mercredi 3 mai 2017

Maquisards Allemands dans les Cévennes -1939-1945

Maquisards allemands dans les Cévennes
Bientôt le 8 mai journée où l’on fête l’Armistice, la capitulation de l’Allemagne nazie et pour nous, la fin de la guerre de 1939.
A Vallabrix pendant cette guerre nous n’avons aucun décès de militaires à déplorer. Six seront prisonniers : Louis Desplans, Achille Pujolas, Henri François, qui s’évadera, Henri Veillon, Louis Dussaud et notre gérant de la cave coopérative Louis Roman. Trois autres vallabrixois n’échappèrent pas au STO, service de travail obligatoire en Allemagne : Jean Coulorgue qui revint en très mauvaise santé, Paul Salert et Crescent Ferré. D'autres ont rejoint les Chantiers de Jeunesse des Cévennes comme celui de Meyrueis..
L'Histoire nous rappelle qu'il faut éviter de mettre tout le monde dans le même sac. En voici un exemple. Le 4 septembre 1944, la 104 ième compagnie du 5ème bataillon FFI, constituée pour l’essentiel de partisans allemands, défilait dans Nîmes libérée. Ce fut même un Sarrois qui décrocha du fronton de la caserne Montcalm, le drapeau à croix gammée. Des polonais, des tchèques, des espagnols, des alsaciens avaient aussi rejoint les maquis des Cévennes.
Otto Khüne à la Libération
Libération de Nîmes


La Brigade Montaigne avait la particularité d’être composée d’étrangers dont une majorité d’allemands. Cette brigade était dirigée par le français François Rouan dit Montaigne et son énergie militante, secondé par Otto Khune. Elle est créée en janvier 1944 à La Fare en Lozère. Elle va participer activement à la libération de Nîmes et de Montpellier. Mais avant, elle a à son actif de nombreux faits d’armes, blocage de troupes, de transports, …contre des détachements SS dans les Cévennes et en Lozère. Que des allemands aient pu s’impliquer contre l’occupant nazi reste encore maintenant peu connu.


Après l’incendie du Reichstag, des allemands avaient dû quitter leur pays, indésirables en Allemagne nazie parce que soupçonnés d’être communistes, indésirables dans la France des années 1930. La plupart avaient combattu en Espagne en 1936 contre le franquisme. Après la dissolution des Brigades Internationales, ils se retrouvèrent dans des camps français. Ils ne pouvaient évidemment pas retourner en Allemagne. A la déclaration de la guerre l’armée française n’en voulut pas, le corps de la Légion leur tendit la main. Après la défaite, ils sont regroupés à nouveau dans des camps en zone libre, main d’œuvre pas chère ou comme bucherons. En novembre 1942, l’armée allemande occupe la zone sud, et ils s’évadent des camps, et rejoignent la résistance, les maquis. Regroupés sous la direction d’un ancien député communiste au Reichstag, Otto Kühne, ils rejoignirent dans les Cévennes la brigade Montaigne, dont bientôt Kühne prend la direction. Ils participèrent dans les Cévennes et les Causses aux nombreux affrontements de la résistance, puis à la libération de Nîmes, en tant que FTPE (France Tireurs Partisans Étrangers). Ainsi comme le rapporte un témoin : "Il y avait toujours chez eux une triple préoccupation, à savoir qu’ils ne voulaient pas compromettre la population, qu’ils voulaient bien sûr préserver leur unité aussi, mais ils ne voulaient surtout pas se désolidariser des maquisards français, leur camarades de combat. Or, c’était très difficile de concilier les trois. Et ils l’ont toujours fait en sacrifiant leur propre intérêt. (...) Ils choisissaient au fond de se sacrifier quand le commandant français, moins expérimenté qu’eux-mêmes, prenait un peu des décisions à la légère, inconsidérées".
L’un de ces résistants allemands Richard Hilgert est né à Berlin en février 1905. C’est un artiste, un acteur professionnel. Il s’engage en 1936 dans les Brigades Internationales, au côté des Républicains espagnols. Puis il se réfugie en France et travaille pendant la « drôle de Guerre » sur la ligne Maginot dans une compagnie de travailleurs étrangers (CTE). Vient l’armistice et il se retrouve au camp de Langlade dans le Gard. En 1942 le pasteur Elie Brée lui fournit des papiers et il peut habiter hors du camp à Caveirac. Il travaille pour le chef de gare, puis pour un viticulteur en attendant des jours meilleurs. Le camp de Langlade est déplacé à Beaucaire en novembre1942. Richard est ensuite embauché à la mine de Rochebelle, près d’Alès.
Il nous raconte : « A Alès sur instruction du parti communiste allemand (KPD), je rencontrai à Lunel le pasteur Toureille et le pasteur Franck d’Alès. On retrouve la tradition camisarde des Cévennes protestantes. Par cette filière il passe à la clandestinité avec Fritz Weyers d’abord à Soustelle chez Madame Felgerolles, puis à Saint Privat de Vallonge chez le pasteur Marc Donadille. Ils y retrouvent d’autres allemands et des juifs refugiés à Vimbouches. Les Buchsbaum, un Studemann, Mayer artiste peintre de Francfort sur le Main, …..Ils sont ravitaillés par les voisins….
De Vimbouches, ils doivent reprendre contact avec d'autres Allemands, anciens des Brigades, dépendant encore régulièrement du 321e GTE de Chanac, bûcherons aux environs de Pénens. A Rochebelle, lors de son dernier passage, Franz Blume, l'agent de liaison du KPD, a donné à Hilgert le point de chute chez Antonin Bargeton père et le mot de passe. En mars 1943, Richard Hilgert va à Pénens. Il apprend l'arrestation par les Feldgendarmes de deux antinazis, Karl Grunert et Fritz Köhn. Antonin Bargeton lui indique comment joindre les autres Allemands passés à la clandestinité. Richard Hilgert et Fritz Weyers demeurent à Vimbouches bien intégrés dans la population de la commune de Saint Privat de Vallongue, et même dans la chorale paroissiale (le secrétaire de la cellule communiste, conseiller presbytéral, Florentin Lauze, chante aussi). Hilgert raconte : "A Pâques, nous, communistes depuis de longues années, nous allons au temple. Le pasteur Donadille monte en chaire et fait son sermon. Je ne puis en croire mes oreilles. Ce sermon n'est pas seulement un appel à la lutte contre Hitler, mais il comprend des citations de Lénine et de Staline, expliquées. Après le service, le pasteur nous invite pour le repas de midi. Nous sommes les seuls antifascistes allemands à avoir chanté dans la chorale".

Peu de temps après, les Allemands antinazis vont partir pour la Drôme par petits groupes de deux ou trois. Hilgert et Weyers partent dans les premiers : "Nous devions prendre le train à la petite station de Saint Frézal de Ventalon. Le chef de gare Raymond Brès nous donna cent francs pour le voyage. Je le connaissais à peine, mais il savait qui nous étions". Ils passent ensuite à Soustelle pour saluer madame Felgerolles. Hilgert lui confie ses papiers des Brigades internationales. Ils couchent à La Grand Combe chez le Sarrois Emil Kalweit et via Avignon gagnent Nyons. Hilgert et Weyers travaillent dans les bois à Buis les Baronnies. Hilgert va ensuite sur un chantier d'abattage à la hache à Séderon où il retrouve Paul Hartmann, Martin Kalb, Hermann Mayer et Hans Reichard puis Max Dankner et Holzer. Hilgert devient par la suite le cuisinier du groupe.
Le 4 février 1944 Paul Hartmann, Marin Kalb, Hermann Mayer, M Dankner, Hans Reichard et moi-même partîmes pour le col de Jalcrest, via Avignon, Tarascon, Nîmes et Sainte Cécile d’Andorge. Voyage deux par deux jusqu’à la station du Rouve Jalcreste avec l’aide des cheminots. On intègre la brigade Montaigne à La Fare. Après la destruction de La Fare le 12 février 1944, regroupement sur Malzac, puis Galabertès.

Lors des combats de la Vallée française, le samedi 8 avril 1944, membre du groupe resté au Galabertès, il est chargé de surveiller le Feldgendarme prisonnier. Le 12 avril lors de l'assaut, "nous nous sommes tous enfoncés plus profondément dans la nature à flanc de montagne, emmenant avec nous le prisonnier. Mais je n'en avais plus la garde. En cours de route, j'ai entendu un coup de feu. Le prisonnier était mort. Devant l'importance numérique des assaillants, Otto Kühne nous fit répartir en groupes réduits de six hommes chacun, et nous donna l'ordre de passer ainsi à travers le rideau d'encerclement. Lorsque ma petite équipe et moi nous sommes mis à dégringoler la pente de la montagne, nous nous sommes aperçus subitement que nous nous précipitions sur un groupe de soldats [...] Nous avons aussitôt fait demi-tour.Ils se sont mis à nous tirer dessus [...] Parvenus plus haut, c'est de flanc que nous avons reçu un tir de mitrailleuse assez sévère. Là, notre groupe s'est divisé involontairement. Dès lors je ne me trouvai plus qu'avec le Berlinois Paul Mundt et avec le Lorrain "Victor" [Peter]". Après s'être dissimulés dans le lit d'un petit ruisseau, ils continuent le lendemain leur route vers le Plan de Fontmort.
Après le regroupement au château de Fons, Hilgert indique "il n'y eut que nous, les anciens des Brigades internationales, et les quelques camarades français depuis longtemps à nos côtés pour monter la garde". Le 12 mai vers quatre heures du matin, le château est attaqué. Les hommes se replient. "Dans la poche de mon pantalon, je portais une bombe de dynamite, dans laquelle était enfoncé un petit tube de verre qui, en se brisant, devait mettre feu à l'explosif. Je disposais en outre d'un fusil et d'un revolver. Nous fûmes les derniers Otto Kühne et moi, à abandonner la position. [...] Un gendarme nous avait alors aperçus à quelques cent mètres devant lui; mais il ne tira pas. Heureusement, parmi les gendarmes français il y avait aussi beaucoup de patriotes ".
Parvenus le 19 mai à La Baraque, ils se rattachent désormais uniquement aux FTP-MOI et se déplacent le 2 juin dans la combe de Pénens, logés à la belle étoile. Le 7 juillet, avec Norbert Beisäcker, ils sont chargés avec une mitrailleuse, d'appuyer des FTPF près de Portes dans le Gard. Postés sur la montagne en face du château, leur tir se révèle très efficace immobilisant les deux véhicules allemands : une camionnette de la Feldgendarmerie et un camion de soldats. Les deux chauffeurs sont atteints. Après l'engagement, ils attendent le lendemain pour rejoindre leurs camarades à Pénens.
Libération Alès
       

  Après la défaite, avec le Comité Allemagne libre pour l'Ouest (CALPO), Richard Hilgert intervient auprès des soldats de la Wehrmacht prisonniers, retirant des camps ceux dont on avait la preuve "qu'ils avaient rompu depuis longtemps déjà avec le régime hitlérien". En 1958 il écrit ses souvenirs (déposés à l’Institut Marxismus Leninismus à Berlin). Il témoigne dans le film de télévision d’Axel Hofmann «Vous n'avez réclamé ni la gloire ni les larmes " sorti en 1992, après son décès en 1990.

Nous devons nous demander quel choix nous aurions fait à leur place.

A relire dans ce blog "Gestapo insulte anodine- Les Pendus de Nîmes" du 2 avril 2017



Sources : Aeri Lozère –Equipe Lozère-Didier Sicard Un maquis allemand en Cévennes La brigade Montaigne – vppartisan.org/article 513 – midi libre.fr 2/5/2014 – onad-vg .fr ajpn.org/personne-Richard Hilgert – Travail collaboratif-trumblr.com/- Evelyne et Yvan Brès Hommes et Migration 1991 V1148 N1- Gazette de Nîmes avril2017p31- Faustin Gouffet Vallabrix mon village natal-  …
A-t-on besoin d'une explication ?

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