mercredi 20 février 2019

Les amours de Barberousse


Les amours de Barberousse


On peut être un pirate sanguinaire, mais on n’en est pas moins homme. L’Histoire nous laisse deux  épisodes de la vie amoureuse de Khaïreddine, le dernier des frères Barberousse. Son cœur s’est certainement emballé pour d’autres femmes durant sa longue vie, mais nous ne connaissons que ces deux cas.
(BD 1991 Amin Zirout Masmoudj édit Alif-www.bedetheque.com/BD-Barberousse-Tome-2-Kheireddine-Le-Lion-des-mers-19692.html)
En 1534, à la tête de 60 galères dont il a lui-même dessiné les plans, il fonce sur la Calabre, prend Reggio, pille et fait deux mille prisonniers qui seront vendus comme esclaves. Un des captifs lui parle de la beauté envoutante de Julia Gonzagua, comtesse de Fondi, duchesse de Trajetto. Un charme inoubliable, un bijou inégalé… Son blason est une rose rose sur un lit de pétales blancs…Tout un programme ! On dit que 208 poètes italiens ont chanté la beauté de Julia, en vain.
Fondi est une ville riche d’histoire. Elle a accueilli l’une des plus antiques communautés juives du monde. Elle a vécu la domination espagnole des Aragones et celle des Gonzaga, dont on peut encore admirer le château et le palais Baronal où résidait Julia. Celle-ci avait constitué une petite cour que ses contemporains appelaient « La Petite Athènes », un lieu de culture où se rencontraient des personnalités importantes. Un autre monde pour notre pirate.
(Julia Gonzague par Sébastiano des Piombo  Kimbelle Art Museum Fort Worth Texas USA)

Khaïreddine a autour de 68 ans, bon pied, bon œil. Il veut tenter sa chance. Il ne peut  résister au portrait de Julia, l’indomptable qui choisit ses amants !! Khaïreddine est très séduisant nous disent les chroniques, son sourire lui ont valu d’innombrables succès. Si quelque chose tenta jamais par-dessus tout Barberousse, ce fut bien une jolie femme. Certains historiens pensent que peut-être en bon pirate envisage-t-il un instant de l’offrir à Suleyman le Magnifique pour son harem. A-t-il longtemps tergiversé entre l’envie de dompter la comtesse, de conquérir ce bijou et l’envie de monnayer sa prise ?
(Julia Gonzaga  Sebastiano del Piombo)


La nuit du 8 au 9 août 1534, la galère capitaine s’écarte de l’escadre et met cap sur Fondi. Les pirates débarquent en pleine nuit, foncent vers le palais. Va-t-on surprendre la belle Julia au saut du lit ? Lorsqu’ils arrivent sur place, avertie on ne sait comment, la belle s’est envolée depuis une heure à peine. Départ tellement précipité, que Julia a dû se jeter sur un cheval, quasiment vêtue de sa seule pudeur et d’un rayon de lune ! Un domestique tenait les rênes. Celui-ci en avait trop vu ou un geste lui avait échappé, et Julia se dépêche de le faire pendre à l’arrivée.
Barberousse, très en colère, se vengea en détruisant la ville de Fondi qu’il laissa en ruines.

Mai 1543 : le sultan a donné ordre à Barberousse de rallier la côte provençale et de se mettre à la disposition du roi de France, François 1er. Celui-ci est encore et toujours en guerre contre Charles Quint et l’Angleterre de Henri VIII s’est déclarée contre nous dans ce conflit. Paulin de la Garde représentera le roi de France aux côtés de Barberousse. Les Provençaux et les Languedociens depuis longtemps dans leurs ports de Marseille jusqu’à  Saint-Gilles commercent avec les pirates ; ils leur rachètent à bas prix les produits de leurs expéditions pour les revendre quatre à cinq fois plus cher, fournissent matériel, nourritures….
L’escadre décide de faire eau (aiguade) devant Reggio. Quelques janissaires armés, tonnelets à l’épaule, la mine farouche, descendent à terre pour se ravitailler. Le gouverneur de Reggio, un Espagnol, se méprend, croit que les tonnelets contiennent de la poudre pour faire sauter les remparts qui viennent d’être réparés. Il fait ouvrir le feu. Aussitôt Barberousse passe à l’attaque avec le reste de ses soldats. Les pirates ouvrent une brèche dans les remparts et s’apprêtent à tuer la garnison et quelques civils.
Mais Khaïreddine arrête le carnage : il vient d’apercevoir au côté du gouverneur espagnol qui attend la mort, le visage d’une jeune fille. Elle a autour de 16 ans, elle s’appelle Maria, c’est la fille du chef de garnison. Le géant est frappé par la foudre, Le coup de foudre pour cette jeunette.
Les janissaires remontent vite sur les navires, on fait disparaître les morts. Et une fête se prépare avec lampions, guirlandes de fleurs. On fait assaut de courtoisie devant les Espagnols estomaqués. Barberousse octogénaire fait sa cour, tel un amoureux de 20 ans. Il ne cesse de sourire, courbe sa haute taille, offre fleurs et bijoux. La demoiselle est conquise et elle accepte le mariage « avec ravissement » nous disent les chroniques. Elle était fiancée en Espagne mais n’y pense plus. Le voyage de noces entraîne nos tourtereaux au long des rivages italiens, l’escadre au complet veillant jalousement sur la tranquillité des nouveaux mariés. Maria accompagnera Barberousse jusqu’à la mort de celui-ci.
Mais Barberousse a un travail à effectuer. L’escadre de Khaïreddine comprend 112 galères, 40 navires de guerre plus petits, des bâtiments de transport… La flotte française aligne 22 galères et 18 navires. Le total des bâtiments fait tenir tranquille les Espagnols de Charles Quint. Nous sommes en juillet. Le comte de Grignan gouverneur de Marseille rencontre Barberousse et Paulin de la Garde. Il dira de Barberousse « il m’a paru gentilhomme tout à fait digne et instruit…quoique je n’ai rien compris à ce qu’il m’a dit.. ! ».  On visite la ville. Pour l’occasion on hisse le Croissant sur les hauteurs de Marseille.
Début août les deux flottes (française et pirate) mettent le cap sur la rade de Villefranche. Barberousse semble-t-il veut donner une aubade à sa jeune épouse en lui montrant un combat naval. Un musicien aurait écrit une ballade pour l’occasion. François 1er un temps réticent, finit par céder, mais l’objectif sera Nice qui est savoyarde et non française, c’est-à-dire de l’Empire de Charles Quint.
Le 22 août pour les beaux yeux d’une jeune Espagnole, une armée régulière française de 7000 hommes et autant de pirates s’associent et emportent la ville de Nice après tout de même douze jours de siège. Mais le château tient bon, à sa défense un chevalier corse Paul Siméoni ancien chevalier de Malte et ancien prisonnier de Khaïreddine. La raison l’emporte et les Français décident de se retirer ou bien la ville se rend à François 1er, on ne sait pas très bien, la situation est très floue. On invoque l’arrivée prochaine d’un autre corsaire Doria, un temps au service de François 1er et maintenant au service de Charles Quint, le roi de France l’ayant privé d’une rançon d’un prisonnier qui lui appartenait. A quoi tient l’amitié entre ces gens-là !!


Quand Barberousse reprend au printemps 1544 la route sur la mer, il a toujours Maria à ses côtés. Une dernière fois il lance son immense escadre sur la Catalogne, le royaume de Valence, la Calabre. Une sorte de baroud d’honneur. Fin 1544 son bateau amiral s’immobilise le long du Bosphore et ne repartira plus. Barberousse s’éteint en juillet 1546. Avant sa mort il avait poussé son héritier sur mer Draghut, un Anatolien musulman en lui confiant une escadre de douze galères. Ce sera le commencement des Capicorsini, l’arrivée sur scène des pirates du Cap Corse. On retrouvera Draghut au côté de notre roi Henri II(fils de François 1er) lors de la tentative de conquête de la Corse en prenant Bonifacio.







--Flick--. le lycée Arroudj Kheireddine Barberousse (ex Lycée Delacroix) | by Habib Boucetta


Sources : Loup Durand  Pirates et Barbaresques en Méditerranée édit Histoire du Sud Aubanel ISBN2.7006.0057-6 --www.herodote.net/14_octobre_1543-evenement-15431014.php
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