mercredi 14 août 2024

Nicolas Froment

 

 


Le Christ et Sainte Marthe
Panneau gauche de La Résurrection de Lazare

Nicolas Froment et Uzès


Autoportrait présumé extrait de La Résurrection de Lazare, panneau central 1461

Une rue, des bâtiments d’Uzès portent le nom de Nicolas Froment. Qui était-il ?

Un peintre peut-être venu de Picardie et qui s’installe un temps à Uzès vers 1465, puis c’est Avignon. En 1482 il rédige son testament et meurt à Avignon en 1486.

Les peintres ont toujours été attirés par notre Gard, son histoire, ses ruines. Le passé dans les pierres, les paysages qui reflètent les passions, les activités des hommes… Contemplation, rêveries, qui conduisent à l’art du paysage. Au 14ème et 15ème siècles, les artistes arrivent d’Italie, de Flandre, de Bourgogne pour décorer le Palais des Papes et les belles demeures d’Avignon et des alentours. La Guerre de Cent ans se termine autour du milieu du 15ème siècle, la Renaissance n’est pas loin ; dans notre pays on relance l’économie mise à mal pendant toute cette période. La bourgeoisie s’installe et influence la gouvernance, l’ancienne petite noblesse a été décimée en grande partie par les guerres. La mode est aux portraits « véridiques », qui montrent les visages tels qu’ils sont, sans enjoliver, on est fier d’être bourgeois, influents, aisés sinon riches.

On pense aux conquêtes de pays lointains, Christophe Colomb et ses confrères ne sont pas loin.  Mais le siècle que l’on vient de vivre entre guerres, épidémies, routiers.. nous pousse vers un art religieux austère, le clair-obscur.

Nicolas est né vers 1430-35. Il est formé par des maîtres flamands dans les années 1460-1465. Il sera très influencé par ce style. Il aurait été élève en particulier de Dirk Bouts,  un spécialiste des tableaux religieux qui dominait bien la peinture à l’huile sur bois. Nicolas comme la plupart des peintres apprentis voyage en Italie. De son premier voyage en 1461 il peint pour le couvent des Observantins de Mugello « La Résurrection de Lazare ».

A Avignon il rencontre Enguerrand Quarton, un artiste d’un courant très actif de la Seconde Ecole d’Avignon qui mélange les clairs obscurs italiens et la sévérité flamande. Très vite Nicola Froment jouit d’une très bonne notoriété locale. Il possède plusieurs maisons à Uzès. Les commandes affluent.


Une grande partie de ses œuvres a disparue malheureusement. Nicolas est un peintre plutôt traditionnel, mais capable d’immenses compositions. Il arrive à concilier le réalisme des peintres flamands et les paysages toscans des peintres florentins.

Il sera le peintre officiel du roi René d’Anjou dont il décorera la maison d’Avignon. Les livres de comptes royaux montrent de nombreuses commandes de tableaux. A cette époque le Bon Roi René règne sur l’Anjou, la Lorraine et la Provence en souverain efficace.

(Portraits de René, duc d'Anjou, comte de Provence, roi de Sicile et de Jérusalem ( 1409-1480) et de sa seconde femme, Jeanne de Laval (décédée rn 1498). Au revers une tige de lis couronnée, entourée d'une banderolle portant la devise de Jean de Matheron, "Ditat servata fides". Donné par le roi René à Jean de Matheron, président de la Cour des Maîtres rationaux de Provence).

Sources et pour en savoir plus : ://www.rivagedeboheme.f—wikipedia.org---Léon Honoré Labande Le peintre Nicolas Froment –Persée 1931 p273--- www.universalis.fr>encyclopedie--- www.untoitpourtous.fr/29-patrimoine/tout-secteur/261-fiche-le-nicolas-froment--office du tourisme Uzès— 

 

 

 

dimanche 4 août 2024

La langue Occitane

 

La  Lenga occitana

La langue occitane, d’où vient-elle ? Un Occitan de Bordeaux comprend, à peu près, un habitant de Nice ou de Limoges. Ma mère avec son patois du Haut-Bugey et Maria de son Valais italien se racontaient leurs vies. En 1904 Fréderic Mistral (1830-1914) est le premier écrivain à recevoir le prix Nobel de littérature pour un long poème écrit dans une langue non reconnue officiellement par l’Etat : « Mirèro », (Mireille), une œuvre en vers de douze chants qui raconte les amours contrariés de Vincent et Mireille, deux jeunes Provençaux. Avec Mistral, Joseph Roumanille et Théodore Aubanel vont relancer la langue occitane dès 1854, Les Félibres, en établissant une orthographe dite graphie mistralienne.

Les langues sont toujours le résultat de mélanges, d’évolutions s’étendant sur plusieurs siècles. Elles racontent notre histoire ou sont le résultat de notre histoire…. Et elles continueront leurs chemins bien après nous.

Avant l’installation des Romains en Gaule, (-119 avant notre ère à 486) on parlait dans notre pays des langues venues de l’est, du sud, parfois de très loin, du fin fond de la méditerranée ou des confins de la Germanie et même de la Sibérie actuelle. Déjà résultats d’invasions, de commerce, d’inventions d’artisans, de contacts entre les gens. Toutes ces langues seront peu à peu transformées, malaxées par le latin des Romains jusqu’à la création d’un latin dit « populaire ». Mais quelques racines resteront : au nord de la Loire, une influence germanique, et au sud une influence méditerranéenne et latine : les fameuses langues d’oïl et d’oc que l’on retrouve de façon très nette à l’époque de Charlemagne (IXème siècle).  « Oui » se dit différemment de chaque côté du fleuve la Loire, oïl et oc.

 La langue d’oïl qui englobe le chtimi, picard, champenois, lorrain, franc-comtois, morvandiau ; bourbonnais, saintongeais, angevin, gallo….. La langue d’oc : limousin, auvergnat, gavot, languedocien, béarnais, gascon, vivaro-alpin, provençal…. Le flamand, le corse, l’alsacien, le francique mosellan, le basque, le breton font bande à part. Le catalan, certains y voient une influence plutôt espagnole, mais… Ne perdons pas de vue que l’occitan est une langue romane, comme l’espagnol, le français, l’italien, le portugais, le roumain.

Oïl et Oc, un vocabulaire, une grammaire, une prononciation différents. Les mots latins n’ont pas été déformés de la même manière. Une oralité et une écriture.

Entre l’an 1000 et l’an 1350 dans cette deuxième partie du Moyen Age, sept millions d’habitants communiquent quotidiennement en langue d’oc, de la côte basque à l’Italie et même plus loin. C’est l’âge d’or de cette langue. Et c’est une forme d’unité territoriale qui rend bien service au commerce, aux échanges philosophiques, artistiques, religieuses… On la retrouve dans les échanges commerciaux internationaux de l’époque. Ce qui ne plait pas toujours aux autorités politiques des pays voisins, y compris au royaume de France.

Nous allons transporter cette langue au cours des croisades au Moyen-Orient, des immigrations vers les Amériques. Les protestants de la Révocation de l’Edit de Nantes, les émigrés de la Révolution de 1789 vont l’emmener dans leurs besaces dans d’autres contrées, d’autres pays. Je me souviens d’une rencontre dans les années 1992 : un Syrien dont une arrière-grand-mère s’appelait « Solliesa » probablement une déformation de  l’occitan «lo solelh », le soleil ou un endroit ensoleillé !! Un prénom qui venait du fin-fond de l’Histoire. 

Dans cette période du Moyen Age, la langue d’oc est alors une grande langue de culture en Europe. La poésie courtoise avec ses quelques cinq cents troubadours connus à ce jour, s’y développe, avec un mode de vie où la femme a sa place, surtout dans les classes sociales aisées. Dante (1265-1321) le père de la langue italienne, disait que la langue d’oc est « la plus douce et la plus parfaite ». On la retrouve dans un code écrit qui donne une orthographe assez uniforme, dans les textes techniques comme le Traité d’Arpentage, ou dans des documents administratifs comme « le Petit Thalamus de Montpellier » qui raconte la ville jour après jour. L’occitan devient dès le 13ème siècle la langue utilisée dans les traités de médecine, de chirurgie, d’arithmétique.

En 1355 lorsque le roi de France réunit les Etats Généraux, il doit organiser deux sessions : une pour les régions de langue d’oïl, et une autre l’année suivante pour les régions de langue d’oc.  Loin de l’Occitanie, Richard Cœur de Lionroi d'Angleterre et duc d'Aquitaine, occitanophone de naissance grâce à sa mère Aliénor d'Aquitaine, utilisait l’occitan et le latin.


(Carcassonne 1962-collection privée)

La guerre de Cent Ans, la peste du 15ème siècle, les bouleversements démographiques et sociétaux, les guerres de religion du 16ème siècle vont faire entrer l’occitan dans une période d’anarchie graphique. Au royaume de France on s’oriente vers une unité : une langue, un roi, une autorité politique.

François 1er (1494-1547) impose en 1539 l’usage exclusif de la langue française proche de l’orléanais dans les actes juridiques et administratifs. C’est l’Edit de Villers-Cotterêts. Pendant quatre siècles environ, dans le quotidien on continue à parler en langue d’oïl ou d’oc, mais dans l’écrit le français gagne du terrain. La langue d’oc se déstructure plus vite, sans dictionnaire, sans grammaire et surtout sans encouragement royal. Mais elle continue à être parlée dans les classes populaires jusqu’aux années 1950.

Rappelons Jean Racine qui écrit à son ami Jean De La Fontaine lors de son séjour dans notre bonne ville d’Uzès : « Je vous jure que j’ai autant besoin d’interprète en ce pays qu’un Moscovite dans Paris »…

Notre 3ème République n’a pas compris que le bilinguisme était une richesse. Au début du 20ème siècle il était honteux de parler sa langue maternelle, celle de ses aïeux, tout en se servant du français national. Chaque langue porte en elle une manière de présenter, de définir les choses. Et puis le bilinguisme est une gymnastique du cerveau qui facilitera pour l’enfant l’apprentissage d’autres langues, des mathématiques, de la musique….

Aujourd’hui, entre 600 000 et un million de personnes parlent encore l’occitan, soit 3 à 6 % en régions occitanes (20% en Lozère et Aveyron, moins de 3% dans le Gard et l’Hérault), surtout utilisée par les plus de 68 ans. L’UNESCO définit la langue occitane comme une langue en grand danger d’extinction. Elle est reconnue par l’Union Européenne et l’ONU via l’Unesco. En Catalogne elle est la troisième langue officielle derrière le catalan et l’espagnol. Chez nous, la loi du député breton Paul Molac adoptée par le parlement en 2021 institue des mesures de protection et de promotion dans les domaines du patrimoine, de l’enseignement et les services publics….. Ici et là la culture occitane connait un essor : maisons d’édition, journaux, radios…Environ 4000 élèves dans les écoles bilingues laïques les calandretas, en primaire et secondaire. Et bien d’autres initiatives… Elle n’est plus seulement parlée mais aussi à nouveau écrite.

L’occitan s’est introduit en douce dans notre vie, le francitan. On dit « le poutou », « s’entraver », « une couillonnade », « la ratoune », « se calciner », « la panouille », « le pan-bagnat », « péguer », « rouscailler »….. et bien d’autres !!! Une appli magique pour envoyer ses mails en occitan comme si nous parlions couramment cette langue : « revirada » (gratuit pour les petits textes).

« comme un refrain défendu qui vibre au cœur de chaque pierre, il reste un murmure fragile, malgré la ronde de vigiles qui veillent au silence absolu » nous chante Francis Cabrel en 2017 dans son tube « In extremis »

A écouter aussi le groupe Los de Nadau, avec son chanteur Michel Maffrand.

L’occitan n’a pas dit son dernier mot !!!

 


Sources et pour en savoir plus : Jean Sagnes Petite Histoire de l’Occitanie éditions Cairn Morlaas—Cirdoc Grande Médiatique Occitane  Béziers 1bis bd Bertrand du Guesclin BP 180—La Gazette de Nîmes  n)1304 30mai2024----wikipedia.org---