dimanche 21 juillet 2019

Les Deux Hercules de Castelvieil




Les deux Hercule de Castelviel




Vous ne trouverez plus le petit village de Castelvieil à la sortie d’Uzès sur la route de Blauzac. Ce n’était pas un gros village, quelques maisons vigneronnes, quelques moutons, même pas une chapelle. Un (ou le seigneur) du village avait dans les temps lointains suivi la croisade de Saint-Louis et en était revenu accompagné d’un maître d’armes à la peau foncée, aux cheveux crépus, noir de  jais. Un homme dévoué corps et âme au seigneur. Ce combattant venu d’un autre monde impressionnait les habitants du village et des alentours. Les jeunes rêvaient de se mesurer à lui. Une légende vivante qui enseignait l'art du combat avec fourches et bâtons. Les mauvaises langues disaient que les femmes des alentours n'étaient pas insensibles à son charme. Ce qui explique peut-être que le seigneur en question ait survécu aux guerres du Levant et que les habitants de Castelvieil encore au 17ème siècle soient combatifs et très bruns de peau et de cheveux….
Le village comprenait une petite quinzaine de familles encore en 1780, 68 habitants dont déjà certains âgés de plus de 50 ans. Le 19ème siècle a fini de le  vider de ses jeunes hommes, partis vers les mirages qu’étaient les villes. C’est vrai que le phylloxéra détruisit les rêves de nos jeunes vignerons et les mines embauchaient en Cévennes avec l’espoir d’une autre vie et une paie assurée. La route d’Alès n’était pas loin. Les vieux petit à petit s’en sont allés, et les cheminées n’ont plus fumé, les toits sont tombés, les murs aussi.
Pourtant Castelvieil avait connu ses heures de gloire avec ses deux Hercules.
Le premier surnommé Pinatel, de son vrai nom Abraham Coste, devient célèbre pendant les guerres de religion de 1560-1629. Son prénom laisse penser qu’il est protestant, ce qui pourrait expliquer déjà à cette époque la fin programmée du village. C’est un berger, très grand, costaud, tanné par le soleil, le poil noir abondant, une barbe de patriarche, le regard charbonneux. Un taiseux, un solitaire….. Une grand-tante l’avait recueilli après le décès de ses parents.
Ce jour de juin 1591 un groupe de soldats catholiques de la Sainte Ligue envahissent le village. Des maisons commencent à brûler, les habitants tentent de fuir, les corps tombent. La fumée, les cris, l’enfer… Les soldats chapardent poules et chèvres, pillent les placards. Pinatel avec pour arme pour se défendre, sa fureur et son envie de vivre, arrache un pin d’un coup de rein et s’en sert comme d’une massue, tournoyante, fendant des cranes, cassant des jambes, des bras des envahisseurs… L’ennemi bat en retraite devant  ce « démon noir » démesuré, sorti de nulle part.
On ne sait pas ce qu’il advint de Pinatel après cet exploit. Il ne semble pas avoir été poursuivi par la justice. Il est vrai qu’en ces temps troublés, les autorités avaient d’autres Pinatel à fouetter. Il paraîtrait que plus tard les jeunes filles alentour lui faisaient les yeux doux, le découvrant enfin, lui qui auparavant ne méritait même pas un regard !!



Anonymous 1590 — Histoire Geographie 5ieme Nathan
Procession_de_la_Ligue_1590_Musee Carnavalet—wikipedia.org-

Le second Hercule, Joseph Bastide est né dans une famille de cultivateurs catholiques dans les années 1670. Dès son jeune âge, pourtant petit dernier de la fratrie, il est plus grand, plus musclé que ses trois frères, les dépassant facilement d’une tête, puis de deux… Très vite il aide les habitants de son village pour les travaux lourds. Il s’attèle à un charroi de bois pour le vieux Simon. Il porte sur ses épaules les fagots, les panières, la brebis malade… Des bœufs se sont embourbés dans le fossé avec leur char et personne ne peut les en sortir, Joseph est là, soulevant, poussant, tirant. Un âne est tombé dans un puits, Joseph arque-bouté contre les parois le hisse sur la margelle…. Les consuls d’Uzès ayant entendu ses exploits vont l’appeler pour faire transporter une herse en fer de plus de dix quintaux. Elle avait servi jadis à fermer une des portes de la ville. Naturellement le travail devait se faire contre un petit salaire. Joseph soulève donc l’engin et le transporte à l’endroit convenu.
Mais une fois le travail exécuté, les consuls se mirent à lésiner sur le prix. Joseph n’avait pas assez peiné pour justifier ce salaire…. On n’avait pas pensé que ce serait si facile…  Joseph avait eu l’honneur de servir la ville …. Et puis Joseph leur parait un peu benêt, autant en profiter !! La mauvaise foi est un sentiment humain, surtout chez les politiques ! Alors ni une ni deux, sans un mot, Joseph « le benêt » soulève la herse pour s’en aller la remettre où il l’avait trouvée. Du coup les consuls trouvèrent finalement que le travail méritait le salaire prévu et payèrent Joseph avec de grands remerciements.
Les soirs en cassant des noix au coin du feu, les conteurs amusèrent beaucoup leur auditoire avec cette aventure et Joseph y gagna célébrité, attention de son vivant et même bien après… Et puis il fait bon se moquer de ceux qui nous dirigent !
Tous les villages ont eu à une époque un Hercule, un personnage haut en couleur, héroïque, exemple à suivre. Nos deux Hercule de Castelvieil sont-ils légende, ou réalité d’un moment ?

Source : là où elle est maintenant, grand merci à Rosette pour son récit. Elle seule savait nous ravir de ces histoires dites avec accent, verve, et poésie..

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.