
La Lenga occitana
La langue
occitane, d’où vient-elle ? Un Occitan de Bordeaux comprend, à peu près, un
habitant de Nice ou de Limoges. Ma mère avec son patois du Haut-Bugey et Maria
de son Valais italien se racontaient leurs vies. En 1904 Fréderic Mistral
(1830-1914) est le premier écrivain à recevoir le prix Nobel de littérature
pour un long poème écrit dans une langue non reconnue officiellement par
l’Etat : « Mirèro », (Mireille), une œuvre en vers de douze
chants qui raconte les amours contrariés de Vincent et Mireille, deux jeunes
Provençaux. Avec Mistral, Joseph Roumanille et Théodore Aubanel vont relancer
la langue occitane dès 1854, Les Félibres, en établissant une orthographe dite
graphie mistralienne.
Les langues sont toujours
le résultat de mélanges, d’évolutions s’étendant sur plusieurs siècles. Elles racontent
notre histoire ou sont le résultat de notre histoire…. Et elles continueront
leurs chemins bien après nous.
Avant l’installation des
Romains en Gaule, (-119 avant notre ère à 486) on parlait dans notre pays des
langues venues de l’est, du sud, parfois de très loin, du fin fond de la
méditerranée ou des confins de la Germanie et même de la Sibérie actuelle. Déjà
résultats d’invasions, de commerce, d’inventions d’artisans, de contacts entre
les gens. Toutes ces langues seront peu à peu transformées, malaxées par le
latin des Romains jusqu’à la création d’un latin dit « populaire ». Mais
quelques racines resteront : au nord de la Loire, une influence
germanique, et au sud une influence méditerranéenne et latine : les fameuses
langues d’oïl et d’oc que l’on retrouve de façon très nette à l’époque de
Charlemagne (IXème siècle). « Oui » se dit différemment de
chaque côté du fleuve la Loire, oïl et oc.

La langue d’oïl qui englobe le chtimi, picard,
champenois, lorrain, franc-comtois, morvandiau ; bourbonnais,
saintongeais, angevin, gallo….. La langue d’oc : limousin, auvergnat,
gavot, languedocien, béarnais, gascon, vivaro-alpin, provençal…. Le flamand, le
corse, l’alsacien, le francique mosellan, le basque, le breton font bande à
part. Le catalan, certains y voient une influence plutôt espagnole, mais… Ne
perdons pas de vue que l’occitan est une langue romane, comme l’espagnol, le
français, l’italien, le portugais, le roumain.
Oïl et Oc, un
vocabulaire, une grammaire, une prononciation différents. Les mots latins n’ont
pas été déformés de la même manière. Une oralité et une écriture.
Entre l’an 1000 et l’an
1350 dans cette deuxième partie du Moyen Age, sept millions d’habitants
communiquent quotidiennement en langue d’oc, de la côte basque à l’Italie et
même plus loin. C’est l’âge d’or de cette langue. Et c’est une forme d’unité
territoriale qui rend bien service au commerce, aux échanges philosophiques,
artistiques, religieuses… On la retrouve dans les échanges commerciaux
internationaux de l’époque. Ce qui ne plait pas toujours aux autorités
politiques des pays voisins, y compris au royaume de France.
Nous allons transporter
cette langue au cours des croisades au Moyen-Orient, des immigrations vers les
Amériques. Les protestants de la Révocation de l’Edit de Nantes, les émigrés de
la Révolution de 1789 vont l’emmener dans leurs besaces dans d’autres contrées,
d’autres pays. Je me souviens d’une rencontre dans les années 1992 : un
Syrien dont une arrière-grand-mère s’appelait « Solliesa »
probablement une déformation de l’occitan
«lo solelh », le soleil ou un endroit ensoleillé !! Un prénom qui
venait du fin-fond de l’Histoire.
Dans cette période du
Moyen Age, la langue d’oc est alors une grande langue de culture en Europe. La
poésie courtoise avec ses quelques cinq cents troubadours connus à ce jour, s’y
développe, avec un mode de vie où la femme a sa place, surtout dans les classes
sociales aisées. Dante (1265-1321) le père de la langue italienne, disait que
la langue d’oc est « la plus douce
et la plus parfaite ». On la retrouve dans un code écrit qui donne une
orthographe assez uniforme, dans les textes techniques comme le Traité
d’Arpentage, ou dans des documents administratifs comme « le Petit
Thalamus de Montpellier » qui raconte la ville jour après jour. L’occitan
devient dès le 13ème siècle la langue utilisée dans les traités de
médecine, de chirurgie, d’arithmétique.
En 1355 lorsque le
roi de France réunit les Etats Généraux, il doit organiser deux sessions :
une pour les régions de langue d’oïl, et une autre l’année suivante pour les
régions de langue d’oc. Loin de
l’Occitanie, Richard Cœur de Lion, roi d'Angleterre et duc d'Aquitaine,
occitanophone de naissance grâce à sa mère Aliénor d'Aquitaine,
utilisait l’occitan et le latin.
(Carcassonne 1962-collection privée)
La guerre de Cent Ans, la
peste du 15ème siècle, les bouleversements démographiques et
sociétaux, les guerres de religion du 16ème siècle vont faire entrer
l’occitan dans une période d’anarchie graphique. Au royaume de France on
s’oriente vers une unité : une langue, un roi, une autorité politique.
François 1er
(1494-1547) impose en 1539 l’usage exclusif de la langue française proche de
l’orléanais dans les actes juridiques et administratifs. C’est l’Edit de
Villers-Cotterêts. Pendant quatre siècles environ, dans le quotidien on
continue à parler en langue d’oïl ou d’oc, mais dans l’écrit le français gagne
du terrain. La langue d’oc se déstructure plus vite, sans dictionnaire, sans
grammaire et surtout sans encouragement royal. Mais elle continue à être parlée
dans les classes populaires jusqu’aux années 1950.
Rappelons Jean Racine qui
écrit à son ami Jean De La Fontaine lors de son séjour dans notre bonne ville
d’Uzès : « Je vous jure que j’ai autant besoin d’interprète en ce
pays qu’un Moscovite dans Paris »…
Notre 3ème
République n’a pas compris que le bilinguisme était une richesse. Au début du
20ème siècle il était honteux de parler sa langue maternelle, celle
de ses aïeux, tout en se servant du français national. Chaque langue porte en
elle une manière de présenter, de définir les choses. Et puis le bilinguisme
est une gymnastique du cerveau qui facilitera pour l’enfant l’apprentissage
d’autres langues, des mathématiques, de la musique….
Aujourd’hui, entre
600 000 et un million de personnes parlent encore l’occitan, soit 3 à 6 %
en régions occitanes (20% en Lozère et Aveyron, moins de 3% dans le Gard et
l’Hérault), surtout utilisée par les plus de 68 ans. L’UNESCO définit la langue
occitane comme une langue en grand danger d’extinction. Elle est reconnue par
l’Union Européenne et l’ONU via l’Unesco. En Catalogne elle est la troisième
langue officielle derrière le catalan et l’espagnol. Chez nous, la loi du
député breton Paul Molac adoptée par le parlement en 2021 institue des mesures
de protection et de promotion dans les domaines du patrimoine, de l’enseignement
et les services publics….. Ici et là la culture occitane connait un
essor : maisons d’édition, journaux, radios…Environ 4000 élèves dans les
écoles bilingues laïques les calandretas, en primaire et secondaire. Et bien
d’autres initiatives… Elle n’est plus seulement parlée mais aussi à nouveau
écrite.
L’occitan s’est introduit en douce dans notre vie, le
francitan. On dit « le poutou », « s’entraver », « une
couillonnade », « la ratoune », « se calciner »,
« la panouille », « le pan-bagnat », « péguer »,
« rouscailler »….. et bien d’autres !!! Une appli magique pour
envoyer ses mails en occitan comme si nous parlions couramment cette
langue : « revirada » (gratuit pour les petits textes).
« comme un refrain
défendu qui vibre au cœur de chaque pierre, il reste un murmure fragile, malgré
la ronde de vigiles qui veillent au silence absolu » nous chante Francis Cabrel en 2017
dans son tube « In extremis »
A écouter aussi le groupe Los de Nadau, avec son chanteur Michel Maffrand.
L’occitan n’a pas dit son dernier mot !!!
Sources et pour en savoir plus : Jean Sagnes Petite
Histoire de l’Occitanie éditions Cairn Morlaas—Cirdoc Grande Médiatique
Occitane Béziers 1bis bd Bertrand du
Guesclin BP 180—La Gazette de Nîmes
n)1304 30mai2024----wikipedia.org---