Livron-sur-Drôme ou
la bataille des femmes
Ardouin-Dumazet
(1852-1940) est un journaliste français, secrétaire de rédaction à l’Echo du
Nord, directeur politique du journal « La Charente » Il collabore en 1888 au journal parisien
« Le Temps ». Il nous laisse une soixantaine de volumes de
« Voyage en France », véritables guides touristiques, précieux
documents sur la France rurale et urbaine de la fin du 19ème siècle.
Il y décrit les ressources touristiques, enquête que la vie économique locale,
organise des itinéraires. Les tours de France sont à la mode. Ces guides
connaitront un grand succès jusqu’à la Première Guerre Mondiale et ils seront couronnés
à deux reprises par l’Académie Française..
Au 16ème
siècle après les remous de la Guerre de Cent ans et ses routiers, Livron est en
pleine croissance et accueille favorablement la Réforme protestante. Le nouvel
évêque pour Valence et Die Jean de Montluc est large d’esprit, très réceptif
aux nouveautés dans son diocèse. Il est favorable à une réforme de l’Eglise
catholique.
Les
vaudois de Pierre Valdo, avaient préparé le terrain et connaissent un grand
succès dans le Dauphiné et une forte colonie s’implante à La Baume-Cornillane.
Avec Guillaume Farel la Réforme se manifeste autour du département dès 1520.
Puis les idées de
Luther puis de Calvin pénètrent dans la vallée du Rhône, le Diois et le
Tricastin. Les
Réformés sont suspects
d’hérésie et recherchés dès 1546 par le Parlement de Grenoble ; sont
surtout touchées les villes de Valence et Die. Début 1560 les assemblées de
fidèles sortent de la clandestinité et deviennent publiques. (Guillaume Farel musée virtuel du protestantisme + musée Genève)
(Pierre Valdo 1140-1217musée virtuel du
protestantisme)
Les responsables
protestants de Livron vont demander à Genève un pasteur : le jeudi 7 mai
1562 Jehan Penin s’installe dans la ville. Les cruautés du gouverneur La Motte Grondin amenèrent des seigneurs
protestants à l’assassiner le 27 avril 1562. Ce qui déclencha la première
guerre de religion dans le secteur, puis partout dans le royaume, les places
tenues par un parti catholique ou protestante furent aussitôt l’objet d’actions
plus ou moins fortes pour leurs reprises. En 1561 Calvin aurait séjourné en val
de Drôme.
Dès 1562, la ville doit
héberger des troupes royalistes, fournir hommes et vivres. Au printemps 1570 le
chef protestant Montbrun à son tour y logera une partie de ses troupes.
Le 15 juillet 1569, les protestants échouent dans
leur assaut contre la citadelle voisine de Crest parce que leurs échelles sont trop
courtes !!.
Livron est une place forte huguenote, d’environ 1200
habitants. 95 chefs de famille sur 104 sont protestants. La collégiale
Saint-Prix devient un temple protestant, puis est rendue aux catholiques et un
nouveau temple est construit dans la rue centrale du village. La collégiale
sera brûlée en 1568 par les troupes huguenotes.
De décembre1574 à janvier
1575, pendant 50 jours, la ville sera de nouveau encerclée par les troupes
royalistes, 6000/8000 hommes contre 400. En vain, un succès mémorable sera pour
les assiégés. Mais la vieille ville est en partie détruite, les murs des maisons ont servi
à renforcer l’enceinte extérieure et à bombarder les assaillants. 300 morts du
côté livronnais, plus de 1000 du côté des soldats du roi. Les femmes n’ont pas
été les dernières à démonter des murs, à transporter des pierres jusqu’aux
remparts, montant aux échelles, jupes retroussées.
Plaine de Livron photo collectionprivée |
La ville subira comme
tant d’autres communautés l’épidémie de peste de 1629-31 ainsi que la politique
de Richelieu, puis de Louis XIV : saisie du temple protestant en 1632,
démolition du château en 1633.
L’influence du parti protestant est peu à peu
anéantie. Premier consul forcément catholique, présence du curé à chaque réunion
du consulat, puis prime ou exemption d’impôt en cas d’abjuration, menace de
dragonnade, interdictions de culte et démolition des temples à partir de 1683
jusqu’à la Révocation de l’Edit de Nantes en 1685.
En automne 1685, de dures
dragonnades frappent la ville pour inciter les habitants à changer de religion.
En 1687 l’évêque de Valence comptait 71 % de nouveaux convertis sur les 1400
habitants de Livron. Les autorités notent de nombreux enterrements « aux
champs », c’est-à-dire de protestants qui n’ont pas droit au cimetière
catholique. On retrouve des Livronnais émigrés à Genève secourus par les
protestants de la ville, mais surtout en Allemagne où ils vont porter leur
savoir-faire dans l’industrie de transformation de la soie (filatures, moulinages,
tissages et élevages de vers à soie).
Temple 1805 |
Sources :
Ardouin-Dumazet Voyage en France 9è série Bas-Dauphiné édit
Berger-Levrauet et Cie1896 – château.over-blog.net/drome.chateau.de.livron – Office
du Tourisme Livron Michel Lalos pont du Commandant H Faure -- wikimedia -- Michèle Bois et Chrystèle Burgard, Fortifications
et châteaux dans la Drôme, éditions Créaphis, 192 p, 2004 --Lucien Delay, Livron sur Drôme - Hier et
aujourd'hui, les presses de l'imprimerie du Crestois, 1991.—Pierre Miquel Les
Guerres de Religion, Fayard, 1980 -- Michel Pastoureau Une histoire symbolique du Moyen Age occidental édit Seuil 2004--
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