vendredi 24 mai 2024

La crise viticole 1975-1976-- un épisode

 

Un épisode de la crise viticole de 1975-1976

Nous sommes dans la période 1975-1976.  Notre pays enregistre une baisse de la consommation de vin de table. Nos viticulteurs doivent faire face à une concurrence de plus en plus forte des vins étrangers. La situation est désespérante, le gouvernement sourd comme un pot, la Communauté Européenne et ses prétextes fallacieux, l’Italie butée, l’Allemagne parcimonieuse. L’avenir du vignoble français, mais aussi de nos fruits et légumes était en jeu…

Le 29 décembre 1975 cinq mille viticulteurs et professionnels bloquent le port de Sète, font barrage aux pinardiers italiens et vident les cuves.

Emmanuel Maffre-Baugé nous raconte cette période dans son livre « Vendanges Amères ».

L’exaspération et la colère, toutes deux mauvaises conseillères, annoncent que la période de non-violence prenait fin dès la dislocation de la manifestation de Sète. Manifestants et CRS s’affrontent en véritables batailles rangées sur les quais, autour de la gare. A Béziers les affrontements se succèdent. On assiste à une escalade de la violence ; en haut lieu on n’a pas voulu entendre les revendications des viticulteurs. Eternel recommencement…

Ce jour-là, l’auteur se trouve au barrage de Mireval, avec de nombreux amis, le député Frêche et son épouse. Tous les départements de l’Est Montpellier, les cantons entourant cette ville étaient représentés. Cinq à six mille manifestants, quelque uns excités, mais la plupart respectueux des consignes, à savoir constituer un barrage humain sans commettre la moindre déprédation. Il s’agissait avant tout de bloquer les importations.

Mais tout à coup, des clameurs s’élèvent du côté de Sète. Une personne arrive pour chercher des responsables capables de calmer la foule. « Venez vite, ils ont coincé un CRS qui faisait une patrouille et je crains pour lui ».

Sur les lieux un homme d’une trentaine d’années, assis sur sa moto, vêtu de son équipement de motard, était entouré d’une trentaine de visages hostiles. Il expliqua qu’il venait de guider un car de manifestants du Var en difficulté, vers une aire de repos en attendant un réparateur. Sa mission accomplie, il rejoignait son unité à Montpellier, accompagné d’un autre CRS. Ce dernier avait fait machine arrière, mais lui totalement inconscient avait voulu traverser cette masse de manifestants en pleine ébullition.

Des voix anonymes s’élevaient, « Ordure, on va te l’arranger ta sale gueule, il faut le boucler… » »à poil, il faut le garder comme otage… ». L’avant-gout du lynchage défigurait les visages, une lâcheté anonyme qui poussait à dire et à faire n’importe quoi.. La violence sous son aspect le plus hideux laissait présager le pire. Le député et Maffre-Baugé se sentaient responsables de la sécurité de ce garçon. Juché sur le toit d’une voiture, l’auteur essaie de ramener à la raison les plus excités : « on n’est pas des gangsters, on ne se bat pas avec de tels moyens, les viticulteurs ne sont pas des salauds…. ». Frêche intervint dans le même sens.

Mais comment tirer cet homme de cette situation. Un peu plus loin un petit cabanon-buvette. Il fallait coûte que coûte l’entrainer là pour le mettre à l’abri. Il ne voulait pas laisser sa moto, mais quelqu’un dit qu’il allait la ranger. La tension montait, une bande d’irréductibles continuaient à menacer, tentaient d’entrainer la masse des viticulteurs. Le CRS visiblement ne comprenait pas ce déchainement contre lui. Frêche, l’auteur et des amis venus en renfort escortèrent le jeune homme jusqu’au cabanon, le protégeant de leurs corps. Soudain une grande flamme jaillie au-dessus de la foule, les plus excités venaient de mettre le feu à la moto.

Les propriétaires du cabanon se firent un peu tirer l’oreille pour ouvrir et mettre les hommes en sureté pour un instant. Mais comment gérer la situation ? Le visage du CRS était décomposé. Il ne cessait de dire « j’ai des balles dans mon barillet, j’en liquiderai quelques-uns, la dernière sera pour moi. Ils ne m’auront pas vivant… ».

Quelqu’un proposa de le mettre en civil et s’enfuir à travers les vignes. Quelques vieux vêtements trouvés là, mais il ressemblait plus à un épouvantail qu’à un homme. Il pleurait à grosses larmes, comme un homme, avec simplicité, courage. Dehors la foule grondait. La pression se sentait sur les parois en bois de la baraque. Des meneurs faisaient lever la colère et encourageaient les autres.

Il fallait faire vite. Le jeune homme repassa son uniforme et il fut décidé de sortir coûte que coûte. Dehors, difficile d’évaluer le nombre de personnes. Frêche avait mis son écharpe tricolore de député, son épouse avait avancé courageusement la voiture. Il fallut parlementer pour fendre la foule. Maffe-Baugé prit le parti de bloquer les provocateurs : »certains sont ici pour tout autre chose que la défense viticole, ils salissent notre cause… ne les laissez pas faire… nous ne sommes pas des gangsters pour prendre des gens en otage, ni des assassins pour laisser lyncher un homme par quelques cinglés dangereux et irresponsables…. ». A un des manifestants qui lui demandait qui il était, Maffe-Baugé lui répondit : « si tu étais des nôtres tu saurais qui je suis : dis-moi plutôt où sont tes vignes !!! »...Frêche prend la parole, il possède un étonnant pouvoir de persuasion, il a de la présence et il est écouté et même applaudi. Un semblant de calme grondant est revenu, il faut faire vite. Le député se met au volant de la voiture, sa femme à côté. Maffe-Baugé, un ami et le CRS montent à l’arrière. La voiture avance prudemment, les camarades venus à l’aide se serrent autour du véhicule faisant rempart de leurs corps. Ils ont compris qu’il s’agissait de l’honneur d’hommes et de vignerons. La voiture avance toujours au milieu de cette masse de manifestants. Peu à peu la pression disparaissait. On les regarde parfois avec gêne, les groupes se faisaient plus clairsemés…. Dans le véhicule, personne ne parlait.

Ils conduisirent le CRS jusqu’aux grilles de la préfecture de Montpellier. Le député expliqua à son commandant ce qui s’était passé. Le jeune homme dit simplement « je n’oublierai pas….je n’oublierai pas… »

La violence avait failli faire son ravage. La colère aveugle des hommes les fait retourner à des réflexes ou instincts animaux. Elle les dessert ou trop souvent elle sert d’autres causes que les leurs.

Ce sera un peu plus tard le drame de Montredon : Emile Pouytès, 50 ans, un vigneron d’Arquettes-en-Var et Joël le Goff 42 ans un commandant de CRS sont tués au cours d’une véritable fusillade au pont de Montredon.

Emmanuel Maffre de Baugé, dit Emmanuel Maffre-Baugé (Marseillan, 12 décembre 1921 – Bélarga, 22 juin 2007 (à 85 ans)), est un vigneron et écrivain marseillanais, catholique fervent fortement engagé dans la cause vigneronne et aux côtés du Parti communiste français. Il occupe un siège de député au Parlement européen3 de 1979 à 1989 dans le Groupe Communiste et apparentés, fait partie  de la Commission de l'agriculture (1re législature), la Commission de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, puis de l'agriculture, de la pêche et du développement rural (2e législature). Politique et aussi historien. Il est également le petit-fils du poète occitan Achille Maffre de Baugé.

 

Sources et pour en savoir plus : « Vendanges Amères » 1977- ISBN 2-245-00632-1--- www.midilibre.fr/2021/12/12/lheraultais-emmanuel-maffre-bauge-la-cause-viticole-lengagement-de-toute-une-vie-9987098.php-  /www.geneastar.org/celebrite/maffrebaugee/emmanuel-maffre-bauge--- fr.wikipedia.org/wiki/Emmanuel_Maffre-Baugé--- www.midilibre.fr/2014/08/21/1976-un-affrontement-entre-crs-et-viticulteurs-fait-deux-morts,1040129.php--- france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/aude/narbonne/montredon-1976-affrontement-sanglant-toujours-memoires-audoises-940555.html

 

 

mardi 14 mai 2024

La Flamme Olympique, son histoire

 



Passage de la flamme olympique à Allanches (archives des Vieux Amis d’Allanches 2/01/1968

 

La flamme olympique, son histoire….

Elle arrivera à paris le 26 juillet pour l’embrasement de la vasque au Jardin des Tuileries.

En fait ce symbole, cette flamme n’existait pas à l’époque des jeux antiques. Elle apparait pour la première fois lors des jeux d’été d’Amsterdam en 1928. Les nazis lors de jeux de Berlin vont instaurer ce cérémonial en 1936. Le Troisième Reich codifie ce rituel à des fins de propagande en utilisant l’Antiquité grecque. Une flamme allumée avec une torche enflammée elle-même au  moyen d’un miroir parabolique par le soleil d’Olympie !! Une flamme d’Olympie berceau des anciens jeux, portée de relais en relais, jusqu’au stade où elle doit à l’instant propice pour l’ouverture de la cérémonie.

Pour les jeux d’hiver, le premier relais de la flamme est inauguré aux jeux d’Oslo en 1952. Pour les jeux de Grenoble en hiver 1968, le comité d’organisation souhaite donner à ce relais : » « l’ampleur des manifestations organisées pour les jeux d’EtéPour la première fois […], malgré la rigueur des conditions atmosphériques hivernales, la flamme effectuera un très long périple, alternativement sur routes et à travers la montagne ». La flamme est allumée le 17 décembre 1967 à Olympie, transférée à Athènes, remise solennellement par le Comité Olympique grec aux représentants du Comité d’Organisation. Un avion la transporte le mardi 19 décembre à 13h30 et elle arrive à Orly à 15h35. Dès le lendemain elle entreprend un périple de 7222 km et 50 étapes.

Sont traversés la plupart des grandes villes, les massifs montagneux, Vosges, Jura, Massif Central, Pyrénées, Corse, Alpes… « une occasion unique […] de favoriser la promotion des stations françaises de tourisme hivernal ainsi que des sports de neige et de glace ».


Ce 2 janvier 1968, le convoi entre dans le Cantal, peu après 13h30 en direction de Saint-Flour.

La flamme doit arriver à 14 h 30 via Condat, Marcenat, Allanches, Neussargues et Talizat. Mais la météo a son mot à dire. Première étape neutralisée car elle va s’effectuer à l’aide de véhicules. Dans ce cas, selon le comité d’organisation, elle doit être transportée en voiture découverte avec un athlète en tenue sportive, se tenant debout. La vitesse de la caravane ne doit pas dépasser les 30 km/h. Mais la neige obligea de transporter la flamme dans une jeep de la gendarmerie non débâchée. Le convoi avait déjà deux heures de retard à son arrivée à Saint-Flour. On écourte la cérémonie de Sanfloraine, puis en route pour Murat. La traversée de Murat dure 15 minutes.

Les membre de l’Union Sportive de Murat prend la flamme en charge au Pont de Notre-Dame pour un premier relais de 400 mètres, avec un porteur et une escorte de six jeunes, un deuxième relais trois minutes plus tard au carrefour du faubourg Notre-Dame, une réception de 5 minutes à l’Hôtel de ville, puis la flamme sort de la ville prise en charge par le Murat Ski pour deux relais de 400 et 500 mètres. A l’étape suivante, Lioran, la tempête de neige oblige les personnalités à écourter la cérémonie. La flamme est portée par des skieurs ; elle quitte la ville à 18 h, heure à laquelle elle devait arriver à Aurillac. Elle y arrivera à 19h 15.


A Aurillac malgré le froid et la neige, plusieurs milliers d’Aurillacois sont présents autour du square pour assister à l’arrivée de la flamme.

Les deux relayeurs sont l’Aurillacois Jean Malroux, en tenue de skieur, et la Sanfloraine, Simone Grimal (ex Simone Henry) revêtue de son survêtement de l’équipe de France d’athlétisme dont elle fut membre aux jeux de Melbourne 1956.

 

Dernier relais sur les marches du palais de justice d'Aurillac (cote ADC : 31 NUM 15823, cliché La Montagne)

Tous les deux terminent leur course au sommet du grand escalier du palais de justice. La vasque y est installée, Jean Malroux met le feu. A cette époque, la flamme olympique et son passage sont symboles de solennité, de pureté, d’effort beaucoup plus qu’une fête. Le Comité rappelle que  « que toutes les manifestations envisagées à l’occasion de son passage et de ses arrêts revêtent un maximum de dignité, leur note dominante les apparentant bien davantage à des cérémonies qu’à des kermesses. Le protocole prescrit d’ailleurs que l’on applaudit pas la Flamme, mais qu’on l’honore d’un fervent et respectueux intérêt ».


Jean Malroux et Simone Grimal entourant la vasque (cote ADC : 31 NUM 15816, cliché La Montagne)

La vasque toujours sur sa tribune pavoisée et ornée des anneaux olympiques brûle toute la nuit sous la garde des membres de différents clubs et associations, Aéro Club, Para Club, Stade Aurillacois, Géraldienne, Ski Club, Cantalienne, Sporting et Union Cycliste Aurillacoise.

La flamme repart le lendemain après un au revoir au stade Jean Alric. Elle est remise au maire d’Aurillac et c’est à bord d’une voiture qu’elle part en Corrèze.

 

Sources : archives départementales du Cantal- document Nicolas Laparra--Cote ADC : 3 SC 8889-- Comité d’organisation des Xe jeux olympiques d’hiver 1968 Grenoble, conférence de presse du 9 octobre 1967 (cote ADC : 3 SC 8889).--- Lettre du ministre de l’Intérieur au préfet du Cantal, 21 juillet 1967 (cote ADC : 3 SC 8889).--- La Montagne du 5 janvier 1968.---Comité d’organisation des Xe jeux olympiques d’hiver 1968 Grenoble, Instructions à MM. les inspecteurs départementaux de la Jeunesse et des Sports (cote ADC : 3 SC 8889).---archives photos « les Vieux Amis d’Allanches---