La Bête à Bon Dieu
de l’Abbé La Treille ?
Une histoire (arrangée ?)
où il est démontré que la coccinelle est bien l’outil de la Providence !!
Où il est démontré aussi que l’Histoire n’est pas une science exacte…
Pierre-André naît le 20
ou 29 novembre 1762 de père et mère inconnus. Il est présenté au baptême le 30,
en l’église de Saint-Cernin de Larche à 15 km de Brive-la Gaillarde. Baptême à
la sauvette. Pierre Laval et Marthe Dupeyrou, un ménage de paysans, l’ont reçu
discrètement en nourrice d’un chirurgien de Brive, le sieur Laroche. La vie
avait bien mal commencé pour notre futur abbé. Même son nom de La Treille ne
lui sera donné légalement par jugement du tribunal de Brive qu’en juillet 1813.
Son père biologique est
le baron d’Espagnac, officier brillant, qui s’est illustré au siège de Tournai
et à la bataille de Fontenoy. Gouverneur de la Bresse et du Bugey, il s’attaque
aux exactions des bandes de Mandrin. Avec un brevet de Maréchal de Camp il
retourne à Brive, sa terre natale, puis s’installe à Paris. Il est marié, avec
quatre enfants, écrit ses mémoires, ses campagnes militaires… Mais il a
une liaison avec une jeune femme mariée à un officier que ses devoirs ont
appelé au loin. Elle appartient à une noble famille de Bresse. Elle accouche de
Pierre-André clandestinement à Brive ou près de Brive peut-être au lieudit La
Treille.
Le baron Jean de Sahuguet
d’Amarzit d’Espagnac est gouverneur de l’Hôtel des Invalides en 1766. Il ne
reconnaitra pas cet enfant qui est adultérin, mais il suivra toujours ses
études et même un temps l’appellera près de lui à Paris.
Le chirurgien Laroche et
sa fille vont prendre soin du bébé, maladif, chétif en ses premières années.
Puis en âge d’étudier, son père biologique le confie à un ami négociant de Brive,
le sieur Malepeyre de la Place qui sera une sorte de tuteur pour Pierre-André. Au
collège de Brive l’élève se montre doué, très appliqué. Latin, grec, chimie,
botanique, zoologie, entomologie…. Il obtient le grade le Maître es art,
(licence de sciences pour nous) au collège du Cardinal Lemoine. Puis son père
le fait entrer au Grand Séminaire de Limoges. Mais cette protection va s’éteindre en
1783 avec le décès du
baron.
buste en bronze
signé, P. Merlieux (cimetière Père-Lachaise Paris)
Ordonné en 1786, il
devient précepteur d’un cousin d’Espagnac. Il se consacre à étudier les
sciences naturelles que son tuteur Malepeyre lui en avait donné le gout très
tôt. Le Limousin en cette période est la province où le mouvement intellectuel
et scientifique est très actif, très vivant. Pierre-André participe à des
réunions scientifiques de très haut niveau. Il a accès à de riches
bibliothèques où il peut consulter les œuvres de Buffon, les planches
zoologiques de l’Encyclopédie, le Dictionnaire de Valmont… Il passe ses
vacances, ses jours de congés à la poursuite d’insectes avec des compagnons
scientifiques.
A l’orée de la Révolution
de 1789, c’est donc un abbé un peu malingre, souvent alité, mais féru de
sciences naturelles, herboriste, collectionneur d’insectes. Il est partisan du
progrès, des lumières, d’une certaine liberté, et donc les évènements
politiques ne l’effrayent pas. A Paris il rencontre Fabricius, Lamarck, il est
élu en 1791 à la Société d’Histoire naturelle de Paris après des recherches sur
une sorte de guêpe, la mutille. Il semble hors du temps, hors des péripéties révolutionnaires.
mutille catalane
Mais la Révolution et ses
règles le rappelèrent à l’ordre. Comme tout ecclésiastique il devait prêter le
serment républicain sous peine de privation de traitement et de liberté. Notre
abbé n’y prend pas garde, la tête dans les nuages d’insectes et par arrêté du
18 mars 1793 il est inscrit sur la liste des réfractaires. Il essaie de
contester, il fait intervenir le conseil municipal de Brive, mais rien n’y fait
et le 8 novembre il est arrêté. Plusieurs mois de prison à Brive, Tulle. Et sur
instructions du ministre de l’Intérieur, il est désigné avec 91 autres à partir
pour la Guyane. Le voici à Bordeaux enfermé dans l’ancien séminaire transformé
en prison, après un voyage de Tulle en mauvaises charrettes. A Bordeaux l’atmosphère
est dramatique. Madame de La Tour du Pin raconte dans ses
mémoires l’exaltation d’un membre du Club national des Patriotes : « N’oubliez pas de nous défaire de
cette vermine empoisonnée : redoublez vos efforts pour que ces serpents de prêtres réfractaires
sortent du sein de cette ville…. Je voudrai que l’on fît la dépense pour aller
les vendre au roi du Maroc, ce roi achète toutes les p… de l’Europe… »
On crie dans les rues « mort aux prêtres ». La populace en assassine,
on guillotine un médecin qui leur venait en aide. La disette attise les haines.
Lacombe, un escroc devenu président du tribunal révolutionnaire de Bordeaux
dira : « il s’agit moins de
punir les ennemis de la patrie que de les anéantir… ». Barère du
Comité de Salut Public lui fait écho : « l’homme qui terrasse les ennemis du peuple fût-ce avec un excès de
zèle, ne peut être inculpé… ».
Le 9 Thermidor et
l’arrestation de Robespierre arrivent et les autorités semblent moins pressées
d’envoyer les prisonniers en Guyane. Mais ces voyages sont toujours programmés. La
Treille partageait sa cellule avec un mourant, un vieil évêque. Chaque matin un
aide-chirurgien venait panser le moribond. Notre abbé l’aidait et sinon une
amitié, du moins un intérêt était né entre eux. Quelques jours avant la mort de
l’évêque, La Treille voit entre les rainures du plancher une minuscule bestiole
aux couleurs vives. Pierre-André se précipite, la ramasse, et réclame d’urgence
une épingle et un bouchon à l’aide-chirurgien pour piquer l’animal. Son visage
s’est illuminé : « c’est une rareté ». L’aide-chirurgien lui
demande l’autorisation de l’emporter pour la faire voir à une personne qui a
une belle collection et qui pourra peut-être donner le nom scientifique de
l’insecte.
La personne en question
est le jeune Bory de Saint-Vincent, quinze ans mais déjà naturaliste de valeur.
Il cherche dans ses livres la description de l’insecte, en vain. L’insecte n’a
jamais été décrit par les savants. On ne connait ni sa famille, ni son mode de
reproduction… Et pourtant en cette fin 18ème nombreux sont ceux qui
s’intéressent aux insectes.
Là l’histoire fourche : pour les
uns, Pierre-André est tombé sur une coccinelle, pour les autres une nécrobie,
insecte que l’on retrouve sur les matières animales en décomposition, insecte
plutôt secret et discret, que l'on trouve par exemple dans les cercueils. Pourquoi cette différence d’interprétation de la part des
historiens ?
Pourtant la coccinelle
était connue des jardiniers, des anciens, qui prédisaient le beau temps lorsque
la bestiole s’envolait. Une légende du Moyen-Age en avait fait un
porte-bonheur : un homme au 10ème siècle condamné à mort pour
un crime qu’il n’a pas commis lui doit sa survie. Alors qu’il est condamné à
avoir la tête tranchée, une coccinelle se posa sur son cou ; le bourreau
tenta de l’enlever mais elle revint à plusieurs reprises au même endroit. Le
roi Robert II devant cette intervention qu’il jugea divine gracia le condamné.
Mais l’abbé La Treille
devait aller mourir en Guyane. Le temps presse pour le sauver. Le jeune Bory
raconte :
« Je fus de suite trouver mon père et M Auber
mon oncle, qui sortis eux-mêmes de prison depuis le 9Thermidor avaient repris
dans notre ville où la Terreur cessait graduellement, leur grande influence de
fortune et de position. Je leur appris qu’un naturaliste habile était détenu et
je les priais de s’intéresser pour lui. Dargelas que je prévins aussi se
joignit à nous. Avec l’ordre de sortie, Dargelas court au séminaire réclamer le
prisonnier. La troupe venait de partir pour le funeste embarquement. Nous
courons au port ; les malheureux sont déjà sur le ponton. Dargelas prend
un bateau et vient au milieu de la rivière où l’on appareillait, puis il montre
le document ordonnant la levée d’écrou. La Treille lui est livré, il nous
l’amène et trois jours après comme il s’hébergeait avec nous on apprit que le
navire qui portait ses compagnons d’infortune avait sombré en vue de Cordouan
et que les marins seuls s’étaient sauvés sur la chaloupe du bord… ».
Tout est miraculeux dans
le sauvetage in extrémis de notre abbé : la découverte du petit insecte
non décrit, la décision favorable de levée d’écrou du tribunal de Bordeaux,
décision le 25 décembre 1794 jour de Noël… Le bateau prison qui devait
l’envoyer en Guyane qui s’appelait Le Républicain et qui sombre sans lui dans l’estuaire
de la Gironde !!.
La Treille baptisa,
classa et décrivit l’insecte : necrobia (du grec necros, mort et bios, vie),
ce qui semblerait justifier l’hypothèse de la nécrobie. En 1807 la famille des
coccinellidae est établie par Pierre-André, coccinus car écarlate. En fait il s’intéressa
aux deux insectes ce qui a peut-être trompé les historiens. Et puis la mémoire
collective le préfère en expert en coccinelles plutôt qu’en insectes
nécrophages.
La libération de notre
abbé est confirmée « à charge pour lui de prêter serment ». Mais en
1797 il est toujours sur la liste des prêtres non assermentés : oubli de
l’administration ou de Pierre-André ? Il aura bien du mal à récupérer ses
livres confisqués lors de son arrestation ainsi que ses maigres biens toujours
sous séquestre. Il se voit frapper de proscription à cette date et ses amis du
Muséum et le général Marbot doivent intervenir.
Sa fin de vie sera plus
sereine. Chargé des collections d’entomologie au Jardin des Plantes, professeur
de zoologie à l’école vétérinaire d’Alfort, membre de l’Académie des Sciences
en 1814…. Il succède au professeur Lamarck au Muséum… Publications, ouvrages
sur les fourmis, les salamandres, les crustacés et surtout sur les coléoptères. En 1821 il est fait chevalier de la Légion
d’Honneur. Une plaque sur marbre d’Henri Couteilhas, l’immortalise, inaugurée
en grande pompe en octobre 1907, mais semble-t-il apposée sur le mur d’une
maison qui n’est pas sa maison natale…. Il est inhumé au cimetière du Père- Lachaise à Paris (division 39).
Sources : Colette et Guy Héraud Historia janvier 1983 n°434---Louis
de Nussac Biographie de Pierre-André La Treille---
wikipedia.org -- /sites.google.com/site/briveatraverslescartespostales/--inauguration-de-la-plaque-en-l-honneur-de-pierre-andre-latreille-en-1907
/www.appllachaise.net/appl/article.php3?id_article=774
-- Ph.
Huet, La
Coccinelle, ou la véritable histoire de la bête à bon Dieu, de
Terran, 2004, 96 p.-- Nobiliaire universel de France
ou recueil général des généalogies https //books.google.fr/books Nicolas Viton
de Saint Allais 1815--- -
/www.jardindesplantesdeparis.fr/fr/galerie/escaliers-monumentaux/bustes/pierre-andre-latreille-1762-1833
--
https://fracademic.com/dic.nsf/frwiki/241960
theconversation.com/en-rouge-et-noir-la-genetique-des-pois-de-la-coccinelle-104118
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