Maison Ronde ou notre première école-mairie
Dans notre Midi, après la fermeture des écoles gallo-romaines,
le concile de Vaison (la Romaine) de 529, sous la houlette de l’évêque Sant
Césaire, décide la création d’écoles paroissiales rurales où les enfants
apprendront les psaumes et les textes divins. On va surtout checher à former
des futurs clercs.
A Uzès la Charte de 1346 mentionne un maître d’école. Les
archives de temps en temps indiquent le paiement d’un loyer, d’un muid de vin,
le remplacement du maître…Au cours des siècles les rivalités religieuses vont
d’une certaine manière favoriser la création d’écoles pour les enfants puis
pour les adultes au 19ème siècle.
A Vallabrix, à la veille de la Révolution de 1789, nous
louons pour 5 livres une chambre chez l’habitant pour le maître d’école et sa
classe. Nous lui versons un salaire annuel de 120 à 140 livres. Parfois chambre
et école sont situées dans le Grand Membre (le vieux château, chez Ruffier ou
Agniel). Les enfants sont scolarisés
quand les travaux des champs ne les réquisitionnent pas. La plupart aident à la
ramasse des feuilles de muriers pour les vers à soie, leurs petits doigts
encore souples et pas encore calleux sont mis à contribution dans la confection
des bas…. Certains travaillent chez l’artisan du coin, maréchal ferrant,
menuisier, fermier….Pour la plupart des enfants, les apprentissages de la
lecture, de l’écriture et du calcul ne sont pas encore considérés comme des
outils d’émancipation, d’ouverture et de compression du monde …. Les mentalités
vont mettre un certain temps pour évoluer. Les enfants seront pendant encore
longtemps des bras, une aide économique non négligeable pour les familles.
Le
21 novembre 1831 un projet de construction d’une école primaire voit enfin le
jour dans notre village. Mais il nous faudra attendre faute de moyens
financiers et d’adhésion des Vallabrixois. La loi du 12 juin 1833 nous donne
six ans pour construire. Pour le gardois François Guizot, ministre de
l’Instruction publique de 1832 àfévrier1836 et d’octobre1836 à avril 1837,
l’instruction est une nécessité économique et une obligation sociale. Il va
donner à l’école du peuple une impulsion nouvelle qui va nous emmener pas à pas
vers l’obligation, la gratuité, la laïcité de l’enseignement primaire pour tous
avec les lois de 1881.
En
1839 à Vallabrix on réaffirme la nécessité d’une école et d’une mairie :
les raisons en sont que des archives et des papiers ont été égarés, les
réunions municipales se font chez le maire qui pourrait penser qu’il est
propriétaire du village….. (avant la
Révolution réunions à l’étage du four).Nous allons faire des sacrifices,
une réimposition, des coupes de bois, une demande de subvention… La révolution
industrielle du 19ème demande des ouvriers instruits un minimum (développement du chemin de fer et des
industries associées, métallurgie, mécanique, charpente.. et industrie chimique
avec la crise viticole). Il nous faut donc un endroit neutre pour la mairie
et une école pour instruire nos enfants.
Un
devis et un plan de la future école-mairie arrive le 1er août 1839,
architecte d’Uzès Pralong. Le plan est de 1836. Le bâtiment sera situé à
l’intérieur du fort, contre les remparts, sur un terrain communal, face à
l’église : un étage, trois cheminées et un tuyau pour un poêle dans la
salle de classe. C’est en gros, l’actuelle « maison ronde » qui à ce
moment n’avait pas d’enceinte ronde de prévue. (maintenant propriété privée). Ce
plan reçoit l’accord du comité local d’instruction. Le procès-verbal nous dit
que « cette construction offre un
local sain et commode, un logement convenable pour l’instituteur…. Un
emplacement commode soit pour sa position soit par sa centralisation qui est
dans la commune la plus agréable ». Les grandes fenêtres répondent au
souci moderne d’hygiène. On a vraiment l’impression que le village tourne une
page. Centralisation car à cette époque, le Grand Planat n’était pas construit.
Devant
la future école, un vacant communal, donc un terrain qui a eu un propriétaire à
une époque. Ce qui renforce notre intuition de constructions démolies au cours
des orages politico-religieux des années 1700. Nos élus relancent le projet en
1842, en 1845, on repense à une coupe de bois pour payer le bâtiment.
En
septembre 1845 une institutrice est nommée, Adélaïde Roche en attendant
« Un » remplaçant qui semble plus apte qu’une femme. Elle devra
« se contenter de 200f pour gages et loyer », quand son remplaçant
viendra, les gages seront revus. On ne nous dit pas où elle enseigne.
Mais
nous manquons de ressources. Il nous faut réparer le clocher, payer une partie
de la nouvelle cloche, payer des travaux sur la D5…..Notre situation financière
n’est pas très bonne.
La
situation politique peut expliquer le fait que les villages tournent au
ralenti. Les troubles qui agitent l’Uzège dans les années 1830 ont nécessité la
présence de la garde nationale, logeant chez l’habitant dans nos villages
jusqu’à fin 1831. La Terreur Blanche et ses Taillons avaient déjà par sa
sauvagerie immobilisé la région en 1815. Le pays avait du mal à se stabiliser
après les revers politiques de la première moitié du 19ème siècle.
Les villages sont passés en une génération, de1804 à 1860 d’un empire à trois
régimes royalistes puis à une république pour finir par un autre empire avec
Napoléon III, avec tout ce que cela veut dire de tâtonnements, de
retournements, de conflits, d’emprisonnements. Sans compter la Révolution de
1789 qui avait laissé des traces dans les mémoires.
En
mai 1845 nous envisageons une coupe de bois pour financer notre école-mairie. En
mai 1846 un devis de Bègue se monte à 5237 frs contre les 4800frs de Pralong.
Le comité d’instruction approuve, nous sommes déjà très en retard sur les
délais. Nous relançons ce projet en juin 1847. Le sous-préfet trouve la salle
du conseil trop grande. Nous allons la cloisonner pour faire un logement pour
l’instituteur.
En
février 1848 quatre offres se présentent pour la construction. Un maçon d’Uzès
remporte le marché, Etienne Laurent. Le devis tombe de 5093 frs à 4390 frs. En
mai les travaux sont engagés, le financement est à débloquer. (Sur le plan à voir modernité oblige,les
toilettes extérieures avec leur creux à fumier).
Bègue est l’architecte diocésain, mais ici on le voit intervenir. Grosso modo il reprend le plan de Pralong. Les travaux ne seront engagés qu’en 1848 pour un devis de 4390 frs. C’est le maçon Dumozel qui a le travail et non Laurent (sous-traitant ?). Son fils se blesse lors des travaux, la commune paie les frais. Les Assurances accidents du travail n’existaient pas encore !!
On
va couper du bois pour renflouer les finances en 1848, en 1849. A l’occasion,
on évalue la surface des bois sur la commune à 312 hectares. Mais lors de la
réception des travaux de l’école-mairie, le 11 novembre 1849, la somme de 1020
frs plus les intérêts, reste à payer.
Nous
avons un potentiel de 40 enfants à scolariser. Les enfants sont « élevés
dans l’ignorance et ils sont privé de la connaissance indispensable soit du
devoir de citoyen ou surtout du devoir de religion ».
Ceci
dit sur les quarante susceptibles de suivre l’école, 15 la fréquenteront et
payeront la quote-part mensuelle pendant huit mois : 1franc pour la
première année de classe, 1,50 f pour le deuxième niveau, et 2 f pour le
troisième. Par le coût, on encourage toujours l’apprentissage de la lecture (1er
niveau) au détriment de l’enseignement de l’écriture et du calcul (2è et 3è
niveaux). Ecole pour les garçons, car
pour les filles se sera la valse-hésitation, les premières oubliées lorsque les
finances ou la philosophie du moment le demanderont. Des religieuses les
prendront en charge dès 1872, sœur Théresa, sœur Anna, sœur Odilon dans un local donné par Mme Foussat
(maison Salers). Elles venaient de St Régis d’Annonay.
Lorsqu’en
1882 on décidera de construire une autre école à l’entrée du village (actuelle
mairie), le bâtiment Maison-Ronde sera jugé « peu pratique ni disposé convenablement pour sa destination ».
Les filles s’en contenteront un temps. Et pour elles, le chemin sera encore
long. En 1933 le conseil municipal désapprouvera la mixité scolaire au nom de
la morale et des bonnes mœurs !!!
Sources :
archives communales –décisions municipales de 1838- 1838/1850
1850/56/68/70 – Couradou de Vallabrix
septembre2011 – février 2015 Fonds Historique de Vallabrix Biblio
Vallabrix - Jean Bernard Vazeille St Quentin (1981) - archives départementales du Gard (plan et
devis projet Pralong) –