mardi 14 septembre 2021

La chasse

 

(octobre 1862 Lapin avec trompe de chasse chevauchant un chien. Carreau estampé médiéval. Prieuré dominicain de Derby, Angleterre)

La Chasse de la Préhistoire à 1900:

 

La chasse dans notre monde moderne crée bien des débats houleux, des commentaires acides. Moi-même je rouspète lorsque je ne peux pas promener mon chien tranquillement, lorsque les plombs pleuvent dans mon jardin, lorsque je trouve un animal blessé... Mais je rouspète tout autant lorsque les sangliers ravagent mes plantations, lorsqu’un lièvre grignote le tronc d’un de mes pommiers…. La Chasse, loisir ou protection des récoltes ? Gestion du gibier ? Protection des écosystèmes, des habitats, de la diversité animale…  Probablement tout cela à la fois mais avec des contraintes pour tous, des acceptations. (Ne pas oublier que notre espèce a besoin des animaux sauvages pour entretenir les paysages, les sources, mais aussi pour affaiblir ou pour faire barrage à de vilains virus ou bactéries qui nous embêteraient bien sans eux. Il est assez probable que la Chine, et nous tous par la même occasion, payont en ce moment ses déforestations massives et les déplacements d’animaux qu’elles engendrent).

Cette activité humaine a longtemps fait partie de notre vie. Nos très anciens ancêtres avant la révolution néolithique et l’avènement de l’élevage, puisaient dans cette ressource pour se procurer de la nourriture carnée, mais aussi la peau, la fourrure, la corne, les os, les tendons ….. des animaux chassés. Une bonne partie de notre inventivité, de notre curiosité, de nos savoirs ont démarré avec la chasse d’une autre espèce que la nôtre. La chasse va aussi permettre de sécuriser les habitats, repousser ou éliminer des prédateurs dangereux pour l’homme, puis pour ses animaux d’élevage. Tout dans la nature est une lutte pour survivre, parfois aux dépends d'une autre espèce. Bien plus tard la chasse va retrouver sa fonction originelle en période de famine.

Selon certains archéologues et paléontologues, nos ancêtres consommaient aussi des cadavres d’animaux morts, blessés, malades qu’ils achevaient plus facilement. Il est probable que pour les gros mammifères, nos anciens pratiquaient la chasse à l’épuisement. Nos chasseurs suivaient leurs gibiers, remontant vers le nord l’été, et redescendant vers le sud l’hiver. Le nomadisme était encore de mise. Le piégeage de petits animaux est probablement aussi une pratique très ancienne.

Peu à peu de nouvelles armes, filets, javelot, le propulseur, l’épieu, et arc font leur apparition et le néolithique, la sédentarisation des communautés humaines ne sont pas loin….

Autre époque, au Moyen Age la chasse se transforme plus en activité de loisir réservée aux classes dominantes, nobles, dignitaires de l’Etat ou clergé. Cette activité va être symbole de pouvoir et cela longtemps malgré les chaos de l'Histoire.

Les seigneurs pouvaient au départ louer leur droit de chasse sur leurs terres, pratique encore attestée en Bresse en 1522. La main mise grandissante de la royauté sur la chasse proscrit peu à peu cette possibilité de location.

La chasse est une nécessité et une passion pour la noblesse. Nécessité car les sangliers, lapins, renards ravagent les poulaillers, les cultures. Les loups, les ours s’attaquent aux voyageurs, aux paysans… Le gibier fournit aussi la « venaison », agrémente ainsi les repas et glorifie l’habilité du seigneur du lieu. Mais la chasse surtout la chasse à courre, est un entrainement au combat pour le châtelain et ses gens. Le seigneur doit déjouer les ruses de l’animal, galoper toute la journée parfois, traverser des rivières. Il monte son destrier, son cheval de guerre, (celui que l’on tient de la main droite, la destre). (Nous ne voyons plus très bien à quoi sert maintenant la chasse à courre). 
Son chenil comprend des chiens de force capables de s’attaquer à un sanglier et des chiens courants, les lévriers. Son épouse peut aussi, surtout dans le Sud du pays, chasser avec des faucons. Le gibier est propriété du châtelain, mais parfois il autorise les paysans à traquer des petits animaux à l’aide d’un furet, et même d’écrevisses qui s’insinuent dans les terriers. Les jeunes garçons des paysans sont parfois invités à dénicher les nids de corneilles dans les murailles du château, au péril de leur vie.

La chasse privilège de la noblesse et signe de pouvoir, devient un art : la vénerie. Les armes  de chasse sont les mêmes que celles de combat : arc, épieu, couteau, lance… Mais pour le gros gibier on dresse des pièges, fosses dissimulées par des branchages, filet qui se refermera sur l’animal.

L’apprentissage de la chasse pour le futur seigneur se fera avec un chevalier expérimenté, le veneur : pistage, reconnaissance des traces, endurance, entrainement au tir… Nos rois seront souvent de grands chasseurs et ils entretiennent des équipages importants de chiens, chevaux, personnels. Louis XIII aurait appris à lire dans des ouvrages de vénerie.

Dès le 16ème siècle, des législations royales se mettent en place pour gérer les forêts et les lieux de chasse. En 1669, par ordonnance royale, des roturiers ont le droit de chasse s’ils ont acheté un fief, une seigneurie ou une haute-justice qui donne ce droit. En 1701, les nobles âgés ou non sont tenus de  réduire le surplus de gibier nuisibles aux cultures.

Le braconnage est sévèrement puni : l’édit de 1601 prévoit une amende et le fouet pour une première infraction, puis pour la première récidive, le fouet et le bannissement, suivent les galères et la confiscation des biens, parfois la mort pour la troisième récidive. Protection du gibier mais il ne faut pas qu'il soit trop  et nous enlève le pain de la bouche !! Essai de ménager les uns et les autres....

 Pour protéger le gibier, il est interdit de moissonner avant la St Jean, d’enlever les chardons, d’enclore les terres par des murs sauf autorisation spéciale pour les domaines nobles. Les agents des eaux et forêts, les capitaineries, veillent au grain ! Pour protéger les récoltes, les chasseurs ne doivent pas passer dans les terres ensemencées et lorsque les céréales sont en « tuyaux ». Les vignes sont interdites de chasse du 1er mai jusqu’aux vendanges…. Des interdictions peu observées.


La chasse se démocratise avec la Révolution. Le droit de chasse devient un attribut du droit de propriété : chacun peut chasser s’il est possesseur des terres sur lesquelles il souhaite chasser ou avec l’accord du propriétaire. Dès 1790, le droit de chasse peut être transmis aux héritiers, transféré, loué à des fermiers… par une loi mal ficelée, donnant lieu à de nombreux débats de juristes, de politiques, de parlementaires, tout au long du 19ème siècle. Le propriétaire pouvait « faire détruire » sur ses terres le gibier qui s’en prenait à ses récoltes, mais rien n’avait été prévu par la loi pour en établir les modalités légales de cette sorte de permission.

Apparait dans les débats, le droit de chasser différent du droit de chasse !! Pour le locataire et pour le propriétaire quel droit et quelles protections légales ?

La Constituante de 1844 met en place un permis de chasse à 25frs ; celui de port d’armes était à 15 frs, ce qui veut dire que le permis de chasse est réservé à une certaine classe. Pour les juristes, le droit de chasse est le droit de prendre le gibier qui appartient par principe au seul propriétaire.

Usufruitier, nu-propriétaire, occupants de parcelles anciennes appartenant à la commune, les modalités de location variant à l’extrême d’une région à l’autre, d’un milieu à l’autre, des différences de vocabulaire dans les us et coutumes…. La loi de 1790 en se voulant simple avait versé dans le simplisme ! A la fin du 19ème siècle, des décisions des tribunaux prudentes définissent le droit de chasse comme un « attribut de la propriété, mais un attribut complexe ». Jusqu’aux années 1880, la chasse selon un argument moral, détournait le fermier de son travail ! Tout l’argumentaire cachait surtout le souci de défendre les intérêts des grands propriétaires-chasseurs. A l’orée du 20ème siècle malgré la Révolution de 1789 et celle de 1844, le droit de chasse n’avait pas varié de statut ; il relevait de la propriété  et le fermier-locataire en était exclu.

La IIIè République va essayer de clarifier la situation mais toujours en évitant » le froissement des contestations, ces conflits sans cesse renaissants ».

Actuellement, à côté du propriétaire, du locataire, un troisième larron est entré en lice : le promeneur. Sans compter le ramasseur de champignon, l’écolo, les lotissements, les aménagements urbains gagnés sur les landes, les bois et la mamé qui nourrit les sangliers à la porte de son jardin pour amuser ses petits-enfants, les poubelles qu’on oublie dans la nature.. !!! Il semble que les surfaces accordées aux animaux sauvages se rétrécissent au fil du temps, ainsi que notre connaissance de leurs mœurs… Est-ce que nous serions en train d'oublier que nous sommes des animaux comme les autres, chacun avec un écosystème dépendant les uns des autres et que notre Terre est notre mère nourricière ?.

Sources et pour en savoir plus : Régine Pernoud – Philippe Brochard A L’Abri des Chateaux Forts  édit Hachette 1981– Bibliothèque Municipale Lyon -- /www.chasseurdefrance.com/decouvrir/les-modes-de-chasse/la-venerie-ou-chasse-a-courre/--/www.lepoint.fr/societe/la-chasse-a-courre-c-est-le-cycle-de-la-nature-04-10-2020-2394744_23.php—wikipedia.org---www.cairn.info/journal-histoire-et-societes-rurales-2004-1-page-73.htm—Christian Estève Le droit de Chasse en France de 1789 à 1914 in Histoire et Scociétés Rurales 2004 vol21p73/114---etc

 

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