vendredi 24 septembre 2021


 

Nouveaux éléments pour comprendre l’Histoire de Vallabrix


Un historien Denys Breysse a découvert dernièrement aux archives départementales du Gard des actes qui expliquent bien des choses sur la période de 1702-1708. (archives référencées de « provenance inconnue » sans cote ce qui ne les rend pas facile à trouver).

-Tout d’abord la personne inhumée dans l’église de notre village. Les anciens parlaient d’un consul enterré là, d’une dalle à l’inscription effacée en partie. Il semble plutôt qu’il s’agisse de la dernière demeure du prieur Jean de Rufier (Ruffier) décédé en 1702. Un acte rédigé par le prêtre Molines qui assure l’intérim, nous indique : »l’an mil sept cent deux et le onzieme mars après avoir est confessé est decedé messire Jean de Rufier prieur de vallabrix agé d’environ quatre vingt et deux ou trois ans et a esté inhumé dans l’eglise dudi vallabrix presant mr granier appoticaire Louis laurens et Jacques francois  dudit vallabrix… » . Ceci était prévu dans son testament de 1696 : « je crois que nous devons elire nore sepulture dans notre eglise et par humilité du costé de l’Epitre et non dessous le Chœur et le sanctuaire »…  (l'épître est le côté droit de l'autel, vu par les fidèles, où se trouve placé le livre contenant l'épître à lire durant la célébration. Le côté gauche est appelé l'évangile)(attention l’église était plus petite à cette époque donc emplacement de la dalle plus proche du portail sur le côté droit)

- le presbytère devant l’église mentionné dans le compoix de 1728, seules les fondations sont encore visibles : il semblerait qu’il ait été démoli lors des guerres de religion de 1560-1628 « du temps de henry quatre Roy de France ». Ce qui expliquerait que lorsque Tomas Platter nous visite à la fin du 16ème siècle, il voit un village en très mauvais état. Il est vrai qu’on s’est sérieusement battu vers St Siffret (un des Bargeton en était). (Etienne Goiffon,-trois pouillés de 1635-1640—in  Pouillés des diocèses anciens compris dans le diocèse actuel de Nîmes -1900). Toujours une interrogation : comment notre façade renaissance a-t-elle survécu à ces affrontements ? Notre façade Renaissance a certainement été mieux défendue par la poignée de soldats installés au château. Et puis ces guerres étaient plus proches des razzias que de celles que nous connaissons maintenant : seul avait un intérêt ce qui pouvait se vendre, servir, argent, vaisselle, bijoux, bottes….

D’après l’acte d’abjuration du 6 octobre 1685, Jean de Ruffier nous indique que Vallabrix s’est ouvert au calvinisme en 1550. Nous pouvons penser que ses habitants ont suivi les Bargeton, leur seigneur,

- d’après le pouillé de 1640, cote 419, Saint Etienne de Vallabrix peut compter sur un revenu de 420 livres. Sur les 136 prieurés de l’évêché, le revenu moyen est de 152 livres ; douze prieurés ont un revenu estimé à 420 livres, seuls quatre dépassent cette somme : Aramon avec 800livres, St Georges de Ceyrargues, St Gervais de Laudun et St Martin de Chambonas près des Vans. En 1662 Jean de Ruffier arrente (loue) pour les trois-quarts de la dîme du prieuré de Vallabrix et son domaine pour 1125 livres. Donc une paroisse sinon riche, très aisée.

Les droits de fiefs s’étendent à toute la paroisse : « le prieur dud lieu a presq tous les fiefs des maisons, terres de sa paroisse, depuis le four public vers le levant et le terroir du Masmolene, le Pin, Pougnadoresse »… » les prieurs de valabrix ont droit de dimes dans le terroir de St Quentin, surtout dans ceux de la Sauzede, Massargues, Castelnau, Claudauson….. plus ils diment au terroir de Masmolène, dans le terroir appellé La Riasse et une partie de la métairie du Moutet appelé La Come megere du costé du Pin, ils vont jusques au terme de Notre Dame du Pin… ». Le tout reconnu devant notaires.

La dîme « se lève au onzième », « fruits, laine, agneaux, bled, grains, huille, vin, foin ». Sur Vallabrix, un jardin, six terres, un pré, et deux vignes, le tout terres nobles sans censives ni « talhies (taille) ».

-Le prieur à la suite de Jean de Ruffier est Pierre de La Garde de 1702 à 1706. Pendant cette période il est réfugié à Uzès. « Les prêtres et prieurs se refugièrent aux villes les plus proches de leur bénéfices crainte d’être assassinés par les huguenots et révoltés ». Cependant il signe des actes du 1er octobre 1702 au 25 janvier 1706. Son neveu Jacques de La Garde reprend le prieuré après un intérim du prêtre Vénissat. Les chiffres montrent une baisse des sépultures entre 1702 et 1706 : absence d’une partie de la population adulte ? Quelques baptêmes et mariages de vallabrixois sont célébrés à Collias, Masmolène… Quand le prieur est absent, le prieur Gasteur d’Aureillac en 1702 et le prieur de Dions en février 1705 le remplacent. Tout indique des troubles qui ont certainement touché notre village. Vallabrix est sur le passage des troupes. Des combats autour de chez nous, comme Euzet, des incendies comme à Belvezet, Sanilhac en 1703, des massacres. Des églises incendiées au Pin, La Bruguière, Saint Laurent …Décembre 1703, mai 1704, deux périodes où le prieur n’est pas à Vallabrix sous la pression des évènements.

Les registres ne rendent compte que d’une facette des désordres dus aux « huguenots et révoltés », ceux occasionnés par les actions des milices catholiques ne sont pas mentionnés (les camisards blancs, puis noirs) qui sévissent dès l’automne 1703 jusqu’en 1717 et qui provoquent aussi des fuites de populations.

-les actes, mariage, baptême, ne suivent pas toujours le modèle fixe imposé : des dispenses de bans pour les mariages, les noms des parents ou témoins oubliés… on va au plus vite, « à cause des circonstances fâcheuses du temps présent ».

Mais il semble que la solidarité ancestrale unissant les habitants d’une même communauté continuait à s’exercer « parce qu’elle a été portée par des gens venus d’ailleurs, la mort n’a pas rompu les liens qui unissaient les habitants… » (Belvezet).

-56 personnes abjurent collectivement le 6 octobre 1685, essentiellement les notables de notre village. Un de ces nouveaux convertis Guillaume Agniel notaire royal va nous montrer une attitude particulière. Jean de Ruffier jusqu’à sa mort en 1702 va tenir d’une main ferme les nouveaux convertis.. Prêts, mariages, dons, quittances, des actes notariés où la signature du prieur apparait la première, mais que le notaire ignore ostensiblement. Influence, surveillance, dépendance financière et politique.

A sa suite les prieurs de La Garde, en particulier Jacques, vont apporter un certain apaisement au village avec d’autres pratiques. Pierre de La Garde d’abord puis son neveu Jacques qui est en poste en mai 1706 à 26 ans. Il loge chez l’habitant. A partir de 1713 il est très présent dans notre village. Cette famille est apparentée aux Bargeton, aux De Brueys anciens protestants. Jacques de La Garde meurt le 25 mai 1728. Sur son acte de décès, une ligne : « il avoit manger la veille à souper cinq livres de poisson »… Un bon vivant qui devait plaire aux habitants !

 

Sources : Denys Breysse «  Vallabrix une paroisse catholique de la périphérie cévenole au temps de la guerre des camisards (1685-1720) » in Revue d’Histoire de l’Eglise de France T107 n)258 Société d’histoire religieuse de la France Institut catholique de Paris- Merci de m’avoir fait part de cet excellent travail.

 

 

 

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