Le Cabaret des
oiseaux :
Bientôt
il va refleurir le long de nos chemins. Il nous a accompagnés dans une histoire
riche d’utilisations depuis le Moyen Age dans notre pays..
C’est
un faux chardon à petites fleurs mauves
disposées entre les bractéoles piquantes des capitules. Il peut
atteindre les 2 m de haut la deuxième année. Ses feuilles oblongues sont
persistantes mais disparaissent avant la floraison. La seconde année, les
feuilles disposées le long de la tige florale sont rugueuses et leur nervure
médiane est épineuse. Elles sont soudées par paires opposées en formant de
petites coupelles qui retiennent l’eau d’où son nom de « cabaret aux
oiseaux ». Certaines espèces nous sont signalées dans les chroniques et
almanach dès 1753. Cette plante est un véritable garde-manger et abreuvoir pour
les insectes butineurs et les oiseaux.
Plusieurs
espèces qui se sont adaptées à tous les climats, Afrique du Nord,
Proche-Orient, Iles Britanniques, Allemagne, Pologne, bassin méditerranéen et
Amérique du Nord…
Ce chardon ou cardère, à
foulon, bonnetier, n’est plus cultivé maintenant en France sauf quelques cas de
plantations florales. Il pousse à l’état sauvage au soleil, le long des
chemins, dans les friches. Il était cultivé jusqu’à la fin du 19ème
siècle dans nos régions. Cette activité est attestée au 17ème siècle
dans notre région, foire de Beaucaire, almanach, traités horticoles…. Le
rendement des cultures variaient encore au 18ème siècle entre 500 kg
et 1000kg à l’hectare. Au 19ème siècle, les techniques culturales
évoluent : sélection des graines, repiquage, tourteaux, arrosage et
meilleur labour. Le cycle végétatif passe de 17 mois à 6 mois. Le rendement
moyen tourne autour de 800 kg à l’hectare. En 1904-1906, sur une superficie de
1700 hectares, on produit 1000 à 1300 tonnes de capitules, malgré les
campagnols et les parasites qui s’installent sur les cultures. Le chardon de
Provence était réputé pour sa qualité jusqu’aux USA, en Russie, au Japon. Son
exportation qui dura plus de cent ans a construit des fortunes.
(Fabrique
Gustave Naquet et Fils Avignon 1929- Au mur au fond une inscription « Ayez de l’ordre et
de l’activité car vos enfants vous regardent et font comme vous »- photo Jacques Boyer collection
Boyer Violet)
En 1862, Victor Hugo nous
parle de 2500 ha de cultures de cardère en France. Essentiellement près de
manufactures de draps fins. Aude, Bouches-du-Rhône, Tarn, Saône-et-Loire à
Cuisery Languedoc, Vaucluse, Alsace….
Ce chardon avait de
multiples utilisations, avant tout dans l’industrie textile.
Ses capitules secs
étaient utilisés pour « gratter » les draps de laine, le feutre
servant à confectionner les manteaux de luxe et les uniformes, les tapis de
billard ou les couvertures en mohair. On dit aussi « garnir »les
tissus : la cardère ou le chardon à foulon n’a jamais servi à carder ou
fouler. Le cardage démêle la laine avant le tissage, par contre le grattage ou
lainage ou garnissage intervient après le tissage et a pour but de tirer les
fils de la trame pour rendre l’étoffe moelleuse et douce.
(laineuse double à chardons roulants de Léon
Pessart 1900 catalogue commercial collecLouis Brun)
Ses têtes aux pointes
dures mais élastiques et recourbées vers le bas servaient dans l’industrie
textile à fabriquer des peignes pour être remplacés au début du 20ème
siècle par des peignes en plastiques et métalliques. Il s’est reconverti dans
l’industrie florale, dans le Vaucluse et en Espagne et Italie. A la fin du 20ème
siècle, à l’Isle sur Sorgue la manufacture de tapis et couvertures Brun de
Vian-Tiran fonctionnaient encore avec des laineuses garnies de chardons
naturels. En 1989 la dernière fabrique de chardon cardère ferme à Tarascon
celle de René Girard.
(laineuse-ballon
à chardons fixes –milieu 19ème siècle- Encyclopédie Moderne pl7
Paris Firmin Didot 1852)
(Règlement fabrique
Antoine Pecourt Maillane 1900 photo A Lassus)
Après la récolte, le
chardon devait être conditionné pour être envoyé chez les drapiers. Au début du
19ème siècle commerçant et producteur ne font encore qu’un :
conditionnement et emballage se font dans les greniers du cultivateur. Puis
vient le temps des négociants spécialisés et des usines nombreuses construites
pour le conditionnement des chardons. Une cinquantaine rien que dans le
Nord-ouest des Bouches-du- Rhône. Le chardon sera conditionné en chardon à tige
ou en chardon roulant pour fabriquer les peignes. Ces premiers négociants font
aussi commerce de garance, d’huile d’olive, de semences, de laine, de soie.
Puis les progrès des activités commerciales du 19ème siècle font
apparaitre des représentants, des commis-voyageurs qui défendent à l’étranger
leur société, étudient les marchés et gèrent les dépôts de marchandises.
La préparation des
chardons à tige est relativement simple mais ne manque pas de piquants :
ciselage à l’aide de forts ciseaux et les doigts protégés par des dés en cuir,
(il s’agit d’enlever la couronne et de raccourcir la queue du chardon), triage
par longueur, emballage dans des fûts de tonnellerie en bois léger puis plus
tard dans des cartons. Les capitules sont tassés dans l’emballage par une jeune
fille montée sur une planche puis plus tard par une presse. On arrange
simplement le dernier rang. Jusqu’au début du 20ème siècle, tout se
fait à la main.
Les chardons roulants
vont être surtout demandés avec l’utilisation des machines-laineuses.
Jusqu’alors les bonnetiers fabriquaient eux-mêmes leurs chardons roulants avec
des chardons à tige. Le conditionnement dans les fabriques va être différent :
il faut trier par longueur mais aussi par diamètre. Entrent en jeu des machines
qui vont couper les deux extrémités des capitules, les calibrer…
Les ouvrières sont des
jeunes filles d’agriculteurs des environs, qui travaillent lorsqu’elles ne sont
pas nécessaires aux travaux des champs. On trouve des hommes dans l’encadrement
ou dans les travaux de bureau ou de force. Vers la fin du 19ème
siècle, la journée de travail passe de 12 h à 10 h.
Autres
utilisations : le chardon chasse-diable. Parfois, des capitules
anormaux à trois branches en forme de croix étaient considérés comme
porte-bonheur contre le mauvais œil. On les clouait sur les portes de granges,
des écuries ou des maisons.
Mais c’est surtout une plante hautement mellifère qui produit un miel blanc de très haute qualité. E Alphandery en 1935écrivait dans « La Flore Mellifère (édit Paris Baillère et fils) : »La cardère ou chardon à foulon est une plante des plus mellifère. Visitée par les abeilles presque toute la journée, il n’est pas rare au moment de sa floraison de récolter tous les dix jours une hausse d’un miel blanc transparent excellent… ».
Mais c’est surtout une plante hautement mellifère qui produit un miel blanc de très haute qualité. E Alphandery en 1935écrivait dans « La Flore Mellifère (édit Paris Baillère et fils) : »La cardère ou chardon à foulon est une plante des plus mellifère. Visitée par les abeilles presque toute la journée, il n’est pas rare au moment de sa floraison de récolter tous les dix jours une hausse d’un miel blanc transparent excellent… ».
Ses graines servaient à
la fabrication de l’absinthe et une huile qui favorisait la repousse des
cheveux. On les retrouve dans les mélanges de graines pour oiseaux. Elles
contiennent 22 % d’huile. Le chardonneret en particulier en raffole.
Des vertus diurétiques,
sudorifiques et apéritives sont accordées aux racines du chardon cardère. Les
racines servaient aussi à la fabrication des manches de parapluie et d’ombrelle
selon le Journal d’Agriculture Pratique de 1906 tome 2 p680. Pour le médecin
grec Dioscoride, la racine pilée avec du vin ou du vinaigre en crème épaisse
guérissait en compresses les fissures et fistules anales. Elle était aussi
utilisée dans le traitement de la goutte, l’arthrite, les rhumatismes, la
jaunisse, les problèmes de vésicule et même contre la maladie de Lyme.
L’eau de pluie recueillie
dans les coupelles de ses feuilles aurait une action curative en matière de maladies
oculaires et de peau, furoncle, acné, diverses dermatoses, selon un manuscrit
du 18ème siècle (Musée national des arts et traditions populaires).
En 1775, le curé de Gagni
dans « l’Albert Moderne ou nouveaux secrets éprouvés et licites »
signale l’utilisation des feuilles de cardère pour guérir les « maniaques
ou gens attaqué de folie » : « il faut purger les malades par
haut et bas : ensuite leur faire tremper les pieds et les mains dans
l’eau, et rester dans cette situation jusqu’à ce qu’ils s’endorment. La plupart
se trouvent guérir à leur réveil : on doit encore leur appliquer sur la
tête rasée des feuilles pilées du chardon à foulon… ».
Un vermisseau qui se
nourrit de la plante, broyé et appliqué sur une dent souffrante, endormira la
douleur de dix à vingt minutes.
Et puis les tiges
récoltées servaient à allumer le feu, chauffer les fours extérieurs, de tuteurs
dans les jardins ou à fabriquer du compost.
En médecine chinoise, la cardère est utilisée en
ostéoporose, dans la guérison des fractures, elle empêche, calme les contractions
utérines, améliore l’immunité. Elle serait riche en vitamine E.
Dans le
calendrier républicain, la Cardère était le nom donné au 17e jour
du mois de fructidor.
Sources : Musée des Alpilles Saint Rémy de Provence 1992 ISBN2-909107-02-7–arch départ des Bouches-du-Rhône – Pierre Barbier Notice sur le chardon Marseille édit Nouvelles 1906—Félix Laffé Le Chardon à Tarascon de la Monarchie de Juillet à la Grande Guerre édit Provence Historique janv 1989 --Diderot Encyclopédie Le Bonnetier -- Henri Louis Duhamel du Monceau 1765 L’art de la Draperie –Musée d’Utrecht Travail de la laine et apprêt des Draps1760 -- Ditandy 1875 Géographie élémentaire du département de l’Aude – Ch Portal Le Département du Tarn au XIXè siècle 1892 - F Kirschleger Flore Vogeso-rhénane 1870 –
--ci-contre fabrique Antoine Pecout à Maillane 1920 –repro
L’œil et la Mémoire
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