Emilien Dumas
explorateur gardois
Comme beaucoup d’érudits
du 19ème siècle, Emilien Dumas est un touche-à-tout :
botaniste, géologue, géographe, hydrographe, paléontologue, archéologue…il est
difficile de le faire entrer dans une seule case. Toute sa vie il ne cesse de
cultiver sa curiosité. Il est l’un de ceux qui vont donner envie de découvertes
à de nombreux amateurs-archéologues-chercheurs éclairés du 19ème et
du début du 20ème siècle, et cela dans de nombreux domaines.
Jean Louis Georges
Emilien Dumas est né à Sommières dans le Gard, le 4 novembre 1804 dans une
famille protestante, d’un milieu bourgeois. Il décède le 21 septembre 1870 à
Ax-les-Thermes sur Ariège d’un anthrax. Son père est un négociant instruit qui
s’intéresse de très près à l’agriculture et à l’archéologie. La ville de Sommières
lui offre un terrain d’investigations très propice en compagnie de son ami le
docteur Marc Dax, celui qui est à l’origine de la théorie de la dominance de
l’hémisphère gauche du cerveau dans le langage. Une soif de comprendre, de
connaître, qui a commencé bien avant la Révolution de 1789, avec le siècle des
Lumières. Le territoire du Languedoc est propice aux découvertes, et l’influence
protestante permet de contourner les préjugés catholiques. Emilien disait :
« Ici en ouvrant sa fenêtre, on entre dans l’Histoire, Rome, Gaule, et
bien d’autres, tous nous interpellent, nous demandent de nous questionner.... ».
Le Terreur Blanche de
1815 et ses menaces contre les protestants vont faire éloigner le jeune Emilien
jusqu’en Suisse au bord du lac Léman où il va commencer son herbier. Il a 11
ans. Les villes de Morges, de Bâle où se confirme sa passion pour les sciences
naturelles et la botanique. Il profite des enseignements du grand théologien
protestant Alexandre Vinet. Sa mère décède en 1824 et Emilien retourne à
Sommières. En 1828 il fonde une famille avec une riche héritière d’Orange,
Pauline Borel, fille d’un propriétaire de filature de soie.
Il découvre le site
paléontologique de Pondres dans le Gard en 1828-29 avec son ami Jules de
Christol : fossiles humains et animaux, poteries et ossements de hyènes et
de rhinocéros, ces derniers aussi dans une grotte de Souvignargues près de
Sommières. Ossements d’ours des cavernes, silex, os portant les stigmates
d’outils tranchants. Sa carrière est toute tracée. Dans sa vie il rassemble
plus de 20 000 échantillons de fossiles et de minéraux, conservés
maintenant en partie au musée d’Histoire Naturelle de Nîmes. Ses
nombreuses collections touchent l'Antiquité grecque, la botanique, la géologie…
Il a été élève à Paris du Collège de France, du
Collège Royal des Mines et du Muséum national d’histoire naturelle. Il
rencontre Georges Cuvier (1769-1832), Etienne Geoffroy Saint-Hilaire
(1772-1844), Adrien de Jussieu (1797-1853). Zoologie, minéralogie, botanique,
sa formation en sciences naturelles est complète. Il est confronté à la
querelle qui oppose les savants pro-fixismes et ceux qui prônent le
transformisme comme Lamarck (1744-1829). Il sera aussi un proche de Paul
Tournal, fondateur et conservateur du Musée de Narbonne. Il s’approchera de la
théorie de l’évolution que Darwin mettra en place en 1859.
L’Homme Préhistorique et
Protohistorique l’intéresse au plus haut point. Mais il va aussi se questionner
sur les monuments anciens de l’époque gauloise ou pré-gauloise dans le Gard. Il recense alors
24 dolmens dans 13 communes dont celle de Blandas où il exhume une « peyre
cabucelade ». Pour lui les dolmens ne sont pas des autels
sacrificiels comme on l’entendait alors, mais des tombeaux où sont enterrés les
chefs de ces peuplades. Des ossements humains sont exhumés avec d’autres objets
lors de fouilles de ces monuments. Il s'interroge sur les peuplades qui ont précédé l'installation gauloise, en plein 19ème siècle époque où "le Gaulois" semblait le père de l'humanité.
Il veut comprendre les
origines de notre Terre, dans quel ordre chronologique les terrains, les
montagnes se sont formés… Il sera le premier à cartographier le département du
Gard à partir des cartes de Cassini, les premières cartes topographiques du 18ème
siècle. Pendant 20 ans, avec patience et ténacité, il arpente les
caractéristiques géologiques et paléontologiques du département, mesure
l’altitude, dresse un portrait géographique total du Gard. Il est celui qui le
premier a eu l’idée de colorier les cartes par diverses époques pour
circonscrire les divers terrains tertiaires, secondaires, ….
En 1844 il publie la
carte de l’arrondissement du Vigan, en 1845 l’arrondissement d’Alès. Il
s’intéresse à la constitution géologique de la région Cévennique supérieure du
département du Gard dans sa notice de 1846. Un autre ouvrage en 1847 Altitudes ou
hauteurs au-dessus du niveau de la mer, mesures à l’aide du baromètre dans les
arrondissements du Vigan et d’Alais. La carte
de l’arrondissement de Nîmes parait en 1850, troisième volet de son étude
géologique du département. Et en 1852, il termine sa carte de l’arrondissement
d’Uzès qui ne sera publiée qu’après sa mort. En 1856 une autre
publication : « Statistique géologique, minéralogique,
métallurgique et paléontologique du département du Gard ».
(Carte du
Gard arrondissement d’Allais 1845-Gallica-BNF –data.bnf.fr)
On a
coutume de considérer Emilien Dumas comme l’un des pères de la recherche
empirique en géologie.
Le 19ème
siècle est celui des recherches minières pour une révolution industrielle
triomphante. Emilien Dumas va travailler avec de grands capitaines d’industrie
comme Paulin Talabot. Celui-ci l’envoie en Algérie pour les gisements de fer de
Mokta el Hadid, en Sardaigne, Espagne… pour prospecter le sol minier de tous
les pays méditerranéens. Le savant est remercié par des actions des compagnies
minières qui lui donnent envie de s’aventurer financièrement dans des
concessions houillères du bassin d’Alès (concessions de Saint-Germain-Saint
Jean du Pin, il en sera le directeur). Mais ce n’est pas ce qui l’intéresse le
plus : en sont la preuve, la description du terrain houiller d’Alais et
les végétaux fossiles, ainsi que la reconnaissance de l’alternance de deux
étages, l’un stérile et l’autre contenant de la houille.
Dolmen ou peyre cabudelade |
Il
retourne à ses chères études dans le dernier versant de sa vie. En 1861, il
publie un catalogue des noms des potiers d’origine gauloise, avec 350
estampilles de vases samiens, 72 amphores, 97 lampes funéraires de sa
collection personnelle. Un grand pas dans l’approche archéologique grâce à ses
travaux comme la séparation des poteries rougeâtres vernissées qu’il pense à
usage domestique, et les autres de couleur mate à usage rituel funéraire. Il
met en évidence la division du travail et la spécialisation dans les ateliers
antiques.
Il était
aussi très attiré par le théâtre, n’hésitant pas à monter sur les planches lors
de ses études à Paris. Son hôtel particulier de Sommières avait un petit
théâtre. Il y monte d’ailleurs en 1837 une troupe d’acteurs, ce qui avait
beaucoup choqués ses contemporains. Un scientifique se doit d’être sérieux.
Mais cela montre un aspect chaleureux, humain du personnage. Sa vie mondaine
lui fait approcher de nombreux acteurs et dramaturges de son époque. La
princesse de Solm, Maire Bonaparte-Wyse petite nièce de Napoléon 1er,
lettrée et auteure des Chants de l’Exilée est une de ses amies.
Son gout
pour le terrain l’a peut-être éloigné de l’intelligentsia française. Il n’avait
pas accepté une chaire universitaire et donc il n’a pas laissé une postérité de
disciples pour continuer son œuvre dans l’histoire des sciences et surtout de
la géologie où ses inventions en méthodologie ont été fondamentales. Il avait dit à son ami Noêl Lafont son confident de toujours et son aide scientifique : « mon pauvre Lafont, vous entendrez dire un jour que je me suis englouti, effondré subitement, et que je ne suis plus qu’un souvenir, n’en soyez point surpris. Pour moi j’y suis préparé, j’envisage avec calme cette fin qui m’attend, et je m’en console en songeant que j’ai eu ma bonne part de jouissances ici bas. »
Il est
membre de l’Académie du Gard et de la Société Géologique de France. Il est aussi
Chevalier de la Légion d’Honneur en 1864, participe à la Commission de la
topographie des Gaules en 1866. Il sera aussi président de la Société des eaux
de Vergèze.
Il décède
le 21 septembre 1870 juste après l’incendie de la bibliothèque de Strasbourg
qui l’avait fortement peiné.
Sa fille
Amélie et son gendre Armand Lombard-Dumas lui aussi botaniste, vont préserver
l’œuvre d’Emilien en donnant sa collection géologique au musée de Nîmes.
Pendant 15 jours, 17 voitures de 1 800 kg et 4 hommes seront réquisitionnés
pour déménager cette collection de l’hôtel particulier de Sommières à
Nîmes !
Ses
activités :
Académie de Nîmes :
Associé correspondant, 1834.
Académie des sciences et lettres de
Montpellier : Membre 1849.
Institut des Provinces
: Membre 1846.
Société archéologique de Montpellier :
Membre 1834.
Société de l'histoire du
protestantisme français : Membre 1858.
Société des sciences naturelles de la
Drôme : Membre 1844.
Société géologique de France
: Membre 1839.
Société linnéenne de Normandie
: Membre 1845.
Société scientifique et littéraire
d'Alais : Membre honoraire, 1869.
Sources : Édouard Dumas, Émilien Dumas et l'empreinte de Sommières,
Lacour-Ollé, 1993.-- « Émilien
Dumas, un géologue éclairé du XIXe siècle » par Laurent Aiglon,
in Cévennes Magazine, 2003. Cet
article s'appuie sur la correspondance du savant conservée aux archives départementales du Gard ainsi que sur les carnets du grand
géologue. -- Émilien Dumas, Statistique
géologique, minéralogique, métallurgique et paléontologique du département du
Gard, Paris, A. Bertrand, 1875-1877 (lire en ligne (archives)) Lire à partir de la première partie –Gazette de
Nîmes n°864 24 décembre 2015 –musée d’Histoire Naturelle de Nîmes –Arnaud Hurel
La France Préhistorique de 1789 à 1941 –wikipedia – BNF gallica data.bnf.fr/15318313/emilien_dumas/--patrimoine.mines-- Lombard-Dumas Armand 1874. Étude sur la vie et les travaux
d’Emilien Dumas. Mémoires de l’Académie de Nîmes.-- Vincent, Henri-Maurice-Eugène-Philippe (pseud. Dr
V. Du Claux, Dr) 1878. L'oeuvre d'Émilien Dumas.-- Bulletin de la Société d'étude des sciences naturelles de Nîmes, 1877, n° 11-- Dictionnaires
biographiques départementaux, s. d., vers 1900. Dumas
(Jean-Louis-Georges-Emilien). In Gard. Dictionnaire biographique et album. Paris,
Flammarion, 230-237.-- - Aiglon Laurent 2003. Émilien
Dumas, un géologue éclairé du XIXe siècle. Cévennes Magazine.-- Raymond Ramousse
12/2014 Comité des travaux historiques et
scientifiques Institut rattaché à l’École nationale des Chartes -www.cths.fr/an/savant.php?id=120680© copyright CTHS-La France savante.--paristech.fr/document/Géol_Gard_1852_Uzès_carte-- .editions-lacour.com/Émilien.dumas.et.l.empreinte.de.sommieres.sur.les.familles.
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