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1832 depuis deux ans, nous sommes sous le règne de
Louis-Philippe, le roi-bourgeois. Mais l’être humain étant ce qu’il est, des similitudes
intéressantes semblent exister entre cette époque et la nôtre. Une épidémie de choléra, la
« Peur Bleue », frappe à nos
portes : va-t-telle franchir nos frontières ou bien ci arrêter ?
Elle arrivait d’Inde (1826). Elle avait passé par Moscou, Berlin, Londres
autour de 1830. Partout elle avait déclenché des émeutes. Les guerres de la
Russie l’exportent en Perse, Turquie, Pologne aux semelles de ses soldats….
Dès août 1831, en France on commence à s’inquiéter : des commissions de
salubrité sont créées, on nettoie les rues de Paris au chlore… A cette époque nous n’avons
quasiment pas de systèmes d’évacuation des eaux usées, parfois les excréments
courent les rues. En 1829 le médecin Louis René Villermé s’en inquiète dans
ses Annales d’Hygiène Publique. Le 26 mars une première victime à
Paris. Le 15 elle était arrivée à Calais. Les journaux en plaisantent, ce
n’est pas sérieux dans un pays comme le nôtre, il s’agit d’une maladie de
pauvres, de sous-développés !! Les décès se multiplient de jour
en jour et les Parisiens les plus fortunés fuient la ville pour se réfugier
dans leurs maisons de campagne, propageant ainsi la maladie. Le 10 avril on
dénombre en une seule journée 848 morts. On ne sait que faire. On lance la
purification des courriers en les griffant et les trouant puis en les
trempant dans le vinaigre blanc. Des quarantaines sont décidées : en
particulier sur les villes du littoral partout où des voyageurs peuvent nous
contaminer, on bloque les gens dans les bateaux, dans des bâtiments réservés parfois
pendant trois semaines !! Tout le pays est touché, surtout
les grandes agglomérations, autour de nous, Marseille, Arles, Avignon. Comme
toujours, les minorités, les mal-logés, mal nourris, mal éduqués paieront le
prix fort. Mais la vitesse de propagation va faire que les petits villages ne
seront pas à l’abri. Pour le Languedoc, l’épidémie vient d’Avignon, le 9 juin
le choléra est à Vallabrègues, le 22 à Aramon, le 26 à Roquemaure, le 23
juillet à La Capelle, le 25 chez nous à Vallabrix. Et il va continuer sa
route. Notre village enregistre 21 morts sur 412 habitants. L’épidémie s’y
installe 31 jours. Les statistiques
montrent qu’elle se propage entre villages voisins de moins de 10 km.
Elle durera de 17 à 88 jours selon les endroits. Uzès enregistre
proportionnellement moins de morts que notre village : 25 en 20 jours
pour une population d’environ 8000 habitants. Ville mieux organisée ou fuite
des habitants vers leurs domaines aux alentours comme cela se passe à chaque
épidémie ? On ne comprend pas ce qui nous
arrive. « Nous pensions que notre climat, la salubrité de notre pays,
nos règlements de police, les progrès de la science nous en
préserveraient » écrivait le philosophe et politicien Charles de
Rémusat. Les médecins y perdent leur latin
et les préconisations sont contradictoires. Le complotisme va bon
train : punition de Dieu, punition des pauvres pour leur alcoolisme,
leur saleté, punition pour avoir guillotiner le roi… pour les uns. Pour
d’autres, les patrons et le gouvernement empoisonnent l’eau, l’air, le pain
pour affaiblir le peuple. On accuse les étrangers, les médecins…La révolution
de 1830 et celle des canuts lyonnais ne sont pas loin. Les promesses de la
Révolution de 1789 encore dans les esprits n’ont pas porté leurs fruits, les
guerres napoléoniennes ont envoyé des veuves et des orphelins dans la
pauvreté, et la révolution industrielle bouleverse toutes les strates de la
société. Une écrivaine écrit à Balzac,
« nous subirons le choléra comme nous subissons le gouvernement ».
Le climat social n’est vraiment pas sain…. Les bagnes militaires, les bagnes
coloniaux (1840-1852) vont se remplir. En juin 1832, le général Lamarque,
un des opposants au régime, meurt du choléra. Ses funérailles le 5 juin avec
plus de 100 000 personnes derrière le cercueil sont l’occasion d’un
rassemblement politique et d’une manifestation. Barricades, affrontements
avec la police. Une partie de la garde nationale fraternise avec les
insurgés. Le roi prend la décision de la confrontation et le 6 une véritable
bataille a lieu. 55 morts pour l’armée, 18 dans la garde nationale, 93 parmi
les manifestants. Malgré la demande des députés d’arrêter ce bain de sang, le
monarque déclare Paris en état de siège. Les condamnations pleuvent. (voir Victor Hugo dans « les
Misérables ». L’épidémie de choléra a continué
son chemin : de mars à septembre 18500 morts à Paris, environ
100 000 dans toute la France. On promet une prime aux médecins
et étudiants en médecine qui avaient aidé, mais le gouvernement voulut à la
place leur remettre une médaille !! Cela rappelle une revendication de nos soignants : Capture d'écran via France InfoAucun traitement n’est trouvé, on essaie les infusions de fleurs de guimauve, les bains de jambes. On accuse l’alimentation trop excessive des uns ou trop pauvre des autres, la répercussion de la sueur, la tristesse, la frayeur, le système nerveux ébranlé…. Des bureaux de secours et des
ambulances sont organisés ; des bénévoles aident médecins et pharmaciens. Cette pandémie de choléra dura à
l’échelle mondiale une vingtaine d’années par intermittence. Mais après juin
1832, elle se calma petit à petit dans notre pays. Elle aura tué des grands
personnages comme Sadi Carnot, Champollion, et l’ex-roi Charles X en exil et qui
ne sera regretté que par peu de monde. Marseille déplore un peu plus de 19000
morts, Londres, Québec, Berlin, Moscou, toutes les grandes agglomérations
mondiales … ont aussi enregistré un grand nombre de décès. A Paris on pense à
assainir des quartiers, ce que fera le second empire au détriment des petites
gens, et on développera les réseaux d’égouts. Cette épidémie reviendra dans
notre pays, moins virulente, entre 1849 et 1865. Cet épisode tragique va lancer
un courant hygiéniste : on construira des écoles avec de grandes
fenêtres, on déportera les cimetières à l’orée des villages. Il devient
essentiel de construire des installations sanitaires efficaces. Mais dans nos
villages trop souvent les WC, (les « privés » ) sont installés sur
les puits des maisons ou en liaison avec. Il y a toute une pédagogie à faire..
Sources et pour en savoir
plus : wikipedia.org- Pauline Fréour-lefigaro.fr/sciences/en-1832-les-parisiens-incredules-surpris-par-une-epidemie-de-cholera-20211205--
/france3-regions.francetvinfo.fr/centre-val-de-loire/histoire-confinement-france-1832-face-au-cholera-1810722.html Des témoins : Les Misérables de Victor Hugo (funérailles
du Général Lamarque et insurrection de juin 1832).--Le Hussard sur le
toit de Jean Giono a
pour cadre l'épidémie de choléra de 1832 dans le sud-est de la France,
principalement en Provence.- La
Caverne des pestiférés de Jean Carrière décrit
l'épidémie de choléra de 1835 en Languedoc.- Le Juif errant d'Eugène Sue (Le
titre Juif errant est trompeur puisqu’il ne constitue pas le
sujet du roman mais est une personnification du choléra parcourant le
monde).- Famille Boussardel de Philippe Hériat.
Boussardel éloigne en urgence sa famille de Paris en mars 1832,
acquérant à cet effet un domaine en Berry. |
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