mardi 14 janvier 2020

Montpellier la Belle


Montpellier la Belle :




Le site de Montpellier est visité par les hommes depuis au moins 11 000 ans : une fouille rue de la Fontaine-du-Pila fait état d’un campement de chasseurs au bord du Verdanson.
Mais en fait Montpellier naît au milieu du Moyen-Age profitant d’une période de croissance économique, démographique et culturelle. Centre du savoir par son université, cosmopolite dès ses origines, elle attire les intellectuels de toute l’Europe malgré la crise des 14è et 15è siècles qui plomba l’économie de tout le sud, hiver de 1364 où même l’étang de Thau est gelé, peste noire, guerre de Cent Ans….. Les guerres de religion du 16è siècle vont sérieusement impacter aussi le commerce de la ville. Verrou entre l’Espagne aragonaise et l’Italie, la France et le comté de Toulouse la ville connut d’autres épisodes sanglants. Mais ce n’est pas le lieu aujourd’hui d’en parler. Peut-être plus tard. Ceci dit, l’Histoire façonne les hommes bien plus qu’ils ne la transforment !!

Le rivage méditerranéen entre les Alpes et les Pyrénées est une terre de peuplement et de passage : Phéniciens, Grecs, Ibères, Ligures, Celtes, et Rome ont tous laissé des influences multiples. Le Languedoc devenu colonie romaine en 123 avt notre ère se dote d’une route la Voie Domitienne, axe qui unit l’Italie à l’Espagne.  Cette voie est construite vers 118 av JC à l’instigation du général romain Cneus Domitius Ahenabarbus d’où son nom.

La ville de Montpellier voit le jour en 985 au sud de cette voie et au nord de la Route du Sel, sur le Cami Roumieu, le Chemin Romain qui passe entre ces deux routes. Il s’agit au départ d’un domaine rural, une simple « villa » nous dit une charte de donation délivrée par Bernard comte de Melgueil. (Maugio) donnée à Guillem seigneur dans la vallée de l’Hérault. On parle alors du Mons Pestelarium.
(logo ou en-tête de la mairie de Montpellier)
Dès le 11ème siècle la famille des Guillem devient plus puissante que celle des comtes de Melgueil. Les alliances par mariages illustrent la position des seigneurs de Montpellier : Guillem VII épouse en 1156 une descendante d’Hugues Capet, Mathilde et Guilhem VIII se marie en 1174 avec Eudoxie, nièce de l’Empereur de Byzance. Le bourg compte au début du 14ème siècle 40 000 habitants, la deuxième ville du royaume de France, à égalité avec Rouen. En 1100 on comptait seulement 5000 habitants environ. Deux collines très proches forment le site de la ville, dominant la plaine ; un bourg se développera sur chacune de ces collines pour se rejoindre plus tard.

    Les Guillem favorisent le commerce en attirant les marchands itinérants par des conditions d’implantation avantageuses. Le cami roumieu est un des chemins de pèlerinage pour Saint-Jacques de Compostelle. Montpellier est une étape pour les pèlerins grâce à une petite chapelle dédiée à Marie (place Jean Jaurès)(crypte de Notre-Dame des Tables au 13ème siècle ?). Cette chapelle est située au cœur du bourg par son emplacement mais aussi à l’origine du développement de la ville. On la retrouve sur les armes de Montpellier, la Vierge Marie devant une église dorée. On ne dira jamais assez l’importance des pèlerinages pour l’économie des contrées traversées. Le pèlerin achète, dort, mange, se soigne, développe l’artisanat, donc apporte au commerce un souffle nouveau. La famille des Raymond de St Gilles-Toulouse, les abbés de Cluny ont bien compris l’importance économique des pèlerinages en donnant des terres, favorisant l'installation d'artisans tout au long des chemins de Compostelle de notre région.
Sceau de Guilhem VIII jouant de la harpe, 1190.

Benjamin de Tudèle en 1160 nous dit : « la ville est fort fréquentée par toutes les nations, tant chrétiennes que mahométanes et on y trouve des négociants venant notamment du pays de Algarbes (Mahreb, Andalousie), de toute l’Europe et de la terre d’Israël » « c’est la ville où l’on trouve le plus de lettrés d’importance ». Les fouilles archéologiques montrent des tombes juives et musulmanes sur le site. Les écoles et universités enseignent le droit et la médecine à bon nombre d’étudiants européens. Nous pouvons nous souvenir des Platter, (sur ce blog Du Mendiant au Professeur du 13/09/2017). Une liberté d’esprit de la part de Guilhem VIII qui en 1181 autorise quiconque quelles que soient ses origines et sa confession à enseigner la médecine à Montpellier. La médecine va connaitre un essor prodigieux grâce aux connaissances des trois civilisations, juive, arabo-musulmane, chrétienne. Ce souverain apparaît comme le patron des arts et des sciences.

(biu-montpellier-medecin)
Au 13ème siècle Montpellier est le principal port d’entrée des épices ; Marseille n’est pas encore française. Les bateaux marchands venaient de Tyr, Alexandrie, Constantinople,….Barcelone, Majorque, Venise.. Des comptoirs montpelliérains étaient implantés dans toutes ces villes. Nous exportions les draps écarlates (spécialité des drapiers-vermillon) vers toute l’Europe et même l’Orient. Nos chênes kermès nous donnaient des cochenilles qui fournissaient la teinture rouge. Nous vendions des produits régionaux, herbes aromatiques, réglisse, miel, fruits comme les figues, abricots, melons, légumes, vins, et plaque tournante internationale, nous revendions poivre, safran d’Espagne, cannelle, sucre de Candie, clou de girofle…. En direction du nord de l’Europe, Paris… Le miel de Narbonne, la réglisse de Montpellier vont fabriquer les fameuses « grisettes de Montpellier », petits bonbons en forme de petit pois que les pèlerins achetaient dès le 13ème siècle. Au 14ème siècle on dénombre autour de 170 "parfumeurs", vendeurs d'épices, plantes aromatiques dans l'Ecusson !!

Des documents nous racontent Montpellier : 
Le Petit Thalamus est créé au début du 13ème siècle : les consuls de la ville y consignent l’histoire au jour le jour de la ville. Une richesse pour les historiens et pour l’identité de la cité. Ces écrits couvrent la période de 1204 à 1604, depuis les origines du consulat, coutumes, statuts, établissements urbains, listes consulaires, annales en occitan puis en français, les rencontres, les visiteurs….. Une mémoire commune et une conscience urbaine. (à voir aux archives municipales ou sur internet)


Mais d’où vient le nom de « Montpellier » ? Des hypothèses qui ajoutent au charme mystérieux de ce lieu. De nombreux linguistes se sont penchés sur cette énigme comme le célèbre A Germain.

Le Mont du Verrou, le Mont des Jeunes Filles, des Epices….
-         Mons Pessulus ou la montagne fermée par un verrou ferait allusion à des palissades qui entouraient le bourg pour le protéger sur ces chemins de grands passages. Autre hypothèse : aux origines de la ville construite au milieu de la garrigue, les habitants avaient seuls le droit de pâture, la palissade interdisait ainsi aux troupeaux étrangers de venir pâturer.

-         Le Mont des Jeunes Filles, poètique mais peu probable : «Le comte de Maguelone Aigulf -contemporain de Pepin-le-Bref- frappé des graves changements politiques auxquels il assistait, consulta, dit-on, un talmudiste, son médecin et son familier. Celui-ci lui fit voir, au milieu d'un bois et pendant le silence de la nuit, deux arbustes, deux arbrisseaux mystérieux qui d'abord distants l'un de l'autre se réunirent bientôt en un grand arbre à doubles racines. Apparut ensuite une jeune fille avec deux têtes, ces deux têtes, à leur tour, se condensèrent en une seule ravissante de beauté et rayonnante de gloire qui d'une bouche fatidique se mit à prophétiser l'avenir. Or, ajoute la légende, le comte Aigulf, dans le bois et au même endroit où il avait eu cette apparition jeta les fondements d'une ville et cette ville se serait alors appelée Montpellier.»

-         Mont Puellarum : de Monspuelium en latin qui fait référence soit aux deux sœurs de Saint Fulcan qu’Arnaud de Verdale évêque de Maguelonne dit avoir été maitresses et donatrices du domaine de Montpellier ou bien soit à la beauté de ses jeunes filles. La tradition veut que dans la ville de Montpellier «les femmes sont les plus jolies du royaume avec les meilleurs ports de tête ».(mont puellarum, mont des pucelles)

-         Le Mont Pistilarius ou mont des épices ; les garrigues alentour devaient fournir du thym, romarin, sauge….

-         Mont Pestellario, mont des pastels : cette plante qui sert à teinter les toiles – Pestemmarium, mont des épices…

-         Mont Petrosum, colline des pierres…. peut-être l'hypothèse la plus réaliste, étant donné les garrigues qui entourent le site.

Montpellier reste toujours aussi énigmatique, secrète, comme ses belles dames !!



 (tour de la Babote)

Sources : Jeannine Redon, Nouvelle histoire de Montpellier, ed. du Mont, Cazouls-les-Béziers, 2015, 271 p. 350 illustr.--- Jean Segondy, Histoire de Montpellier, 1re partie : Montpellier, ville seigneuriale. Les Guilhem et les rois d’Aragon, Xe et XIVe siècles, Montpellier, 1968.-- Christian Amalvi et Rémy Pech, Histoire de Montpellier, Toulouse, Privat SAS, coll. « Histoire des villes », 2015, 925 p.--- Félix Platter et Thomas Platter, récits de voyages entre 1499 et 1628, édités par Emmanuel Le Roy Ladurie , Le Siècle des Platter, 2 tomes, Éd. Fayard, 1995 et 2000.--- Albert Fabre, Petite histoire de Montpellier : depuis son origine jusqu'à la fin de la Révolution, Monein d. Princi Negue, 2006, 236 pages (Arremoludas, no 153) (ISBN 2-84618-337-6).---wikipedia.org-- presse locale et régionale : La Gazette économique et culturelle (magazine hebdomadaire), La Gazette de Montpellier (hebdomadaire), La Marseillaise - -- photos montpellier.fr—biu-montpellier.fr---Traumrune/wikimedia communs/CCBY-SA3.0—23/10/2014---


Les Trois Grâces -fotocommunity.fr-D'après Etienne Dantoine 1773-1776




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