dimanche 26 août 2018

Montpellier - La Tour de la Babote


Tour de la Babote-



Montpellier la Tour de la Babote


Aquarelle de Mme Figuier BNF

Où comment une rumeur taquine rend un monument populaire et peut-être bien le sauve.
La légende a voulu pendant longtemps que Louis Sébastien Lenormand ait sauté en parachute le 26 décembre 1783 de la tour de la Babote de Montpellier. L’exploit était spectaculaire, un mélange de science et de magie. En cette période, on veut croire au progrès qui apportera une meilleure vie.
C’est le scientifique local Louis Figuier (1819-1894) qui est à l’origine de cette rumeur. Enseignant puis écrivain il se lance dans la réalisation d’ouvrages de vulgarisation scientifique qui simplifient, romancent les découvertes. C’est le « Jules Verne» de Montpellier. Sa femme dessine l’épisode du saut. Elle écrit aussi des romans et dessine, peint. La légende sera tenace jusqu’aux années 1950-58, date où la plaque célébrant cet exploit est retiré !! Grâce à l’historien montpelliérain Louis-Henri Escuret qui publie en 1952-55 un fascicule dénonçant les erreurs historiques figurant sur le dessin de Madame Figuier.

(Sébastien Lenormand)
Louis Sébastien Lenormand, (1757-1837) physicien et inventeur est né à Montpellier, fils d’un horloger. Il étudie à Paris la physique et la chimie avec les professeurs Lavoisier et Berthollet. Il s’intéresse aussi au salpêtre et à la production de la poudre à canon. 

(lecameleon.wifeo.com/les-inventions-par-p.php)
De retour à Montpellier il s’intéresse à l’horlogerie avec ses applications mathématiques. Très impliqué dans la communauté intellectuelle de Montpellier il commence ses expériences sur le parachutisme. L’histoire racontée par un diplomate de Louis XIV décrivant un équilibriste thaïlandais l’inspire avec son parasol attaché à sa ceinture qui ralentit sa chute. Il teste ses idées avec des poids, des animaux, des mannequins, mesurant les temps de chute et les impacts sur le sol.
Louis Henri Escuret
En cette fin du 18ème siècle, les recherches astronomiques sont dans l’air du temps. Montpellier et la Société Royale des Sciences de Montpellier créée en 1706 par trois savants connaissent une réputation internationale. Sa salle d’observation est installée dans la Tour de la Babote. En particulier on explore les déplacements dans l’air.

C’est la période des frères Montgolfier qui testent leur ballon avec des animaux dans la nacelle. Lenormand présente son invention, « le parachute », devant les Etats Généraux du Languedoc : une sorte de nacelle en osier pouvant contenir un objet ou une personne, suspendue par un ensemble de cordes et une toile circulaire. Mais le directeur de la Société Royale des Sciences s’attribuera cette invention.
Il faudra attendre 1797 pour le premier saut en parachute effectué à Paris par André-Jacques Garnerin qui reprend grosso modo la technique de Lenormand en l’améliorant.
Sur la fin de sa vie Lenormand fait annuler son mariage et entre à la chartreuse devient moine convers sous le nom de frère Chrysotome.

gravure anonyme -BNF
 La Tour de la Babote est un vestige des 25 tours carrées de l’enceinte fortifiée de Montpellier de la fin du 12ème début 13ème siècle, édifiée par les Guilheim de Montpellier. Les Tours des Pins, de la Blaquière et la Porte du Pila Saint-Gély ponctuaient la « Commune Clôture » qui englobait aussi une partie de la colline voisine appartenant aux évêques de Maguelone... 2650 m de périmètre, murs de 8 mètres de haut, 2 mètres d’épaisseur…. Pierres de la carrière de Caunelle à Juvignac. Les tours étaient coiffées d’une toiture et huit portes ouvraient sur la ville. Un chemin de ronde au sommet des murailles, doublé à l’intérieur d’un chemin de 12 pans pour faciliter la circulation de la défense en cas d’attaque. Côté extérieur un fossé de 30 m de large et de 4 m de profondeur dans lesquels s’écoulaient différents ruisseaux de la ville comme le Verdanson au nord et les Aiguerelles au sud. Le tout surveillé par les « ouvriers de la commune clôture », notables sous l’autorité des Consuls de la ville : ils assuraient l’entretien des murs, des tours, des fossés, du chemin des 12 pans, des portes, veillaient aux intrusions, aux éventuelles constructions parasites, aux plantations dans les fossés. Ils étaient responsables des clés de la ville. La Babote est une tour creuse c’est-à-dire avec un vide côté ville (voir photo en fin de texte).
Actuellement la commune clôture forme les boulevards et l’Ecusson.

Babote peut s’écrire avec deux « t ». Nous nous interrogeons toujours sur sa signification. Le terme apparait dans les archives de 1304 « la babota del valat », la babote du fossé. En occitan babota signifie « fantôme », âmes errantes. Plutôt féminin du prénom hébreu Babel, ou nom d’un insecte vivant dans les fossés,…., ?? Plus fantaisiste, les vignerons qui écrasent le raisin avec leurs bottes, alors que cela se faisait traditionnellement pieds nus. Et puis les paysans de 1304 ne devaient pas avoir beaucoup de bottes !!.

1905
Cette tour a vécu plusieurs affectations Au 14ème siècle le bâtiment s’appelait aussi « tour des bains » : des étuves occupaient l’arrière de la Tour. Elle sera la Tour de l’Observatoire quand la Société Royale de Montpellier s’y installe. Puis la Tour du Télégraphe…
Pendant la guerre de Cent Ans, on rehausse murs et les tours. Le siège de Montpellier en 1622 par l’armée de Louis XIII pendant les guerres de religion de Rohan n’apportera pas de grandes modifications de l’ensemble. Peu à peu comme partout, ce système de défense n’étant plus aussi nécessaire, les murs seront dégradés, utilisés par des constructions parasites, percés par trois portes supplémentaires. Les fossés seront comblés au pied de la tour de la Babote en 1791 pour devenir le boulevard de l’Observatoire, en 1793 le fossé des Arbalétriers se transformera en boulevard de la Comédie et plus tard en boulevard Victor Hugo. 
Le 12 mai 1706 la Société Royale des Sciences invite le beau monde, la foule et les astronomes à se retrouver au petit jour au pied de la tour pour observer l’éclipse totale du soleil visible à Montpellier. Pour la première fois on utilise la lunette de Galilée et une description scientifique du phénomène est faite. En 1739 l’Académie des Sciences demande l’autorisation d’aménager un observatoire d’astronomie dans la tour. Le directeur général des fortifications le maréchal d’Asfeld accorde ce privilège.
La tour sera transformée en observatoire en 1741-45 grâce aux dons privés mais aussi aux subventions de la ville de Montpellier et de la Société Scientifique de Paris. Pour cette occasion une salle d’observation équipée de matériel ad hoc est construite en surélévation à l’intérieur d’un pavillon surmonté d’une terrasse en encadré de deux tourelles avec escalier d’accès.
Nouvelle transformation en 1788 après un procès de 30 ans contre la confrérie des Pénitents Bleus. Leur nouvelle église touchait la partie nord de l’observatoire et obligeait de passer par leur chapelle. Le clocher plus haut que prévu masquait certaines fenêtres nord de l’observatoire. Une deuxième surélévation sera payée pour l’essentiel par la confrérie. Une nouvelle terrasse est construite à 25 m du sol côté ville.
La Société Royale des Sciences fera la renommée de Montpellier et ses publications, ses nombreuses observations seront très recherchées.
La Révolution amène la dissolution de la société royale en 1793 qui deviendra un temps la Société Libre des Sciences et Belles Lettres de Montpellier jusqu’en 1816.. Cette tour, pourtant symbole de la royauté échappe à la démolition pendant les événements. Mais en 1795 Jean Bimar entrepreneur et tenancier d’une société de messagerie profite de la situation et pousse les autorités à percer un raccourci par une porte au bas de la Tour essentiellement pour son propre usage commercial. Ce percement  nuit à sa stabilité et à la précision des mesures d’observation.
En 1832 le télégraphe de Chappe s’installe dans la tour qui devient la Tour du Télégraphe. Un logement est aménagé au premier étage pour le directeur, une cabane en bois pour les appareils est construite sur la terrasse. Pendant 20 ans le télégraphe fonctionne avec une ligne vers Paris via Nîmes, Avignon, Lyon, Dijon et une correspondance vers Marseille et Toulon et une ligne jusqu’à Tours via Narbonne, Toulouse, Bordeaux avec une correspondance vers Bayonne. Réseau codé, à la seule disposition de l’Etat. L’arrivée du télégraphe à fil sonne la fin de cette affectation en 1853.
Puis la tour n’est plus entretenue et abrite diverses utilisations, société colombophile et ses pigeons voyageurs, musée du vieux Montpellier, club d’échecs et encore la société d’astronomie de l’Hérault.




 En 1980-90 sous la mandature du maire Georges Frêche, de grands travaux de restauration sont décidés : destruction des constructions parasites, du Colombier, de l’hôtel du Nord, d’une partie du Comptoir National d’Escompte de Paris. Côté intérieur de la ville, des bâtiments sont aussi rasés pour dégager un square.
Depuis 1982 la tour abrite à nouveau la Société Astronomique de Montpellier, un juste retour aux sources.


(CPSM FRANCE 34 "Montpellier, la tour de la Babote"-date ? bien avant 1980 ).
..
La totalité du bâtiment est classé aux monuments historiques depuis le 4 août 1927.  Nostradamus avait prédit la disparition de la ville si les pins de la « Tour des Pins » disparaissaient : est-ce que la malédiction s’étend aussi à la Tour de la Babote ?


Tour de la Babote côté ville partie creuse

Sources : Légende du parachute, in « De savants en découvertes » de Valdo Pellegrin 2017.—BNFgallica Louis Sébastien Lenormand--wwwsudbabote.fr/association/notre-quartier/leslieux-remarquables/41-la-babotte-- -- Jean-Michel Faidit, L'Observatoire de la Babote, Centre Culturel de l'Astronomie, 1986---Roland Jolivet (Avec le concours de Bernard Jamme et d'Yvon Courty), Montpellier au passé recomposé, t. 1et 2, Montpellier, chez l'auteur, Imp. Déhan, 1989, 150 p., br, 20 × 25 cm (Sudoc 008091986 en ligne)—photos site mairie de Montpellier montpellier.fr/336-tour-de-la-babote.htm – Gwenaël Cadoret Gazette de Montpellier et de Nîmes Guide de l’été juillet 2018 – fr.wikipedia.org/wiki/Tour de la Babotte—Base Mérimée ministère de la Culture notice PA00103606---.Louis-Henri Escuret Histoire des Vieilles Rues de Montpellier Presses du Languedoc 1981 réédition-- +La Tour de la Babote 1952 --

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