François, DUBOIS (1529 - 1584) Musée
cantonal des Beaux-Arts de Lausanne
La
Saint-Barthélemy :
Bientôt le 24 août anniversaire de la Saint-Barthélemy.
24 août 1572, "la nuit de la
trahison" comme
l'appellent les huguenots.
En cette année-là
l’économie française n’est pas au mieux de sa forme. Depuis 1560 le profit
agricole recule ainsi que les revenus immobiliers de la terre. La peste de
1562-64, les mauvaises récoltes accablent villes et villages. Les villes, dont
Paris, connaissent des gros problèmes d’hébergement, de ravitaillement,
submergées par des réfugiés, paysans qui ont tout vendu, fuyant la pauvreté et
la guerre civile qui dure depuis dix ans au moins. Le pays fourmille de bandes rivales. Les soldats licenciés
courent les rues à la recherche d’une bonne affaire. Les prix flambent. Les
levées fiscales du roi et des princes se renforcent. Jacquerie dans le Gers,
refus de payer la dîme dans le Languedoc… Une situation totalement instable, angoissante..
Et à Paris, le luxe fait
la nique aux vagabonds, aux miséreux : on bâtit les Tuileries, les Grands,
nobles ou archevêques de province, se font construire des hôtels particuliers
où l’opulence est de mise. On danse dans les palais, on s’habille de soie, on
s’amuse, on joue. On organise des "mascarades", fêtes qui conjuguent l'art dramatique, la danse, la gastronomie. Certains mangent bien quand d'autres ont faim. La soierie lyonnaise ou italienne, l’orfèvrerie et les marchands d’armes
se portent bien.
La chaleur en août 1572 à
Paris est torride, orageuse. La ville est prête les 23-24 pour les «noces de
sang» de la Saint-Barthélemy.
On peut considérer Luther
né en 1483 comme le père fondateur du protestantisme. Calvin diffusera cette
doctrine dès 1541, formant à Genève des pasteurs qui sillonneront ensuite les
quatre coins de l’Europe. Le protestantisme séduit, même à la Cour. Le scandale des
« indulgences », un besoin de
spiritualité, une société en pleine mutation, font que la religion réformée, le
protestantisme, progresse rapidement, d’abord dans les classes aisées, nobles,
bourgeoises, chez les artisans. Le secteur rural est moins touché. Les
chrétiens en pleine confusion hésitaient « entre deux chaires », se
convertissaient, revenaient à la religion de leurs pères. Chacune des deux
religions habillait un clan politique pétri d’ambition. La monarchie va louvoyer de son mieux entre les deux partis commandés par les chefs de grandes familles de la noblesse française. Catherine de Médicis la
veuve d’Henri II ne croyait pas aux bûchers pour arrêter l’hémorragie :
« une mort sur le bûcher en gâte mille vivants ». Les Vaudois
persécutés en Provence rejoindront le protestantisme dès le concile de 1532. Dans son journal Pierre de l'Estoile écrit "le mal du siècle ce sont la passion et l'esprit de parti..."
Dans la première moitié du 16ème siècle, 13 années seulement sans épisode de peste. François Ier est mort en 1547, laissant un pays appauvri, son fils Henri II décède tragiquement sous le coup malencontreux de Montgomery en 1559 lors de joutes. Ses fils sont de santé fragile et vont se succéder à la tête du royaume instaurant un pouvoir très convoité par les Grands du royaume et nous entrainant dans une guerre de religion qui de trêve en trêve, de guérilla en répression va nous conduire jusqu’à l’avènement d’Henri IV. En 1560 c’est « le tumulte d’Amboise » et sa répression sanglante. Nous pouvons dater la première guerre de religion de 1562. Entre cette date et 1598 date de l’Edit de Nantes, huit guerres fratricides entrecoupées d’édits de pacification qui ne seront jamais respectés longtemps. Sur 25 ans, 13 années de paix relative. Comme toujours, les pays voisins n’ont pas été neutres dans les événements, chacun tirant des ficelles.
Dans la première moitié du 16ème siècle, 13 années seulement sans épisode de peste. François Ier est mort en 1547, laissant un pays appauvri, son fils Henri II décède tragiquement sous le coup malencontreux de Montgomery en 1559 lors de joutes. Ses fils sont de santé fragile et vont se succéder à la tête du royaume instaurant un pouvoir très convoité par les Grands du royaume et nous entrainant dans une guerre de religion qui de trêve en trêve, de guérilla en répression va nous conduire jusqu’à l’avènement d’Henri IV. En 1560 c’est « le tumulte d’Amboise » et sa répression sanglante. Nous pouvons dater la première guerre de religion de 1562. Entre cette date et 1598 date de l’Edit de Nantes, huit guerres fratricides entrecoupées d’édits de pacification qui ne seront jamais respectés longtemps. Sur 25 ans, 13 années de paix relative. Comme toujours, les pays voisins n’ont pas été neutres dans les événements, chacun tirant des ficelles.
Mais revenons au 24 août
1572.
La paix de St Germain de
1570 est très mal acceptée par les catholiques-ultra. Ce traité offre une
certaine sécurité aux protestants en particulier des villes fortifiées. Gaspard
de Coligny le chef des protestants siège à nouveau au conseil royal ce qui
agace le parti catholique des Guise. Il est très écouté par le roi Charles qui
l’appelle « mon père ». Ce qui n’arrange pas les choses. Le mariage
de Marguerite de Valois fille de Catherine de Médicis et sœur du roi, avec
Henri de Navarre prince protestant, doit consolider la paix. Mais cette union donne
aussi des droits sur le trône de France au chef des protestants. A cette époque la religion du roi détermine celle des territoires qui lui sont soumis. Risque qui ne
plait pas au parti des Guise.
Mariage prévu en mai 1572
mais repoussé en août après le décès de la mère du futur marié, Jeanne d’Albret,
d’où fermentation des animosités pendant trois mois de plus. Les catholiques
intransigeants sont vent debout contre ce projet de mariage, le pape refuse
d’envoyer la dispense de consanguinité, le roi d’Espagne Philippe II condamne
cette politique de rassemblement.
Le mariage est célébré le 18 août 1572. Dans un esprit
de concorde les grands du royaume sont conviés aux festivités, catholiques
comme protestants. De très nombreux gentilshommes languedociens sont présents,
accompagnant leur prince Henri de Navarre. Le clergé parisien, capucins et
dominicains, prédicateurs à chaque coin de rue, martèlent les esprits des
passants. Paris est catholique à l’extrême et les Parisiens entendent le
discours de ces oiseaux de malheur. Le luxe déployé pour les noces est un
affront de plus pour le peuple.
Henri III de Navarre, futur Henri IV et Marguerite de
Valois, roi et reine de Navarre (vers
1572). Miniature du livre d'heures de Catherine de Médicis.
Tout ne va pas pour le mieux à la Cour.
Malgré le désaccord du pape, le cardinal de Bourbon accepte d’unir les fiancés.
Mais les Guise et les Montmorency et leurs alliés respectifs se disputent. Il
faut se rappeler que l’épouse de François II, premier fils de Catherine de
Médicis, Marie Stuart, fille de Marie de Guise, avait été poussé dans le lit du
roi par le parti des Guise qui en espérait beaucoup et avait un gros appétit
politique.
Le gouverneur de Paris François de
Montmorency doit faire face à des troubles urbains. Mais il préfère quitter la
ville sentant le vent tourné. Une rumeur d’une prochaine guerre contre
l’Espagne catholique agite les participants à la fête. Le parti protestant avec
l’amiral de Coligny, souhaite depuis plusieurs mois l’invasion par nos troupes
de la Flandre espagnole aux côtés du prince d’Orange. Une guerre contre
Philippe II d’Espagne serait le meilleur moyen de rapprocher catholiques et
protestants face à un adversaire commun. Le parti catholique dont les Guise et
le duc d’Anjou futur roi Henri III, la reine Catherine n’en veulent pas.
Le 22 août, un certain Charles de Louviers
seigneur de Maurevert tire à l’arquebuse sur Gaspard de Coligny alors que
celui-ci sort du Louvre et se dirige vers son hôtel particulier rue de Béthisy.
Peu de dégâts, l’index de la main droite arraché et le bras gauche touché par
une balle qui ne ressort pas.
Les Guise sont les suspects les plus
probables. Ils ont pu avoir envie de saboter le processus de paix. Peut-être
aussi venger leur père François de Guise assassiné en 1563 possiblement sur
l’ordre de Coligny. La famille des Guise est proche du pouvoir royal depuis au
moins le roi François Ier et Marignan. Guerriers, cardinaux, une ambition à
rayer les parquets. Henri de Guise est un ennemi juré de la Réforme et est
partisan de la limitation des pouvoirs du roi. On doit aux Guise le massacre de Wassy en 1562 déclencheur des
guerres de religion. Il sera par la suite le chef de la Sainte Ligue, à la fois
parti religieux et politique contre le roi. Le roi d’Espagne lui offrira
l’appui de troupes pour lutter contre les soldats du roi. Il finira tué sur
ordre du roi Henri III en 1588. Il aura voulu être « calife à la place du
calife ».
Massacre de Wassy gravure 1569
Hogenberg photo Charvex archives départementales de la Marne + Genève-wikimédia
Le coup de feu contre Coligny est parti
d’une maison appartenant à un des familiers des Guise. Les historiens ont aussi
soupçonné le duc d’Albe, Catherine de Médicis.. Mais ceux-là avaient trop à
perdre. Un acte isolé ? On ne saura probablement jamais, les archives de ce
genre de fait sont rares.
Cet attentat est l’étincelle qui enclenche
la machine. La confusion règne. Les chefs protestants réclament justice. Paris
est au bord de la guerre civile entre partisans des Guise et les huguenots.. Le
roi avec ses proches vient visiter le blessé et lui promet justice. Les Guise
font mine de quitter la capitale. Le roi Charles IX et sa mère ne sont pas
rassurés, des protestants viennent réclamer bruyamment justice. A partir de ce
moment les sources indiquent des chronologies différentes. Une parait plus
logique que d’autres :
Le soir du 23, une réunion (le conseil
étroit) se tient avec le roi et ses conseillers. La reine mère, le duc d’Anjou,
le Garde des Sceaux Birague, le maréchal de Tavannes, le baron de Retz, le duc
de Nevers… C’est vraisemblablement ce conseil qui décida d’éliminer les chefs
protestants. Les jeunes princes du sang, le roi de Navarre (futur HenriIV) et
le prince de Condé seront épargnés.
Les autorités municipales de Paris sont
convoquées et on leur ordonne de fermer les portes de la ville et d’armer les
bourgeois. Le commandement des opérations est confié au duc de Guise et à son
oncle le duc d’Aumale. Ils sont épaulés par des princes connus pour leur
intransigeance : le duc de Nevers, le duc de Montpensier, le bâtard
d’Angoulême.
Attentat contre Coligny gravure allemande Bartolemio-BNF |
Ils se rendent au domicile de l’amiral, le tire
du lit, l’achève et le jette par la fenêtre. Les nobles protestants logés au
Louvre sont évacués du palais et massacrés dans les rues, surpris de nuit sans
possibilité de défense, « tués comme des brebis à l’abattoir » comme l’a écrit Théodore de Bèze.
Ainsi moururent
Pardaillan, Beaudiné de Crussol, de Clermont, Quellenec et bien d’autres. Leurs
corps seront mis à nu, trainés dans les rues puis jetés dans la Seine. Puis ce
fut le tour des chefs protestants logés dans le faubourg Saint-Germain situé
alors en dehors de la ville. Certains purent s’échapper comme Caumont ou
Montgomery. Au moins 200 nobles huguenots de toute la France seront tués ce
jour-là. Les gardes et miliciens catholiques arborent une croix blanche sur
leur pourpoint ou leurs chapeaux et une écharpe blanche leur barre la poitrine.
Et puis c’est le massacre
généralisé. Le tocsin de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois proche du Louvre,
rapidement repris par d’autres clochers appelle les Parisiens à la curée. La
tuerie dure plusieurs jours, protestants, mais aussi catholiques soupçonnés de
complaisance envers les huguenots, les étrangers, en particulier les Italiens
(on se venge de la reine-mère)… Les maisons sont pillées. Par la même occasion,
des boutiques sont vandalisées. Les caniveaux sont rouges de sang.
Détail du
tableau peint par François Dubois Catherine
de Médicis est représentée en train de dévisager les cadavres.
Cette journée restera le
symbole du fanatisme politique. Le peuple est convaincu du bien-fondé de
l’épuration : une aubépine fleurit inopinément au cimetière des Innocents
au matin du 24, message évident de Dieu !! Les cadavres flotteront
longtemps dans la Seine, se décomposeront sur les berges tout au long du cours
du fleuve. Il parait que lorsque l'on creusera les berges de la Seine pour les fondations de la Tour Eiffel à la fin du 19ème siècle, on trouvera des milliers de squelettes dans un de ses méandres.
Dès le matin du 24, .Charles IX ordonne l’arrêt du
massacre. Mais la machine est lancée. Les Parisiens exaltés se vengent de tout
en une fois : disette, impôts, chômage…..
Des huguenots seront sauvés. Renée de France la tante
du roi, Antoine et Louise de Crussol d’Uzès, des princes et princesses de sang
à l’abri au Louvre...Le roi le 26 août déclare en endossant la responsabilité
de l’exécution des chefs protestants : « ce qui est ainsi advenu a été son exprès
commandement […] pour obvier prévenir l'exécution d'une malheureuse et
détestable conspiration faite par ledit amiral, chef et auteur d'icelle et
sesdits adhérents et complices en la personne dudit seigneur roi et contre son
État, la reine sa mère, MM. ses frères, le roi de Navarre, princes et seigneurs
étant près d'eux. »
Selon une chronique,
Nicolas de Bargeton, un des fils de Mathieu de Bargeton le seigneur de
Vallabrix, était à Paris en août 1572, pour le mariage d’Henri de Navarre et de
Margot. Ce qui semble logique étant donné les liens entre les petits seigneurs
du Languedoc, les Crussol et la famille royale. Il aurait tenu table de jeux
chez lui la veille du mariage dans son hôtel particulier parisien. Son
concierge le vallabrixois Simon Coste est tué, ses chevaux volés, ses deux
femmes de charge enfuies, les cochères (les portes) sont fracassées et le
mobilier vidé. Lui s’en sort vivant, sain et sauf, car nous retrouvons Nicolas en 1584 en procès
avec son frère Pierre de Bargeton contre les consuls de Lédenon (adh cour des comptes de Montpellier
1161-1b28). -adg-adh p265 Inventaire
de Dainville T1 B1-B44). Est-il parti de Paris tout de suite après le
mariage et ainsi échappera au massacre ?
Pendant cet épisode
tragique, à Paris, des Uzétiens sont tués : Galiot de Crussol ainsi que
Simon de Jals, écuyer, David Merle et Michel du Lac maître d’hôtel du duc
d’Uzès. Dans ses mémoires sur «Les guerres de religion à Castres et dans le
Languedoc» Jacques Gaches p 29
a une autre version en ce qui concerne la mort d’un
Crussol pendant cet épisode : Jean et Galiot de Crussol, frères de Jacques
de Crussol et seigneur de Beaudiné d’Assier, sont présents dans la capitale, et
Jean et non Galiot serait celui qui est tué à Paris. Dans ce texte, les trois
frères portent le titre de Beaudiné ou Baudinier. (Beaudiné était une baronnie
dans la mouvance du comté de Crussol en Vivarais, fief des Crussol).
Le baron François de
Peyre époux de Marie de Crussol perdit la vie lui aussi dans cette tuerie.
D'après plusieurs chroniques, Marie fervente calviniste aida Mathieu Merle son
intendant à recruter une troupe de huguenots qui va devenir nombreuse, solide
et souvent cruelle. Mathieu Merle sera sous la direction d’Henri de Navarre un
soldat audacieux, habile et expérimenté sans merci. Car une autre guerre dite
de religion démarre au lendemain de la Saint-Barthélemy.
Une des conséquences de
la St Barthélemy est la prise en main de la sécurité par les villes. Nous
voyons arriver des capitaines uzétiens contrôlant les quartiers et les
principaux forts aux alentours d’Uzès. Souvent formés dans les troupes de
l’ancien chef huguenot Jacques de Crussol. Les fils et petits-fils de notre
seigneur Mathieu de Bargeton sont de la partie, avec d’autres jeunes hommes de
l’Uzège. Le massacre a renforcé la solidarité protestante. A Uzès la porte St
Etienne est protégée par un pont levis et un fossé. En cas de danger, seule
cette porte sur les quatre que compte la ville peut être ouverte. En 1574 Uzès
fait partie de la «Confédération des Provinces Unies du Midi» sous la
protection du Prince de Condé, puis en 1576 sous la protection du roi de
Navarre futur Henri IV. Sorte de république romaine avant l’heure.
La province
est contaminée dès le 25 au soir.
Le pays tout entier
s’embrase. Des Saint-Barthélemy locales d’août à septembre feront au moins 10 000
morts en province. Orléans le 25 août,
Meaux, La Charité sur Loire le 26, le 28 et 29 Angers et Saumur, le 31 Lyon, le
11 septembre Bourges, Bordeaux, Rouen, Toulouse, Albi, Romans, Valence,
Orange…. Des agitateurs espèrent renverser le pouvoir. Mais les autorités ne
vont pas toujours encourager les massacres. On enferme les huguenots dans les
prisons pour les protéger, mais elles sont forcées par les émeutiers comme à
Lyon, Rouen, Albi. À Chalon-sur-Saône, les rapports de bon voisinage sont
capables de primer sur la haine religieuse : en septembre 1572, on enferme
certes les réformés mais plusieurs d’entre eux sont « reçeus à tenir
prison ès maisons d’aulcungs catholiques, gens de bien, qui en respondront au
peril de leurs vyes », en clair, assignés à résidence chez des catholiques
qui en répondent sur leur vie. Les gouverneurs militaires essaient à
garder la tête froide en contredisant ceux qui prétendent et affirment que le
roi ordonne et approuve les massacres. Mais comment arrêter une foule
surexcitée, incontrôlable, hystérique. Environ 30 000 morts au total,
plus que sous la Commune de 1871.
A
Montferrand en septembre les consuls refusent d’emprisonner Françoise Morel
huguenote en raison de sa « grave malladie ». A Lisieux, on laisse en
liberté Albert de la Couyère huguenot mais surtout chirurgien, on peut en avoir
besoin.
Le roi Charles IX donnera
plusieurs versions aux faits, montrant sa totale confusion et peut-être sa culpabilité : une vendetta entre les familles Guise et Châtillon, un complot protestant
contre lui….
Le pape Grégoire XIII, enthousiaste,
fait chanter un Te Deum en remerciement à Dieu et une médaille est frappée pour
célébrer l’événement. Une série de fresques ponctue aussi la version
officielle.
Pour Philippe II
d’Espagne c’est « le plus beau
jour de ma vie ». L’Angleterre prit le deuil et la reine Elisabeth Ier fit
faire le pied de grue à l’ambassadeur de France avant d’accepter pour des
raisons diplomatiques la version du complot. En Suisse les Genevois firent
maigre et jeûnèrent. Les huguenots commencèrent à immigrer en Suisse, à Genève
qui devint la « cité du refuge » pour longtemps.
Le massacre de la Saint-Barthélemy par Giorgio Vasari, 1572-1573.
La quatrième guerre de
religion n’est pas loin. La question politico-religieuse agite à nouveau le
pays. L’Edit de Saint-Germain est annulé. Liberté de conscience, oui, mais on
encourage vivement les conversions. Parfois par la méthode douce, à l’égard des
proches du pouvoir, selon des mesures discriminatoires pour les autres. Le
prince et la princesse de Condé sont remariés selon le rite catholique, les
gouverneurs des provinces doivent faire pression sur les gentilshommes
protestants pour qu’ils se convertissent entraînant ainsi les habitants.
Là où les communautés
protestantes sont minoritaires, elles s’essoufflent et sous la pression abjurent.
Dans le sud de la France où les huguenots sont beaucoup plus nombreux et
solidaires, ils parviennent à résister. Mais beaucoup de Nouveaux-Convertis
d’occasion, pour continuer à travailler, et gérer les villes et villages, vivre simplement. La Révocation de l’Edit de
Nantes et Louis XIV ne leur feront pas de cadeaux en 1685 mais nous n’en sommes
pas encore là.
Charles IX espère
rétablir son autorité en privant le parti huguenot de ses chefs militaires.
Après la capitulation de Mons, le 19 septembre 1572, 600 à 800 français
obtiennent du duc d’Albe l’autorisation de rentrer en France. Mais ils sont
exécutés une fois passée la frontière. Seul Acier de Crussol, La Noue,
Sénarpont seront épargnés. L’échec des pourparlers avec les protestants de La
Rochelle enclenche la quatrième guerre de religion.
Le roi a perdu beaucoup
de crédibilité. Le peuple souhaite la tenue régulière des Etats généraux. Les
catholiques modérés sont hostiles à l’autoritarisme monarchique et c’est la
mise en place des Provinces de l’Union et de la conjuration des Malcontents en
1574.
Au lendemain des massacres, des accords nombreux et
spontanés sont passés entre protestants et catholiques. Déjà il était habituel
dans notre sud, où les intérêts des familles étaient surtout financiers, commerciaux,
de prestige plutôt que religieux, les garçons suivaient la religion de leurs pères et
les filles celle de leurs mères. Et tout le monde était content. Quand les
« politiques » s’en mêlent, l’atmosphère sera plus agressive et on va
assister à des razzia, des remparts, des églises démolis, des habitants qui
fuient pour sauver leur vie et la Michelade nîmoise de 1567 en réponse à Wassy.
Dans notre sud, les deux religions étaient
représentées dans les consulats, dans les instances administratives. On
travaillait ensemble bon gré mal gré. Suivant cet exemple, les habitants des
deux religions après les massacres vont par ces accords, ces "pactes" s’engager à ne pas
prendre part aux violences « en frères, amis et concitoyens ». Les
historiens et sociologues, ethnologues…commencent à les étudier.
Nîmes
|
30 août
1572
|
Nyons
|
31 août
1572
|
Chalon-sur-Saône
|
31 août
1572
|
Casteljaloux
|
1er
septembre 1572
|
Millau
|
2 septembre
1572
|
Compeyre
|
10
septembre 1572
|
Saint-Affrique
|
14
sept. 1572
|
Barre-des-Cévennes
|
19
sept. 1572
|
Ce tableau montre que les pactes sont jurés dans
l’urgence au rythme des informations qui parviennent. Entre le 30 août et le 19
septembre. A Millau le 2 septembre après « un bruict venant du pais de
Languedoc qui auroit coureu que l’on emprisonne ceulx de la religion refformée
comme à Montpellier, Gailhac et en d’autres lieux, ceulx de la religion
emprisonnent les catholiques ». D’un côté comme de l’autre on emprisonne
celui qui n’est pas de sa religion. Le conseil des habitants, consulat élargi
est convoqué à son de cloche. Parfois comme à Saint-Afrique, tous les habitants
sont présents et s’engagent. Barre-des-Cévennes 36 hommes représentant la plus
grande partie des habitants dudit Barre signent l’accord de conciliation. On voit bien que ces pactes sont passés dans
des villes ou villages où les consulats ou conseils de ville sont anciens et
expérimentés, souvent mi-partie depuis 1571. . Dans ces lieux les minorités
religieuses sont suffisamment fortes et bien intégrées au milieu villageois. Ces
pactes de non-Saint-Barthélemy montrent que la coexistence confessionnelle est
possible dans notre pays et que ces guerres n’ont de religion que le nom. Et
cela quelle que soit la taille du lieu, de 500 à 8000 habitants pour Nîmes. Les
habitants sont voisins, alliés par mariage, par le travail, par la solidarité
agricole nécessaire, l’interdépendance des activités artisanales et
commerciales. Et puis les émeutes ne sont pas bonnes pour le commerce et les
affaires.
A Millau dans le pacte, les habitants déclarent
« s’entreaymer comme fraires, hantans, frequentans, mangeant, beyant
ensemble ».. A Nîmes, on est « vrays citadins, habitans de mesme
ville ». Les relations quotidiennes ont construit une identité collective
qui est bien plus importante que les identités confessionnelles. Avant de prier
séparément, on se fréquente, on mange, on boit ensemble, on participe à la vie
de la collectivité..
À Saint-Affrique, le pacte proclame
« paix, concorde, amour et amitié » Violences physiques et
symboliques sont donc exclues, les habitants s’engageant à ne jamais plus user
d’invectives les uns envers les autres. Ce faisant, la parole de paix fonde une
paix des paroles.
Dans ces pactes on dit et fait la
paix sans référence à des critères religieux qui ne protègent pas du danger, mais
pour éviter une épreuve de force éventuelle. La religion importe moins que
d’être anciennement implanté, connu, reconnu. C’est la définition déjà de la
« citoyenneté ». À Chalon, on promet de « vivre les ungs les
aultres comme bons citoiens et habitans ». Embryon de laïcité ?
Par contre dans les grandes villes, on se méfie des
minorités, religieuses ou autres, comme les étrangers, les vagabonds, gens sans
« adveu » sans famille, ou sans lien avec le lieu.
Les rivalités politico-religieuses vont reprendre avec
la guerre de Rohan qui se termine par la paix d’Allais (Alès) en 1629 avec
Richelieu et le roi Louis XIII. Le
bi-partisme consulaire sera supprimé en 1636, on « encourage » les
conversions, la Révocation de l’Edit de Nantes de 1685 est en chemin… Nous
aurons l’occasion d’en reparler ici. Les énormes dépenses et les dégâts occasionnés par les guerres civiles ou étrangères laissent le pays dans une situation économique désastreuse. Même les banquiers lyonnais, d'Anvers ou italiens qui prêtaient de l'argent aux souverains et aux nobles en guerre se trouvent à leur tour mis en faillite.
Pour certains historiens la Révolution de 1789 et surtout le siècle des Lumières sont les héritiers de la Saint Barthélémy tant le choc a été fort et les idées qui en ont découlé se sont immiscées dans les consciences à jamais. Mais nous sommes toujours les héritiers de notre passé.
Autre sujet de réflexion : pourquoi depuis la nuit des temps certains se servent de la religion pour asseoir leur pouvoir sur les autres, même au prix du sang ?
Pour sourire : Catherine de Médicis avait amené avec elle l’artichaut de son Italie natal. Chacun sait les désordres intestinaux qu'engendre ce légume quand on le met tous les jours à sa table. Elle en abusait tellement qu'au Louvre ses contemporains la surnommait "la Musicienne du soir".
Pour certains historiens la Révolution de 1789 et surtout le siècle des Lumières sont les héritiers de la Saint Barthélémy tant le choc a été fort et les idées qui en ont découlé se sont immiscées dans les consciences à jamais. Mais nous sommes toujours les héritiers de notre passé.
Autre sujet de réflexion : pourquoi depuis la nuit des temps certains se servent de la religion pour asseoir leur pouvoir sur les autres, même au prix du sang ?
Pour sourire : Catherine de Médicis avait amené avec elle l’artichaut de son Italie natal. Chacun sait les désordres intestinaux qu'engendre ce légume quand on le met tous les jours à sa table. Elle en abusait tellement qu'au Louvre ses contemporains la surnommait "la Musicienne du soir".
Assassinat de Coligny - Anonyme photo RMN Grand Palais de Chantilly Thierry Le Mage |
Sources :
François Bayrou Ils portaient l’Echarpe
Blanche édi Grasset 1998 -- Fr Bayrou
Henri IV le roi libre 1994 - C
Brouet D Vallet Le Château de Linchamps
Henri de Guise p100-CDDP des Ardennes
- J Garrisson Protestants du
Midi 1980 + L’Edit de Nantes et sa
révocation 1985/1998 Le Seuil - GARRISSON
Janine, La Saint-Barthélemy,
Complexes, Bruxelles, 1987 - P Joxe l’Edit de Nantes 1998
Hachette - P Miquel Les Guerres de Religion 1991
Fayard -
D Crouzet La Nuit de la Saint
Barthélémy 1994 Paris Fayard - Nicolas LE ROUX, « Le Massacre de la Saint-Barthélemy », Histoire par l'image [en
ligne],.URL:http://www.histoire-image.org/etudes/massacre-saint-barthelemy?language=fr - -
MUsée virtuel du protestantisme BOURGEON Jean-Louis, Charles IX devant la Saint-Barthélemy,
Droz, Genève, 1995 - B Ketcham Wheaton L'Office et la Bouche édit Calmann Lévy p74 1985 -Hérodote 12-12-2015 Un grand massacre de protestants internet - Cahiers de recherches médiévales et
humanistes Jérémie Foa 2012, « La Saint-Barthélemy
aura-t-elle lieu ? Arrêter les massacres de l’été 1572 », Cahiers
de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 24 | 2012,
mis en ligne le 01 décembre 2015,. URL :
http://crm.revues.org/12924 ; DOI : 10.4000/crm.12924 - Voir L’Etranger. Recueils de la Société Jean
Bodin, t. ix et x, Bruxelles, 1958. -
AM(archives municipales) Nîmes, LL 11 (30 août 1572). - AM Millau, CC 42, 2e inv.pièce
non numérotée - AM
Clermont, BB 36, décembre 1567. - AD Puy de Dôme, 3 E 113, fds II, BB
20, fol. 20 v°. - AM Chalon-sur-Saône,
EE 1. - AM Lisieux, BB 7, fol. 347.
- AM Chalon-sur-Saône, EE 1. - J.-P. Chabrol, La Cévenne au village,, p. 183. - Mémoires
d’un calviniste de Millau, éd. J. Rigal, Rodez, Carrère, 1911,
p. 222. Et AM Nîmes, (...) - O.
Christin, « Amis, frères et concitoyens, art. cit., p. 93. - M.Konnert,
« La tolérance religieuse en Europe aux xvie
et xviie siècles.
- Th. Wanegffelen, Ni Rome ni Genève., p. 318. – Roger Gau L’avant et l’après
Saint-Barthélemy à Toulouse et dans le Tarn -
Victor Carrière Les lendemains de la Saint-Barthélémy en Languedoc –
Denis Crouzet Les Guerriers de Dieu
internet – Annales de la ville de Toulouse de Germain de La Faille
Colomiez Ecole Sainte-Geneviève – Et bien d’autres textes, analyses…..
A relire Alexandre Dumas La Reine Margot 1845
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