Prisonniers allemands dans la cour de la caserne Brueys-Uzès.--Midi
libre Publié le 27/12/2015
Prisonniers de
Guerre victimes oubliées :
La guerre de 1914-1918 « LA
plus monumentale Anerie que le monde ait jamais faite." Maréchal lyautey.
Un récent propos acide concernant les prisonniers de guerre, éructé par le président des Etats-Unis, m’a interpellé : les prisonniers de guerre sont
souvent des victimes oubliées, « Vaincus parmi les vaincus ». Oublié le
temps où les captifs représentaient une éventuelle rançon à espérer. Ils sont
devenus suspects de désertion, de s’être laissé prendre, d’espionnage. C’est
forcément la faute du soldat, de sa lâcheté si on ne gagne pas une
bataille !!!….. On peut relire à ce sujet sur ce blog ce qui a été écrit sur
« Le Crime des Midis » du 12-11-2017.
Ceux
de la guerre de 14-18 vont pourtant servir les politiques, surtout après
guerre.
En 1914, dans tous les
pays concernés par le conflit, on est persuadé que la guerre serait courte et
donc rien n’est prévu pour d’éventuels prisonniers. Les événements se chargent
de nous remettre les pieds sur terre avec réalisme. La première année on
s’échange ses prisonniers mais dès 1915 et le blocage du Front Ouest les
échanges sont interrompus. Le comité international de la Croix Rouge devient le
principal négociateur entre la France et l’Empire Allemand pour l’échange de
prisonniers. Ceux-ci ne pouvaient plus prendre une part active au conflit. Les
grands blessés, les aveugles, les amputés seront prioritaires lors de ces
échanges.
Les premiers prisonniers
allemands sont transférés vers l’arrière pour y être interrogés. Mais la
plupart sont envoyés dans des camps pour être utilisés comme main
d’œuvre pour remplacer les Français mobilisés.
Nous allons nous
intéresser ici (sommairement ! il y aurait tant à dire) aux prisonniers de
14-18 de tous les pays.
Mission Centenaire--prisonniers allemands-
Gard. Au mas
de Fontfroide (emprise actuelle du camp des Garrigues de Nîmes)
Dès avril 1915 la caserne
Brueys d’Uzès (l'actuel lycée des Métiers d’Art) devient un centre spécial de
prisonniers de guerre, allemands, austro-hongrois, ottomans, bulgares. Puis en
août 1916 seuls des officiers allemands y sont accueillis jusqu’en 1920.
Le docteur Max
Brausewetter témoigne. En route de Malaga pour Gêne, il
est arrêté à Marseille et se retrouve le 4 mai 1915, dans le camp d’internement
d’Uzès, un des plus mauvais de France. Cris de joie et de haine de la
population. Une chambre pour dix, une cour de 70m sur 30 faiblement éclairée,
un matelas de paille… Il se retrouve au cachot car il a protesté contre les
violences subies. Il raconte la saleté, la maladie, les sévices, les injures.
Son journal clandestin arrive à Berlin. Il meurt en 1916. (Prisonnier
des Français Dr Brausewetter traduit par jean-Louis Spieses édit La Fenestrelle)
(baraquement prisonniers français)
Les prisonniers français
en Allemagne n’étaient pas mieux traités. Les autorités allemandes sont
rapidement dépassées par l’afflux de prisonniers venus de Belgique, de Russie,
de France. L’hiver 1914-1915 se passera souvent sous des tentes de toile. Le
froid, le manque d’hygiène, de sanitaires, et pourtant pas de véritable
épidémie pour cette première année de guerre. Plusieurs dizaines de camps
seront construits dans l’Empire Germanique, au confort très primitif : un
robinet pour des milliers de prisonniers, des latrines simples planches percées
au-dessus d’une fosse qui débordait lors de fortes pluies…. Ceci-dit, à cette époque, les
toilettes dans nos campagnes n’étaient pas très confortables non plus, souvent
au fond du jardin ou près du tas de fumier.
Le jour de l’armistice du 11 novembre
1918, environ sur 530 000 Allemands capturés au cours de la guerre,
421 000 étaient encore prisonniers. La différence s’explique par les
décès, les rapatriements des malades et des invalides, des échanges du début de
la guerre. 535 000 Français à la même date étaient encore prisonniers du
Reich. La plupart des prisonniers viennent des grandes offensives de 1914, la
Marne, Champagne, la Somme…. Peu pendant la guerre de position où la mortalité
était pratiquement le seul avenir. Mais les chiffres selon les sources et selon
de quoi on cause, sont divergents. Au total on estime qu’il y a eu un peu plus de
7 millions de captifs durant la Grande Guerre qu’il a fallu loger, nourrir,
répartir… Environ 25 000 prisonniers
allemands décèdent en France pendant la guerre, maladie, accidents sur les
chantiers, suicides…
Les prisonniers
alsaciens, lorrains et polonais capturés sur le front de l’Est, après accord
avec la Russie, sont transférés en France. Ceux qui acceptent de s’engager dans
l’armée française reçoivent la nationalité française, environ 17 650 qui
sont orientés vers le front de l’Orient ou dans la marine. Les autres
travaillent sur des chantiers. Environ 1500 tchèques, slovaque de l’armée
austro-hongroise constitueront la nouvelle armée tchécoslovaque à la fin de la
guerre.
(otages
lorrains prisonniers des Allemands camp de Hozminden)
Un service des internés
administratifs est créé dans notre pays en août 1914 pour les civils
ressortissants allemands, austro-hongrois, fonctionnaires allemands
d’Alsace-Lorraine présents en France au début du conflit. Répartis dans des
camps, comme celui de l’Ile-Longue près de Brest qui a hébergé jusqu’à
5 000 civils. Environ 50 000 au total au début de la
guerre, plus que 15 000 dont 6 000 Allemands à la fin, les femmes avec
enfants, les plus de 50 ans seront les premiers libérés.
(Prisonniers allemands encadrés par
des Spahis)
Un peu plus de 5 000
prisonniers allemands sont envoyés au Maroc pour des travaux publics et autour
de 4650 en Algérie et Tunisie comme ouvriers agricoles remplaçant les
autochtones mobilisés. Protestations du gouvernement allemand car ces hommes ne
supportent pas le climat. Maladies, tortures, mauvaises conditions de vie et
ils sont rapatriés en France.
600 grammes de
pain par jour fin 1917 pour les prisonniers allemands et 4 cartes + 2 lettres
par mois à envoyer. Les prisonniers français à cause du blocus maritime
britannique de l’Allemagne ne reçoivent que 250 g de pain par jour. Les besoins
en pain pour les prisonniers français sont de 500 tonnes/jour. Les importations
ne couvrent même pas les besoins du peuple allemand. Ce sera l’ère des ersatz
et des inventions diverses pour remplir les estomacs. Pour certains
prisonniers, les familles, la Croix Rouge envoient des colis. Les commandos
agricoles sont nourris à la ferme où ils travaillent.
Tous n’étaient pas logés
à la même enseigne. L’Italie refusera d’envoyer des colis à ses soldats
prisonniers qu’elle suspectait de désertion. Les Russes n’avaient pas de colis
de leurs familles ni de leur pays. Les Roumains étaient carrément martyrisés
pour leur intervention en 1916.
Le typhus, la
tuberculose, le manque de nourriture, le confinement dans des baraques
insalubres, les poux, la folie…. Les cimetières sont progressivement ouverts
dans les camps pour enterrer les prisonniers décédés.
En France conformément à
la Convention de la Haye, les officiers allemands prisonniers étaient exemptés de travail. Un peu
près 500 sites de détention très variés, anciens couvents, casernes
désaffectées, même bateaux-pontons particulièrement insalubres.
Les autres prisonniers sont mis
à la disposition d’employeurs qui s’engagent à fournir nourriture, savon,
chauffage, outillage nécessaire et un salaire de 15 centimes minimum par jour
plus d’éventuelles primes de rendement. Fin 1917, nous comptabilisons,
48 000 prisonniers employés dans l’agriculture, 36 000 dans
l’industrie d’armement, 40 000 dans les manutentions portuaires,
42 000 dans les mines, et les travaux publics. A la date de l’armistice,
400 000 environ travaillaient dont 10% dans les industries d’armement ce
qui était interdit par les Conventions de la Haye. On leur doit le percement du
tunnel du Rove entre l’étang de Berre et la Méditerranée, le stade de Gerland
de Lyon, son hôpital Herriot-Louis Pradel, la construction de voies ferrées,
des travaux forestiers, l’assainissement du marais de la Salièvre dans le
département du Puy-de-Dôme…..
Collection
particulière --Camp de Coëtquidan : la corvée de
terrassements
Le retour en France de nos
prisonniers quelques jours après la signature de l’armistice se fera dans
l’amertume. Ils seront soupçonnés d’avoir déserté, de s’être rendus
volontairement, d’avoir été « retournés » par l’ennemi. La situation
est la même pour les prisonniers qui ont réussi à s’évader. Pourtant pendant
les hostilités, l’armée encourageait les prisonniers à s’évader, à saboter leur
travail, bref à être des Poilus infiltrés en Allemagne, des soldats au même
titre que les combattants des tranchées.
Les interrogatoires seront parfois
musclés. On les soupçonnera d’être des planqués, des embusqués comme si les
camps avaient été des clubs de vacances. Ils perdirent le rappel de leur solde
et leur prime de démobilisation sera inférieure à celle des soldats qui ne
connurent pas la captivité. Ceux morts dans les camps allemands ne seront pas
« morts pour la France » jusqu’en 1922. Ils n’ont pas leur place dans
les cérémonies de l’armistice, à quelques exceptions près, dans certains
villages. Ces hommes n’entrent pas dans le culte de la guerre, de l’héroïsme
qui justifie et permet d’accepter la mortalité très élevée des soldats. Les
rapatriés auront beaucoup de mal à se faire reconnaître par le biais d’associations,
comme l’Union Nationale des Évades de Guerre, la Fédération Nationale des
Anciens Prisonniers de Guerre, l’Union nationale des Combattants …...
A la fin des hostilités
jusqu’en 1920, les prisonniers allemands pour la plupart restent en France pour
travailler au déminage, à la reconstruction des zones dévastées. En novembre
1919, 306 000 étaient encore au travail, otages des politiques. Le
gouvernement français se servira des prisonniers allemands pour obtenir de leur
pays sa soumission aux exigences françaises du traité de Versailles. Le pape
Benoit XV à la demande des familles dut intervenir et les premiers
rapatriements de prisonniers allemands commencèrent en janvier 1920, aux frais
de la République de Weimar. Chaque homme reçoit un colis de vêtements et la
somme de 350 marks. Il passe une visite médicale et les autorités allemandes
ont « unanimement constaté le bon état physique des rapatriés »,
contrairement aux articles qui paraissent dans la presse allemande. Néanmoins
les rapatriés rentrent chez eux aigris, énervés, haineux contre la France. Fin
mars 1920 il ne reste en France que 600 prisonniers. Ils ont été condamnés pour
des délits et crimes de droit commun et sont internés dans des camps spéciaux, comme
le fort Lamalgue de Toulon, la prison militaire d’Avignon… Finalement leur
rapatriement s’échelonnera jusqu’à fin 1921, graciés ou réclamés par d’autres
pays.
Clemenceau dans sa
correspondance avec le maréchal Foch définit les prisonniers comme un « instrument
pédagogique » pour obtenir de l’Allemagne le tracé définitif des
frontières orientales. Il fallait forcer l’Allemagne à payer les réparations et
à envoyer des travailleurs en France pour participer à la reconstruction et
endosser la totale responsabilité de la guerre. De janvier 1919 à janvier 1920,
250 000 à 310 000 Allemands déblaient les ruines de 600 000 maisons,
20 000 usines et déminent trois millions d’hectares de terres agricoles.
Les tâches les plus dangereuses leur sont confiées comme punition. Vengeance,
culpabilisation personnelle et collective….ce qui permet d’oublier notre propre
responsabilité dans le conflit.
Ces humiliations se
paieront par une autre guerre, celle de 1939. L’Allemagne se servira de ses
prisonniers allemands comme d’une arme de propagande dirigée contre la France.
En ce jour du 11 novembre, il faut se souvenir des Hommes et des familles, certainement pas des hauts-gradés qui ont fait ce qu'ils pouvaient certes, mais qui sont tout aussi coupables que les gouvernements pour ces tueries inutiles. Mon grand-père, ses copains qui en sont revenus ont porté dans leurs tripes toute leur vie cette guerre. Et on peut dire qu'ils en sont morts à petit feu pendant quarante-cinquante ans !
En ce jour du 11 novembre, il faut se souvenir des Hommes et des familles, certainement pas des hauts-gradés qui ont fait ce qu'ils pouvaient certes, mais qui sont tout aussi coupables que les gouvernements pour ces tueries inutiles. Mon grand-père, ses copains qui en sont revenus ont porté dans leurs tripes toute leur vie cette guerre. Et on peut dire qu'ils en sont morts à petit feu pendant quarante-cinquante ans !
German prisoners in France LOC 17256352495.jpg--: 1 janvier 2011
/fr.wikipedia.org/wiki/Prisonniers_de_guerre_allemands_de_la_Première_Guerre_mondiale_en_France#/media/File:German_prisoners_in_France_LOC_17256352495.jpg
Sources : Maryse Cathébras « Perdue dans la garrigue loin du bruit des canons » --Dr Brausewetter Prisonnier des Français traduit par Jean-Louis Spieser édit Fenestrelle --O Abbal Soldats oubliés, les prisonniers de guerre Bez et Esparon Etudes et communication 2004 (ISBN 2911722057)-- Annette Becker, Oubliés de la Grande guerre: humanitaire et culture de guerre, 1914-1918: populations occupées, déportés civils, prisonniers de guerre, Paris, Éditions Noêsis, 1998 ( ISBN 291160623x)-- Georges Cahen-Salvador, Les prisonniers de guerre (1914-1919), Paris, Payot, 1929.---Frédéric Médard, Les prisonniers en 14-18. Acteurs méconnus de la Grande Guerre, Éditions SOTECA, 2010 (ISBN 978291638562—photos Midi libre Publié le 27/12/2015 ---wikipédia –photos Mission Centenaire internet ---photos Larousse en ligne --guerre1418.org/html/thematiques_prisonniers.html
--(Photos : collection in chez-alice.fr/listoco –
museevirtuelmilitaire.centerblog.net – Les chemins de Mémoire n°187 Ministère
de la Défense)—Bernadette Voisin-Escoffier Couradou de Vallabrix février 2015p 12 et suivantes site internet Vallabrix Fonds Historique-
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