mardi 4 mai 2021



  Amadouvier

 L’amadouvier est bien connu de nos garrigues et de nos jardins. Il suffit de lever le nez lors de nos promenades.

Esco en Languedoc, escolo en Provence, c’est un champignon, un polypore (fomes fomentarius) arrimé, collé aux troncs des arbres avec une préférence pour les hêtres et les chênes vivants ou morts, des arbres fatigués. Une blessure sur le tronc et il s’est implanté. Il peut atteindre jusqu’à 40 cm et 2 kg. Les plus vieux abritent des colonies d’insectes. Son nom latin Fomes Fomentarius indique ses usages très anciens : "les brindilles qui alimentent le feu" et "pansement, topique, calmant"

Nos anciens avaient découvert effectivement plusieurs usages à ce champignon, en particulier combustible pour allumer un feu. La présence de foyers organisés, cercle de pierre, charbon…, indique que l’usage du feu remonte à une époque très reculée, probablement au moins 500 000 ans. Récupération d’un feu accidentel, ou naturel, notre enfance a été bercée par des bandes dessinées qui parlaient de la Guerre du Feu !!

Mais plus sérieusement des fouilles archéologiques ont montré des « briquets » de la période -18 000 ans qui prouvent une maîtrise du feu. En 1991, un homme du chalcolithique (âge du cuivre) vieux de 5300 ans est retrouvé dans un glacier autrichien avec sur lui un morceau de pyrite, un silex et un champignon l’Amadouvier.

L’amadouvier était ramassé, découpé en tranches, débarrassé de sa cuticule qui l’entoure : sa chair brune rouille était ainsi mise à nu. Elle-même découpée en fines lamelles, battues avec une pierre ou plus tard avec un maillet pour les rendre molles. Pour faciliter leur embrassement, on pouvait les tremper dans du salpêtre ou du chromate de plomb. On pouvait aussi la cuire dans de l’eau avec de la cendre de bois. (Vers 1840 l’amadou sera remplacé par une mèche de coton trempée dans du chromate de plomb).

Et elles étaient prêtes pour recevoir une étincelle qui les rendrait incandescentes. Cette étincelle était produite par le frottement d’une pierre de silex contre un fragment de  pierre comme la marcassite, plus tard d’acier comme sur la photo ci-contre, une pièce d’acier avec deux encoches pour une bonne prise en main.  C’est l’ancêtre de nos briquets modernes, mais là il fallait endurance et force pour obtenir un résultat. (www.cours-la-ville.fr.nf/le-feux-au-moyen-age)/

Un lien en français avec le verbe « amadouer » ? Effectivement, les mendiants au Moyen Age se frottaient le visage avec un bout d’amadouvier, pour se jaunir la face et provoquer ainsi la compassion et la générosité.

Les artificiers s’en servaient aussi car sa combustion lente et régulière ne dégageait pas de fumée.

Ses qualités hydrophiles en font un allié des pêcheurs pour conserver leurs appâts au sec, posés sur des lamelles d’amadou. Sa chair souple a servi et sert encore dans certains pays pour la confection de vêtements, chapeaux…remplaçant le feutre de laine. La chasuble de l’archevêque de Fribourg aurait été réalisée en tissu d’amadou.

Lors de l’exposition universelle de 1862, des vêtements, des casquettes en amadou étaient présentés.

L’amadou aurait aussi son utilité pour soigner des cors aux pieds, les ongles incarnés !

Ce champignon aura aussi une utilisation en médecine et en pharmacie. L’amadouvier disparait du Codex seulement en 1937 ! On en trouve encore dans les musées d’hôpitaux ou de facultés de médecine, pansements, bocaux…

Sa texture cotonneuse donna l’idée de s’en servir pour arrêter les hémorragies. L’amadou y gagna le surnom d’ »agaric des chirurgiens » ou parfois « agaric de Provence », (parfois de « mèches d’Allemagne » utilisées par les artificiers).


(Pharmacie portative de 1863 contenant un pansement en amadou conservée au Musée de la Pharmacie de Montpellier - (cliché : B. Roussel)).

Hippocrate au 5ème siècle avt notre ère proposait de placer des morceaux d’amadou incandescents sur la peau près de l’organe à soigner. Un médecin byzantin Paul d’Egine dans son livre L’Epitomé mentionne l’amadou pour « cautériser la région de l’estomac ».

Sauveur François Morand (1697-1773) chirurgien en chef des Invalides, chargé de vérifier l’efficacité de l’amadou, écrit un mémoire consacré aux « moyens d’arrêter le sang des artères sans le secours de la ligature ». L’amadou permet des amputations, des opérations de l’anévrisme, du filet de la langue, de fistule…. Boissier de Sauvages en 1756 nous dit que l’amadou est utilisé depuis fort longtemps pour arrêter les hémorragies. Silvain Brossard, autre chirurgien, sera d’ailleurs récompensé par le roi Louis XV en 1751 pour son travail sur l’amadou.

Garidel signale l’agaric de Provence dès 1715. Pierre Du Verney en 1702 propose de mettre à l’orifice de la plaie une « mèche d’Allemagne », c’est-à-dire un morceau d’amadou.

Brossard raconte qu’il avait traité deux cas avec succès : un cavalier du régiment de La Rochefoucauld à l’artère radiale sectionnée par un coup de sabre et un laboureur du Berry amputé d’une jambe. Cette expérience avait peut-être pour origine un bûcheron blessé avec sa hache avait arrêté le sang au moyen d’un morceau d’amadouvier se trouvant à portée de sa main.

Dans les années 1950, dans les campagnes allemandes on utilisait encore ces pansements en amadou pour les petites coupures.

Autres usages : maux de têtes, règles douloureuses, problèmes urinaires, transpiration excessive, hémorroïdes en fumigation…. En Inde, il est connu pour ses propriétés diurétiques, laxatives et toniques. En Extrême-Orient, il traitait les crises de foie et certains cancers.


Sources et pour en savoir plus : www.aujardin.info/champignons/fomes-fomentarius.php

-- www.persee.fr › doc › pharm_0035-2349_2002_num_90...—Hubert Delobette Alice Dorques Trésors retrouvés de la Garrigue  édit Papillon Rouge Isbn 2-9520261-0-6--- www.cours-la-ville.fr.nf/le-feux-au-moyen-age---Bertrand Roussel Sylvie Rapior Colette Charlot ChristianLouis Masson Paul Boutié  Histoire des utilisations thérapeutiques de l’amadoucier Persee internet-- /www.futura-sciences.com/planete/dossiers/botanique-decouverte-amadouvier-218/page/4/

 

 

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