mercredi 9 octobre 2019

La Jeanne d'Arc du Languedoc




(Leucate le port –office du tourisme)

La Jeanne d’Arc du Languedoc :


Françoise ou Francèse de Cezelli naît le 22 mai 1558. Les guerres de religion ne vont pas tarder à agiter notre Languedoc. Elle est la fille du président de la Chambre des Comptes de Montpellier et nièce du gouverneur de Leucate. Jean son père est aussi banquier changeur. Un grand-père Etienne Cézelli (1435-1522 environ) marchand poivrier et banquier-changeur, consul de Montpellier en 1490, seigneur d’Aunès, anobli par Louis XI en 1480… , clavaire, consul de mer, bayle de Montpellier, il achète en 1475 le fief noble de Saint-Aunès.. Il est député à Tours pour défendre les intérêts montpelliérains du négoce maritime en 1482 et en 1487 (D'Aigrefeuille, Histoire de Montpellier, II, 400). Envoyé à la Cour en 1490 pour obtenir la création de deux foires à Montpellier. Consul de Montpellier en 1490 et 91. (Promethée).  Un arrière-grand-père drapier-vermeil à Montpellier, consul de mer en 1434, consul majeur de Montpellier en 1444. Un aïeul Jehan bourgeois marchand drapier et poissonnier. Consul de la corporation des poissonniers en 1391 et 1416. Ouvrier de la commune clôture pour l'échelle du dimanche en 1402. Consul de Montpellier en 1412. (Promethée)

Une famille très active, très engagée !! Et qui monte rapidement dans l’échelle sociale.

(drapier-vermeil ou vermeille : drapier spécialiste de la teinture vermeille-rouge obtenue dès le 12ème siècle à partir de la cochenille  parasite du chêne kermès - des tissus pour la classe aisée)


 La famille se retire dans son domaine d’Ouveillan vers 1560, à l’abri des troubles religieux. Un premier mariage à 14 ans, un veuvage à 16ans et ses deux enfants morts trois ans plus tard. En avril 1577 elle se marie avec Jean-Antoine de Boursiez (Bourcier) seigneur de Pantaut de Barri. La vie lui sourit à nouveau.


Ils auront cinq enfants, Hercule, Anne-François né en 1581, Antoine-Claude né en 1582, Paul-Aubert (Alibert) né en 1587  et Françoise née en 1586. Francese de Cezelli, parfois appelée Constance de Cézelli, en hommage à sa ténacité, sa droiture, prénom ou surnom symbolique et commémoratif. Jean-Antoine est parfois confondu avec Henri de Cézelli, un petit fils aussi très impliqué politiquement. 
Les Bourcier ne sont pas des inconnus. Déjà en 1285 nous les trouvons impliqués soldats valeureux dans les Flandres, en Bourgogne, en Lorraine. Un grand législateur Jean Léonard de Bourcier membre du congrès d’Utrecht, un conseiller de l’empereur François III, Jean-Louis… Pierre de Bourcier seigneur de Burlemont, gentilhomme de Charles le Téméraire duc de Bourgogne est tué en même temps que ce prince à la bataille de Nancy en 1477. Une partie de la famille quitte la Bourgogne à la fin du 15ème siècle et s’installe en Gascogne. Son fils Bertrand de Bourcier est maître d’hôtel de Jean d’Albret roi de Navarre. Le fils de ce Bertrand épouse à Mazières en Ariège Marthe de Pontaut, nom qui rentre dans la famille.
Paul de Bourcier, fils de ce couple, et époux de Marguerite de la Chaume, devient seigneur de Pontaut et de Barre (Barri) en août 1535, avec blason. Il est gendarme de la Grande Paye de la compagnie du Maréchal de Montpezat.   Son fils Jean-Antoine est alors seigneur dc Barri, de la Borie, dc la Combe d'Angély, des Cabanes, dc la Bastide Esparbairenque, de Mirepeisset (Arch.Dép,Hérault . H 458 ft 37). Il est Guidon d’une compagnie d’ordonnance, maréchal des logis puis gouverneur de Beaucaire en 1578 et enfin gouverneur de Leucate et du pays de Narbonne en 1585.
Jean-Antoine devient par décision royale en avril 1585 gouverneur de Leucate, forteresse qui garde la frontière entre la France et l’Espagne, pays qui s’est allié avec la Ligue Catholique française. Jean-Antoine s’est distingué dans des combats, des batailles, un soldat endurci. Le roi Henri III est encore vivant. Le Roussillon n’est pas encore français, mais espagnol. Leucate est sur la frontière entre la France et l’Espagne. C’est une zone de conflits perpétuels, entre mer et montagnes des Corbières.

Nous sommes en 1589-90 ; Henri de Navarre est roi sous le nom d’Henri IV. Son accession au trône de France déchire tout le pays entre catholiques et protestants, entre ses partisans de tous bords et les ultras partisans de de Guise. Jean de Boursier gouverneur de Leucate se rallie au nouveau roi entraînant la colère des Ligueurs catholiques du maréchal de Joyeuse, qui fait appel à l’Espagne.
 Jean de Bourcier part avertir le duc de Montmorency le 22  juillet 1589 du débarquement dans le port de la Franqui vers le grau de La Nouvelle de 500 lansquenets espagnols et tudesques (allemands) (5000 nous disent certains récits). Il tombe dans une embuscade et est fait prisonnier par les Ligueurs à Narbonne. Jean arrive à prévenir son épouse et lui demande d’organiser la résistance de Leucate qui ne doit pas tomber aux mains des Ligueurs. Elle doit défendre « la place à outrance ». Dans un premier temps une partie de l’armée de la Ligue prend position le long de la Robino, mais battue par les troupes de Montmorency, elle se replie sur La Nouvelle et avec les Espagnols qui avaient débarqué elle part en direction de Leucate, assiège et attaque le château. Françoise de Cezelli y était arrivée par mer et sa présence avait regonflé le courage de la garnison. La pique à la main, elle se révèle un séreux chef de guerre. Chacun des quatre bastions de la forteresse est doté de deux canons qui font feu. Elle est tout à la fois dans les courtines, sur le chemin de ronde, derrière les créneaux. Elle se montre fin stratège, ses hommes ont foi en elle. La garnison galvanisée, repousse toutes les attaques. Francèse doit aussi rassurer ses cinq enfants.
La forteresse résistait bien et les ligueurs voyaient leurs efforts inutiles.
Alors l’ennemi change de tactique. On propose à Bourcier  une riche récompense s’il donnait l’ordre de rendre le château de Leucate, sinon la mort s’il refusait. En vain. Alors les Ligueurs s’adressent à son épouse : son mari sera mis à mort si elle ne rendait pas les armes !. Les clés de la ville contre la vie de son mari.  Françoise proposa une rançon, toute sa fortune personnelle, mais refusa la capitulation. Fidélité au roi oblige !! : “Ma fortune, ma vie sont à moi, prenez les, je vous les donne volontiers pour mon époux. Mais la ville est au roi et mon honneur à Dieu. Je dois les conserver jusqu’au dernier soupir.”
Alors Jean-Antoine est garrotté dans sa prison, son corps déposé devant la citadelle. (Pour certains auteurs il fut décapité devant le château et son corps exposé sous les yeux de sa femme : une croix de fer marque l’endroit de l’exécution). Françoise demeura inébranlable et peut-être même renforcée dans sa décision de ne rien céder. Les soldats de Leucate découvrant Jean-Antoine mort au pied des remparts veulent tuer monsieur de Loupian, ami du chef des Ligueurs prisonnier dans la prison de la forteresse pour servir de monnaie d'échange contre Jean. Francèse refuse et empêche son lynchage.
Enfin les assaillants de guerre lasse, dépités, lèvent le siège au bout de trois semaines. La forteresse de Leucate est sauvée.
Trois ans plus tard elle est appelée à Paris par le roi Henri IV qui tient à récompenser son courage et son sacrifice Il lui accorde le gouvernement de Leucate jusqu’à la majorité de son fils Hercule. Le roi Henri IV dira : « Je ne connais point d'homme qui aurait fait pour mon service ce que cette femme a fait »
Elle dirigera la ville pendant 27 ans. Elle reçoit une pension de mille écus et une gratification qu’elle affectera aux améliorations de la forteresse de Leucate. Lorsque son fils prend le commandement de la ville elle se retire dans un couvent à Béziers. Elle ne se désintéresse pas des habitants de Leucate pour autant, les aidant par exemple dans l'implantation d'une pêcherie qui organisera au mieux leur métier.
Elle meurt en 1615 à 56 ans. Elle s'était installée en Avignon dans une modeste maison près du Palais des Papes près de ses deux fils jésuites en 1610. Elle rejoint son mari dans la chapelle Sainte-Anne de l’église Saint Paul de Narbonne.
Son fils Hercule sera gouverneur de Leucate lors du deuxième siège de la ville en 1637.

Un premier projet d’honorer cette héroïne : le conseil municipal de Montpellier vote en 1896 un projet de monument sur le site du Peyrou, projet vite oublié.
Une statue de bronze est érigée à Leucate le 16 août 1899 en souvenir de ces héros dont le nom est inscrit sur le socle. Elle est l’œuvre de Paul Ducuing. En mai 1942 le gouvernement de Vichy ordonna de démonter cette statue au nom de l’effort de guerre. L’Allemagne avait besoin de bronze. Mais en la soulevant dans un camion, la main tenant les clés de la ville s’est détachée et a été conservée à la mairie. Que faut-il y voir ? Les clés n’ont pas participé à l’effort de guerre contre notre pays !!
Une nouvelle statue érigée le 17 août 1975 avec l’inscription « A Françoise de Cezelli, C’est le temps désespéré que pour bien faire, il faut perdre la vie », phrase d’une lettre de Françoise aux consuls de Narbonne le 21 août 1589.

Plaque à la mémoire de Francese de Cezelli Montpellier

Ses enfants : (1)Hercule qui reprend le flambeau, né vers décembre 1577 (
av,6.12.1577 ( Bibl.Toulouse,Mss C IO) ; (2)Anne-François, jésuite à Avignon et prêtre  professeur de grammaire et prédicateur ; fondateur du Collège de Montpellier   ; (3)Antoine-Claude  sgr dc St Aunès très affecté par la mort violente de son père ; le octobre 1615 est nommé héritier universel de sa mère, son frère Hercule ayant été écarté de la succession, décès à 34 ans ; (4)Françoise épouse de Jean de Casamajor…… et  (5)Paul-Aubert, né en 1587 : jésuite, professeur de philosophie et prédicateur, directeur du collège d’Avignon puis de celui de Nîmes, provincial de Lyon, auteur de nombreux ouvrages ; son œuvre est fortement attaquée par Pascal. Il intègre d’abord l’Ordre de Malte, mais de caractère peu belliqueux il le quitte rapidement. En 1605 il fait son noviciat à la compagnie de Jésus d’Avignon. Nommé père jésuite en novembre 1623. Il quitte ce monde en juillet 1661.
Encore aujourd’hui les habitants de la région honorent les Cézelli. Chaque année une prestigieuse cuvée de vin du Cap de Leucate leur est dédiée. L’Histoire raconte que Hercule le fils de Francèse de Cezelli en 1637 lors du second siège de Leucate offrit avec panache deux bouteilles de vin au chef des assaillants afin qu’il boive à la santé des combattants. Françoise fille de Francèse et de Jean-Antoine, née en 1582 au château de Leucate, défendit aussi le terroir de Leucate. Une tradition de panache et de ténacité familiale !!






Sources : Hubert Delobette  Femmes d’Exception en Languedoc-Roussillon  édit le papillon Rouge  2010  ISBN 978-2-917875-13-1 + Histories Vraies en Languedoc 2005 --- Ville de Narbonne, inventaire des Archives communales antérieures a 1790. Série AA: Actes constitutifs et politiques de la commune. Rédigé...Auteur : Archives départementales de l'Aube---Inventaire historique et généalogique des documents de la branche Lévis-Léran, devenue Lévis-Mirepoix, v. 03 Edité en 1903-Source: Family Search--Archives départementales de l’Hérault C8305 registre relmar 468fol 1559-1600 + C8307 537fol – arch départ Hérault inventaire somaire Ct6 -- Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers Auteur : Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers Edité en 1966---Gallica BNF -- Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXe siècle (Volume 17)-Auteur : [Chaix d'Est-Ange, ]--- A.D,Hér . H 458 ft 37-----. Histoire de Languedoc, t. XI, pp. 1108à 1117. — Les Batailles françaises, t. HI, p. 254. ——lnv. hist. et généal. des Lévis-Léran, t. Vlll, pp. x77-178. 2. Renseignements donnés par M. Boussioux, curé de Revue du Cercle Généalogique de Languedoc n°023Edité en 1984Source: CG de Languedoc--- R.P. Dudon, ds : Mélanges dc MgT dc Cabrières--- Inventaire sommaire des Archives départementales antérieures à 1790. Haute-Garonne. Archives civiles. Série B. [Parlement de Toulouse] (Volume 3-4)Auteur : Garonne, Haute-, France (Dept.) Archives


NB : Henry de Monfreid, voyageur des mers, aventurier et écrivain, enfant du pays fit bâtir sa maison, la Villa Amélie, à La Franquie de Leucate, son port d'attache et de coeur. (né le 14 nov 1879 à Leucate-La Franquie)

 

 






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