mercredi 15 avril 2020

Madeleine Brès Première femme médecin


Madeleine Brès Première Femme Médecin au 19ème siècle


Madeleine (Magdeleine Alexandrine) est née le 25 novembre 1842 à Bouillargues dans le Gard, à l’époque une petite bourgade d’un peu plus de mille habitants. Son père Jean Gebelin est charron, maréchal-ferrant, mais il travaille souvent à l’hôpital de Nîmes, réparant, construisant des échelles, des brancards …. Madeleine l’accompagne et l’aide. Elle ne s’effraye pas des gémissements, des odeurs de sang, d’urine. Elle observe le travail des sœurs-infirmières. Petit à petit elle est prise en affection par le personnel soignant et elle va donner quelques soins chaperonnée par une religieuse. Elle donne des tisanes, du bouillon, soigne de petites blessures, confectionne des cataplasmes…
La famille part pour Paris, Madeleine a 12 ans. A 15ans elle est mariée à Adrien-Stéphane Brès conducteur d’omnibus en 1858. Trois enfants à élever. Mais le rêve de devenir médecin est toujours là. Un rêve fou, pour une petite méridionale sans instruction, sans diplôme..
A l’époque, pas vraiment d’interdiction légale pour une femme de devenir médecin, mais les mœurs faisaient que la question ne se posait même pas : selon  Désiré Dalloz, célèbre juriste, (1795-1869) « Bien que l'exercice de la médecine ne soit pas interdit aux femmes, la nature des études exigées pour être reçu à exercer cet art représente un obstacle moral à ce qu'elles puissent s'y livrer ».
Un obstacle juridique cependant, pour s’inscrire en faculté de médecine, il fallait le baccalauréat et pour les femmes mariées le consentement de leur époux pour se présenter à ce diplôme. Les femmes mariées n’avaient pas la majorité civile et dépendaient encore de leur maris. Ce diplôme sera accessible aux femmes en 1861. Julie-Victoire Daubié, institutrice dans les Vosges, est la première bachelière française à 37 ans. Un peu moins de 300 femmes obtiendront ce diplôme de 1861 à 1896.
Madeleine contacte en 1866 le doyen de la faculté de médecine de Paris Charles Wurtz pour s’inscrire ; celui-ci lui conseille de passer d’abord son baccalauréat en lettres et sciences. Elle l’obtient en 1869 en candidat libre après un travail acharné, le soir, quand sa maisonnée est couchée, à la lueur des bougies. Charles Wurtz sera un des  72 savants dont le nom est inscrit sur la Tour Eiffel. Un progressiste, connu pour des ouvrages sur la chimie médicale.
En 1869, lors d’un conseil des ministres présidé par l’impératrice Eugénie, se référant à la loi du 19 ventôse an XI proclamant la liberté du travail, les femmes sont admises à s’inscrire en médecine. Le doyen Wurtz, le ministre de l’Instruction Publique Victor Duruy sont favorables à une certaine émancipation féminine. Madeleine Brès est enfin inscrite avec trois autres femmes, l’américaine Mary Putman, la russe Catherine Gontcharoff, la britannique Elizabeth Garrett. Toutes ont acquis, soit le baccalauréat, soit un diplôme équivalent.
Madeleine à 26 ans, trois enfants et son mari donne son consentement en la mairie du 5ème arrondissement de Paris.
Le ressenti de la communauté universitaire et médicale est glacial. Le docteur Henri Montanier écrit en 1868 dans la Gazette des hôpitaux (n°42 p34-35) :
 « pour faire une femme médecin, il faut lui faire perdre la sensibilité, la timidité, la pudeur, l'endurcir par la vue des choses les plus horribles et les plus effrayantes (...) Lorsque la femme en serait arrivée là, je me le demande, que resterait-il de la femme ? Un être qui ne serait plus ni une jeune fille, ni une femme, ni une épouse, ni une mère ! »..

Richelot, G. dans son livre « La femme-médecin », écrit : « Pour être médecin il faut avoir une intelligence ouverte et prompte, une instruction solide et variée, un caractère sérieux et ferme, un grand sang froid, un mélange de bonté et d'énergie, un empire complet sur toutes ses sensations, une vigueur morale, et au besoin, une force musculaire. (…) Ne sont-elles pas au contraire de la nature féminine."
Elève stagiaire d’abord dans le service du professeur Broca de l’hôpital de la pitié, puis « interne provisoire » de septembre 1870 à 1871. Ce dernier poste obtenu du fait du départ de nombreux médecins au front de la guerre  franco-allemande de 1870. Elle demeure à son poste durant le siège de Paris et sous la Commune ; on admire et admet son zèle et son dévouement. Gérer l’urgence, les nombreux blessées, un redoutable baptême du feu qui démontre son sang-froid, ses capacités.
Ses collègues médecins et l’administration hospitalière sont élogieux à son égard. . Le professeur Broca écrit : « Madame Brès, sur ma proposition, fut désignée comme interne provisoire. En cette qualité, pendant les deux sièges de Paris, et jusqu'au mois de juillet 1871, elle a fait son service avec une exactitude que n'a pas interrompu le bombardement de l'hôpital. Son service a toujours été bien fait et sa tenue irréprochable ». "Par son ardeur au travail, par son zèle dans le service hospitalier, nous nous plaisons à reconnaître que Mme Brès a, par sa tenue parfaite, justifié l'ouverture de nos cours aux élèves du sexe féminin et obtenu le respect de tous les étudiants avec lesquels elle s'est trouvée forcément en rapport." Jules Gavarret, Constant Sappey, Paul Lorain, et Charles Adolphe Wurtz font également son éloge dans un rapport commun.
Elle souhaite se présenter au concours de l’Externat d’octobre 1871. Mais malgré l’appui du professeur Broca, le directeur des hôpitaux de l’Assistance Publique le lui refuse : « S'il ne s'était agi que de vous personnellement, je crois pouvoir vous dire que l'autorisation eut été probablement accordée. Mais le Conseil a compris qu'il ne pouvait ainsi restreindre la question et l'examinant en thèse générale dans son application et ses conséquences d'avenir, le Conseil a eu le regret de ne pouvoir autoriser l'innovation que notre Administration aurait consacrée ». Cette décision déclenche une très violente campagne de presse et une quasi émeute le jour du concours...

(Charles Wurtz) 
Les pétitions qui suivront aboutiront à l'Arrêté préfectoral du 17 janvier 1882 : "Les femmes sont admises à prendre part au concours de l'externat sous la réserve formelle qu'elles ne pourront, en aucun cas, se prévaloir de leur titre d'élèves externes pour concourir à l'internat". Puis l'Arrêté préfectoral du 31 juillet 1885 : "Les élèves externes femmes qui rempliront les conditions déterminées par le règlement sur le service de santé seront admises à prendre part au concours de l'internat. Les internes femmes seront soumises à toutes les règles d'ordre intérieur et de discipline qui concernent les internes hommes".

En fait, les étudiantes en médecine devront attendre 1882 pour se présenter au concours d’externat avec Blanche Edwards-Pillet (1848-1941) première femme française externe des hôpitaux. Le concours d’internat sera ouvert aux femmes en 1886 et la première française interne titulaire sera Marthe Francillon-Lobre (1873-1956) reçue en 1900. Les « internes en chignon » sont malmenées par les autres étudiants : places isolées et regroupées dans les amphithéâtres de la faculté, bombardées de projectiles, insultées… Elles doivent attendre dans le vestiaire le professeur pour entrer dans l’hémicycle souvent sous les huées !!
Madeleine Brès parallèlement à ses études de médecine, passe quatre ans au Muséum d’Histoire Naturelle avec Edmond Frémy (1814-1894) et trois ans dans le laboratoire de Charles Adolphe Wurtz. Elle prépare une thèse de recherche qui sera soutenue le 3 juin 1875 : « De la Mamelle et de l’Allaitement ». Elle y démontre que la composition chimique du lait maternel se modifie pour correspondre aux besoins du développement du bébé.
Thèse qui obtient la mention « extrêmement bien » et qui est remarquée en France ainsi qu’à l’étranger. Elle devient la première Française docteur en médecine. La Britannique Elizabeth Garrett Anderson l’a devancée de cinq ans.
Elle est veuve avec ses trois enfants à charge. Elle installe son cabinet médical en ville rue Boissy-d’Anglas à Paris. Elle a très vite une riche clientèle bourgeoise. Elle fait de sa natte de cheveux enroulée autour de la tête « par pure commodité, afin de pouvoir ausculter les malades » une sorte de signature. Elle va se spécialiser dans tout ce qui touche la relation entre la mère et le bébé, l’hygiène des jeunes enfants. A la demande du préfet de la Seine, elle anime des causeries-conférences en direction des différents personnels des crèches, garderies, et écoles maternelle des vingt arrondissements de Paris. La mortalité infantile ainsi que cette des jeunes mères est importante en ville comme dans les campagnes où encore souvent, des « matrones » sans diplôme, et avec leurs seules expériences,  officiaient auprès des accouchées. Madeleine pendant cinquante ans va essayer de mettre en place une médecine préventive auprès des femmes enceintes et auprès des jeunes mamans. Elle écrit plusieurs livres et dirige un journal « Hygiène de la femme et de l’enfants ».
En 1885 elle fonde avec son propre argent une crèche 83 rue Nollet dans le quartier des Batignolles ; les enfants jusqu’à l’âge de 3 ans y sont soignés et gardés gratuitement. Cette crèche pilote sera visitée le 28 mai 1893 par Théophile Roussel, sénateur et auteur d’une loi sur la protection de l’enfance et par Marie-Louise Loubet.
En 1891 le ministre de l’Intérieur la missionne pour une étude de l’organisation et le fonctionnement des crèches et des asiles suisses.
Plusieurs distinctions ponctuent son travail : officier d’académie en 1875, officier de l’Instruction Publique en 1885, plusieurs fois médaillée de la faculté de médecine de Paris….  
Elle sera oubliée, mais un élan est donné. Elle décède en 1921 à 79 ans, à Paris dans le quartier de Montrouge presque aveugle et dans la pauvreté. Depuis quelques années, des crèches, des relais assistantes-maternelles, des écoles maternelles portent son nom à Bouillargues et Montpellier mais aussi dans d’autres départements. Quelques rues aussi…. Elle aimait à s’intituler la « Doyenne des Femmes-Médecins de France »
Ses publications : De la mamelle et de l'allaitement, E. Martinet, 1875 (lire en ligne Thèse pour le doctorat en médecine présentée et soutenue le jeudi 3 juin 1875--- 'Allaitement artificiel et le biberon, Paris, G. Masson, 1877, 77 p disponible sur Gallica.--- Analyse du lait des femmes galibies, 1882. (Il s'agit de femmes caraïbes alors exhibition au  Jardin d’Acclimatation)---Mamans et bébés, 1899.


www.medarus.org/Medecins/MedecinsTextes/bres_mad.htm



Sources : Jean-Louis  Debré  Les oubliés de la République  édit Fayard 2008---www.sciencesetavenir.fr/high-tech/web/qui-etait-madeleine-bres-mise-a-l-honneur-sur-google_139249--Hubert Delobette  Femmes d’Exception en Languedoc-Roussillon  édit Le Papillon Rouge 2010-Ibsn 978-2-917875-13-1----- "Figures, personnages et personnalités d'Occitane", les Nîmois Catherine Bernié-Boissard et Michel Boissard---www.medarus.org/Medecins/MedecinsTextes/bres_mad.htm--- Mme Sorrel-Dejerine, « Centenaire de la naissance de Melle Klumph », Association des femmes médecins, 1959, n°8, p. 14---- Richelot, G. La femme-médecin, Paris : E. Dentu, 1875, p.43 et suiv.--- /www.legeneraliste.fr/actualites/article/2014/11/25/naissance-de-madeleine-bres_255456

 https://data.bnf.fr/fr/10521235/madeleine_bres/---wikipedia--- Midi libre-www.midilibre.fr/2019/11/25/gard-la-bouillarguaise-madeleine-bres-a-lhonneur-sur-google,8562002.php









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