samedi 22 mars 2025

L'Invention du rail

 

l’arrivée du train dans l’univers de nos ancêtres.


Maintenant le train nous parait naturellement indispensable. Il correspond à trois nécessités, durée des déplacements, le volume ou poids des biens transportés, les distances. Et maintenant en plus le souci de l’énergie dépensée.

Le 18ème siècle dans notre pays, avait vu l’essor du réseau routier mais la population avait fortement augmenté et donc les besoins en transport des marchandises et des personnes avaient explosé. Nos ancêtres vivaient encore enracinés dans leur village. Mais l’extension du réseau routier avait ouvert leur horizon jusqu’au canton, bien malgré eux et grâce aux corvées royales. En 1780 la diligence permet de se rendre de Paris à Angers en trois jours à la vitesse de 10 à 11 km/heure. Le monopole d’état organisé par Turgot en 1775 structure le transport des voyageurs dans de meilleures conditions standardisées avec l’apparition des diligences « turgotines », plus légères et plus rapides. On réglemente aussi le transport de nuit avec deux cavaliers de la maréchaussée escortant les voyageurs.

Mais les chevaux qui trainaient les diligences avaient des limites quant au poids maximum qu’ils pouvaient transporter. Des charges plus lourdes demandaient de renforcer les véhicules donc de les alourdir. Les routes devaient supporter plus de déformations, de dégradations du fait des véhicules …. Donc moins roulantes… Comment répondre à ces besoins de transport ?

Le 19ème siècle est celui de la révolution industrielle donc nécessité du déplacement de la main d’œuvre dans un lieu particulier, besoin de transporter des matières premières et ou des produits finis ou transformés. Nos arbres généalogiques nous montrent des déplacements de populations pour installer les chemins de fer, puis pour trouver du travail ailleurs. Les mines embauchent les hommes, les familles bourgeoises en ville ont besoin de domestiques, les jeunes filles des campagnes feront l’affaire…

La solution, nous allons la trouver au fond des mines. En France, en Allemagne, en Angleterre pour transporter les minerais extraits on utilisait le rail ! (étymologie du mot rail : il est issu de l’ancien français reille = barre, lui-même tiré du latin regula (= règle, barre).

Pourquoi chez nous une certaine frilosité devant ce système ? En Angleterre dès les années 1700, des wagons avec roues en bois renforcées étaient utilisés dans les mines et dès le milieu du 18ème siècle les premiers rails métalliques étaient posés dans ce pays. Le train va permettre un gain de temps considérable. L’arrivée en France du rail est timide. Les guerres napoléoniennes ralentissent le développement du chemin de fer. Les investissements sont lents à s’orienter vers ces innovations. Nous avons un important réseau de canaux qui permet en haut lieu d’attendre et voir venir.

Et comment le rail est-il arrivé dans les galeries des mines ?


Au départ, le transport du minerai dans les galeries se faisait par simple portage de sacs : on faisait appel à une main d’œuvre la moins qualifiée, les femmes avec des sacs jusqu’à 30 kg et les enfants avec des sacs jusqu’à 20 kg. Une technique aussi vieille que l’extraction des minerais. Nos lointains ancêtres utilisaient les esclaves, les prisonniers …. Puis devant l’augmentation des quantités de minerais extraites, le wagonnet sur roues en bois s’imposera, tiré à la bricole par des femmes et poussé par des enfants.

Mais des ornières apparaissent avec les passages répétés des roues au même endroit et le chemin devint vite impraticable. Alors on installe des planches de bois sous les roues des wagonnets. Un chemin de halage est aménagé pour assurer la stabilité du wagonnet et le parallélisme des planches est assuré par des traverses immobilisant les planches. Mais il fallut devant la flexibilité des planches rigidifier celles-ci en les remplaçant par des barres en bois, servant à la fois de support et de guide pour les roues des bennes : le rail était né !!


Les roues en bois sont ensuite cerclées de fer pour les renforcer et limiter l’usure. Le poids chargé des wagonnets ira jusqu’à 450g de minerai avec un seul homme pour pousser (le rouleur).

A partir de 1820 en France, le rail en bois est remplacé par le rail en fer, amenant une diminution substantielle des frottements et permettant une économie d’énergie importante, énergie encore humaine.

L’agrandissement des galeries des mines permettra la traction par des chevaux et des trains de douze wagonnets.


Les rails sortent alors des mines pour rejoindre le carreau de l’exploitation, les gares, les ports fluviaux où des péniches assurent le transport des minerais et du charbon.

Ces rails étaient exposés aux intempéries et pour drainer et stabiliser l’ensemble, les traverses seront mntées sur un ballast. 



Le rail était prêt pour rencontrer sa locomotive, de la grande famille des machines à vapeur, autre innovation qui va bouleverser la société. Le fardier de Cugnot date de 1770, le premier brevet de locomotive à vapeur de James Watt de 1784.

1827 : ouverture de la première ligne de chemin de fer française, longue de 23 km. Elle transporte le charbon des mines de Saint-Etienne à la Loire avec 3 wagonnets. Le train descendait par gravité et remontait tiré par des chevaux.

1829 : première locomotive française – ligne Saint-Etienne-Lyon, 58km avec une locomotive à chaudière à tubulaire du français Marc Seguin –

1830 : premier transport de passagers – sur la ligne Saint-Etienne-Lyon, les voyageurs installés dans les wagons servant au transport du charbon, tirés par des chevaux

1834 : ligne Roanne-Saint-Etienne-Lyon 140 km – on remarquera que tout ou presque a démarré avec la mine du bassin stéphanois.

1837 : première ligne parisienne de voyageurs  - 19 km Paris-Saint Germain en Laye en 25 minutes (15 à l’aller et 10 au retour) soit 80km/h –

1842 : à partir de Paris, projet d’un tracé du réseau en étoile à 7 branches – il a fallu une loi pour valider ce projet

Malgré peurs et réticences des uns et des autres, tout va aller très vite. De 1852 à 1870 on passe de 59 km à 20 000 km de voies ferrées.

1850                                                   1860                                              1911

Implantation des réseaux ferroviaires en 60 ans.

 

La progression du nombre de lignes montre à quel point le transport marchandises-voyageurs est vite devenu essentiel. C’était avant l’invention de l’automobile et de l’avion. Mais on doit noter aussi en parallèle au train, l’évolution des liaisons entre village par car, bus, tramway dans quelques grandes villes.

Le nombre de cheminots va passer de 45 000 en 1855 à 237 000 en 1882 environ pour l’ensemble des compagnies ferroviaires.

Le rail et son réseau ferroviaire seront un support essentiel de la révolution industrielle du 19ème – début 20ème siècle et contribueront à l’exode rural. Les mines qui ont besoin d’extraire de plus en plus de charbon pour les machines à vapeur, vont embaucher, exploiter des terres agricoles, exproprier. Pour échapper à la misère et rêver à une autre vie, on quitte son village. Tout au long du tracé des voies, on construit des gares, des bâtiments annexes, des entrepôts, des logements. Des métiers non-agricoles fleurissent le long des trajets, mais très vite les produits qu’ils fabriquent sont apportés par les manufactures à moindre cout par le train.

L’exilé servira d’exemple, de refuge pour accueillir des membres de sa famille, de son village d’origine. Mais et c’est la moindre des choses, le train permettra de maintenir un lien social entre les exilés et leur famille restée au pays. Le courrier postal devient un service postal ferroviaire en 1845, le timbre-poste date de 1849, le facteur distribue le courrier dans un peu près tous les villages. On s’organise, il y avait toujours une personne qui pouvait lire et écrire une lettre. (dans son village mon grand-père, son père avant lui appelés « le ministre », un locataire de ma maison appelé « l’évêque »..).

Mais le train servira aussi dans les conflits armés pour le déplacement des troupes, des armes, du matériel. La guerre de sécession américaine (1861-1864) inaugura l’usage du train, sans réelle influence sur l’issue du conflit : les deux adversaires l’utilisèrent et cet usage concomitant n’accorda que peu d’avantages à l’un au détriment de l’autre.

Il n’en est pas de même lors de la guerre de 1870 entre la France et la Prusse. En seulement douze jours, la Prusse mobilisa sur la petite centaine de kilomètres de la frontière 450 000 soldats opérationnels plus 80 000 des armées de la Bavière, du duché de Bade et du Wurtenberg, avec matériels, intendance etc. Ce fut possible grâce à l’utilisation rationnelle et systématisée du réseau ferroviaire prussien.

Chez nous 240 000 soldats dans ce même délai alors que c’était nous qui avions déclaré la guerre !!

Le train pour le meilleur et pour le pire !!


Illustration du chemin de fer en France – Auteur inconnu | Domaine public

Sources : Thierry Sabot gazette@histoire-genealogie.com--  Michel Baumgarth—wikipedia.org--- revue-histoire.fr/actualite-histoire/le-rail-francais-une-histoire-de-coeur-mais-surtout-de-passionnes/----

 

 

 

 

lundi 10 mars 2025

La Saga de Castors

 

 

Une famille devant une maison construite par les Castors mutualistes dans le quartier Beausoleil

Archive Comité de quartier de Beausoleil

 

Beausoleil—La Saga des Castors de Nîmes

 

A la sortie de la guerre de 1939-40 dans les années 50, la France est en ruine. La guerre a fait table rase de certains quartiers, dans les villes ou villages. Le manque de ressources, les urgences sanitaires n’aident pas à penser reconstruction. Plus de 700 000familles sont impactées par le manque de logements. On loge où l’on peut, dans des caves, dans des abris de fortune, dans des logements vétustes. A Courbessac par exemple des wagons servaient de logement sans eau ni électricité. A Lyon, dans le quartier des Brotteaux, les caves de certains immeubles étaient squattés, bien qu’elles soient inondables. Des abris des jardins ouvriers se transformaient en habitations. Les villes surtout sont touchées par les difficultés de se loger. Dans les campagnes la solidarité familiale joue son rôle, mais dans quelles conditions !! Le travail qui doit nourrir les familles se trouve essentiellement dans les agglomérations où l’on a du mal à se loger….

 

Un mouvement de solidarité va prendre vie un peu partout en France comme Les Castors mutualistes cheminots à Nîmes. Les familles vont-elles-même construire leur logement. Au niveau national, toutes les fonctions étaient représentées, fonctionnaires, postiers, instituteurs, ouvriers. A Nîmes le mouvement sera essentiellement initié par des cheminots.


Au départ, pour le premier lotissement, 54 familles, guidées par un esprit mutualiste, une volonté, une grande solidarité, une persévérance, une foi en l’avenir et en l’être humain !! Fin des années 50, quatre lotissements sortiront de terre avec environ 300 maisons. Mais c’est le premier lotissement qui marque les esprits et l’Histoire. .. construit entre la rue de Barcelone et la place de a Mutualité. (deuxième lotissement le long des rues d’Alger et Ernest Bruxelles, le troisième au-delà de la rue Salomon Reinach)

 A l’origine de cette idée un peu folle, deux cheminots « mutualistes » Emile Michel et Aimé Longuet. Un terrain de 17 000 m2, soit 1,7 hectare, situé derrière la gare de Nîmes, leur plait bien, un lopin de terre pour construire leur foyer de l’autre côté de ponts de la voie de chemin de fer.



Il appartient à la famille Dhombes, mais trop grand pour la bourse de nos cheminots. Alors avec quelques copains, ils ont l’idée d’acheter ce terrain et le diviser ensuite. Aimé Longuet est secrétaire de l’Union Mutualiste des cheminots, les gens lui font confiance. Très simplement une feuille de papier circule et ceux qui voulaient s’inscrire écrivaient leur nom. Malgré les crédits qu’il fallait prendre, le succès sera au rendez-vous.

Le terrain est divisé en 54 lots, les permis de construire sont délivrés en juin 1952. Un syndicat est créé, son nom  « bèu Soulièu », Beausoleil…

Mais tout est à construire. Le terrain est planté de vignes rachitiques, de quelques épis de blé…Les cheminots font venir du matériel de Marseille. Les officiels de l’époque ne croient pas au projet, la SNCF leur fait même payer une partie du trajet Marseille-Nîmes. La ville n’aide pas plus. « On a tout fait à la force des bras » raconte Emile Michel.

 

Construction des maisons mais aussi : l’ouverture des rues, la création de réseaux d’eau et d’électricité. Le gros œuvre étaient réalisé par des entreprises extérieures, la plomberie, l’installation électrique par des cheminots qualifiés. Les achats groupés revenaient moins chers, le centre mutuel d’achat permettait des ristournes importantes. Pas d’architecte car Emile Michel était dessinateur industriel. C’est lui qui s’occupait des côtés pratiques. Aimé Longuet s’occupait plutôt de la paperasse, des achats.


Des maisons mitoyennes pour économiser un mur… Par contre tous ont voulu un garage. Mais les familles n’avaient pas de voitures, Alors, les garages ont servi à autre chose, un lieu pour bricoler… Les jours fériés, les fins de semaines, après le travail, les hommes sont sur les chantiers communautaires, chacun apporte son savoir-faire. A cette époque la plupart de métiers manuels sont représentés dans l’entreprise des Chemins de fer. A chaque toit posé sur une maison en construction, c’est l’occasion d’une petite fête. Carnaval, Fête de la Saint Jean, bal concours de chant, course en sac…. On s’amuse aussi.

Les premières familles s’installent dès 1953, dans des maisons de près de 100m2, tout équipées, eau courante, gaz. Un luxe : des salles de bains ! Des maisons à deux niveaux, qui se ressemblent, un quartier qui s’organise avec une épicerie La Cigale au rez de chaussée de la maison de l’ancienne propriétaire du terrain. Des enfants qui jouent dans la rue ou sur la place, les portes ouvertes.. A l’époque, seules quelques femmes travaillent, les autres s’occupent de leur maison et des enfants. Elles se connaissaient toutes. Les jardins sont reliés entre eux, pas de clôture extérieure, des poulaillers…Une semi-autarcie s’installe.

 

C’était avant la création des ZUP, avant l’invasion de la télévision dans les foyers….

 


Aux côtés d’Aimé Longuet et d’Emile Michel, d’autres personnalités vont marquer le mouvement comme Franc Pic, Raymond Dizier….Le 5 octobre 2024, la ville de Nîmes inaugure le Jardin des Castors cheminots nîmois avec plaque commémorative au square de la rue Ernest Bruxelles.

 


Sources et pour en savoir plus : exposition « Il y a 70 ans les Castors cheminots pour barrer la route à l’oubli » 5crue Guybemer salle Emile-Gauzy--photos Anthony Maurin—Midi Libre /www.midilibre.fr/2024/10/05/il-y-a-70-ans-le-quartier-beausoleil-sortait-de-terre-village-cheminot-dans-la-cite-12242032.php- Publié le 01 novembre 2024  Article Publié le 01 novembre 2024ArticlePar Julien Ségura---Gazette de Nîmes n)1322 3/9octobre 2024 et n)470 5 juin 2008 Alexandre Stobinky--- www.objectifgard.com/gard/nimes/nimes-les-castors-creent-leur-environnement-135751.php--- www.vivrenimes.fr/formats/articles/qui-etaient-les-castors-batisseurs-du-quartier-beausoleil-a-nimes