sont encore  francophones, peut-être même pour Montréal la deuxième en monde.

Montcalm est enterré au carré militaire à Québec. En 2001, les restes du marquis de Montcalm sont transférés au cimetière de l’Hôpital-Général de Québec au cours d’une cérémonie présidée par le premier ministre Bernard Landry. Il y repose toujours dans un mausolée qui lui est consacré.

En France, une frégate de la Marine nationale porte son nom, et de même une promotion de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr.


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Le mausolée de Montcalm à Notre-Dame-des-Anges.

/francearchives.gouv.fr/fr/pages_histoire/40082—




A Québec, la maison Montcalm où le marquis avait séjourné, a été classée monument historique en 1973.

 Une souscription internationale est lancée et grâce à la ténacité de Gaston Bouzanquet (1866-1937), viticulteur, poète, une stèle surmontée d’une statue du Marquis de Montcalm est érigée à Vestric-Candiac le 17 juillet 1910. Elle est du sculpteur gardois Léopold Morice (1846-1920). Une réplique trône à Québec dès 1911.

 

Son adversaire James Wolfe fera l’objet d’une controverse tant en Angleterre qu’au Canada. Un obélisque à la mémoire de Wolfe victorieux était en place à l'endroit de sa mort sur les Plaines d'Abraham depuis le XIXe siècle. Régulièrement vandalisée, elle a fini par être isolée dans un carrefour giratoire tandis que la mention « victorieux » a été définitivement effacée. La maisonnette occupée par Wolfe pendant la majorité de la campagne de 1759 n'a pas été transformée en monument, mais en toilette publique, sans la moindre inscription

 


 Montcalm conduisant ses troupes aux Plaines d'Abraham.

(avec la permission de Charles William Jefferys/Bibliothèque et Archives Canada/e010999530)

 

Sources et pour en savoir plus : Joy Carroll. Wolfe et Montcalm : la véritable histoire de deux chefs ennemis, Montréal : Éditions de l'Homme, 2006, 362 p. (ISBN 2-7619-2192-5) [traduit de l'anglais par Suzanne Anfossi].--/francearchives.gouv.fr/fr/pages_histoire/40082— Bibliothèque et Archives Canada/C-27665)--- wiipedia.org--- www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/montcalm-louis-joseph-de-marquis-de-montcalm

www.biographi.ca/fr/bio/montcalm_louis_joseph_de_3F.htmlwww.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/montcalm-louis-joseph-de-marquis-de-montcalm--- /heritage.bnf.fr/france-ameriques/fr/montcalm-article-fondationlionelgroulx.org/programmation/19/06/05/figures-marquantes/louis-joseph-de-montcalm---