De Vigne en vin
dans les noms de famille
Jusqu’au 11ème
siècle, les Français ne portaient qu’un nom de baptême : on était Jean
fils de Pierre, Paul fils de Jacques... Mais au 12ème siècle, nous
sommes trop nombreux et les noms des Saints ne suffisent plus pour s’y
retrouver. Pour éviter des confusions, des surnoms qualifient les personnes.
Le 12ème-13ème
siècle est la période où les patronymes se forment, se consolident. On
différencie par exemple «Jean fils de Louis »… par l’adjonction d’un
patronyme, le lieu de naissance (Dupont, Langlais), d’habitation (Mazier, Dupuy),
une caractéristique physique (Boiteux, Leroux), sobriquet ou le métier exercé (Pelletier,
Barbier, Goupil...).
Nous cultivons la vigne
un peu partout dans notre pays, donc il serait naturel que nos patronymes puisent
dans la culture de la vigne. Mais ce n’est pas aussi simple, en particulier
pour le mot « vigneron ».
Le nom Vigneron apparaît
dans un texte français du 13ème le Roman de Renard : « li
vingnerons », mais là il représente encore plus la fonction que le
patronyme. A Lyon nous avons dans les deux siècles qui suivent des « Vignolan », en Bourgogne des
« Vignerot », en Picardie de « Vingueus », presque partout
des « Vignon ». A Paris nous avons un Jean Vigneron en 1292
contribuable. Dans notre sud, en langue d’oc, nous avons des
« Vigniers », « Viniers, des « Vinhairiers ». Ici le
mot vigneron apparaît bien plus tard.
En Angleterre les
Normands de Guillaume le Conquérant apportent après 1066 des Vyngnon, des Le
Vintur, des Vinyour mais à notre connaissance pas de Vigneron. De même les
émigrés de nos pays de l’ouest partis se faire une autre vie au Canada dès le
17ème siècle sont très peu nombreux à s’appeler Vigneron ou de ses
dérivés, Levigneront, Desvignol..... Il semble que le patronyme Vigneron ait du mal à s'implanter.
Les dictionnaires
d’ancien français nous disent que le « vigneron » dans le Nord, le
Pas de Calais, la Belgique… était une cloche qui sonnait le soir la fermeture
des tavernes. Est-ce que le nom de Vigneron a d’abord été pour les sonneurs de
cloches, les cabaretiers ou pour les travailleurs de la vigne ? Le mot
semble d’origine picarde. La question reste entière. A partir du 17ème-18ème siècle nous avons des Vigneron et ses dérivés surtout dans la Meuse, l'Eure, le Nord...
Au cours des siècles
apparaissent les Duclos, Closier, Clausier du nom du petit lopin de terre ceint
de murs pour protéger des intempéries ou des intrusions, un morceau de terre avec des quelques pieds de vigne. « Verjus »
arrive aussi, du nom du suc acide du raisin mal mûri et qui entrait dans la
confection de plats.
Des Latreille, Latrille,
Traglia, Treglia, les Raisin, les Bonraisin…. Le mot « grapper » qui
voulait dire au Moyen-Age, vendanger, grapiller, et même piller, va donner le
mot « grappin » et ses dérivés. Peu de patronymes Grappe.
« Pépin » comme
Pépin le Bref n’a rien à voir avec le raisin ou la vigne : il s’agit d’un
ancien nom de baptême germanique !
Depuis les 18ème-19ème siècles nous avons des Vigne, Lavigne, Delavigne, plus au sud des Vignal, Vignau,
Vignère, Vignole. Biniau, Binhas, Bignol, Bignolet seraient plus gascons.
Le mot
« vignoble » vient du provençal ; il a donné des familles nommées
Vingnoboul. Le vigneron dans cette langue c’était le vignogoul. Mais parfois
Vigneron fait référence à un diminutif gentil pour la vigne, petite vigne (Poitou…)
Les terres nouvellement
mises en viticulture nous ont donné des «Plantier, Duplant, Plantade.. ».
En Occitan, tailler la
vigne se disait podar : poude-vigne, taille-vigne qui nous a donné des
Poudevigne. A Beaucaire une famille Poudevigne devient Damiette après la croisade de St Louis : plus honorifique ou simplement pour raconter son histoire, ou les handicaps de guerre d'un des leurs ?
Les instruments de la
culture de la vigne ne sont pas oubliés : les Dolladile et ses dérivés,
patronymes qui viennent du couteau du vigneron. Les Buttes dans la Creuse qui
font référence aux tonneaux ; les Bastouil, Bastola dans le Quercy pour
les fabricants de comportes qui servent à transporter le raisin coupé ; les Charrieau en Vendée pour les cuves à vin ;
et autres Weingarten, Vigneront, Vineron, Winneron…. En fait la vigne et sa
culture sont bien implantées dans notre société et cela depuis longtemps.
Sources :
Marianne Mulon conservateur aux Archives Nationales in Historia 1982 n°431- Dominique
Barthélemy « Les noms de famille sont nés au Moyen Âge L’Histoire no 130, février 1990,
p. 72 --Marianne
Mulon Origine et histoire des noms de
famille : essais d'anthroponymie, Editions Errance, 2002 (ISBN 978-2-87772-234-6).--- Albert Dauzat et Marie-Thérèse Morlet Dictionnaire
étymologique des noms de famille et prénoms de France, Paris,2001 Larousse (ISBN 978-0-8288-9497-5).—photos
perso Vallabrix à l’automne 2016--
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