mercredi 20 décembre 2017

La bûche de Noël

  

La Bûche de Noël :

Revoici un Platter. Thomas fils que nous avions vu dans un article précédent. Il a pris plaisir à raconter les us et coutumes de notre Languedoc. Nous sommes le 24 décembre 1597.
 « Le 24 décembre (1597) dans la soirée de Noël à la tombée de la nuit, nous étions sur le point de faire collation, dans la maison de mon logeur Monsieur Carsan. Ce personnage est papiste, ainsi que son fils ; sa femme et sa fille en revanche, appartiennent à la religion réformée. J’ai donc vu qu’on mettait sur le feu une grosse bûche de bois. Celle-ci est appelée dans leur langage local (en langue d’oc) un cachefioc, ce qui veut dire cache-feu ou couvre-feu. On procède ensuite aux cérémonies ci-après décrites.
De fait en cette même soirée, on dépose une grosse bûche de bois sur le gril, par-dessus le feu. Quand elle commence à brûler, toute la maisonnée se rassemble autour du foyer, dès lors, le plus jeune enfant (s’il n’est pas trop petit, auquel cas il appartiendrait au père ou à la mère d’agir en son nom pour l’accomplissement du rite) prend dans sa main droite un verre plein de vin, des miettes de pain et un peu de sel, et dans la main gauche un cierge de cire ou de suif, allumé. Immédiatement les personnes présentes, du moins celles qui sont de sexe masculin, tant jeunes garçons qu’adultes, ôtent leurs chapeaux ; et l’enfant susdit, ou bien son père s’exprimant au nom d’icelui, récite le poème suivant, rédigé dans leur langue maternelle :
Ou Monsieur s’en va et vent, (en quelque endroit que se rende le maître de la maison, qu’il aille ou vienne)
Dious donne prou de ben, et de mau ne ren,(puisse Dieu lui donner beaucoup de bonnes choses et rien de mauvais)
Et Diou donne des fennes enfantans, et de capres caprettans, (et que Dieu donne des femmes qui enfantent, et des chèvres qui feront des chevreaux)
Et des fedes agnolans, et vacques vedelans (et des brebis agnelantes, et es vaches vêlantes)
Et des saumes oulinans, et de cattes cattolans (et des ânesses poulinantes, et des chattes chatonnantes ou productrices de chatons)
Et des rattes rattonans, et de mau ne ren, (et des rates faisant des ratons, autrement dit, rien qui soit mal)
Sinon force ben (sinon beaucoup de bonnes choses)

Tout cela étant dit, l’enfant jette une pincée de sel sur la partie antérieure de la bûche, au nom de Dieu le Père, idem sur la partie inférieure au nom du fils, et enfin, sur la partie médiane au nom du Saint-Esprit ; Une fois ces rites effectués, tout le monde s’écrie d’une seule voix : Allègre ! Diou nous allègre, ce qui veut dire : « En liesse ! Dieu nous mette en liesse ! ». Ensuite l’enfant fait de même avec le pain, puis avec le vin et finalement tenant en main la chandelle allumée, il fait couler des gouttes de suif ou de cire brûlante aux trois endroits de la bûche, au nom de Dieu le Père, du fils et du Saint-Esprit. Et tous reprennent en chœur le même cri qu’ils ont déjà poussé : « En liesse ! ». 
A ce qu’on dit, un charbon ardent en provenance d’une telle bûche ne brûle pas la nappe si on le pose dessus. On conserve avec soin toute l’année les fragments de la bûche en question, noircis au feu et l’on pense que quand une bête ou un être humain souffre de tumeurs une application de ces ci-devant braises maintenant éteintes sur la grosseur ou bosse empêchera que celle-ci ne s’accroisse et même la fera disparaître. Les cérémonies de la bûche étant terminées, on sert une collation magnifique sans viande ni poisson, mais avec du vin fin, des fruits et des confiseries (les treize desserts). Et sur la nappe qui reste mise toute la nuit, on laisse un verre à moitié rempli de vin, du pain, du sel et un couteau. J’ai vu tout cela de mes yeux vu… ».

La coutume de ne pas desservir la table du souper de Noël vient de la croyance que les anges ou les morts de la famille devaient pouvoir s’y restaurer. Ici seuls les hommes sont admis aux rites.
La tradition de la bûche de Noël existait dans tout le pays. La cosse de Nau en Berry, tréfoué en Orléanais….Ceppo en Italie, au Québec jusqu’à la fin des grandes cheminées au 19ème siècle. Son origine est liée au solstice d'hiver. On peut estimer que cette tradition s'est propagée grâce aux populations indo-européennes, soit vers 2500 avant J.-C. Un reste païen, bénédiction du feu au moment où les rigueurs de l’hiver se faisaient sentir. Un moment de rassemblement de tous les habitants de la maison, parents, domestiques, hôtes. Probablement aussi un reste de la fête druidique de la lumière de nos ancêtres du Nord.
Pendant toute la féodalité et même après dans certaines provinces, il s’agissait d’un impôt en nature payé au seigneur par son vassal. A Noël on apportait du bois, à Pâques des œufs ou un agneau, à l’Assomption du blé, à la Toussaint du vin ou de l’huile..

Frédéric Mistral (prix Nobel de Littérature en langue d'oc en 1904) nous raconte la bûche de Noël du 19ème siècle en Provence :
Frédéric Mistral
Les hommes apportaient à la maison un vieux tronc d’olivier, le cariguié, choisi pour brûler toute la nuit. Ils s’avançaient solennellement en chantant :
Cacho fio. Cache le feu (ancien).
Bouto fio. Allume le feu (nouveau).
Dieou nous allègre. Dieu nous comble d’allégresse !
Le papé arrosait ce bois soit de lait, de miel en souvenir de l’Eden, soit de vin en souvenir de la vigne cultivée par Noé et de la première rénovation du monde. Tout en prononçant :
Alègre ! Alègre ! Dieu nous alègre.
Calendo vèn, tout ben vène
E se noun sian pas mai, que noun fuguen men !
Dieu vous rague la graci de veire l’an que vèn.
(Dieu nous tienne en joie ; Noël arrive, tout bien arrive ! Que Dieu nous fasse la grâce de voir l’année prochaine, et si nous ne sommes pas plus nombreux, que nous ne soyons pas moins !)
Le plus jeune à genoux récitait les paroles apprises de génération en génération : « O feu, réchauffe pendant l’hiver les pieds frileux des petits orphelins et des vieillards infirmes, répands ta clarté et ta chaleur chez les pauvres et ne dévore jamais l’étable du laboureur ni le bateau du marin. »
 « Au bon vieux temps, la veille de Noël, après le grand repas de la famille assemblée, quand la braise bénite de la bûche traditionnelle, la bûche d’olivier, blanchissait sous les cendres et que l’aïeul vidait, à l’attablée, le dernier verre de vin cuit, tout à coup, de la rue déjà dans l’ombre et déserte, on entendit monter une voix angélique, chantant par là-bas, au loin dans la nuit. » « C’est la Bonne Dame de Noël qui s’en va dans les rues, chantant les Noëls de Saboly à la gloire de Dieu, suivie par tout un cortège de pauvres gens, miséreux des champs et des villes, gueux de campagne, etc., accourus dans la cité en fête.
 « Et vite alors, tandis que la bûche s’éteignait peu à peu, lançant ses dernières étincelles, les braves gens rassemblés pour réveillonner ouvraient leurs fenêtres, et la noble chanteuse leur disait : Braves gens, le bon Dieu est né, n’oubliez pas les pauvres ! Tous descendaient alors avec des corbeilles de gâteaux et de nougats – car on aime fort le nougat dans le Midi – et ils donnaient aux pauvres le reste du festin ».
Cette description faisait partie primitivement du texte de « Mireille » de Mistral.
 « Ah ! Noël, Noël, où est ta douce paix ? Où sont les visages riants des petits enfants et des jeunes filles ? Où est la main calleuse et agitée du vieillard qui fait la croix sur le saint repas ? Alors le valet qui laboure quitte le sillon de bonne heure, et servantes et bergers décampent, diligents. Le corps échappé au dur travail, ils vont à leur maisonnette de pisé, avec leurs parents, manger un cœur de céleri et poser gaiement la bûche au feu avec leurs parents.
« Du four, sur la table de peuplier, déjà le pain de Noël arrive, orné de petits houx, festonné d’enjolivures. Déjà s’allument trois chandelles neuves, claires, sacrées, et dans trois blanches écuelles germe le blé nouveau, prémices des moissons. Un noir et grand poirier sauvage chancelait de vieillesse. L’aîné de la maison vient, le coupe par le pied, à grands coups de cognée, l’ébranle et, le chargeant sur l’épaule, près de la table de Noël, il vient aux pieds de son aïeul le déposer respectueusement. Le vénérable aïeul d’aucune manière ne veut renoncer à ses vieilles modes. Il a retroussé le devant de son ample chapeau, et va, en se hâtant, chercher la bouteille. Il a mis sa longue camisole de cadis blanc, et sa ceinture, et ses braies nuptiales, et ses guêtres de peau.
« Cependant, toute la famille autour de lui joyeusement s’agite... Eh bien ? posons-nous la bûche, enfants ? – Allégresse ! Oui. Promptement, tous lui répondent : Allégresse. Le vieillard s’écrie : Allégresse ! que notre Seigneur nous emplisse d’allégresse ! et si une autre année nous ne sommes pas plus, mon Dieu, ne soyons pas moins ! Et, remplissant le verre de clarette devant la troupe souriante, il en verse trois fois sur l’arbre fruitier. Le plus jeune prend l’arbre d’un côté, le vieillard de l’autre, et sœurs et frères, entre les deux, ils lui font faire ensuite trois fois le tour des lumières et le tour de la maison.
« Et dans sa joie, le bon aïeul élève en l’air le gobelet de verre : O feu, dit-il, feu sacré, fais que nous ayons du beau temps ! Bûche bénie, allume le feu ! Aussitôt, prenant le tronc dans leurs mains brunes, ils le jettent entier dans l’âtre vaste. Vous verriez alors gâteaux à l’huile et escargots dans l’aïoli heurter dans ce beau festin vin cuit, nougat d’amandes et fruits de la vigne. D’une vertu fatidique vous verriez luire les trois chandelles, vous verriez des esprits jaillir du feu touffu, du lumignon vous verriez pencher la branche vers celui qui manquera au banquet, vous verriez la nappe rester blanche sous un charbon ardent et les chats rester muets ! »
 
Les grandes cheminées vont disparaitre en particulier dans les appartements. Les poêles les remplaceront. Des petites bûches serviront de décor de Noël sur les tables. Et vers 1870 le gâteau arrivera sur les tables. Roulé, ressemblant à une bûche. Raisins secs qui se conservent bien et qui annonce un avenir prospère et fertile, et chocolat pour la gourmandise.




Sources : LeRoy Ladurie Le Siècle des Platters - La France Pittoresque -Bûche de Noël (Origine et histoire de la)(D’après « La nuit de Noël dans tous les pays » paru en 1912 Publié / Mis à jour le vendredi 23 décembre 2016, par LA RÉDACTION - Véronique Dumas, « La bûche de Noël », Historia,‎ novembre 2011, p. 98 (ISSN 0750-0475) - "Fêtes de la table et traditions alimentaires", par Nadine Cretin, éditions Le Pérégrinateur --. transenprovence.over-blog.com – décors Noël cabschau - Centerblog – printerest  -

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