L’Univers de la garrigue et ses
bienfaits
(garance des teinturiers-wikipedia)
Teinture, bois, amadou, brosses en chiendent….. sans compter tout ce qui se mange. Tout est bon dans la garrigue !! Enfin presque…
Pour nos anciens, des
siècles, des millénaires peut-être bien,
d’expérimentations, de patience, d’erreurs, de tâtonnements pour
accumuler un savoir essentiel pour vivre et survivre.
Au 18ème siècle, parmi les 18 colorants les plus utilisés en teinturerie, la moitié vient de la garrigue : orcanette pour les violets, fustet pour le rouge, nerprun des teinturiers pour ses jaunes, …Et puis le kermès et la garance pour des rouges éclatants sources d’une économie florissante pendant un temps sur tout le pourtour méditerranéen.
Depuis que l’homme s’est doté de « chefs laïcs et religieux », il a été nécessaire de leur donner un éclat qui les différenciait des manants : la couleur rouge fera l’affaire associée aux broderies, fourrures et dorures. Symbole du pouvoir, de la puissance, de la richesse. Dans les livres saints de notre ère on parle du vermillon, rouge très pur, résistant, fabriqué à partir d’un petit insecte, le kermes vermilio, une cochenille, qui colonise nos chênes. Sa larve femelle se nourrit du suc de l’arbuste et grossit pour former une boule, la « graine d’écarlate », collée à l’écorce. Cette boule est pleine d’œufs, jusqu’à 6000, et d’un pigment ou acide kermésique qui contient la coloration.
(kermès pixabay.com/fr/photos/chêne-kermès-cochenille-garrigue-1196285/
Déjà présente dans les
peintures rupestres du Néolithique, aussi en Extrême-Orient, chez les Egyptiens
sur leurs sarcophages, les Hittites, les Perses, Grecs, Romains sur la toge des
sénateurs…. Les moines copistes s’en servent dans leurs enluminures. Les
teinturiers et drapiers de Montpellier et de Narbonne s’enrichissent dès le 14ème
siècle avec des tissus écarlates qui concurrencent le rouge de garance
d’Avignon. Les autres cochenilles donnaient des tons plutôt rose allant vers le
violet. Au 15ème siècle la récolte se faisait en secouant les arbres
pour faire tomber les insectes, ce qui amenait une perte importante.
Ces petites boules vont
donner naissance à un commerce très important. Elles vont même parfois servir
de monnaie. Mais le kermès va être surexploité tout au long du Moyen Age. En
1349, une compagnie de Florence achète 108 kg de cochenille soit 6 et 8
millions d’insectes…
Dans les zones de
production, une règlementation se met en place un peu partout au 18ème
siècle en particulier en France et en Espagne.
La « culture »
du kermès est source de taxes pour l’Etat, et protection de la ressource et des
ramasseurs, souvent des femmes. Il faut plus d’un million d’insectes pour
teindre un drap fin !. D’où un cout qui dépend de l’abondance de
l’insecte. Des hivers trop humides ou trop froids, Des étés trop chauds et les
prix s’envolent.
En général une
publication par bans-et-ou cris d’un aboyeur ouvre la campagne de récolte du
kermès. Des gardes veillent au respect des arbres et au braconnage. Les pirates
sur les côtes méditerranéennes lançaient parfois des expéditions pour piller
ces récoltes.
Interdit de se servir de
serpettes, seules la main et l’ongle pour arracher le kermès de l’arbre sans
percer la fine peau de la boule. Les cueilleurs se font parfois pousser les
ongles pour récolter sans dommage les graines d’écarlate. Celles-ci sont ensuite entreposées dans des
paniers ou des pots en grès.
La découverte du Nouveau
Monde va donner un coup à cet artisanat. Le Mexique et le Brésil élèvent des
cochenilles très riches en colorant. Puis les colorants synthétiques à partir
du 19ème siècle vont donner le coup de grâce à la culture du kermès.
Aujourd’hui la cochenille
est encore utilisée dans les colorants alimentaires, le E120 ; mais il
s’agit d’une cochenille mexicaine.
La garance est une plante tout aussi utilisée dans les civilisations anciennes. Des fragments de tissus de l’époque du roi Salomon ont montré son utilisation à des fins décoratives. Les Egyptiens l’utilisaient sur des bandelettes de momies ou d’autres objets. Nos soldats des guerres de 1870 et 1914 en ont fait les frais, leurs pantalons d’un beau rouge étaient des cibles parfaites pour l’ennemi !!
On en trouve des traces
dans l’ancien français vers 1165 : en latin médiéval « warance »,
ainsi que dans le capitulaire de Villis du 7èmesiècle « wrattia » du
vieux-francique germanique. Une plante grimpante de un mètre environ, des
feuilles vert foncé munies d’aiguillons crochus qui aident la plante à se
hisser au-dessus de la végétation. Elle supporte la sécheresse. On se sert des
rhizomes réduits en poudre pour avoir le colorant. La récolte ne se fait que
tous les trois ans pour avoir une bonne qualité. Mais les animaux qui mangent
la plante ont des urines, leur lait, leurs tissus, leurs os colorés…
Avant le 18ème
siècle, les Occidentaux vont essayer de percer le secret de cette couleur que
les Turc en particulier utilisaient pour leurs cotonnades, le rouge d’Andrinople.
Espionnage, vol, commerce illicite.. Le commerce d’approvisionnement avec l’Orient
est difficile, les prix flambent. La culture de la garance en France explose :
dans le Vaucluse dans la moitié du 18ème siècle, la culture de la
garance représente près de 50% de la production mondiale. Dans ce département,
près de 15 000 hectares sont consacrés à cette culture. Les racines séchées
au soleil, battues au fléau sont ensuite réduites en poudre au moulin.
La demande est énorme : il faut 45 kg de poudre pour teindre 100 kg de laine. Là aussi il faut une réglementation pour assainir le marché. Parfois de la brique pilée et des ocres remplacent la poudre si convoitée !! Colbert sous le roi Louis XIV s’y attèle : identification des produits par un plomb lié à la pièce de tissu avec le nom de l’artisan, le lieu de la teinture. Peu à peu la profession se perfectionne et met au point des signes de qualité. Le comté du Venaissin en 1870 produit 25 000 tonnes de garance !
(uniforme 1914-1918- Fantassin français du 27e R.I. en 1914-18---es/2014/05/24/29936795.html--1ereguerremondia.canalblog.com/archiv)
Mais la recherche de colorant de synthèse au
19ème siècle marque la fin de la culture de la garance. Kuhlmann en
1823, Robiquet, Colin en 1835 et l’alizarine, Graebe et Liberman en 1869 qui
déposent le brevet en Angleterre de la fabrication industrielle de l’alizarine,
principe colorant de la garance obtenu à partir de l’anthracène du goudron de
houille !! C’est la fin de la culture de la garance en France sauf
momentanément dans le sud-est au début de la guerre de 1914-18 pour la teinture
d’uniformes.
Sources
ou pour en savoir plus : http://www.branche-rouge.org/les-articles/tous-les-articles/artisanats/le-costume/teintures-historiques/cochenille-1---
https://www.persee.fr/doc/rural_0014-2182_1999_num_151_1_4114
la
garrigue monde de l’écarlate Dominique
Cardon Etudes rurales 1999 -151-152p33-42 --- wikipédia.org-- — Stanislas de
CHAWLOWSKI/www.universalis.fr/encyclopedie/garance/
-- futura-sciences.com/planete/definitions/botanique-garance-12751/
--
Hubert Delobette Alice Dorques Trésors retrouvés de la Garrigue édit Papillon
Rouge 2003 Isbn 2-9520261-0-6--
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