mercredi 26 décembre 2018

La Grande Année Vigneronne




La Grande Année Vigneronne

En février 1947, une plaquette a été éditée pour être vendue à Montpellier au bénéfice des Œuvres des Escoliers du Languedoc, qui était une caisse suisse de secours aux étudiants victimes de la guerre et de la Résistance. 
Ce sera l’occasion de manifestations artistiques et d’amitiés du 6 au 10 mars 1947, organisées par le Comité Suisse d’Action. Les artistes qui participent à ce livret veulent faire connaitre les beautés d’un autre pays de langue d’oc, comme le poète Ramuz, avec son Chant des Pays du Rhône. Le maître-imprimeur Ch Corbaz de Montreux, le maître-photograveur Fernand Dupuis de Lausanne sont de l’aventure. Tous se souviennent que parfois leurs lointains ancêtres languedociens sont devenus Suisses par la volonté de notre roi Louis XIV et du vent de l’Histoire, la langue d’oc cousinant avec la leur, qui s’était installée bien avant dans ces hautes montagnes. Sur les contreforts orientaux suisses du massif du Jura, une petite commune s’appelle Provence et à Lausanne un quartier porte aussi ce nom.

Paul Budry, journaliste, écrivain, critique d’art vaudois et un des « pères » de la littérature vaudoise du 20ème siècle avec Ramuz et Gilliard, nous fait cadeau dans ce livret d’un calendrier du vigneron. Voici Décembre et Janvier.

« Décembre …Plus personne sur les murets. Cette première neige est venue comme une couette mouillée. Des convois de feuilles grillées courent le long des murs avec un bruit de vieux papiers. C’est alors que vient le charcutier avec son tablier blanc et que s’entendent ces grandes ciclées du cochon qui pleure de devoir partir en saucisses. Le médecin vient aussi parce que c’est ce mois qu’un chacun voit ce qui ne va plus tant bien dans sa machine. L’un la goutte, l’autre les reins, le foie, le catarrhe…. Au bord de la route le distillateur amène son coquemar du diable, autour de quoi il fait chaud et ça sent le schnaps réchauffé, et chacun apporte ses deux, trois, quatre sacs de marc à bouillir. L’acheteur s’amène et fait l’affaire sous la machine. Les gosses les bonnets tirés sur les oreilles, regardent aux vitres de l’épicerie la dame installer ses surprises de Noël, tout rubans, fausse neige et papiers arc-en-ciel. Toi, vigneron, tu scies ton bois dans ta remise, porte ouverte et quand ta scie est seule à s’ennuyer auprès du chevalet, on sait te trouver à la cave, retapant tes vases, ou deux, trois assis sur des plots à portée du guillon, débattant des affaires communales. Couché avec les poules, la journée n’est plus qu’un petit bout de journée. Et Noël est venu sans bruit. Voici l’an neuf, Vigneron, va falloir se réabonner à l’ouvrage. Bonne année, regarde-moi cette vendange qui est écrite dans les étoiles…. »


« Janvier …. Cimente tes murs les jours qu’il ne gèle. Et mine ce qui doit l’être aux alentours du Nouvel-An, terre gelée s’en porte mieux. Ta vigne dort toujours, Vigneron, ne fais pas comme elle ! Quand la nuée secoue ses plumes, fends-moi des échalas biens droits, tire ta paille de lève. Bon vigneron ne va pas quérir ça au bazar. Et passe-moi ce sécateur à la meule. Il y aura tantôt de l’ouvrage pour cet ami. « Taille tôt, taille tard, faut finir à la Saint-Grégoire !!»…. Ne laisse pas non plus ton vin s’ennuyer à la cave, va lui dire deux mots tant que le cœur t'en dit. Ouvre les soupiraux, qu’il voie revenir le soleil. Il est bien content, il s’éclaire ; on commence à se voir à travers, les trois les quatre qu’on est à regarder grandir ce jeune fils. Il fait ses premiers pas sur la langue des connaisseurs. Il répond, le ciel soit loué ! Ces messieurs de la ville peuvent venir, il est là. Bientôt Vigneron tu vas savoir ce qu’on veut payer tes sueurs. Va falloir prévoir pour les fumiers, pour les effeuilleuses… Vigneron, les années se suivent et tout recommence. Celle qui vient sera la bonne des bonnes. Bonne nuit.


Sources : Le Valais Le Lac Léman magnifiés par leurs Ecrivains de Langue d’Oc 1947—photos E Gygeer et Klopfstein à Adelboden , Gos de Lausanne, G Mussler de Sion, L Blanc de Lausanne—on peut lire ou relire La Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau et sa rencontre avec le lac Léman---

Ciclée : cris perçants





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