Foire de
Beaucaire gravure coloriée du XVIIIe siècle-Musée de Nîmes---wwwnimausensis.com/rochefort/RocFoire.jtm12
Avril 2005,
La Foire de
Beaucaire :
Clara Foro, célèbre par
sa foire, dans un texte gravé autrefois sur la porte Beauregard. Cette foire de
la Madeleine donna à la ville une renommée européenne surtout au 18ème
siècle. Officiellement, par les Lettres Patentes de Louis XI, elle date de
1464, mais une tradition ancienne en attribue la création en 1217 à Raymond VI
comte de Toulouse. Probablement son existence date du 12ème siècle
comme dans la plupart des petites villes occitanes. La plus ancienne preuve de
l’existence de cette foire est une donation faite à l’abbaye de Franquevaux en
1168. Elle va se développer particulièrement à partir du 16ème
siècle pour atteindre son apogée au 18ème siècle. Ce sera un grand
marché international avec une courbe des ventes croissante de 1730 à la
Révolution de 1789. Pendant cette période, le chiffre d’affaires passera de
8 532 000 livres à 41 933 000 livres. Les premières statistiques mentionnent une moyenne de
100 000 vendeurs et acheteurs par an, puis en 1769, 120 000 ;
même en pleine Révolution, la fréquentation ne faiblit pas. En 1797 un chiffre
record de 50 millions de francs/or, montant des transactions !! C’est un
véritable phénomène économique et sociologique, ethnologique. C’est la
« Capitale Française des Marchandises » nous disent les chroniques.
Thomas Platter, étudiant en médecine et voyageur de Bâle décrit en 1597 la
ville de Beaucaire envahie par des boutiques, des cabanes, jusque dans les
faubourgs, le long des rues et chemins, les maisons transformées en magasin.
Au débouché du Rhône,
elle attirait un monde bigarré venus de tous les points de l’Europe. Voiliers
hollandais, barques espagnoles, catalanes, trabacs de l’Adriatique, brigantins
d’Alep, Italiens de Venise, de Gênes, Portugais, Anglais, Allemands ….un centre
commercial européen, méditerranéen pendant toute la durée de la foire.
En 1758, on y compta 130 barques de
mer, sans parler des 200 petites barques du Rhône, pour les trajets restreints.
Aussi, Frédéric Mistral, les a-t-il chantées, dans son beau poème du Rhône, dont la
traduction diminue la saveur.
« Il y en a des barques au port ! Les unes portent la voile aiguë des
Latins ; d'autres sont quadrangulaires ; les allèges d'Arles et les trois-mâts
de Marseille ; les tartanes de Gênes et de Livourne ; les brigantins d'Alep,
les balancelles de Malaga, de Naples et de Majorque ; les goëlettes anglaises
du Hâvre-de-Grâce, les mourres d'Agde et de Cette et les trabacos noirs de
l'Adriatique ; c'est un vacillement sur le Rhône ; une danse dans le soleil, la
houle et la rumeur de tous les jargons des gens de la marine. »
L’évènement s’ouvrait
solennellement et théoriquement pour trois jours plus trois jours de fêtes
religieuses, du 21 juillet au soir et durait jusqu’au 27 ou 28 si un dimanche
tombait un des trois jours ouvrables. En fait la foire se prolonge jusqu’au
départ du dernier marchand, parfois 15 jours. Un édit royal annonçait
l’ouverture de la foire à toutes les villes du royaume. A Beaucaire même, la
publication de la foire dans la soirée du 21 juillet avait lieu à la clarté des
torches, avec trompettes et cymbales. Une procession aux flambeaux se déroulait
dans toutes les rues et places et à chaque carrefour la proclamation était lue.
Les bancs de marchandises
investissaient toute la ville, les rues, le champ de foire (le Pré) le long du
Rhône, sur le Rhône sur des radeaux, des barques qui encombraient le fleuve. De
grands radeaux aux troncs énormes chargés de marchandises lourdes descendaient
le Rhône et à l’arrivée, on les disloquait pour vendre les troncs en poutres
réputées. Par exemple la ville de Salon en juillet 1654 avait décidé d’acheter
ces poutres « qu’en foire de Beaucaire » pour réparer le toit de son
hôtel de ville. Les habitants louaient leurs cours, leurs rez de chaussée,
logeaient les marchands. Les chambres étaient retenues un an à l’avance. On
dressait des tentes sur les terrains loués aux paysans. Les villages, bourgades
alentour, triplaient leurs services de diligence, les voitures particulières se
louaient à prix d’or. Des auberges éphémères tournaient à plein et offraient
gite et couvert. « Là où nous avions un
lit, nous en mettons six », dit un Beaucairois de 1771. Tout se loue au prix
fort ; une maison de belle apparence, entre les mains d'un propriétaire avisé,
doit rapporter 18 à 20.000 francs de loyer pour la durée de la foire, quinze
jours au plus ; les arceaux de la place du Marché se donnent à 600 francs l'un
pour le moins ; un banc de pierre sous un auvent, vaut de 200 à 300 francs.
En 1669 Tarascon et Beaucaire se mettent d’accord enfin pour la construction d’un pont de bateaux qui facilitera les communications entre Provence et Languedoc. Avant cette date à Tarascon 600 à 700 familles étaient bateliers et vivaient du passage du Rhône. Certainement autant à Beaucaire et dans tous les villages le long du fleuve.
En 1669 Tarascon et Beaucaire se mettent d’accord enfin pour la construction d’un pont de bateaux qui facilitera les communications entre Provence et Languedoc. Avant cette date à Tarascon 600 à 700 familles étaient bateliers et vivaient du passage du Rhône. Certainement autant à Beaucaire et dans tous les villages le long du fleuve.
La location du Pré avant
1789 rapportait annuellement 9 000 livres à la ville. Les cabanes
commençaient à sortir de terre fin juin-début juillet pour occuper jusqu’à un sixième des 15 hectares du Champ de Foire.
Les cabanes étaient orientées par rapport à la chapelle pour que les marchands
puissent suivre les offices tout en surveillant leurs marchandises. D’année en
année les mêmes rues accueillaient les mêmes types de marchandises et
d’ailleurs elles portaient le nom de leur commerce. La pluie et les inondations
étaient les seules calamités à craindre comme en 1767. Dans la ville on
retrouvait son chemin grâce aux Saints dans leurs niches placées en haut et au
coin des rues, Saint Pierre et ses clés, Saint Sébastien et ses flèches…
Les marchands venaient
par mer, par eau, par groupes sur les routes, évitant ainsi le brigandage
autant que cela était possible à cette période. On redoutait les voleurs, les
filous (escrocs), et surtout les barbaresques qui hantaient nos côtes pratiquement jusqu'au 18ème siècle. Contre ces derniers, des
navires de guerre venus de Toulon croisaient près du rivage pendant toute la
période de la foire. Louis XIV avait diligenté la galère « La
Reyne », Marseille équipait un navire pour « tenir la coste nette de
corsaires ».
Les lettres patentes de
1464 indiquent que l’on peut vendre toutes marchandises (quelconques)
« sans paiement de péage, redevance ou impôt » donc une baisse des
prix très importante et pendant toute la période de la foire, on ne peut
retenir, « arrêter une personne à moins que l’énormité du crime ne
requière une punition corporelle ». Un tribunal spécial jugeait et faisait
exécuter immédiatement les condamnations.
André Basset, Foire de Beaucaire mai
2011 au XVIIIe siècle,
Musée Auguste Jacquet de Beaucaire
On trouvait de tout : cuirs, peaux, toiles, bijoux,
armes, horloges, ustensiles de cuisine. Perles, coraux, pierres précieuses…
oranges, parfums, épices, poissons salés de Bretagne…. Savons, huiles, vin… Livres
interdits aussi. Dentistes, notaires, charlatans, médecins et vendeurs
d’élixirs miraculeux, baratineurs, croque-morts de service, et bien sûr voleurs
à la tire, trafiquants …la loterie du Marquis de Sade en 1797, qui ne marcha
pas très bien.
Cette foire au 16ème siècle va beaucoup aider
à la propagation des doctrines protestantes par la vente de livres, de
libelles, par les conversations dans les auberges. Des livres des psaumes
enjolivés, rimés, dorés, conviaient les dames à la lecture, les bourgeois à
acheter un objet de valeur. Les marchands sont par nécessité facteurs de
modernité, de brassage des idées, des modes de vie.
C’était aussi l’occasion de faire la fête. Les visiteurs
pouvaient se lâcher. Bals, feux d’artifices, prostitution, attractions diverses. Cirques avec jongleurs,
lutteurs, avaleurs de sabre. Toutes les langues européennes s’entendaient dans
les auberges provisoires. Elles offraient des repas pour toutes les bourses et
tous les appétits. Beaucaire était pour une semaine le centre des affaires et
des plaisirs.
Le Pré de Beaucaire, Musée du vieux
Nîmes mai 2011
On entend
encore des Anciens dire « La foire n’est pas encore sur le pont »,
c’est-à-dire nous avons encore le temps, pourquoi se presser. Pendant
longtemps, Beaucaire et Tarascon étaient reliés par un pont de bateaux sur le
Rhône. Lors de la foire, les boutiques s’installaient sur ce pont vite encombré
et rendant difficile le trajet. D’où le dicton.
La bague de
Beaucaire, la bague d’Aïe, s’achetait lors de cette foire. En pâte de verre
filé elle se cassait facilement comme les amours éphémères. Le ou la
propriétaire de cette bague criait « aïe » lorsqu’elle chutait.
Parfois sur un chaton en cuivre était gravée une souris.
Le pain de
Beaucaire, Li Gimbeleto, petite pâtisserie en forme d’anneau, enfilées comme un
chapelet se dévorait pendant toute la fête.
Chacun
avait à cœur de repartir avec un objet rappelant son voyage à Beaucaire. Rentré chez lui, il
pourra raconter à la veillée ses journées de foire.
Pont de
barques Beaucaire-Tarascon 8ème siècle –wikimedia.org JPS68via photoshop18
mai 2011
La foire
sera responsable en partie de l’épisode de peste de 1720. Le navire
Grand-Saint-Antoine accosta à Marseille le 25 mai 1720. Des soieries destinées
à la foire par le premier échevin Jean-Baptiste Estelle échapperont à la mise
en quarantaine et débarqueront rapidement. Contaminées elles répandirent la
peste en Provence et en Languedoc.
Une fois
achetées, les marchandises remontaient le Rhône en carate, barque à fond plat,
tirées par des chevaux sur le chemin de halage. Elles arrivaient à Lyon après
un mois de voyage.
Mais les
marchandises achetées sont aussi convoyées à dos de mulets, jusqu’à 150 par jour
en 1725. Ils prennent le chemin des villes d’Auvergne via le Languedoc jusqu’à
Paris avec liqueurs, savons, eau de vie…..
(Jean Jules Antoine Le comte du Nouy
1842-1923 –Le Souper de Beaucaire photo RMN Grand Palais D Arnaudet).
Bonaparte, pas encore Napoléon, est dans la région en
juillet-août 1793. Il reste trois jours à Beaucaire du 28 au 31 juillet. Il est chargé de transporter de la
poudre pour l’armée d’Italie. Il est hébergé chez un pharmacien M Renaudet. Il soupe le soir du 29 dans
une auberge avec des marchands venus pour la foire. Il en fera plus tard un
texte dialogué qui sera sa profession de foi républicaine : « Le
Souper de Beaucaire ».
Ce texte fondateur est lu par le frère de Maximilien
Robespierre, Augustin, et lancera l’ambitieux soldat qui sera en charge de
l’artillerie du siège de Toulon. Il sera édité officiellement en 1798.
Après cet
épisode de foire, les Beaucairois peuvent se reposer. « Ils se sont
tellement enrichis, qu’ils peuvent vivre sans rien faire sinon un peu de culture
et de pêche pour le plaisir, attendant de pied ferme la prochaine foire de
Beaucaire ».
Le 19ème
siècle sera fatal à la foire. Sur la rive droite du Rhône, le chemin de fer
Paris-Marseille détourne le trafic. Le sable de l’embouchure du Rhône avait peu
à peu ferme l’accès aux barques. Mais à la foire de 1833, les
fabricants nîmois envoyèrent encore 324.500 châles, de dix-neuf types ou
dimensions, châles brochés, imprimés, de laine, de coton, de soie, crêpe de
Chine ou façon Thibet, etc…Sur ce nombre, 236.950
furent vendus à des prix variant, suivant type et dimension, entre 2 fr. 75 et
50 francs. Une idée des transactions qui s'effectuent encore.
www.vds-phl.fr/archive/2014-05/3- Li Gimbeleto
BNF gallica
Sources :
Wikipedia.org—wikimedia.commons—JJ Antier Marins de Provence et du
Languedoc édit Presses du Languedoc
2003---Jean Pierre Hugues Histoire de
l’Eglise Reformée d’Anduze Galica BNF
--- Emile Levasseur Traité du Commerce en France avant 1789-- Pierre Léon, Vie et mort
d'un grand marché international. La foire de Beaucaire (XVIIIe-XIXe
siècles), 1953 Persée –Charles de Gourcy (1883-1956), docteur en droit,
"La Foire de Beaucaire" étude d'histoire économique,--- Jeau Paul
Clébert Guide de la Provence
mystérieuse, Éd. Tchou, Paris, 1972.—Joseph Fournier Le passage du Rhône
entre Tarascon et Beaucaire au Moyen-Age jusqu’en 1670 Persée Revue des Etudes Anciennes 1907
pp21-26-- www.nemausensis.com/rochefort/RocFoire.htm
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