Les amours de
Barberousse
On peut être un pirate
sanguinaire, mais on n’en est pas moins homme. L’Histoire nous laisse deux épisodes de la vie amoureuse de Khaïreddine,
le dernier des frères Barberousse. Son cœur s’est certainement emballé pour d’autres
femmes durant sa longue vie, mais nous ne connaissons que ces deux cas.
(BD 1991 Amin Zirout
Masmoudj édit Alif-www.bedetheque.com/BD-Barberousse-Tome-2-Kheireddine-Le-Lion-des-mers-19692.html)
En 1534, à la tête de 60
galères dont il a lui-même dessiné les plans, il fonce sur la Calabre, prend
Reggio, pille et fait deux mille prisonniers qui seront vendus comme esclaves.
Un des captifs lui parle de la beauté envoutante de Julia Gonzagua, comtesse de
Fondi, duchesse de Trajetto. Un charme inoubliable, un bijou inégalé… Son
blason est une rose rose sur un lit de pétales blancs…Tout un programme ! On
dit que 208 poètes italiens ont chanté la beauté de Julia, en vain.
Fondi est une ville riche
d’histoire. Elle a accueilli l’une des plus antiques communautés juives du
monde. Elle a vécu la domination espagnole des Aragones et celle des Gonzaga,
dont on peut encore admirer le château et le palais Baronal où résidait Julia.
Celle-ci avait constitué une petite cour que ses contemporains appelaient
« La Petite Athènes », un lieu de culture où se rencontraient des
personnalités importantes. Un autre monde pour notre pirate.
(Julia
Gonzague par Sébastiano des Piombo
Kimbelle Art Museum Fort Worth Texas USA)
Khaïreddine a autour de 68
ans, bon pied, bon œil. Il veut tenter sa chance. Il ne peut résister au portrait de Julia, l’indomptable
qui choisit ses amants !! Khaïreddine est très séduisant nous disent les
chroniques, son sourire lui ont valu d’innombrables succès. Si quelque chose
tenta jamais par-dessus tout Barberousse, ce fut bien une jolie femme. Certains
historiens pensent que peut-être en bon pirate envisage-t-il un instant de
l’offrir à Suleyman le Magnifique pour son harem. A-t-il longtemps tergiversé
entre l’envie de dompter la comtesse, de conquérir ce bijou et l’envie de monnayer sa
prise ?
(Julia Gonzaga Sebastiano del Piombo)
La nuit du 8 au 9 août
1534, la galère capitaine s’écarte de l’escadre et met cap sur Fondi. Les
pirates débarquent en pleine nuit, foncent vers le palais. Va-t-on surprendre
la belle Julia au saut du lit ? Lorsqu’ils arrivent sur place, avertie on
ne sait comment, la belle s’est envolée depuis une heure à peine. Départ
tellement précipité, que Julia a dû se jeter sur un cheval, quasiment vêtue de
sa seule pudeur et d’un rayon de lune ! Un domestique tenait les rênes.
Celui-ci en avait trop vu ou un geste lui avait échappé, et Julia se dépêche de
le faire pendre à l’arrivée.
Barberousse, très en colère,
se vengea en détruisant la ville de Fondi qu’il laissa en ruines.
Mai 1543 : le sultan
a donné ordre à Barberousse de rallier la côte provençale et de se mettre à la
disposition du roi de France, François 1er. Celui-ci est encore et
toujours en guerre contre Charles Quint et l’Angleterre de Henri VIII s’est
déclarée contre nous dans ce conflit. Paulin de la Garde représentera le roi de
France aux côtés de Barberousse. Les Provençaux et les Languedociens depuis
longtemps dans leurs ports de Marseille jusqu’à
Saint-Gilles commercent avec les pirates ; ils leur rachètent à bas
prix les produits de leurs expéditions pour les revendre quatre à cinq fois
plus cher, fournissent matériel, nourritures….
L’escadre décide de faire
eau (aiguade) devant Reggio. Quelques janissaires armés, tonnelets à l’épaule,
la mine farouche, descendent à terre pour se ravitailler. Le gouverneur de
Reggio, un Espagnol, se méprend, croit que les tonnelets contiennent de la
poudre pour faire sauter les remparts qui viennent d’être réparés. Il fait
ouvrir le feu. Aussitôt Barberousse passe à l’attaque avec le reste de ses
soldats. Les pirates ouvrent une brèche dans les remparts et s’apprêtent à tuer
la garnison et quelques civils.
Mais Khaïreddine arrête
le carnage : il vient d’apercevoir au côté du gouverneur espagnol qui
attend la mort, le visage d’une jeune fille. Elle a autour de 16 ans, elle
s’appelle Maria, c’est la fille du chef de garnison. Le géant est frappé par la
foudre, Le coup de foudre pour cette jeunette.
Les janissaires remontent
vite sur les navires, on fait disparaître les morts. Et une fête se prépare avec lampions, guirlandes de fleurs. On fait assaut de courtoisie devant les
Espagnols estomaqués. Barberousse octogénaire fait sa cour, tel un amoureux de
20 ans. Il ne cesse de sourire, courbe sa haute taille, offre fleurs et bijoux.
La demoiselle est conquise et elle accepte le mariage « avec
ravissement » nous disent les chroniques. Elle était fiancée en Espagne
mais n’y pense plus. Le voyage de noces entraîne nos tourtereaux au long des
rivages italiens, l’escadre au complet veillant jalousement sur la tranquillité
des nouveaux mariés. Maria accompagnera Barberousse jusqu’à la mort de
celui-ci.
Mais Barberousse a un
travail à effectuer. L’escadre de Khaïreddine comprend 112 galères, 40 navires
de guerre plus petits, des bâtiments de transport… La flotte française aligne
22 galères et 18 navires. Le total des bâtiments fait tenir tranquille les
Espagnols de Charles Quint. Nous sommes en juillet. Le comte de Grignan
gouverneur de Marseille rencontre Barberousse et Paulin de la Garde. Il dira de
Barberousse « il m’a paru gentilhomme tout à fait digne et
instruit…quoique je n’ai rien compris à ce qu’il m’a dit.. ! ». On visite la ville. Pour l’occasion on hisse
le Croissant sur les hauteurs de Marseille.
Début août les deux flottes
(française et pirate) mettent le cap sur la rade de Villefranche. Barberousse
semble-t-il veut donner une aubade à sa jeune épouse en lui montrant un combat
naval. Un musicien aurait écrit une ballade pour l’occasion. François 1er
un temps réticent, finit par céder, mais l’objectif sera Nice qui est savoyarde
et non française, c’est-à-dire de l’Empire de Charles Quint.
Le 22 août pour les beaux
yeux d’une jeune Espagnole, une armée régulière française de 7000 hommes et
autant de pirates s’associent et emportent la ville de Nice après tout de même
douze jours de siège. Mais le château tient bon, à sa défense un chevalier
corse Paul Siméoni ancien chevalier de Malte et ancien prisonnier de
Khaïreddine. La raison l’emporte et les Français décident de se retirer ou bien
la ville se rend à François 1er, on ne sait pas très bien, la
situation est très floue. On invoque l’arrivée prochaine d’un autre corsaire
Doria, un temps au service de François 1er et maintenant au service
de Charles Quint, le roi de France l’ayant privé d’une rançon d’un prisonnier
qui lui appartenait. A quoi tient l’amitié entre ces gens-là !!
Quand
Barberousse reprend au printemps 1544 la route sur la mer, il a toujours Maria
à ses côtés. Une dernière fois il lance son immense escadre sur la Catalogne,
le royaume de Valence, la Calabre. Une sorte de baroud d’honneur. Fin 1544 son bateau
amiral s’immobilise le long du Bosphore et ne repartira plus. Barberousse
s’éteint en juillet 1546. Avant sa mort il avait poussé son héritier sur mer
Draghut, un Anatolien musulman en lui confiant une escadre de douze galères. Ce
sera le commencement des Capicorsini, l’arrivée sur scène des pirates du Cap
Corse. On retrouvera Draghut au côté de notre roi Henri II(fils de François 1er)
lors de la tentative de conquête de la Corse en prenant Bonifacio.
--Flick--. le lycée Arroudj Kheireddine
Barberousse (ex Lycée Delacroix) | by Habib Boucetta
Sources :
Loup Durand Pirates et Barbaresques en
Méditerranée édit Histoire du Sud Aubanel ISBN2.7006.0057-6 --www.herodote.net/14_octobre_1543-evenement-15431014.php
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