lundi 4 septembre 2023

Bélibaste, le dernier cathare

 

 

/www.lindependant.fr/2021/06/04/guilhem-belibaste-le-dernier-parfait-cathare-vous-attend-a-villerouge-termenes-9586788.php-- Villerouge-Termenès

Le dernier Parfait  connu :

 

(plaque rappelant le martyr de Bélibaste)

 « Al cap dels sèt cent ans, verdejera lo laurel » (Au cap des 700 ans, le laurier reverdira) Prophétie de Guilhem Bélibaste.1321

Né vers 1280 Guilhem Bélibaste est une figure marquante du panthéon historique occitan. Un être tourmenté dans une période qui l’était aussi. Si l’on a retenu son nom c’est à cause de la brève prophétie qu’il nous a laissé, annonçant un retour du catharisme 700 ans après son supplice. Renouveau du catharisme dans les temps qui viennent ? C’était le 24 août 1321, donc rendez-vous le 24 août 2021 pour le renouveau….

Et puis sa vie est riche d’enseignements pour nous…. Un être de paradoxes qui  nous apprend l’humilité…  Un personnage, pris entre des contradictions permanentes, qui est fort humain, trop humain même.

Il nait à Cubières-sur-Cinoble, un village du Razès dans la Haute-Vallée de l’Aude. Il sera brûlé vif en 1321 à Villerouge-Termenès. Ses parents sont des paysans aisés, une famille totalement acquise au catharisme. La famille est très liée à de nombreux « Parfaits » comme les frères Autier et Philippe d’Alayriac. Ses frères bergers accompagnent certains de ces Parfaits dans leurs tournées clandestines. Malgré les buchers, en ces temps, l’hérésie cathare est encore vivace et même se développe à nouveau dans l’Ariège, le Sud….

La croisade contre les Albigeois (1209-1229) est terminée mais l’Inquisition fait des ravages. Des cathares se cachent ou fuient vers l’Espagne. L’Aragon lorgne toujours sur la Provence, les rois de France souhaitent reprendre en main les seigneurs d’Occitanie, troublions riches de salins et d’une fidélité au roi peu fiable. Par exemple Bermont de Sauve seigneur de Sommières expulsé par Saint Louis, et bien d’autres. Les papes toujours veulent imposer un pouvoir temporel sur l’Europe… Le Languedoc depuis la nuit des temps est un lieu de passage entre ce qui est aujourd’hui l’Italie, l’Espagne, la France et les pays du Nord. Alors chacun en veut un morceau quand ce n’est pas la totalité !! Un professeur de droit de l’Université de Lyon disait que si les cathares avaient choisi la Creuse pour s’installer, personne n’en aurait parlé !!

Et le peuple qui rêve du paradis promis pour tous par la nouvelle doctrine avec un Dieu bon, indulgent qu’on n’a pas besoin d’acheter avec des « indulgences ».

Guilhem n’a pas la vocation au départ. Mais vers 1305-1306 il se bat et tue un berger de Villerouge. Probablement à cause d’une menace de dénonciation religieuse. Villerouge était la résidence d’été de l’archevêque de Narbonne, donc nous pouvons penser que les habitants de ce village étaient de catholiques convaincus. L’Inventaire des archives de l’archevêché de Narbonne nous indique que la victime s’appelait Barthélémy Garnier originaire de ce village, berger des troupeaux de l’archevêque dans les pâturages d’estive de Cubières. Garnier a-t-il menacé de dénoncer la famille comme hérétique ?

Guilhem est arrêté. L’archevêque de Narbonne seigneur de Villerouge et de Cubières le déclare coupable et confisque ses biens. Une copie du 17ème siècle de l’acte d’accusation de 1307 nous indique les sanctions :
 « Item un acte de l’an 1307, duquel resulte comme les biens d’un nomme Guilhaume Belibaste de Cubiere, feurent confisques au sieur archevesque de Narbonne, a cause du meurtre par luy commis en la personne de Barthelemy Garnier de Villerouge. (Coté n° 15). »


Guilhem rentre dans la clandestinité, abandonnant femme, enfant, qui ne survivront pas au scandale et décèdent en 1311. Les « parfaits » cathares l’accueillent. Pour sauver son âme et faire pénitence il doit devenir cathare ; il est initié et ordonné Parfait par Philippe d’Alayrac à Rabastens dans le département du Tarn. Il devient un des derniers « bonshommes » ou « parfaits », les pasteurs-moines du catharisme, ceux qui donnaient le consolament.

Nous verrons qu’il ne sera pas toujours un pasteur exemplaire, la chair est si faible !!

Guilhem et Philippe d’Alayrac sont arrêtés et emprisonnés en 1309 à Carcassonne dans la prison de l’Inquisition, « Le Mur ». Ils arrivent à s’en échapper et se retrouvent en Catalogne dans le comté d’Ampurias. Philippe d’Alayrac revient en France mais de nouveau il est arrêté et meurt sur le bûcher.


Guilhem change de lieu, de nom : il devient Pierre Penchenier, fabricant de peignes de tisserands. Il fait aussi des travaux saisonniers dans les vignes ou comme berger près de Poblet avec son ami Pierre Maury.

Pauvre Pierre Maury, dont la naïve confiance fut largement mise à contribution par notre parfait...

Guilhem pour  cacher son état de « parfait » et passer pour un bon catholique, fait semblant d’être le mari d’une ariégeoise en exil comme lui, Raymonde. Il affirme son célibat de « bonhomme » en disant qu’il « ne touchait pas à une femme à chair nue", ou qu'il gardait son "caleçon" quand il couchait dans le même lit qu'elle ». Pourtant Guilhem et Raymonde deviennent rapidement amants et la belle tombe enceinte. Elle a un mari resté en Ariège, Bélibaste le sait disant même en plaisantant : "vif ou mort, Arnaud (l’époux de la belle Raymonde) ne risque pas de nous déranger beaucoup dans ce pays".

Guilhem craint de voir son autorité spirituelle s’effondrer. Alors il trouve une solution : il marie en hâte son ami Pierre Maury à sa maîtresse pour étouffer le scandale. On fait la fête à Morella, mais le mariage ne durera pas plus d’une semaine, juste pour le nouvel époux d’endosser la paternité de l’enfant à naître. Un comble, Guilhem est en plus jaloux !!

Notre pasteur par ailleurs prélève sa part sur les revenus de son ami Pierre. Ils ont en commun un troupeau de brebis. Lorsque Pierre s’en aperçoit il est si furieux qu’il insulte Bélibaste et s’en va. Pierre raconte : « « Comme nous avions acheté en indivision, Bélibaste et moi, six brebis, dont j’avais entièrement payé le prix (et je lui avais donné en outre cinq sous), l’hérétique voulut emmener avec lui trois brebis sur ces six, disant qu’elles étaient à lui, et que je lui avais donné l’argent de ces brebis et les cinq sous pour l’amour de Dieu. »

Mais il prend son rôle de pasteur et de prédicateur très au sérieux. Il anime une petite communauté cathare d’exilés occitans, certains originaires du village de Montaillou en Haute Ariège. Il prêche, bénit, administre le consolament aux mourants. Une de ses phrases : « Quand un homme se fait bonhomme, il doit renvoyer sa femme, ses enfants, ses possessions et richesses. Il se conforme ainsi au précepte du Christ, qui veut qu’on se mette à sa suite ».

Un de ses fidèles est Arnaud Sicre dont la mère est morte sur le bûcher. En fait Arnaud est là pour gagner la confiance de Guilhem pour le faire arrêter et récupérer ses biens confisqués à sa mère. Bélibaste souhaite rencontrer d’autres parfaits pour se faire réordonner.  Il sent bien qu’il a fait quelques entorses aux règles de la doctrine. Il a péché publiquement et il doit pour conserver sa légitimité de parfait recevoir à nouveau le consolament. Il se laisse convaincre par Arnaud Sicre de revenir en Languedoc. En mars ou avril 1321, dans le diocèse  d’Urgell à Tirvia Arnaud Sicre le dénonce au bayle du comte de Foix. Arrêté ils sont conduits tous les deux à Castelbon, emprisonnés dans la tour. A cette époque le dénonciateur et sa victime sont toujours incarcérés ensemble. Guilhem va tenter Arnaud de recevoir le consolament et de se suicider ensemble du haut de la tour pour entrer directement au ciel. En vain…. Il est jugé à Carcasonne et brûlé dans la cour du château de Villerouge-Termenès le 24 août 1321.

Guilhem meurt en martyr, avec dignité sans abjurer sa foi. Après lui, jusqu’au milieu du 14ème siècle seuls de simples croyants montent au bûcher. Une église cathare subsiste en Bosnie dont les membres se convertiront à l’islam au 15ème siècle.

Il annonce avec certaines idées du catharisme et avec quelques siècles d’avance,  Luther et une prise de conscience du monde catholique. Il critique la rapacité du clergé catholique d’alors, le pape y compris, qui agit à l’opposé de son prédécesseur Saint Pierre :"Le pape gobe la sueur et le sang des pauvres gens. Et de la même manière agissent les évêques et les prêtres, qui sont riches, honorés, jouisseurs… Alors que saint Pierre, lui, avait abandonné sa femme, ses enfants, ses champs, ses vignes et ses possessions pour suivre le Christ »….« Les indulgences du pape coûtent cher et elles ne valent pas grand-chose ».

Les cathares  ne croyaient ni à l’enfer ni au purgatoire, tout être humain était destiné à regagner le paradis après une série d’incarnations successives. Donc les « indulgences » que seuls les riches pouvaient payer et s’offrir le paradis devenaient inutiles.

 

"Il y a quatre grands diables qui régissent le monde: le seigneur pape, diable majeur; je l'appelle Satan; le seigneur roi de France est le second diable; l'évêque de Pamiers, le troisième ; et le seigneur inquisiteur de Carcassonne, le quatrième diable".

Pour marquer les esprits il brosse des tableaux très satiriques, on est dans le discours oral, de camelots de foires : « Les évêques, les prêtres, les Frères mineurs ou prêcheurs entrent dans les maisons des femelles riches, jeunes et belles ; ils leur prennent leur argent ; et, si elles consentent, ils couchent charnellement avec elles, tout en faisant des faces d’humilité ».

 

Un homme de son temps. Pour lui, l’homme mauvais est possédé, manipulé par un esprit malin.

 
« Quand un homme dérobe, vole le bien d’autrui ou fait le mal, cet homme-là n’est rien d’autre qu’un esprit malin qui entre en lui : cet esprit lui faut commettre des péchés, il lui fait quitter la bonne voie pour la mauvaise. »


Pour Bélibaste, les saints et les miracles sont l’œuvre du diable. Mais le peuple a besoin de croire en leur pouvoir guérisseur. Pour les cathares, Dieu est dans le monde spirituel et le diable dans le monde matériel.

 

Ce que l’on connait de Guilhem Bélibaste est dans les dépositions d’Arnaud Sicre et de Pierre Maury enregistrées par l’inquisiteur Jacques Fournier, le futur pape Benoît XII. (voir Jean Duvernoy  : Le registre d’inquisition de Jacques Fournier (Évêque de Pamiers), 1316-1325 aux éditions Mouton, Paris, 1978.)

 

 

 

Sources et pour en savoir plus : René NelliBélibaste, La vie quotidienne des cathares en Languedoc au XIIIe siècle, Paris, 1969, p. 283.-- Gauthier LANGLOIS-: «  Note sur quelques documents inédits concernant le parfait Guilhem Bélibaste et sa famille » , dans la revue Heresis publiée par le Centre d’Études Cathares, n° 25, 1995. Sur le site de la mairie de Cubières----paratge.wordpress.com/2012/12/21/belibaste/-- « Bélibaste, l’imparfait », paru dans Pays Cathare magazine, hors-série n° 1, décembre 1997, pp. 70-71. René NelliBélibaste, La vie quotidienne des cathares en Languedoc au XIIIe siècle, Paris, 1969, p. 283.--- wikipedia.org ---Frédéric Vidal  Morphéus n° 107, sept.-oct. 2021 www.morpheus.fr/la-prophetie-cathare-de-guilhem-belibaste/-------  Anne Brenon, Cathares : la contre-enquête.---
Emmanuel Le Roy Ladurie, Montaillou, village occitan.---

, Henri GOUGAUD lui a consacré un roman : Bélibaste, publié aux éditions du Seuil en 1982.
Tous ces ouvrages peuvent être consultés et pour certains commandés au Centre d’Études Cathares à Carcassonne. (Tél. 04 68 47 24 66).
Le château des archevêques de Narbonne à Villerouge-Termenès (11), abrite une très belle exposition permanente sur Bélibaste et son temps. (Tél. 04 68 70 09 11).

---Henri GougaudLes Cathares, brève histoire d'un mythe vivant, Points collection, 1997.---Claude PeletGauthier LangloisDominique BaudreuL’Aude dans l’Histoire, Béziers : Aldacom, 2006, 56 p. [Bande dessinée historique].---Michel Gayraud, Bélibaste, téléfilm co-produit par France 3 télévision, 2000.-- www.babelio.com/livres/Gougaud-Belibaste/32664--www.editions-cairn.fr/histoire/857-belibaste-le-dernier...






 

 

 

 

 

 

 

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