Paru sur ce blog le 18 mars 2017 et toujours d'actualité
Politique et affairisme .
La longue marche de la démocratie ou Politique et Affairisme:
Avec le roi Louis-Philippe un commencement de régime parlementaire s'installe. Après les affrontements des "Trois Glorieuses" de 1830, le roi nouvellement installé, comprend qu'il est indispensable et urgent de réformer l'Etat. En juillet 1831 les premières élections législatives de son règne ont lieu. Les droits de postuler et de voter sont encore étroitement encadrés. Evidemment les femmes en sont exclues
Pour être candidat il fallait payer au moins 500 frs d'impôts directs et être âgé de 30 ans. Précédemment sous Charles IX le postulant devait avoir 40 ans au moins et payer 1000 frs d'impôts ce qui limitait très largement les candidatures.
Le droit de vote de 1831 était aussi restreint : 200frs de contributions directes au moins ce qui éliminait bon nombre d'électeurs potentiels en particulier dans les villages. Dans le canton d'Uzès, on enregistrait 9 électeurs à St Quentin la Poterie, 2 à Blauzac, 7 à Montaren, 1 à Serviers, 3 à Sanilhac, 1 à St Victor les Oules. St Siffret, Arpaillargues avaient aussi quelques électeurs. Vallabrix devra attendre 1842 pour avoir un électeur : Jean Pierre Xavier Foussat avec un peu plus de 900 frs d'impôts, qui n'était pas très représentatif de la population de notre village !! .
A la veille de 1848, seulement 2,4 % des Français sont électeurs, dix fois moins qu'en Angleterre.
Les électeurs étaient essentiellement des propriétaires, des négociants. Des notaires, des aubergistes, des marchands de bestiaux, de chevaux, de vin, quelques médecins, pharmaciens, des voituriers. Dans le canton d'Uzès un certain nombre de militaires à la retraite avec une bonne pension (1200 frs par an au moins et jusqu'à 5 ans de présence). Un concessionnaire de mine, image montante de l'enrichissement dans la deuxième moitié du 19ème siècle et un fabricant de fleurets image d'une noblesse en perte de vitesse. Quelques barons, comtes, les ducs de Crussol et d'Uzès....
Notre circonscription Uzès-Pont St Esprit était divisée en huit cantons : Remoulins, Roquemaure, Lussan, St Chaptes, Bagnols sur Cèze, Uzès, Pont St Esprit, Villeneuve les Avignons. Un territoire plutôt étendu, ce qui n'empêchait pas de voter malgré les distances : pour le canton de Bagnols en 1831 sur 114 inscrits seulement 33 absents.
Cette circonscription enregistrait en 1831 autour de 500 électeurs dont les 3/4 devaient se déplacer à Uzès pour voter. En effet la salle du Palais de Justice uzétien était le seul lieu de vote. Deux à trois jours étaient nécessaires pour départager les candidats. Pour les électeurs c'était jours de fête(s) : de toute la région on se regroupait, on louait une voiture pour venir à Uzès. Les pensions de famille ouvraient leurs portes pour l'occasion. Le commerce, les affaires prospéraient pendant ces trois jours. Les candidats-députés faisaient le tour des auberges, des hôtels où logeaient les électeurs. Promesses diverses, dîners offerts, tournées générales au café, cadeaux en tout genre..... Les notables, les entrepreneurs de la région se rencontraient à cette occasion, tirant des plans pour l'avenir, confortant leurs positions, leurs alliances. Les électeurs n'étaient pas dupes et jouaient "au chat et à la souris" avec les candidats députés.
Cette année de 1831, le nouveau député d'Uzès fut élu par 217 voix sur 488 inscrits et 375 suffrages exprimés. Il s'agissait de Jean-Baptiste Teste, avocat parisien de 50 ans né à Bagnols sur Cèze. Il avait de toute urgence acheté une maison à Paris pour justifier le montant d'imposition indispensable, payée juste la veille de son élection (890frs). C'était un avocat réputé tant à Paris qu'à Nîmes malgré des difficultés d’élocution.
Il avait un lourd passé politicien : représentant du Gard à la Chambre des Cent-jours en 1815, directeur de la police à Lyon pendant cette période, proscrit sous Louis XVIII, réfugié un moment en Belgique, expulsé de ce pays, puis à nouveau réfugié en 1830. Il avait mangé à « tous les râteliers » en une période très compliquée dans notre pays dans cette première moitié du 19ème siècle !!
A partir de 1831 il sera réélu dans notre circonscription sans trop de difficulté. Il sera ministre du Commerce pendant trois jours en 1834, garde des Sceaux en 1839, et l'année suivante ministre des Travaux Publics en charge de distribuer entre autre, les concessions du chemin de fer, ceci pendant trois ans. Des rumeurs poussèrent le gouvernement à lui retirer ce ministère.
Grand officier de la Légion d'Honneur, Pair de France, président de la Chambre Civile à la Cour de Cassation grâce à l'intervention d'un membre de la famille royale, son parcours continue malgré tout.
Cl Brune-Gilles Marianne1984 |
Teste est arrêté, incarcéré malgré son titre de Pair de France. Il se tire une balle de pistolet dans la bouche et une autre dans le cœur, se rate. Il sera condamné à trois ans de prison, la restitution de la somme de 94 000 frs et une amende du même montant au bénéfice des Hospices de Paris. Il finira sa vie en 1852 après un passage dans une maison de santé à Chaillot. Louis NapoléonBonaparte lui accorde une remise de 50 000frs sur son amende. Ce scandale serait à l'origine de l'affaiblissement du régime parlementaire du roi Louis-Philippe.
La morale de cette histoire est qu'hier comme aujourd'hui, argent et politique ne font pas bon ménage, on court au devant de tentations dangereuses qui peuvent se terminer par des liaisons redoutables !!.
Sources : Guy Antonetti "Louis-Philipe" Edit Fayard 1994 - Archives communales de Vallabrix registre 1830 - Maurice Barraud "Le tumultueux notaire impérial de Pont St Esprit Saturnin Boisson" Edit Christian Paris - Assemblée Nationale : la République et le Suffrage Universel www.assemblee-nationale.fr - Marianne collection Assemblée nationale - Grand merci à Mireille Olmières responsable des archives communales d'Uzès pour son aide et recherche.
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