Le crime interprêté en gravure pour
un ouvrage paru à Londres en 1825.
La
Marquise de Ganges, son assassinat.
Le tragique destin de Diane de Joannis,
marquise de Ganges a fait couler beaucoup d’encre. Il a inspiré en particulier
Alexandre Dumas, Sade, Madame de Sévigné… et bien d’autres écrivains, comme
Charles Hugo le fils de Victor qui fait de l’histoire une tragédie grecque. La Cévenole
Mireille Pluchard dans son roman « Le Choix de Diane » nous raconte aussi
cette vie (2016 Terres de France Presses de la Cité).
(Portrait de Nicolas Mignard 17ème siècle)
Diane est agressée le 17 mai 1667 par ses
deux beaux-frères avec la complicité de son mari. Elle meurt de ses blessures
quelques jours plus tard. Ses bourreaux ont mis « le paquet » :
poison, épée, pistolet. Cet incroyable fait divers a horrifié et fasciné tout
le pays.
Diane de Joannis de Chateaublanc est née
en 1635 près d’Avignon. On la dit arrière-petite-nièce de Nostradamus. Du côté
de son père, la lignée remonte au Giovani de Florence et du côté de sa mère, la
ligné remonterait à Saint-Louis.
Un début de vie agréable, à la campagne élevée dans
une famille prospère. Puis à 5 ans son père meurt de maladie pulmonaire,
maladie transmise par sa femme qui décide de s’enfermer au couvent. Diane sera
élevée alors par son grand-père paternel Melchior-Jacques de Joannis de Nochères,
juriste réputé et conseiller d’Etat d’Aix-en-Provence.. Elle fréquente l’école
du Sacré-Cœur et devenue mariable, elle épouse un riche veuf de 18 ans son
aîné : le marquis Dominique de Castellane, de vieille et haute noblesse.
Pendant deux ans elle continue une vie de campagnarde, mais en 1649, elle doit
suivre son mari à Versailles.
« La Belle
Provençale » surnom de la marquise de Castellane, est brune, d’une grande
beauté, les yeux en amande. Elle est remarquée par le roi Louis XIV et elle
danse avec lui le septième ballet de la Nuit dans le rôle d’Artémise, la
magicienne mauresque. Elle remplace une danseuse blessée. Dès lors le couple Castellane
est régulièrement invité aux bals du Louvre.
Portrait parPierre Mignard
Elle loge dans un hôtel du Marais, fréquente la haute
société dont la marquise de Sévigné qui lui apportera son soutien jusqu’au
bout. Elle tient un salon littéraire où elle brille en jouant d’amusantes
saynètes.
Son époux nommé gouverneur des galères royales est
envoyé en Méditerranée. Mais en 1654 il meurt noyé au large de Gênes victime
d’une tempête. Diane se retire à Avignon pour vivre deux ans de deuil au
couvent des Clarisses. Elle a 21 ans.
Reprenant une vie mondaine, elle rencontre Charles de
Vissec de la Tude, 19 ans, un charme fou, commandant du fort Saint-André de
Villeneuve lès Avignon. Il est comte de Ganges et baron des Etats du Languedoc,
gouverneur de Ganges, lieutenant du roi de la Finance du Languedoc,. Le 8 août 1658, ils se marient malgré les
différences de statut social et de fortune. Elle devient baronne de Ganges.
Charles l’oblige très rapidement à s’installer au château de Ganges avec leurs
deux enfants. Louis XIV ne l’oublie pas totalement : le fief de Charles
est érigé en marquisat en 1663. Il faut aussi se questionner sur la volonté
royale de favoriser les vers à soie et les manufactures de bas en pays gangeais.
Son époux souvent à Villeneuve au fort Saint-André,
Diane se retrouve en compagnie hostile : sa belle-mère Jeanne, dominante,
intéressée par la fortune de Diane, l’abbé Perrette, précepteur des enfants et
probablement amant de belle-maman, Bernardin, le chevalier sans régiment et frère
de Charles et qui aurait conçu une passion lubrique pour Diane, et enfin Henri
l’abbé sans abbaye, un autre frère de Charles, obséquieux, menteur… Une belle brochette !!
On espionne la malheureuse Diane, on l’insulte, mais
on profite de son argent pour réparer le château. « Aguicheuse »,
« Putain du Roi »… ses enfants peu à peu lui échappent. Charles son
époux laisse faire, on ne sait pas trop pourquoi : caractère sournois,
manipulation de sa famille, projet de mettre la main sur la fortune de sa
femme ? L’amour s’en est allé, a-t-il jamais existé chez Charles ?
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Albin Mazel |
Se sentant
menacée, Diane décide le 19 mai 1664 de faire un testament en faveur de ses
enfants, déshéritant ainsi son mari contrairement aux usages de l’époque. Les
mauvais traitements s’amplifient. En
défavorisant son époux elle désavantage par ricochets le reste de la
famille qui vit à ses dépens.
Elle appelle à son secours le gouverneur général
d’Avignon monseigneur Colonna et le juge de la cité papale. Mais après enquête
ces hommes concluent que la marquise est une mauvaise mère, frivole,
dépensière, menteuse… Ses deux enfants lui sont enlevés et confiés à leur
grand-mère cévenole au domaine de Soubeyras. Chez un notaire de Sauve le 4
octobre 1666, Diane remodifie son testament en faveur de son mari, pensant
calmer les esprits. Elle ne récupérera pas ses enfants.
Diane fera d’abord face à plusieurs tentatives
d’empoisonnement à l’arsenic en vain, probablement avec la complicité sinon le
soutien de l’abbé Perrette.
Puis c’est le 17 mai 1667, au château de Ganges, le
dénouement est proche. Les sinistres Henri et Bernardin pénètrent dans la
chambre de Diane. Henri lui tend un pistolet et une fiole de poison, Bernardin
son épée. « Madame, l’heure est
venue pour vous de rendre votre âme noire à Dieu, s’Il en veut. Sinon ce sera
au diable. Je vous laisse le choix entre ce feu, ce fer ou ce poison » aurait
dit Henri. Elle choisit le poison, un breuvage brunâtre. Elle demande un
confesseur, les deux frères se retirent et l’enferment dans la chambre. Elle vomit le poison en se glissant une de
ses nattes dans la gorge. Puis elle réussit à sauter par la fenêtre de sa chambre.
Elle s’enfuit jusqu’à l’auberge de Ganges, mais affaiblie elle n’échappe pas à
ses bourreaux qui l’y rejoignent. Le chevalier lui donne plusieurs coups
d’épée, dont un qui brise l’épée et la pointe se fige dans l’épaule de Diane.
L’abbé voit sa belle-sœur toujours vivante, il la vise avec son pistolet, le
coup ne part pas et il lui défonce le crâne à coups de crosse. L’hostilité des
personnes présentes les fait fuir. Elle meurt 19 jours plus tard, le 5 juin
1667. La gangrène a pris le pouvoir sur son corps. En Cévenole d’adoption, elle
a résisté jusqu’au bout.
Ci-joint son autopsie qui montre la fureur de ses
assaillants :
Archives de
l’Hérault :
Le 6 juin 1667, les docteurs
en médecine de l’université de Montpellier, Pierre Vedrines, Isaac Carquet et
Pierre Teissier, examinent le corps inerte de la marquise. Que
constatent-ils ? L’examen est clinique. Tout d’abord des noirceurs au
niveau de la lèvre supérieure. Les dents sont noires et la langue toute
écorchée. Le corps porte deux ecchymoses et sept plaies en partie cicatrisée
dont « une à la partie superieurs
de la mammelle droite ». Des inflammations et des noircissures dans
le ventre. Une tumeur purulente de la grosseur d’un œuf de poule près du rein
droit. Les intestins sont gangrénés et ulcérés ; la vessie est enflammée,
la matrice, le pancréas, le foie et les poumons sont altérés ; l’œsophage,
l’estomac et le colon sont ulcérés et écorchés. La tête est enflammée, le
cerveau et toutes les veines sont grossis et remplis de sang. Une
ecchymose gangrénée se trouve dans la partie supérieure gauche du cerveau.
Diane sur son lit de mort disculpe son époux, probablement
pour sauver ses enfants de l’infamie ou dans un élan de générosité chrétienne
ou encore amoureuse envers ce grand enfant qu’il était ?. Lors du drame il était
effectivement à Toulouse siégeant aux Etats du Languedoc. Les deux
protagonistes en fuite, seront condamnés par contumace par le Parlement de
Toulouse le 21 août 1667 à être rompus vifs. L’abbé Perrette condamné aux
galères sera lynché avant même de monter sur un navire. Charles en fuite lui
aussi sera condamné pour complicité passive, il écope du bannissement et
confiscation de ses biens, son marquisat retiré au profit de son autre frère
François. On ne sait pas très bien où il décède, L’Isle-sur-Sorgue ou au siège
de Candie. Henri s’est enfui en Hollande et Bernardin en Crète où il meurt au
siège de Candie (Héraklion) contre les Turcs.
La marquise avait eu deux enfants de Charles :
Alexandre, marquis de Ganges, colonel des Dragons, baron des Etats du
Languedoc, allié aux Grignan, et Marie-Esprit (1662-1711) épouse d’Henri de Fayn de Péraut baron de Vézénobres puis le marquis Paul de Fortia d’Urban.
Les Vissec de La Tude vont défrayer encore les
chroniques. Jeanne de Gévaudan l’épouse de François de Vissec autre frère de
Charles sera la maîtresse du cardinal de Bonzi, archevêque de Toulouse,
président des Etats du Languedoc, certainement l’homme le plus puissant de la région. Il lui fera bâtir l’Hôtel de
Ganges à Montpellier l’actuelle préfecture. Jeanne sera exilée sur demande de Louis XIV et l’hôtel sera
racheté par l’intendant du Languedoc Bâsville.
Les
colporteurs diffuseront ce fait-divers à travers tout le territoire par
l’intermédiaire de leurs « gazettes ». A la veillée, dans les
chaumières et les salons, on racontera le destin tragique de la Marquise de
Ganges.
Pour en
savoir plus : aFrançois de Rosset, Histoires tragiques de notre temps,
1721.--- Marquis de
Fortia d'Urban, L'Histoire de la marquise de Ganges, Paris, 1810.- Alexandre
Dumas, Les Crimes célèbres. La Marquise de Ganges, 1856-- Jeanne Galzy, Diane de Ganges, Lyon,
1943. – Albin Mazel La première marquise de Ganges - JJ Pauvert 1964 T13 ch 12 Extrait des Causes Célèbres d'après Donatien Alphonse François de Sade --
Madame de
Sévigné Correspondance - Gazette de Nîmes n°927 9mars 2017-- Jean Héritier, La belle provençale,
Denoël, Paris, 1984. -- Jean Héritier, « Justice et police. Le
supplice de la marquise de Ganges », in Historama, n°15, mai
1985, pp.80-83. ADH, BRA 1410 --Mireille Pluchard, Le choix de Diane,
Presses de la Cité, Paris, 2016. ADH, BIB 8654.ADH, CRC 976
Archives
départementales de l’Hérault Série B
Relations des docteurs en médecine Pierre Vedrines, Isaac Carquet, et
Pierre Tessier, de l'université de Montpellier sur l'empoisonnement de la
marquise de Ganges, Diane de Joannis. 1667. ADH, 10 B 578/547 -- Série E Fonds
de Ganges (1). ADH, 1 E 434-888-Fonds de Ganges (2). ADH, 1 E 1544-1617--Série
J Fonds du Marquisat de Ganges. ADH, 118 J --
Extrait des Relations
des docteurs en médecine Pierre Vedrines, Isaac Carquet, et Pierre Tessier, de
l'université de Montpellier sur l'empoisonnement de la marquise de Ganges,
Diane de Joannis. 1667.
ADH, 10 B 578/547
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| élément de la façade Renaissance de Vallabrix |
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